• il y a 6 mois
Un bombardement israélien sur un campement de tentes de déplacés palestiniens a déclenché un incendie et fait 45 morts à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, ont déclaré lundi les autorités palestiniennes. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mardi-28-mai-2024-1034032

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00:00Grand entretien en forme de table ronde ce matin sur la situation à Gaza
00:04après plus de 230 jours de guerre et le bombardement dans la nuit de dimanche à lundi
00:09d'un camp de déplacés palestiniens à Rafah.
00:12Vos questions au 01-45-24-7000 et sur l'application de France Inter.
00:19Pour en parler au micro d'Inter, Rim Momtaz, géopolitologue, chercheuse
00:24à l'International Institute for Strategic Studies, spécialiste du Levant et de l'Europe.
00:31Denis Charby, professeur de sciences politiques à l'Open University of Israel à Tel Aviv.
00:38Et Vincent Lemire, historien, professeur à l'université Gustave Eiffel,
00:43auteur de la BD Histoire de Jérusalem aux éditions Les Arènes.
00:48Bonjour à tous les trois.
00:50Bonjour.
00:50Et merci d'être avec nous ce matin.
00:53Commençons par ce bombardement du camp de déplacés de Rafah.
00:58Le bilan, au moins 45 morts et 249 blessés, disait Pierre Rasky à l'instant,
01:06citant les chiffres du Hamas.
01:08Les images de cette attaque sont terribles.
01:11Est-ce un tournant, Vincent Lemire, dans cette guerre qui dure depuis près d'huit mois maintenant ?
01:20Non, ce n'est pas un tournant.
01:24On ne peut pas parler en permanence de tournant.
01:26Pour moi, c'est le contraire.
01:28C'est un aboutissement.
01:30C'est l'aboutissement inévitable d'une stratégie suicidaire qui mène Israël dans l'impasse.
01:38On l'a dit à ce micro dès le 8 octobre au matin, dès le dimanche 8 octobre.
01:42J'étais ici pour dire que le Hamas tendait un piège stratégique et moral au gouvernement israélien actuel.
01:50Donc c'est un aboutissement.
01:51C'était inévitable.
01:53Ce n'est pas non plus une erreur ou un incident, comme l'a dit Benjamin Netanyahou.
01:59Le terme israélien qu'il a utilisé, c'est plutôt dysfonctionnement, incident tragique.
02:04C'est un carnage.
02:0545 morts, des femmes et des enfants brûlés vifs dans leur tente où ils s'étaient réfugiés.
02:11On leur avait demandé de se réfugier.
02:13Plus d'un million de personnes ont quitté le sud de Rafah pour se rendre au nord de Rafah.
02:17C'était dans une zone sûre.
02:20Si on rentre un peu dans les détails, c'est dans le périmètre 23-71 qui est bien délimité à la fois par les Israéliens, par l'UNRWA et par les Palestiniens.
02:28C'était une zone considérée comme une zone de refuge pour les populations civiles.
02:34Ce n'est pas non plus un accident parce que c'était un tir délibéré.
02:37Pour le coup, Netanyahou lui-même l'a reconnu.
02:39Il visait deux terroristes du Hamas dont on a pratiquement appris l'existence à ce moment là.
02:46Ce ne sont pas des gens très, très connus, mais ils étaient ciblés.
02:49Donc ce n'est pas une erreur de tir.
02:50Ce n'est pas un tir qui n'a pas été au bon endroit aussi.
02:53On a assumé, pour viser deux membres du Hamas, de tuer plusieurs dizaines de femmes et d'enfants.
02:59Pourquoi dites-vous un aboutissement ?
03:01C'est un aboutissement parce que tout le monde avait prévenu, et le gouvernement israélien et l'armée israélienne depuis des semaines,
03:08Pierre Haski vient de le dire, qu'un assaut sur Rafah était impossible à mener.
03:14Et Netanyahou s'est enfermé dans cette impasse-là.
03:19Il y a eu des portes de sortie au moment de l'Iran, etc.
03:22Il y a eu des moments où il aurait pu, j'allais dire, prendre ses gains, signer ce fameux deal, faire libérer les otages, etc.
03:28Il n'a pas voulu.
03:30C'est un aboutissement inévitable.
03:31Donc c'est tout sauf un accident.
03:33C'est tout sauf une erreur tragique de mon point de vue.
03:36Vous êtes sur la même ligne, Rym Momtaz ?
03:40Non, ce n'est pas un tournant, absolument.
03:42Et je pense qu'il n'y aura pas de tournant en relation avec une attaque qui va tuer un certain nombre de civils.
03:49Ce n'est pas comme ça que ça se passe.
03:52Les tournants pourraient être l'élection aux Etats-Unis.
03:57Et cette possibilité que Biden puisse perdre, c'est la seule chose qui pourrait, à un moment, peut-être en octobre, mais aussi tard que ça,
04:08faire basculer l'administration américaine dans une vraie pression pour arrêter ces opérations.
04:15Il pourrait y avoir peut-être un moment de bascule dans la politique israélienne, mais ça ne va pas se jouer, malheureusement, sur le terrain de la guerre.
04:27Denis Charbi, votre lecture de ce drame de la nuit de dimanche à lundi ?
04:33Comme cette guerre se fait à mon nom, puisque je suis israélien et je me suis résigné à assumer cette position inconfortable en venant ici,
04:44il aurait été plus facile pour moi de rester chez moi ce matin.
04:47Mais c'est ma dette et c'est mon tribut dans cette guerre.
04:51Alors, effectivement, Nathaniel sortirait grandi s'il décidait de l'arrêter.
04:57Je tiens à remarquer qu'il y a eu, dans l'histoire du conflit israélo-palestinien, des occasions où, précisément après une bavure comme en 1996 à Cana,
05:09où Shimon Peres a arrêté, a stoppé net l'opération à Cana parce qu'un bombardement avait visé une école.
05:17Il a été remplacé par Netanyahou.
05:19Et il a été remplacé par Netanyahou, voilà.
05:21Et il ne le fera pas pour deux raisons.
05:25La première, c'est qu'il reste habité par la justesse et la justice et le fondement de cette opération, c'est-à-dire l'éradication du Hamas.
05:37Et que s'il s'arrête, il devra affronter, pas tellement les électeurs israéliens que la population israélienne dans son ensemble, avec deux échecs.
05:49L'échec du 7 octobre, l'opombre du 7 octobre, et l'échec à avoir ramené une victoire, c'est-à-dire éliminer le Hamas.
06:01Tout le monde, en dehors d'Israël, lui disait que c'était impossible.
06:05Moi, ce qui me pèse aujourd'hui, ce qui me chagrine aujourd'hui, c'est que, vivant en Israël depuis 50 ans,
06:12j'ai toujours connu des Israéliens animés de la justice, de la cause israélienne, mais qui, lorsque les choses se dégradaient,
06:22comme aujourd'hui, se déchiraient, se divisaient, exposaient devant le monde entier leur division,
06:32parce que la manière dont la guerre est menée est injuste ou parce qu'elle conduit à des résultats aussi tragiques.
06:38Et ça, vous ne le voyez pas.
06:39Je ne le vois pas, et c'est là que je comprends, et je ne porte pas de jugement de valeur,
06:44mais c'est là que je comprends à quel point ma société est encore tétanisée par le 7 octobre.
06:51C'est ça qui paralyse en elle cette capacité de dire trop c'est trop.
06:58Rappelez-vous l'exemple majeur de Sabra et Chatila, où 400 000 Israéliens sortaient dans les rues,
07:04parce qu'à l'origine, il n'y avait pas un 7 octobre.
07:08Il y avait l'assassinat d'un ambassadeur à Paris, israélien à l'époque.
07:12Et alors que je sais même qu'il y a et qu'il reste encore un camp favorable à la réconciliation et à la paix,
07:21c'est comme s'ils trahissaient les otages, parce que tant que les otages sont encore maintenus là où ils sont,
07:28il leur apparaît immoral de pouvoir exprimer, en sortant dans les rues, pas dans leur fort intérieur,
07:37une compassion à l'égard de la tragédie qui est là-bas.
07:40C'est la question des otages, Rym Momtaz, qui est l'autre clé de voûte de ce conflit,
07:47quand on le regarde maintenant du côté de la société israélienne, comme vient de le faire Denis Charbi.
07:52Oui, c'est l'autre clé de voûte, mais le problème, c'est que tout ce que l'armée israélienne a fait depuis le 8 octobre
07:58n'a pas aidé ni à localiser les otages, ni à pouvoir en libérer,
08:03ni même à pouvoir, avant cette semaine, récupérer les corps des malheureux otages qui sont morts et qui sont à Gaza.
08:12En plus, la manière dont l'armée israélienne est en train de faire cette guerre
08:16est en train de mettre en danger la vie des otages qui sont encore retenus par le Hamas depuis maintenant 8 mois.
08:22Et c'est ça aussi la tragédie, c'est qu'il semble que la population israélienne n'arrive même pas à arriver à cette conclusion
08:30et à dire au gouvernement, en fait, la méthode depuis 8 mois ne fonctionne pas,
08:34il faut essayer une autre méthode pour au moins essayer de récupérer les otages,
08:38ceux qui sont encore vivants et ceux qui sont morts.
08:41Et vous, Vincent Lemire, comment lisez-vous la situation de la population israélienne qui est partagée, on le sait,
08:47entre la défiance à l'égard de Benyamin Netanyahou et le soutien à la guerre pour la libération des otages ?
08:54Oui, alors, elle est ambivalente cette question des otages parce qu'on sait en même temps que c'est en ce moment
08:59le seul sujet qui peut faire dissensus au sein de la population israélienne et Denis Charbit le sait bien.
09:05Et on sait aussi que seul un cessez-le-feu, très concrètement, si on atterrit comme l'a dit Rym Momtaz,
09:10seul un cessez-le-feu à la fois protégera les populations civiles de Gaza, permettra à l'aide humanitaire de revenir aux hôpitaux,
09:17de rouvrir et permettra la libération des otages.
09:20Je veux dire, là, il n'y a pas de contradiction morale.
09:23On a deux problèmes moraux gravissimes et une seule solution, le cessez-le-feu.
09:29Ceci étant, c'est vrai qu'on est le 237 octobre pour beaucoup d'israéliens encore, le 230ème jour de cette guerre.
09:39C'est une formule qui est beaucoup utilisée chez les israéliens.
09:43Le but de l'opération terroriste du Hamas du 7 octobre, c'était précisément d'aveugler et le gouvernement et l'opinion publique israélienne.
09:52Il y a Yuval Noah Harari dans Arrêt, il y a une dizaine de jours, qui comparait Netanyahou à Samson, ce personnage biblique enragé et aveuglé,
10:02et qui finirait par voir le temple au-dessus de lui s'écrouler sur sa tête, qui détruit sa propre maison.
10:11Je pense que beaucoup d'israéliens sont conscients du piège dans lequel ils sont tombés et ne savent pas comment en sortir.
10:19Pourtant, il faudrait un autre leader qui viendrait à la télévision et qui dirait
10:25« Nous sommes tombés dans le piège, nous pouvons encore nous sauver, nous pouvons encore récupérer une légitimité internationale dont nous avons besoin. »
10:32Je le redis toujours, Israël est un des rares états de la planète qui ne peut pas se passer entièrement de la légitimité internationale.
10:39Ce n'est pas la Russie.
10:40Mais ça, il faudrait quelqu'un d'autre que Netanyahou, ça finira bien par arriver, mais on n'en est pas encore là.
10:45Un mot de réaction, Denis Charbi, avant qu'on en vienne au contexte international.
10:50Le risque pour Netanyahou, c'est de se retrouver avec un cessez-le-feu qu'on lui imposerait, sans la libération des otages.
10:57Aujourd'hui, il peut tout perdre, effectivement.
11:00Un cessez-le-feu sans les otages, c'est possible.
11:02Et la deuxième chose, vous savez, les israéliens se sont indignés la semaine dernière du rapprochement qu'on a fait entre Sinoir et Netanyahou.
11:10Je dirais que ce rapprochement est un peu moins infondé aujourd'hui qu'il n'était hier.
11:15Un peu moins infondé ?
11:16Infondé, oui.
11:18Parce que précisément, Netanyahou est tellement obsédé dans la justesse de la cause qu'il mène, en ne considérant plus la manière dont la guerre est menée.
11:32En même temps que Sinoir est lui aussi habité par sa cause, étant piège après piège Israël devant cette situation-là, qui fait qu'aujourd'hui Israël est isolé sur la scène internationale.
11:45Alors, je donne l'arrière-plan de vos propos, Denis Charbi.
11:49C'est lundi dernier, le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, qui a réclamé des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son ministre de la Défense.
12:00Et donc trois dirigeants du Hamas pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis dans la bande de Gaza et en Israël.
12:06La décision a suscité de vives réactions, notamment à cause de la symétrie qu'elle instaure entre Israël et le Hamas, entre l'agressé et l'agresseur.
12:16Critique également sur le calendrier, le tempo de cette annonce.
12:21Symétrie, tempo, fond de la position du procureur.
12:24Quelle est votre analyse, Rym Momtaz ?
12:28Je ne pense pas qu'ils ont voulu faire une symétrie.
12:31Je pense que, vous savez, quand on écrit ce genre de chef d'inculpation, il y a des formules qui sont bien établies, qu'il faut respecter.
12:43C'est ce que le procureur a essayé de faire.
12:45Il divise les deux.
12:48Les chefs d'inculpation ne sont pas les mêmes.
12:51Ils ne sont pas accusés des mêmes choses.
12:54Et donc, c'est une vraie séparation.
12:57Après, il y a un conflit en cours qui oppose les deux en même temps.
13:03Avec une attaque terroriste le 7 octobre qui commence.
13:06Et depuis le 7 octobre, 8 mois de carnage à Gaza.
13:11Avec, je comprends très bien, le traumatisme que le 7 octobre a été pour la population israélienne.
13:198 mois de guerre féroce à Gaza.
13:22Et aussi un traumatisme énorme pour les populations palestiniennes de Gaza.
13:27Et donc, la justice internationale se doit d'essayer d'être juste.
13:32Et de traiter toutes les victimes de la même manière.
13:37Et cette symétrie ne vous a pas choqué, Denis Charbi ?
13:39Oui, elle m'a choqué dans la mesure où j'aurais préféré qu'il y ait une déclaration puis la même.
13:44En gardant le même contenu et le même style.
13:47Effectivement, la différence de chef d'accusation, le fait de les...
13:50Une déclaration pour Israël.
13:51Et juste après, une déclaration pour le Hamas ou vice-versa.
13:55Mais voilà, c'est presque, je dirais, une exigence presque esthétique.
14:00Éthique également.
14:02Mais le fond, effectivement, c'est qu'on doit plaider pour toutes les victimes.
14:06Et à cet égard, à bien des égards, je dirais que nous l'avons mérité.
14:12Vincent Lemire ?
14:14Mais je...
14:16J'entends comme tous les auditeurs et comme vous, Nicolas Demorand, ce que vient de dire Denis Charbide.
14:20Nous l'avons mérité.
14:22Je trouve que c'est une déclaration d'un grand courage.
14:26Voilà, il y a des Israéliens qui se haussent au moment historique dans lequel on est.
14:33Et face également au risque existentiel immédiat qui pèse aujourd'hui sur les populations civiles palestiniennes de Gaza.
14:40Mais aussi au risque existentiel qui pèse aujourd'hui sur Israël.
14:44Et l'ancien ambassadeur Elie Barnavi aussi est quelqu'un qui est capable d'avoir ce genre de courage.
14:51Non, il n'y a pas eu d'équivalence entre eux.
14:53Il y a trois mandats contre le Hamas.
14:56Les chefs d'inculpation, effectivement, ne sont pas les mêmes.
14:58On parle d'actes de torture pour Sinouar Haniyeh, Mohamed Def.
15:03Ce n'est pas le cas pour Yoav Galante et pour Netanyahou.
15:06Je crois qu'au contraire, Karim Khan a voulu...
15:09Il n'a pas voulu seulement délivrer des mandats d'arrêt internationaux contre les responsables israéliens.
15:16Mais aussi, en même temps, contre le Hamas.
15:19Je crois que de ce point de vue-là, il est un petit peu piégé par une stratégie qu'il a voulu, au contraire, d'apaisement.
15:25Ce qui s'est passé aujourd'hui, si on veut rassembler tout ça, c'est un défi.
15:30C'est un crachat à la figure des juges de la Cour pénale internationale, de Karim Khan et de la Cour internationale de justice.
15:37Il faut rappeler que Netanyahou, il y a quelques jours, a dit, on lui a dit, vous êtes inquiet, vous n'allez plus pouvoir voyager.
15:42Il a dit non, non, moi, je ne suis pas inquiet.
15:44C'est Karim Khan, le procureur de la CPI, qui devrait être inquiet.
15:47Vous vous rendez compte, ce genre de déclaration, ça s'appelle des menaces.
15:50Ça s'appelle des méthodes mafieuses.
15:52Il n'y a pas d'autre.
15:54Et c'est de la part d'un chef de gouvernement.
15:57Ce n'est pas un militant d'extrême droite dans la rue qui gesticule.
16:03Moi, je pense qu'on est vraiment à l'heure de vérité.
16:07Cette région, ce conflit israélo-palestinien, ça a été le berceau du droit international.
16:11Pour le meilleur et pour le pire.
16:13La Société des Nations en 1920, qui confie un mandat à la Grande-Bretagne.
16:16L'ONU en 1947, qui au moment de sa création, fait ce plan de partage.
16:20Ça a été le berceau du droit international.
16:23Ça risque de devenir aujourd'hui son tombeau.
16:25Parce que le deux poids deux mesures, avec l'Ukraine, avec...
16:29Poutine se frotte les mains.
16:31Poutine, Netanyahou, les leaders chinois.
16:34Peut-être qu'on est en train d'assister.
16:36Eux font le pari qu'on est entrés dans le règne de la force et dans la loi de la jungle.
16:41Ça n'est pas écrit.
16:43On doit tenir bon, absolument.
16:45Et moi, je pense que la séquence dans laquelle on est.
16:47Cour internationale de justice.
16:49Cour pénale internationale.
16:50Reconnaissance de l'état de Palestine par trois états européens.
16:54C'est un moment qui peut amener de l'apaisement.
16:57On sait bien que la justice peut être un moment où...
17:00Effectivement, elle est dure à entendre pour tous les acteurs.
17:04Mais elle peut être le lieu d'un apaisement et le moment d'un apaisement.
17:09Espagne, Irlande, Norvège ont annoncé reconnaître l'état palestinien.
17:13La France doit-elle le faire, selon vous ?
17:17Je pense que ce n'est pas à moi de donner ce genre de conseils.
17:21Par contre, l'importance de ce que la Norvège, l'Irlande et l'Espagne sont en train de faire.
17:28Il faut la souligner.
17:30Pourquoi est-ce qu'ils en sont arrivés là ?
17:33Parce que ça fait des décennies qu'on essaye d'arriver à une solution des deux états.
17:41À établir un état palestinien à travers des négociations.
17:45Et ça ne marche pas.
17:46À un moment, il y a eu un manque de bonne volonté du côté palestinien.
17:49Mais il y a aussi, depuis des décennies, une politique délibérée de la part de gouvernements israéliens successifs.
17:56De créer des faits sur le terrain pour faire en sorte qu'un état palestinien viable ne puisse pas exister.
18:03La démarche de reconnaître un état palestinien essaie de stopper juridiquement la continuation de l'étendue des colonies en Cisjordanie.
18:16Qui ont transformé la Cisjordanie en gruyère de colonies.
18:19Et donc c'est impossible que les palestiniens aient un état viable avec une continuité territoriale.
18:25Votre position sur ce que devrait être ou pourrait être la position française, Denis Charbi ?
18:31Bernard Guetta, le numéro 2 de la liste macroniste aux élections européennes, s'est dit favorable à cette reconnaissance d'un état de Palestine.
18:38Afin, je le cite, d'obliger les dirigeants israéliens et palestiniens à une reprise des négociations.
18:45Alors voilà, c'est exactement ça. Je suis sur le principe favorable à la reconnaissance d'un état de Palestine.
18:51Mais il faut s'en servir comme d'un levier diplomatique.
18:54C'est-à-dire, là, on sent bien que les Espagnols, les Irlandais, les Norvégiens l'ont fait par instinct, par frustration.
19:03De voir que leur revendication, ça leur permet d'être en cohérence avec leur électorat et leur propre ligne politique.
19:09Mais il faut s'en servir d'un levier.
19:11Je pense que, et je souscris totalement au propos de Vincent Lemire, il faut marcher avec les deux, l'un à côté de l'autre.
19:19J'aurais souhaité, par exemple, j'aurais préféré, et ce sera peut-être d'ailleurs le cas de la France,
19:23qu'elle conditionne la reconnaissance par, par exemple, la libération des otages.
19:29C'est-à-dire, on ne peut plus s'adresser aujourd'hui uniquement aux Israéliens ou uniquement aux Palestiniens.
19:35Il faut s'adresser aux deux en même temps.
19:37Du coup, l'expression me semble tout à fait justifiée quand on parle d'un conflit avec sa durée, avec les frustrations.
19:42Vous avez noté avec raison, depuis 2015, ce sont les Israéliens qui refusent la négociation.
19:49Et ce n'était pas des gouvernements successifs, c'était des gouvernements successifs dirigés par Benjamin Netanyahou.
19:54En revanche, dans l'esprit des Israéliens, le refus de Camp David reste dans toutes les mémoires.
20:00Donc, c'est là où il faut ne pas faire une diplomatie de l'émotion, ce qu'ont fait les Espagnols,
20:05mais une diplomatie qui rassure les Palestiniens qui ont besoin d'être rassurés sur l'objectif.
20:11Ce n'est pas qu'on laisse ça vague, mais qui rassure les Israéliens qui, effectivement, dans l'isolement, sont comme étourdis.
20:17On passe au Standard Inter, on nous attend Paul.
20:20Paul, bonjour, vous nous appelez de Paris, soyez le bienvenu.
20:23Merci, bonjour.
20:25Voilà, Netanyahou est fortement critiqué et tout le monde met en cause sa stratégie.
20:31Je voulais savoir, moi, quelle aurait pu être l'autre stratégie de Netanyahou ?
20:36Merci, merci.
20:38Oui, si la stratégie de Netanyahou est mauvaise, quelle stratégie aurait été bonne ?
20:44Allez-y, Vincent Lemire.
20:46C'était un moment, le 7 octobre, c'était un moment pour les grands leaders.
20:51Et Netanyahou aurait pu, encore une fois, s'adresser à son peuple en lui disant
20:55« Le Hamas nous tend un piège, nous ne tomberons pas dans ce piège.
20:58Nous avons, aujourd'hui, samedi 7 octobre, le soutien de toute la communauté internationale.
21:03Et nous allons construire avec eux une stratégie commune, collective, transversale
21:10pour corneriser le Hamas et pour construire une solution politique et diplomatique.
21:16Il y avait une vraie stratégie.
21:18Netanyahou, je l'ai dit cent fois, c'est le meilleur des tacticiens, mais c'est le pire des stratéges.
21:23Il n'a pas de ligne stratégique pour son pays, sauf une politique suprémaciste de restauration.
21:31Il y a beaucoup de questions d'auditeurs sur l'application.
21:34L'une est pour vous, Vincent Lemire.
21:36Vous parlez d'un apaisement en reconnaissant l'État de Palestine, mais vous oubliez les Israéliens.
21:41Vous pensez que ça crée de l'apaisement chez les Israéliens pendant l'interrogation ?
21:45Encore une fois, le dimanche 8 octobre, je suis historien.
21:50Je suis là pour caler ce qui arrive et ce qui arrive d'abord aux Israéliens et aux Palestiniens dans le temps.
21:56J'ai dit que ce qui était arrivé le 7 octobre était sans précédent.
22:00J'ai comparé les 1200 morts civiles israéliens du 7 octobre, de l'attaque terroriste du 7 octobre.
22:06J'ai dit qu'à l'échelle de la France, ça ferait 10 000 morts.
22:09Maintenant, je suis obligé de dire que les 35 000 morts palestiniens à Gaza,
22:15ramenés à la population française, ça ferait un million de morts.
22:19Je suis obligé de dire que ce qui arrive est sans précédent dans l'histoire du conflit.
22:23Les gens qui nous écoutent se souviennent peut-être.
22:25La deuxième intifada, c'est le moment le plus meurtrier de l'histoire du conflit.
22:293 000 morts en 5 ans.
22:31Là, on a 10 fois plus de morts en 10 fois moins de temps sur un tiers seulement de la population palestinienne.
22:36On a un taux de mortalité 300 fois supérieur.
22:39La première intifada, 1000 morts.
22:42La guerre israélo-arabe de 1948-1949, moi-même je cherche des précédents.
22:485 000 morts palestiniens et 5 000 morts dans les armées arabes.
22:51Ce qui arrive est sans précédent.
22:54Ça n'est jamais arrivé.
22:55C'est aussi pour ça que les médias, vous avez raison France Inter de consacrer du temps à ce sujet.
23:00Mais oui, il faut qu'on arrive à l'apaisement.
23:02Et le seul moyen, j'ose pas prononcer le mot de paix,
23:06le seul moyen d'arriver à l'apaisement, c'est la justice.
23:09Et notamment la justice internationale.
23:12Comme nous faisons tous ici, et c'est important dans la complexité et la nuance,
23:16je voudrais quand même rappeler qu'un Hamas qui survit à cette guerre,
23:20c'est un Hamas qui torpillera tous les efforts de paix.
23:24C'est-à-dire qu'il faut bien comprendre, on est tous d'accord pour condamner la manière dont cette guerre est menée.
23:29Comprenons bien que l'échec d'Israël, c'est en partie, potentiellement, l'échec d'un futur processus de paix.
23:36Et un dernier mot pour vous.
23:38Je suis d'accord, mais le problème, c'est que depuis huit mois,
23:41la méthode de l'armée israélienne ne va pas éradiquer le Hamas.
23:46Et peut-être même que le Hamas va s'en sortir, au moins pendant une petite période, renforcée.
23:52Et c'est ça le vrai problème.
23:54Merci à tous les trois.
23:56Rym Momtaz, Denis Charbi et Vincent Lemire, Histoire de Jérusalem.
24:01Votre BD aux éditions Les Arènes.
24:04Denis Charbi avec Thomas Snégaroff.
24:07Je renvoie à la fois vers le podcast et le livre Israël-Palestine,
24:12« Anatomie d'un conflit ».
24:14Merci encore.

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