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Lundi 6 janvier 2025, SMART BOURSE reçoit Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain)

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00:00Le dernier quart d'heure de Smartboard, chaque lundi, c'est notre quart d'heure américain,
00:08notre rendez-vous hebdomadaire pour décrypter les enjeux, l'actualité économique et politique
00:14en provenance des Etats-Unis avec Pierre-Yves Dugas, notre correspondant américain fidèle
00:18au Poste.
00:19Bonsoir Pierre-Yves, ravi de vous retrouver, tous mes meilleurs voeux pour cette année
00:222025.
00:23On va beaucoup parler de Donald Trump, alors peut-être prenons quelques minutes avant
00:27cela pour parler de Jimmy Carter, un autre président américain.
00:32Pierre-Yves, on est en pleine période de funérailles nationales aux Etats-Unis qui
00:39se déroulent pendant plusieurs jours, le jour des funérailles sera ce jeudi je crois
00:42et d'ailleurs la bourse américaine restera fermée pour ce jour particulier.
00:45Absolument, à partir de demain, sous le dôme du capital, une fois qu'on aura un peu enlevé
00:50la neige qui est en train de s'accumuler dans les rues de Washington, le cercueil de
00:57Jimmy Carter sera exposé et des milliers d'Américains pourront venir se recueillir.
01:02Je pensais que c'était intéressant de rendre à Jimmy ce qui appartient à Jimmy.
01:09Aux Etats-Unis, bien entendu, on parle beaucoup plus de la disparition de l'ancien président
01:15qu'en Europe et qu'en France, mais il y a un thème sur lequel je pense qu'on a mal apprécié
01:23l'importance de l'oeuvre de Jimmy Carter. Oui, oui, c'est Pierre-Yves Dugas qui parle,
01:29ça vous surprend. Nous vivons tous dans un monde, nous les journalistes économiques et les gens
01:40qui s'intéressent à la finance et au marché boursier, nous vivons tous dans un monde qui a
01:45été en grande partie créé par des décisions difficiles, et j'ai même envie de dire des
01:51décisions qui se sont avérées suicidaires, de Jimmy Carter. Il est arrivé au pouvoir le 20 janvier
02:0277 et il a fait voter très rapidement un projet de réforme de la réserve fédérale qui a ouvert
02:10la porte à ce que l'on connaît aujourd'hui de la Fed moderne, qui a ouvert la porte à
02:17l'indépendance de la réserve fédérale. Il faut rappeler que sous le président Nixon et sous le
02:24président Johnson, les patrons de la Fed faisaient l'objet d'énormes pressions politiques. Il y a
02:32des anecdotes hallucinantes sur ce que Richard Nixon faisait à Arthur Burns, le patron de la
02:39Fed de l'époque, en faisant fuiter des fausses informations dans la presse selon lesquelles
02:43Arthur Burns demandait une augmentation de 50% de son salaire alors que par ailleurs il souhaitait
02:49que l'on gèle les salaires de tous les Américains. Tout ça pour faire en sorte que la réserve
02:57fédérale, avant les élections, baisse ses taux, appliquer une politique monétaire accommodante qui
03:03théoriquement était censée favoriser Richard Nixon. Jimmy Carter arrive et il instaure un système
03:09rapidement voté par le Congrès où le président du conseil des gouverneurs de la Fed est maintenant
03:17confirmé, doit être choisi par le président mais confirmé par le Sénat, où deux fois par an ce
03:23président du conseil des gouverneurs doit rendre compte de l'activité de la Fed et où l'exécutif
03:28américain n'intervient plus du tout pour dire à la Fed ce qu'il faut faire. C'est une réforme
03:36monumentale qui a été copiée d'ailleurs dans le monde entier, ensuite en particulier par la Banque
03:40centrale européenne. Autre réforme importante, il a nommé en août 79 Paul Volcker qui était
03:50alors patron de la Fed de New York mais qui avait fait ses preuves comme staffer à la Fed à Washington.
03:57Paul Volcker, Jimmy Carter ne sait pas si c'est un républicain ou si c'est un démocrate, simplement
04:04Jimmy Carter est asphyxié par la stagflation et ils ont absolument besoin de trouver quelqu'un de
04:11crédible qui remonte la crédibilité de la Fed et qui s'attaque au problème de l'inflation, pas
04:15simplement de l'inflation mais au problème des anticipations inflationnistes et c'est ce que va
04:20faire de manière magistrale et violente Paul Volcker et nous vivons tous aujourd'hui dans une ère qui a
04:27été celle de l'indépendance de la Fed et celle du retour de la crédibilité de la Banque centrale
04:32américaine comme instrument de combat des anticipations inflationnistes et je pense que
04:38c'est une chose remarquable qui n'a pas été assez souvent soulignée. Paul Volcker qui a fait
04:45grimper le taux des Fed Funds pratiquement jusqu'à 20% en 81, ils étaient partis au moment de sa
04:56nomination en août 79 un petit peu en dessous de 10%. Créer une massive récession pour casser
05:04les anticipations inflationnistes, personne ne l'a oublié même aujourd'hui. C'était d'ailleurs une des
05:09grandes références de Jérôme Poel au début de l'épisode inflationniste, il citait souvent l'exemple
05:15d'Arthur Burns justement le prédécesseur de Volcker en disant quasi explicitement je ne veux pas être
05:22l'Arthur Burns des années 2022-2024. Prendre le risque de laisser refiler l'inflation et ensuite
05:31pousser le successeur à monter les taux jusqu'à quasiment 20% comme vous le rappelez 20% de taux
05:36d'intérêt pour la Fed dans les années 80. Donald Trump est-il déjà à la manœuvre dans
05:44quelle mesure ? Pierre-Yves, on en parlait là aussi avec vous, c'est vrai que la présence de
05:49Donald Trump sur la scène politique américaine n'est plus à démontrer, sur la scène politique
05:53internationale également, il a reçu Georgia Lemoyne ce week-end, il était bien sûr à Paris
05:58pour l'inauguration de Notre-Dame. Est-ce qu'il est déjà en train de consommer ses marges de manœuvre
06:03là Donald Trump ? Il est en train de prouver qu'il peut exercer une forte pression sur les nouveaux
06:13élus du congrès pour obtenir que ses priorités soient rapidement mises en oeuvre par des projets
06:21de loi qui, espère-t-il, seront votés au printemps. Le New York Times, il y a longtemps que je n'avais
06:29pas dit du mal du New York Times, ça vous manquait, se réjouissait presque explicitement de la
06:37perspective de multiples tours de vote pour choisir le Speaker de la Chambre des représentants.
06:43Ah ben non, il a été élu au premier tour, Mike Johnson, pourquoi ? Parce que Donald Trump a
06:49téléphoné aux quelques républicains récalcitrants, et il y en a parce que la majorité républicaine
06:54est très étroite, cinq voix seulement à la Chambre, pour leur demander de rentrer dans le rang.
06:59Est-ce que cela veut dire qu'il va obtenir une discipline de vote sur toutes ses priorités à
07:05la Chambre ? Non, mais il vient de préciser dans une interview à la radio qu'il lui importait peu
07:13que l'option préférée par le Sénat, qui serait l'adoption de deux grands projets de loi, ou
07:18l'option préférée par la Chambre des représentants, qui serait l'adoption d'un seul grand projet de
07:23loi contenant toutes ses priorités, soit choisie, l'important c'est qu'on aille vite. Quelles sont
07:29les priorités de Donald Trump ? Chose qu'il veut faire adopter rapidement, avant le mois de mai.
07:34Réforme du régime de l'immigration illégale, reconduction des réductions d'impôts qui avaient
07:42été votées en 2017 et qui vont expirer cette année. Ce sont ses deux grandes priorités. Levé de tous
07:50les obstacles à l'exploitation des hydrocarbures, troisième point important, et à partir de là,
07:57d'autres possibilités qui sont, je dirais, moins importantes, mais qui ont été quand même avancées
08:06sous forme de promesses et qui ont aidé Donald Trump à gagner, notamment dans le Nevada. La
08:17détaxation des pourboires par exemple, qui risque de coûter cher au budget, et peut-être aussi la
08:23centaurisation des dépenses militaires. Voici les choses qui comptent et Donald Trump, avec son
08:31nouvel ami Elon Musk, est en train d'exercer une forte pression sur un noyau républicain ultra
08:40conservateur qui n'est pas satisfait des intentions dispendieuses, dirait-on à Québec, de Donald Trump.
08:48Oui, Québec, effectivement. D'ailleurs, comment vous regardez ce qui s'est passé aujourd'hui, Pierre ?
08:55C'est ce qu'on se disait un petit peu avec les invités juste avant, c'est la première grosse séance de
09:00l'année. On a le Washington Post qui nous sort une information de source, évidemment, nous indiquant
09:09que la politique tarifaire de Donald Trump sera beaucoup plus diluée que ce qu'on imagine, pas
09:13d'universalisme sur les tarifs, mais des tarifs ciblés sur les secteurs stratégiques. Quelques
09:18heures après, sur un réseau social X ou Y, Donald Trump dément les informations du Washington Post.
09:24Est-ce que c'est une forme de répétition de ce qu'on va avoir tout au long des premiers jours,
09:27au moins, voire premiers mois de la mandature Trump ? C'est possible. Alors, Donald Trump a
09:33démenti en disant que cet article est faux. Alors, de toutes choses, le Washington Post raconte
09:41n'importe quoi, ce qui n'est pas totalement exclure dans l'ambiance actuelle qui règne à Washington,
09:46ou bien ils l'ont sourcé de manière anonyme, mais auprès de gens qui ne compteront pas vraiment dans
09:52la décision. On sait de toute façon qu'il n'y a qu'une seule personne qui décide, c'est Donald
09:56Trump et qu'il est capable de changer d'avis en cinq minutes. Peut-être était-ce un ballon d'essai
10:00avancé par M. Besson, qui sera, s'il est confirmé par le Sénat, le secrétaire au Trésor, pour
10:07montrer qu'il ne fallait pas prendre nécessairement au pied de la lettre toutes ces menaces de
10:12relèvements massifs de droits de douane. Et le fait que le marché des actions ait réagi favorablement
10:20est certainement un argument qui pourra être utilisé par des gens comme Scott Besson pour dire
10:24à Donald Trump, allons-y doucement sur les relèvements de tarifs. Mais je pensais que vous
10:30faisiez allusion à l'autre événement de la journée, qui est la démission de Justin Trudeau.
10:34Oui, on l'a appris effectivement il y a moins d'une heure maintenant.
10:37Un de plus qui est tué par le problème de l'immigration et le problème de l'inflation.
10:42La liste s'allonge tous les jours en Allemagne, peut-être au Royaume-Uni. En France, ça ne tient
10:49qu'à un fil. L'inflation est quelque chose qui fait très très mal et que les sociodémocrates
10:57ont probablement sous-estimé. J'emploie le terme sociodémocrate non pas en tant que parti,
11:05mais en tant qu'orientation politique générale. Jimmy Carter a été largement tué par l'inflation,
11:11Joe Biden aussi. Et pour les gens qui s'intéressent à la bourse et qui nous écoutent,
11:17n'oublions pas que l'inflation est le grand mal que nous devons tous combattre. Vous vous souvenez
11:24que dans les années 60, le Dow Jones n'a pratiquement rien fait. De 66 à 1982, il est
11:31autour de 800-900. Et si l'on tient compte de l'inflation, il a perdu près des trois quarts de
11:37sa valeur en fait au cours de cette période. Lorsque l'inflation donne des signes sérieux
11:42d'affaiblissement à partir du début des années 80, d'ailleurs 1982, le marché s'envole. C'est
11:47vrai pour la bourse et c'est vrai pour les gouvernants en place qui, s'ils ne sont pas
11:53capables de maîtriser l'inflation, perdent rapidement leur job.

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