Jeudi 7 novembre 2024, SMART BOURSE reçoit Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain)
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00:00Et nous enchaînons à présent avec le dernier quart d'heure de Smartbourse, un quart d'heure
00:07américain pour revenir sur la séquence des élections présidentielles aux Etats-Unis.
00:12Pour en parler, nous avons le plaisir d'être en duplex avec le correspondant américain
00:16de Smartbourse depuis Washington, Pierre-Yves Dugas.
00:18Bonjour Pierre-Yves Dugas.
00:19Bonjour Nicolas.
00:20Merci d'être avec nous aujourd'hui, on va revenir sans surprise sur cette victoire
00:26de Donald Trump à l'élection présidentielle.
00:30Pierre-Yves Dugas, comment est-ce que vous analysez la séquence depuis Washington ?
00:34Oui, tout a changé.
00:36Tout a changé et dans une proportion qui n'était anticipée certainement pas par les
00:43instituts de sondage et certainement pas par le Parti démocrate et certainement pas par
00:48la presse qui, nous en avons souvent parlé au cours des semaines et du mois précédent,
00:54est dans une étrange symbiose avec le narratif que lui présente systématiquement le Parti
00:59démocrate.
01:00Donc, énorme surprise et énorme changement.
01:04Ronald Reagan n'a jamais pu disposer d'autant de pouvoir, n'a jamais pu profiter d'un alignement
01:15de planète comme Donald Trump l'observe aujourd'hui.
01:21Les Républicains vont avoir la majorité au Sénat, une quinzaine probablement de sièges
01:27d'avance à la Chambre des représentants, donc une petite majorité mais tout de même
01:32une majorité à la Chambre des représentants.
01:34Ils vont être en position de proposer à un Sénat bienveillant des remplacements pour
01:41les membres les plus vieillissants et les plus conservateurs de l'accord suprême et ce point-là
01:47est très très important, pas simplement sur les questions sociétales comme l'avortement
01:53mais aussi en matière d'interprétation des lois fédérales et l'impact sur la vie économique,
02:02sur la vie des entreprises, sur le droit de la concurrence, sur l'autorité du Congrès
02:08pour réglementer en particulier les grandes entreprises des technologies.
02:11Une grande partie de toutes ces questions toujours se dénouent à la Cour suprême et
02:17si le changement que Donald Trump a promis de faire à la Cour suprême à mesure que
02:22partiront en retraite les magistrats les plus âgés, tout ça peut affecter l'environnement
02:30du business aux États-Unis pendant des décennies donc c'est extrêmement important et cela
02:35dépasse le cycle électoral.
02:37On va voir s'en aller Lisa Khan qui est une des personnes les plus détestées du monde
02:45des affaires aux États-Unis, qui dirige Federal Trade Commission, une des agences
02:49de réglementation de la concurrence, ça va changer complètement le paysage de la concurrence
02:56pour le private equity en particulier, en matière de réglementation bancaire également,
03:03les choses donnent une énorme bouffée d'oxygène, ce qui nous explique qu'hier sur le marché
03:10américain, on a vu la capitalisation américaine grimper toute bourse confrontue de 1620 milliards
03:18de dollars donc bonne nouvelle pour les marchés d'action qui croient dur comme fer que la
03:24nouvelle administration Trump va réduire les impôts non seulement des sociétés mais
03:28aussi des particuliers, notamment en reconduisant les baisses d'impôts qui ont été votées
03:33en 2017 et qui arriveraient à expiration l'an prochain, mais aussi adopter une politique
03:41pro-business, ce qui n'était pas le cas sous l'administration Biden.
03:45Si je comprends bien ce que vous nous décrivez, c'est donc un président américain Donald
03:51Trump avec les coudées franches pour appliquer un programme économique, vous nous l'avez
03:55dit, ça change beaucoup de choses, vous avez même utilisé le terme de décennie à venir,
03:59concrètement, économiquement, que ce soit aux États-Unis ou dans le reste du monde,
04:03quels sont les impacts à attendre Pierre-Yves Dugas ?
04:06Écoutez, la vie politique française ne tient qu'à un fil, le président de la République
04:14en France ne contrôle pratiquement plus rien et le chef du gouvernement non plus.
04:20En Allemagne c'est la crise totale, en Espagne ça n'est pas brillant, en Italie c'est plutôt
04:26fragile, même pour sortir de l'Union Européenne au Royaume-Uni, le nouveau gouvernement britannique
04:32a beaucoup de difficultés à faire adopter des mesures difficiles pour lesquelles le
04:36parti travailliste n'est pas prêt, au Japon la coalition branle dans le manche, aux États-Unis,
04:45le nouveau président qui sera élu mi-décembre et ne prendra ses fonctions que vers le 20
04:50janvier, le nouveau président va bénéficier d'une marge qui fait de lui plus que jamais
04:56the big boss au sein du G7, c'est un truc qui me rappelle les années Reagan mais bien
05:06au-delà des années Reagan puisqu'une fois de plus, rappelons-le, Ronald Reagan avait
05:10bénéficié d'un retour d'une majorité républicaine au Sénat mais a dû lutter
05:16avec une chambre des représentants qui était encore contrôlée par le parti démocrate,
05:20ça n'est plus le cas aujourd'hui.
05:21Alors attention, Donald Trump est brouillon, Donald Trump est coléreux, Donald Trump
05:29est irascible, Donald Trump est capable de changer d'avis du tout au tout et Donald
05:34Trump a fait énormément de promesses qui vont être fiscalement extrêmement difficiles
05:37à tenir, défiscaliser les revenus des retraités de social security coûte une fortune, le
05:47marché obligataire est assez mal disposé à l'égard de cette nouvelle administration
05:52Trump, donc il y a beaucoup de pièges dans lesquels les républicains peuvent tomber,
05:56républicains qui ne sont pas totalement unis, si avec une quinzaine de sièges d'avance
06:02à la chambre des représentants ils peuvent faire passer des choses, il faut qu'ils
06:05le fassent assez vite, non pas en 100 jours, ce chiffre de 100 jours n'a aucun sens,
06:12même si Donald Trump est mieux préparé qu'il ne l'était il y a 8 ans pour exercer
06:16le pouvoir, mais il faut qu'en 1 an il ait pu présenter des choses concrètes aux électeurs
06:21américains.
06:22Quant à l'impact sur le reste de la planète, on voit déjà une grande fraternité entre
06:29Donald Trump et le président argentin qui va rendre visite à Donald Trump avant que
06:36ce dernier ne prête serment et les intentions d'Elon Musk en matière de réduction de
06:41coûts.
06:42Si vraiment on se lance dans cette institution virtuelle que l'on a déjà baptisée Doggy,
06:51Department of Government Efficiency, le département d'efficience du gouvernement, est-ce que
07:00les républicains auront le courage de tailler dans le vif, dans les effectifs de la fonction
07:06publique fédérale, de supprimer des agences fédérales, tout ça peut donner un exemple
07:11à des populistes en Europe et faire souffler un vent, votre invité parlait du vent de
07:19ouest, un vent qui va donner beaucoup d'idées à des Le Pen et à d'autres populistes potentielles
07:25ailleurs en Europe ?
07:26Est-ce que vu de là où vous êtes, il existe quand même un certain nombre de garde-fous
07:33potentiels pour l'application du programme de Donald Trump aujourd'hui ?
07:39Alors certainement, outre le caractère irascible et inconstant que Donald Trump a montré dans
07:48le passé, il y a le fait que la presse le déteste et qu'elle va tout faire pour obtenir
07:54des informations de nature embarrassante dans ce grand débat qui va se lancer et tout ce
08:01qui pourra fuiter de la part d'une administration fédérale permanente et qui pourrait embarrasser
08:08le nouveau pouvoir et la nouvelle administration sous son angle politique, nous le retrouverons
08:13dans le Washington Post et dans le New York Times et dans d'autres publications qui vont
08:17tout faire pour empêcher Donald Trump d'aller aussi loin qu'il l'a promis.
08:22Premier point donc, la presse.
08:25Le monde universitaire le déteste toujours, les médias en général, les télévisions
08:30au-delà des grands journaux ne l'aiment pas beaucoup.
08:32Ça fait beaucoup de monde qui cherchera à délégitimer ce que Donald Trump appelle
08:41son mandat, c'est-à-dire sa mission pour aller très très loin dans le grand changement,
08:47dans le grand bouleversement populiste qu'il entend imposer aux Etats-Unis.
08:52En matière de relations commerciales, nous n'en avons pas encore parlé mais c'est
08:57essentiel.
08:58Les Etats-Unis étant en position de force pour exiger des concessions commerciales des
09:03Européens compte tenu de la dépendance de l'Union Européenne à l'égard des exportations,
09:07la négociation va être compliquée, les Européens sont divisés entre eux, les Européens
09:13sont affaiblis sur les questions commerciales et ils ont besoin du parapluie militaire américain.
09:18Donald Trump est parfaitement conscient de la diversité des cartes qu'il peut jouer
09:23et qui sont dans sa main et il ne va pas hésiter à en nuser face à une Europe qui
09:28malheureusement pour le moment n'est pas en mesure de riposter aussi fort qu'elle
09:35pourrait en rêver dans le cadre d'un scénario de guerre commerciale.
09:39Ce que vous nous dites, si je comprends bien Pierre-Yves Dugas, c'est que le seul à
09:44avoir des cartes en main dans une discussion entre l'Europe et les Etats-Unis, c'est
09:48Donald Trump.
09:49Aujourd'hui l'Europe n'a pas de cartes à jouer.
09:52Elle a des cartes à jouer mais il faudrait que l'Allemagne et la France et l'Italie
09:59soient sur la même longueur d'onde.
10:00Il faudrait que les mandats de négociation donnés aux membres de la Commission européenne
10:07en matière commerciale soient des mandats qui soient solides, qui ne soient pas vagues
10:12et qu'on puisse aller loin et qu'on soit crédible dans les ripostes aux éventuels
10:18droits de douane que l'Europe pourrait présenter.
10:21Il ne s'agit plus de petites escarmouches sur le cognac, le champagne.
10:26Il s'agit d'éviter que l'Europe soit victime de l'imposition de droits de douane
10:34potentiellement punitifs de 10 à 20% parce que l'objectif de Donald Trump, et on peut
10:40compter sur Bob Lighthizer qui a été son grand conseiller et qui l'est toujours en
10:49matière commerciale et qui connaît très bien les Européens et très bien le fonctionnement,
10:54pour se débarrasser une fois pour toutes des lourdeurs de l'OMC et exiger, quitte à
11:00négocier one to one pour diviser les Européens, à extorquer des concessions à un pays en
11:10en menaçant un autre. L'Europe est très divisée dans ce climat-là et très affaiblie et Donald
11:18Trump est très conscient de la puissance des cartes dont il dispose. Cela dit, je le répète,
11:24il est capable de faire tomber ses cartes d'un coup de colère, il est capable de mal jouer
11:28les choses et ne l'oublions pas. Il y a toujours une grosse crise internationale qui vient bouleverser
11:33les plans de n'importe quel président qui arrive à la Maison-Blanche. Cette crise peut venir de
11:37l'Iran, du Proche-Orient, de la Corée ou de l'Ukraine. Merci beaucoup Pierre-Yves Dugas,
11:43je rappelle que vous êtes le correspondant américain de Spartebourse. Merci pour votre
11:46présence dans ce quart d'heure américain, merci à vous également de nous avoir suivis et je vous
11:51dis à très vite sur Be Smart For Change.