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Attaquée en 1941 par le IIIe Reich, l’URSS a sauvé son industrie militaire en la délocalisant loin des combats. Mobilisés dans les usines et dans les kolkhozes, les civils ont été durement mis à contribution. Ce documentaire dévoile une page méconnue de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale côté soviétique.

Le 22 juin 1941, Hitler déclenche l’opération Barbarossa contre l’Union soviétique. Les blindés du IIIe Reich envahissent rapidement tout l’ouest du pays. Ukraine, Biélorussie et bientôt les pays Baltes : les régions industrielles et agricoles les plus riches de l’URSS sont menacées. Immédiatement, Staline prend la mesure du désastre et ordonne de sauver tout ce qui peut l’être. Malgré la désorganisation qu’engendrent les combats, des centaines d’entreprises indispensables à la poursuite de l’effort de guerre sont démantelées, transportées sur de gigantesques convois ferroviaires, puis remontées loin du front, dans le Caucase, l’Oural ou en Sibérie. La main-d’œuvre – ingénieurs, ouvriers – fait partie du voyage. Pendant quatre ans, au prix d’immenses sacrifices, ils vont continuer à fournir les avions, tanks et munitions dont l’Armée rouge a besoin. Tandis que dans les kolkhozes femmes et vieillards s’échinent à récolter de quoi ravitailler le front.

Lourd tribut

Après Les nazis et l’argent, Gil Rabier retrace l’incroyable guerre économique menée par l’URSS entre 1941 et 1945 pour assurer le ravitaillement de ses troupes et la production d'armement. Installation dans des régions inhospitalières, cadences infernales, ravages de la famine : les citoyens soviétiques requis aux champs et dans les usines ont, eux aussi, payé un lourd tribut à la victoire contre le nazisme. Ils y ont cependant gagné une liberté d’initiative inédite qu’ils ne conserveront pas une fois le conflit gagné. Nourri de riches archives (extraits de films de fiction et d’actualité, affiches de propagande, rapports officiels), de témoignages d’époque d’observateurs (la poétesse Anna Akhmatova, le journaliste britannique Alexander Werth) et d’acteurs de cette immense mobilisation, ainsi que d’éclairages d’historiens, parmi lesquels Nicolas Werth et Richard Overy, ce documentaire fait revivre une page méconnue de l’histoire de la Grande Guerre patriotique.

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Transcription
00:00:00...
00:00:13Des usines sur des trains.
00:00:16...
00:00:17Le 22 juin 1941, l'URSS est attaquée par les armées du 3e Reich.
00:00:24...
00:00:26Des milliers de wagons chargés de machines et d'ouvriers filent vers l'est, loin des combats.
00:00:40L'invasion allemande, l'opération Barbarossa, joue sur la surprise et la vitesse.
00:00:46C'est la guerre éclair, le blitzkrieg.
00:00:52L'armée rouge est écrasée.
00:00:55L'Ukraine, la Biélorussie, les régions industrielles et agricoles les plus riches sont menacées par les troupes nazies.
00:01:07L'ouest du pays concentre une large partie de l'économie.
00:01:13L'Union soviétique joue sa survie.
00:01:15Comment espérer poursuivre le combat alors que les usines qui produisent des canons, des tanks et des munitions vont tomber aux mains de l'ennemi ?
00:01:29Staline prend une décision radicale et démesurée.
00:01:33Démonter, évacuer, réinstaller hors de portée des Allemands les industries de guerre.
00:01:42C'est un exploit et un mystère.
00:01:45Comment peut-on réussir, en quelques mois, à déménager des usines et des canons ?
00:01:51C'est un exploit et un mystère.
00:01:55Comment peut-on réussir, en quelques mois, à déménager des usines d'armement, des aciéries, des stocks de matières premières ?
00:02:03Comment toute l'économie de guerre de l'URSS peut-elle se reconstituer, se réorganiser et finir par produire plus d'armes que l'Allemagne ?
00:02:14C'est le peuple soviétique qui va sauver l'URSS.
00:02:18Les combattants au front, bien sûr, mais tout autant les travailleurs de l'arrière.
00:02:24Des ouvriers, des ingénieurs, des techniciens, des femmes, des hommes prennent la fuite avec leurs usines.
00:02:33Ils vont ouvrir plus à l'est du pays un autre front.
00:02:37Une armée de gens ordinaires qui, loin des combats, vont se battre dans les usines pour la victoire de leur pays.
00:02:48La guerre de l'URSS.
00:02:57Staline est surpris par l'offensive allemande.
00:03:00Mais il ne perd pas son sang-froid.
00:03:03Dès le lendemain de l'attaque, le 23 juin, il décide d'évacuer les industries vitales pour les mettre à l'abri.
00:03:11Personne. Aucun pays. Aucun pouvoir n'a encore déménagé toute son économie.
00:03:18Il faut sauver les composants de la guerre.
00:03:21La sidérurgie, la métallurgie, les ateliers d'assemblage de tanks et d'avions, les fabriques de munitions, les centrales électriques, les fabriques d'uniformes, les stocks de charbon, de minerais et de blé.
00:03:34Sous les coups de boutoir des armées allemandes, il faut trouver des trains, des camions, il faut démonter les usines, il faut transporter les ouvriers.
00:03:45Forcément, les soviétiques improvisent.
00:03:51Le front avance d'heure en heure.
00:03:54Le cœur économique de l'URSS va être occupé et détruit.
00:04:00Des pertes irréparables.
00:04:03Pays Baltes, Biélorussie et Ukraine abritent un tiers de la production industrielle, la moitié de la production agricole, les deux tiers de la production d'acier.
00:04:15La première usine qui doit partir est un laminoir d'acier blindé pour les tanks, situé à Mariupol en Ukraine.
00:04:25La décision est prise le 24 juin, deux jours après l'attaque allemande.
00:04:32Il faut aussi trouver des points de chute pour les usines.
00:04:35A Leningrad, une délégation de l'usine de chars du grand complexe Kirov est dépêchée en Ural, à la recherche d'un nouvel emplacement pour mettre ses ateliers à l'abri.
00:04:50Une fois encore, Moscou espère que l'immensité de son territoire lui permettra d'absorber la violence de l'attaque ennemie.
00:04:58L'opération Barbarossa était un choc pour les soviétiques.
00:05:01Ils ne savaient ni comment réagir, ni à quoi s'attendre.
00:05:04On leur disait que l'envahisseur fasciste était arrivé, qu'il devait faire quelque chose.
00:05:11Quand Staline a prononcé son discours à la radio le 3 juillet, c'était un appel à l'envahisseur fasciste.
00:05:17Il avait dit qu'il allait faire quelque chose.
00:05:19Quand Staline a prononcé son discours à la radio le 3 juillet, c'était un appel aux peuples soviétiques.
00:05:25Vous devez vous serrer les coudes, repousser l'envahisseur fasciste.
00:05:29Il les a appelés mes frères, mes soeurs.
00:05:33C'est une des seules fois où il s'adresse à son peuple en termes familiers.
00:05:37Les gens ont écouté ce discours partout dans le pays.
00:05:40Ils ont compris que c'était un combat dans lequel ils allaient devoir s'engager, qu'ils seraient tous concernés.
00:05:46Le projet national socialiste est prédateur.
00:05:50Le projet national-socialiste est prédateur et colonial.
00:06:17En franchissant la frontière, Hitler veut rafler tout ce qui lui manque en Allemagne.
00:06:23Des matières premières pour le Reich, du blé pour son peuple, des terres pour ses colons.
00:06:31Le projet nazi vise l'anéantissement des populations de l'Ukraine et de la Biélorussie.
00:06:38Les juifs seront exterminés, les slaves voués à l'esclavage ou à la famine.
00:06:45Minsk, Smolensk, Kiev, Kharkov.
00:06:51En trois mois, les Allemands s'emparent des principaux centres économiques.
00:06:56À chaque fois que les troupes nazies s'approchent d'une ville, les usines se replient.
00:07:02Des monstres industriels, indispensables à l'effort de guerre, prennent la route.
00:07:09Les usines sidérurgiques, les fabriques d'avions, de chars, de canons sont démantelées.
00:07:16Elles produisent jusqu'au dernier moment, puis les machines sont chargées sur des wagons.
00:07:23Pour une usine importante, il faut jusqu'à 10 000 wagons, répartis sur plusieurs centaines de convois ferroviaires.
00:07:32Les ouvriers partent souvent dans les mêmes trains.
00:07:44Ça engorge un système de transport qui doit aussi servir à l'apport des troupes, d'une part,
00:07:51et puis d'autre part, il y a l'idée, par exemple, pour l'évacuation de Kiev, ça s'est posé,
00:07:56jusqu'à quel point est-ce qu'on laisse des usines à Kiev pour participer à l'effort de guerre et à la défense de Kiev,
00:08:02et à partir de quand est-ce qu'on doit déménager ces usines pour protéger l'appareil productif.
00:08:06Et c'est vraiment dans ces micro-choix qui se jouent parfois à un jour près
00:08:10qu'a pu se dessiner le succès de l'opération.
00:08:16En charge de l'évacuation des usines, Lazar Kaganovich, commissaire au transport,
00:08:21écrit dans ses mémoires.
00:08:24C'était la panique. Il n'y avait pas de plan de mobilisation.
00:08:29Le calendrier ne prévoyait pas non plus les transports pour procéder à une évacuation d'une ampleur aussi incroyable
00:08:35et de manière aussi précipitée.
00:08:39Déjà en juillet 1941, on en était à 300 000 wagons mobilisés.
00:08:46Imaginez le point de départ, le moment où le directeur de l'usine dit
00:08:52« Arrêtez la production, commencez le démantèlement ».
00:08:57Le vent s'étouffait, le feu s'étouffait,
00:09:01et on se rendait compte qu'il n'y avait pas d'autre moyen d'évacuer les usines.
00:09:06On ne pouvait pas s'arrêter, on ne pouvait pas s'arrêter.
00:09:11On a commencé le démantèlement.
00:09:15Le bruit des coups de feu est déjà dans l'air à ce moment-là.
00:09:19Et ensuite, supposons qu'il y ait un train et des wagons
00:09:23et que les ouvriers commencent à mettre les machines sur les rails.
00:09:33La guerre pour l'URSS est une guerre de temps et d'espace.
00:09:37Son issue se joue au front, dans le sang et la fureur des combats.
00:09:42Son destin se joue aussi sur des rails.
00:09:46Les usines en fuite vont trouver refuge au sud, à l'est, au nord,
00:09:51dans les profondeurs de l'empire soviétique.
00:09:5422 millions de kilomètres carrés, le plus vaste pays du monde.
00:10:07Des ordres étaient donnés.
00:10:10Les gens se précipitaient pour commander des trains, des camions,
00:10:14pour tout embarquer, transporter et décharger quelque part au Kazakhstan ou en Sibérie.
00:10:20Les soviétiques ne s'attendaient pas à tout ça.
00:10:23Et qu'ils aient réussi à le faire est vraiment remarquable.
00:10:30Plusieurs choses pouvaient arriver en cours de route.
00:10:34Que les trains se mélangent, qu'ils soient mal aiguillés ou qu'ils se perdent,
00:10:39faute de plan de circulation.
00:10:50Il pouvait aussi arriver qu'un commissaire local,
00:10:53voyant la ligne de front se rapprocher, se dise
00:10:56« Ce train contient du carburant et des machines qui nous seraient bien utiles.
00:11:02Il n'y a pas de responsable mais nous en avons besoin maintenant. »
00:11:07Alors ils attaquaient ces trains et pillaient le matériel.
00:11:15Le déplacement des usines est une retraite anarchique
00:11:18qui repose sur le talent des soviétiques pour la débrouille et l'improvisation.
00:11:24Un vaste désordre que la propagande stalinienne passe sous silence.
00:11:29L'URSS est un pays invincible.
00:11:32Le héros soviétique meurt au front et ne recule jamais.
00:11:41De toutes les images que le pouvoir envoie à son peuple,
00:11:44seul le film de fiction « Les gens ordinaires » retrace l'évacuation des usines.
00:11:53Le scénario a été écrit en 1943 et le film tourné en 1944.
00:12:00Ce film raconte l'expérience que vivent alors des millions de soviétiques,
00:12:05transférés dans l'Ural ou en Sibérie avec leurs machines.
00:12:14C'est l'histoire du camarade Yeromin,
00:12:17le directeur de l'usine d'avions Tchkalov à Leningrad.
00:12:22Yeromin livre un dernier appareil de combat qui décolle aussitôt vers le front.
00:12:29Puis il évacue son usine en Asie centrale.
00:12:34Là-bas, il va reconstruire ses ateliers et relancer la production d'avions.
00:13:00Sauver les usines n'est qu'une première étape.
00:13:03Il faut réorganiser toute l'économie.
00:13:06Nikolaï Voznesenski, l'économiste favori de Staline,
00:13:10est en charge de cette mobilisation de l'industrie.
00:13:19Voznesenski est le directeur du Gospel de l'Union Européenne.
00:13:23Il s'occupe de l'économie.
00:13:27Voznesenski est le directeur du Gosplan,
00:13:30l'organisme d'État qui contrôle la planification de l'économie.
00:13:36Il convoque au Kremlin ingénieurs et techniciens.
00:13:44Sergeï Emelianov, ingénieur métallurgiste,
00:13:48assiste à l'une de ses réunions et note dans son journal.
00:13:53J'arrive au Kremlin. La réunion a déjà commencé.
00:13:58Voznesenski prend la parole.
00:14:01À partir de maintenant, le nickel est réservé pour la production de blindage,
00:14:06d'acier pour canon. Il faut 30 000 tonnes de nickel.
00:14:11Où pouvons-nous trouver le nickel manquant ?
00:14:14Vous êtes des spécialistes et des communistes.
00:14:17Dites-moi ce qu'il faut faire.
00:14:22Au cœur de ce pouvoir monolithique et centralisé,
00:14:26Voznesenski, le planificateur en chef, demande que faire.
00:14:31Il s'adresse directement aux ingénieurs,
00:14:34sans passer par les strates de la bureaucratie.
00:14:37Le ton du pouvoir a changé. L'urgence est là.
00:14:43Voznesenski resserre toute l'économie soviétique vers un seul but.
00:14:48La guerre.
00:14:52La guerre.
00:15:10Imaginez un fleuve puissant qui soudainement prend deux directions.
00:15:15D'un côté, il y avait la mobilisation.
00:15:19Immédiatement, des centaines de milliers de jeunes hommes ont été appelés et enrôlés dans les forces armées.
00:15:26Beaucoup d'entre eux venaient de la campagne.
00:15:30Parallèlement, les dirigeants savaient qu'ils devaient immédiatement augmenter la production d'armes.
00:15:50Dans tout le pays, les entreprises civiles ont cessé de fabriquer des machines à coudre, des bicyclettes, etc.
00:15:58Et elles se sont converties à la production de matériel de guerre.
00:16:03Donc il y a une augmentation immédiate des forces armées et une envolée de la production de guerre.
00:16:10Mais les autres secteurs de l'économie sont tout simplement abandonnés.
00:16:19La guerre.
00:16:40Les ordres pleuvent du sommet de l'État.
00:16:44Comme des milliers de directeurs d'usines, d'ingénieurs et d'ouvriers,
00:16:48Jérôme va se débrouiller sur le terrain pour accomplir des miracles.
00:17:06Les gens ordinaires portent bien son titre.
00:17:10Le film ne représente ni les hauts dignitaires du régime, ni les ouvriers modèles, ni les soldats héroïques.
00:17:24Le film montre que le déménagement des usines repose sur le peuple, sa volonté, sa capacité à survivre et ses talents d'improvisation.
00:17:41La guerre.
00:17:51Fin juillet 1941.
00:17:54En un mois, les troupes allemandes ont avancé de 300 kilomètres en terre soviétique.
00:17:59Le front s'étend désormais sur près de 1000 kilomètres des Pays-Baltes au nord, aux rives de la mer Noire au sud.
00:18:11La course contre la montre de l'évacuation se poursuit sous les obus de la Wehrmacht et les bombes de la Luft waffen.
00:18:20La guerre.
00:18:32Finalement, on arrive au bout de la ligne de chemin de fer, quelque part dans une région reculée, et là vous avez un site vierge.
00:18:39Un site sans logement pour les ouvriers, sans électricité.
00:18:44Souvent les travailleurs ne sont pas assez nombreux parce que certains ont dû quitter le train en route ou bien ils ont été enrôlés sur un autre chantier.
00:18:51Donc c'est une sorte d'industrialisation qui a dû se faire à partir de rien, sur un site quasiment vierge.
00:19:14...
00:19:36...
00:19:48Sur le terrain, l'évacuation devient un extraordinaire casse-tête.
00:19:53Chaque usine a son histoire.
00:19:57A la fin du mois d'août 1941, les ateliers de production de chars de l'usine Kirov, de Leningrad, ont enfin trouvé leur nouvel emplacement.
00:20:06Ils sont transférés vers Nizhny Tagil, à 500 kilomètres.
00:20:12En septembre 1941, le front menace une précieuse usine de locomotives, à Kharkov.
00:20:19Son seul point de chute possible est l'usine de Nizhny Tagil.
00:20:24L'usine Kirov doit donc reprendre la route.
00:20:28Elle se dirige cette fois vers Chelyabinsk, où elle fusionne avec une usine de tracteurs pour fabriquer des tanks.
00:20:43Les pluies d'automne commencent le 8 octobre.
00:20:47Les routes deviennent mauvaises.
00:20:55Début novembre, les Allemands s'approchent de Moscou.
00:21:00500 entreprises quittent la ville, et avec elle, presque la moitié de ses 4,5 millions d'habitants.
00:21:09Le 5 décembre, la Wehrmacht stoppe à quelques kilomètres du Kremlin.
00:21:18L'hiver commence.
00:21:21C'est la fin de l'année 1941.
00:21:24L'URSS ne s'est pas effondrée.
00:21:28L'usine Kirov a été détruite.
00:21:32L'année 1941, l'URSS ne s'est pas effondrée.
00:21:38L'armée rouge compte ses morts par centaines de milliers.
00:21:44La grande poétesse russe Anna Armatova a écrit...
00:21:50La vie est finie pour toi.
00:21:53Tu resteras dans la neige.
00:21:5528 coups de baïonnette, 5 balles de fusil.
00:21:59J'enregistre ce nouveau vêtement que j'ai cousu.
00:22:02Elle aime, elle aime le sang, notre terre russe.
00:22:17Après 6 mois de guerre éclair, le bilan humain est effroyable.
00:22:23Le bilan économique aussi.
00:22:27Les troupes hitlériennes règnent sur les territoires...
00:22:31qui fournissaient la moitié de la production d'acier...
00:22:34et la moitié de la production agricole.
00:22:38Emportés par les succès fulgurants du Blitzkrieg...
00:22:42les nazis ne voient pas que les soviétiques ont ouvert un autre front.
00:22:47220 usines se sont réinstallées dans le Caucase.
00:22:51660 en Ural.
00:22:53240 à l'ouest de la Sibérie.
00:22:56180 en Sibérie orientale.
00:22:59Et 300 usines au Kazakhstan et en Asie centrale.
00:23:04Les soviétiques ont réussi à évacuer plus de 1500 usines.
00:23:0813% de l'ensemble de la production industrielle du pays.
00:23:16Dans certains ateliers, la production a déjà redémarré.
00:23:21L'armée rouge commence à recevoir les tanks, les avions...
00:23:25les canons et les munitions qu'elle réclame.
00:23:36Le schéma de la production d'armement pendant la guerre est très impressionnant.
00:23:40Il faut se représenter la montagne de la table en Afrique du Sud.
00:23:44La production de guerre s'est élevée jusqu'à un plateau...
00:23:47puis elle est restée à ce niveau jusqu'à la fin de la guerre.
00:23:50Au cours de l'hiver 1941, cette ascension marque un arrêt...
00:23:53parce que toutes les autres branches de l'économie sont en train de s'effondrer...
00:23:56et que l'essentiel des moyens de production qui se trouvaient dans les régions occidentales...
00:24:00ont été saisis par l'ennemi ou sont sur des wagons de chemin de fer.
00:24:15L'URSS doit le sauvetage de ces usines de guerre au courage de sa population.
00:24:24Alexander Werth, un des rares journalistes occidentaux présents en URSS en 1941, témoigne.
00:24:34J'ai pu parler avec beaucoup d'ouvriers, hommes et femmes, évacués dans l'Oural ou en Sibérie...
00:24:40durant le triste automne 1941 ou au début de l'hiver.
00:24:47Comment des industries toutes entières et des millions de gens furent transférées à l'Est ?
00:24:53Comment des industries furent réinstallées en un minimum de temps, dans de terribles conditions ?
00:25:02Comment ces usines parvinrent à accroître considérablement la production ?
00:25:07Tout cela témoigne avant tout d'une endurance incroyable.
00:25:12Dans la plupart des cas, les conditions de vie étaient terribles.
00:25:17Très souvent, la nourriture manquait.
00:25:23Les gens travaillaient parce qu'ils savaient qu'il le fallait absolument.
00:25:28Ils travaillaient 12, 13, parfois 14 ou 15 heures par jour.
00:25:33Ils vivaient sur les nerfs.
00:25:37Ils savaient que jamais on avait eu un besoin aussi pressant de leur travail.
00:25:42Beaucoup moururent à la tâche.
00:25:49Les soviétiques sortent d'une décennie absolument terrible,
00:25:53avec beaucoup de terreurs, de déportations, d'exécutions, de purges dans le parti, dans l'appareil économique.
00:26:01Ils sont habitués à survivre.
00:26:05La guerre, au moins, a l'avantage qu'on sait pourquoi on survit.
00:26:09Que ce n'est pas l'État qui attaque son peuple,
00:26:12mais bien un état étranger, une armée étrangère qui vient porter le feu et le sang sur le territoire soviétique.
00:26:18Au fond, la guerre, pour les civils en tout cas,
00:26:23n'est que le prolongement, se situe dans le prolongement,
00:26:28d'une société, d'une économie de conditions de facto de guerre qui existait déjà dans les années 30.
00:26:36Ce qui explique évidemment à la fois l'endurance,
00:26:39mais aussi un manque de protestation
00:26:43et tout simplement une habitude à toutes ces privations
00:26:48qui s'est faite au cours de la décennie précédant la guerre.
00:26:59À la fin des années 20,
00:27:01Staline impose une série de plans quinquennaux pour industrialiser l'Union soviétique.
00:27:10En quelques années, des géants industriels sortent de terre,
00:27:14à Manitogorsk, à Chelyabinsk, à Dniepropetrovsk.
00:27:20L'économie stalinienne est planifiée et centralisée.
00:27:24Sa mise en œuvre est d'emblée violente et brutale.
00:27:32Le plan ne prévoit pas.
00:27:34C'est avant tout un instrument de production,
00:27:37un instrument d'exploitation,
00:27:39un instrument d'exploitation,
00:27:41un instrument d'exploitation,
00:27:43un instrument d'exploitation,
00:27:45Le plan ne prévoit pas.
00:27:47C'est avant tout un instrument de mobilisation et de contrainte.
00:27:52Dans tout le pays, le plan impose des objectifs démesurés.
00:27:59Dans le moindre atelier, dans les usines,
00:28:02dans les bureaux, dans l'école cause,
00:28:04dans la rue, dans les commerces,
00:28:06l'espace est envahi d'injonctions.
00:28:09Il faut se dépasser, il faut dépasser les objectifs du plan.
00:28:16En marche
00:28:20Staline veut créer une société nouvelle.
00:28:23Une armée de travailleurs qui,
00:28:25dans les usines comme dans les campagnes,
00:28:27sont obligés de produire toujours
00:28:29et encore plus.
00:28:45Quand tu vas travailler,
00:28:47Il y a des millions d'entre vous.
00:28:50Est-ce que la Paysa
00:28:54Est-elle une grande,
00:28:58Une famille de travail,
00:29:01Une famille indépendante ?
00:29:05Est-ce que la Paysa
00:29:08Est-elle une grande,
00:29:11Une famille indépendante ?
00:29:41Est-ce que la Paysa
00:29:46Est-elle une grande,
00:29:49Une famille indépendante ?
00:30:11Les parades du régime exaltent la guerre et l'industrie.
00:30:42Dans les années 30, la société soviétique est déjà mobilisée.
00:30:48Contre le capitalisme et l'impérialisme à l'extérieur,
00:30:52Contre les ennemis du régime à l'intérieur.
00:30:55Le pouvoir est en guerre contre son peuple,
00:30:58Qu'il faut transformer et purger.
00:31:07Les terres agricoles ont été collectivisées
00:31:10à partir de 1929.
00:31:13Les paysans sont obligés de donner leur récolte à l'Etat
00:31:17pour nourrir le nouveau peuple d'ouvriers
00:31:20qui travaillent de gré ou de force dans les usines soviétiques.
00:31:24La collectivisation et l'industrialisation
00:31:28ont tué des millions de personnes
00:31:31et profondément remodelé la société.
00:31:41Dans les années 30, la grande majorité des gens,
00:31:44malgré les conditions de vie extraordinairement difficiles,
00:31:48ont quand même le sentiment
00:31:50qu'un monde nouveau est en train de se construire.
00:31:53Un monde qu'on appelle le socialisme.
00:31:56Ça ne veut pas dire qu'ils adhèrent à toutes les valeurs du régime,
00:32:01mais plutôt à l'idée d'un monde de progrès
00:32:08ou de certaines constructions
00:32:10qui est vraiment au coeur, au fond,
00:32:13de ce consentement et de ce consensus social.
00:32:21Les hommes et les femmes qui ont connu les années 30 staliniennes
00:32:25ont subi un terrible apprentissage.
00:32:39Entre juin et décembre 1941,
00:32:42le peuple de l'URSS, habitué à endurer le pire et à se débrouiller,
00:32:47supporte le vaste chaos de l'évacuation.
00:32:51Les protestations sont rares, mais elles existent.
00:32:57Dans l'usine de locomotives de Kharkov, en Ukraine,
00:33:017 000 personnes sont blessées.
00:33:04Dans l'usine de locomotives de Kharkov, en Ukraine,
00:33:087 000 ouvriers sur 12 000 refusent de partir pour l'Ural
00:33:12et préfèrent rester sur place.
00:33:17À Ivanovo, une ville industrielle spécialisée dans l'industrie textile
00:33:22à 200 km nord-est de Moscou,
00:33:24les rapports des fonctionnaires locaux
00:33:27conservent les traces de la révolte des gens ordinaires.
00:33:32Rapport du 2 novembre 1941
00:33:34sur les désordres antisoviétiques dans la région d'Ivanovo,
00:33:38strictement confidentiel.
00:33:40Dans l'atelier de tissage,
00:33:42des groupes d'ouvriers ont commencé à se former en criant
00:33:46« On emporte les machines, on nous laisse sans travail.
00:33:50Tous les chefs ont quitté la ville et nous, on nous abandonne.
00:33:54On ne vous permet pas de démonter les machines. »
00:33:58L'ouvrière Koulakova a déclaré
00:34:00« Ce n'est pas Hitler qui prend notre pain.
00:34:03Ce sont nos chefs qui le lui envoient.
00:34:06Maintenant, nos chefs ne nous donnent plus de pain.
00:34:09Est-ce qu'ils le gardent pour eux ? »
00:34:12L'ouvrière Lobova a dit
00:34:14« On a faim, on n'en peut plus de travailler. »
00:34:23Exprimer colère au ressentiment est une entreprise à haut risque
00:34:27dans un monde saturé d'héroïsme et d'enthousiasme.
00:34:34Les troubles restent rares et ne durent pas longtemps.
00:34:39Mais une large partie de la population est en plein désarroi,
00:34:43choquée par les défaites répétées de l'armée rouge,
00:34:46perdue dans l'incroyable confusion qui règne dans le pays tout entier.
00:34:54La propagande a fort à faire.
00:34:56Elle doit contrôler les doutes
00:34:58et convaincre les soviétiques de se mobiliser au front comme à l'arrière.
00:35:17La propagande se dote de toutes sortes d'outils,
00:35:20qu'il s'agisse de la presse, des arts plastiques,
00:35:24de la littérature, des affiches et bien sûr du cinéma.
00:35:30Dans ce système de propagande,
00:35:32le cinéma occupe une place absolument à part
00:35:35et une place privilégiée depuis le début.
00:35:39L'industrie du cinéma est prioritaire.
00:35:41Les projections de films au front et à l'arrière continuent.
00:35:49Le cinéma n'est pas seulement un loisir en Union soviétique.
00:35:52Le cinéma, encore une fois, est une arme indispensable.
00:35:55C'est l'unique moyen d'accueillir le cinéma.
00:35:58C'est l'unique moyen d'accueillir le cinéma.
00:36:01C'est l'unique moyen d'accueillir le cinéma.
00:36:05Le cinéma, encore une fois, est une arme indispensable.
00:36:08C'est-à-dire que très vite, dès l'été 1941,
00:36:11les premières injonctions arrivent auprès des cinéastes.
00:36:14On leur demande de produire des films pour mobiliser la population.
00:36:18Et en même temps, très vite aussi,
00:36:20ça va arriver à la fin de l'année 1941,
00:36:23pour rendre compte des crimes de l'ennemi.
00:36:34Musique militaire
00:37:05Les studios de tournage déménagent, tout comme les usines d'armement.
00:37:09Ils quittent Moscou et Leningrad.
00:37:18Le cinéaste Sergeï Eisenstein, ses comédiens et ses techniciens
00:37:23se retrouvent à Alma-Ata, la capitale du Kazakhstan,
00:37:28dans des studios improvisés par Mosfilm.
00:37:31Pour le tournage de la 2e partie d'Ivan le Terrible.
00:37:40Avec Ivan le Terrible, on va chercher une figure
00:37:44qui appartient finalement à un passé lointain,
00:37:47qui a été décriée pendant toute la 1re partie de l'histoire de l'Union soviétique.
00:37:52On va chercher cette figure parce que c'est une figure majeure,
00:37:57c'est une figure qui a rassemblé la Russie,
00:38:00je pense que c'est très important, autour de Moscou.
00:38:03C'est une figure militaire, victorieuse dans les batailles,
00:38:07qui tient tête à l'Occident et qui fonde,
00:38:11qui est une des données du patriotisme soviétique
00:38:15qui émerge pendant la 2e guerre mondiale.
00:38:28L'histoire de l'Union soviétique
00:38:33Plutôt que d'exprimer cette guerre en termes marxistes,
00:38:38Staline a eu le génie politique,
00:38:42dès son grand discours du 3 juillet 1941,
00:38:46d'inscrire cette guerre
00:38:49dans la lignée de toutes les grandes guerres patriotiques
00:38:54menées par la Russie éternelle
00:38:57contre tous les envahisseurs.
00:39:05Le pouvoir change de discours.
00:39:08On ne se bat plus pour l'avènement du communisme,
00:39:11on défend la survie de la patrie et de la Sainte Russie.
00:39:18La 2e guerre mondiale, en URSS,
00:39:21se nomme la Grande Guerre patriotique.
00:39:34Le tour de passe-passe de la propagande fonctionne.
00:39:38Que ce soit pour l'URSS, pour la Sainte Russie
00:39:42ou pour la mère patrie, le peuple soviétique se bat.
00:39:47Sa résistance est extraordinaire.
00:39:52Le pays est en pleine débâcle.
00:39:59Cela n'empêche pas Staline de lancer la construction
00:40:03d'une voie de chemin de fer nord-sud
00:40:06pour désenclaver Stalingrad et sa région.
00:40:13Les guerres soviétiques,
00:40:15comme les guerres de l'Union Européenne,
00:40:18sont unes guerres qui déclarent
00:40:21l'émergence de la guerre.
00:40:25A l'urgence fracassante du Blitzkrieg
00:40:28répond un autre temps, long.
00:40:34Le temps stalinien s'appuie sur un territoire immense,
00:40:38un empire aux frontières lointaines
00:40:41et aux populations nombreuses.
00:40:49Un stock de vie et d'espace
00:40:51qui permet d'encaisser l'invasion allemande.
00:41:00Les nazis jouent au poker.
00:41:03Ils ont déployé leur sens de l'offensive fulgurante
00:41:07à la recherche du moment décisif
00:41:10de l'effondrement définitif de l'ennemi.
00:41:13Les soviétiques jouent aux échecs.
00:41:16Face à la vitesse du Blitzkrieg,
00:41:18ils déploient sur les chiquiers de la guerre
00:41:21une accélération industrielle progressive et durable.
00:42:16...
00:42:47Dans la réalité, l'arrivée des usines est rarement une fête.
00:42:52Dans les régions qui les accueillent,
00:42:55les habitants sont recrutés de force.
00:42:58A eux, les travaux les plus durs, les plus dangereux.
00:43:02Sans nourriture, ils meurent de faim les premiers,
00:43:06ils ne parlent pas russe, ils ne sont pas formés.
00:43:11Le problème de la main-d'oeuvre
00:43:13était qu'un grand nombre de travailleurs avaient été mobilisés.
00:43:17Et bien sûr, beaucoup avaient été tués ou capturés par les Allemands.
00:43:24Le secteur industriel exigeait un noyau de travailleurs qualifiés
00:43:28pour soutenir l'effort de guerre.
00:43:30Mais la majeure partie des autres travailleurs étaient des femmes.
00:43:34Des femmes qu'on avait enrôlées et formées dans l'urgence.
00:43:38Ou bien des jeunes de 14, 15, 16 ans
00:43:40qui travaillaient dans les usines 10 heures d'affilée.
00:43:52Partout, on travaille en moyenne 9 heures par jour,
00:43:556 jours par semaine.
00:43:57Le travail est surveillé et militarisé.
00:44:02Absentéisme, retard et négligence sont sanctionnés.
00:44:10Un décret du 26 décembre 1941 prévoit de 5 à 8 ans de camp
00:44:15pour avoir quitté son emploi sans autorisation.
00:44:23Le travail est aussi forcé.
00:44:25La main-d'oeuvre servile du goulag,
00:44:29La main-d'oeuvre servile du goulag est mise à contribution.
00:44:33Droits communs, opposants politiques,
00:44:36voleurs de pommes de terre,
00:44:38ouvriers maladroits auteurs d'une blague sur Staline,
00:44:41croyants catholiques, musulmans ou protestants,
00:44:44les détenus du goulag sont une main-d'oeuvre corvéable à merci
00:44:48pour les tâches les plus dures,
00:44:50pour l'extraction des matières premières,
00:44:53du charbon, du bois et pour les chantiers de construction.
00:44:59Cette mobilisation contrainte des travailleurs porte ses fruits.
00:45:11La bonne nouvelle pour l'armée rouge,
00:45:14c'est qu'on arrive presque au sommet de la montagne de la table,
00:45:18c'est-à-dire au plus haut niveau de la production de guerre.
00:45:22Des millions d'avions et de chars,
00:45:25des dizaines de milliers de canons,
00:45:28des millions de fusils et d'obus sont produits chaque mois.
00:45:32La pénurie aiguë de matériel militaire est terminée.
00:45:41En juin 1942, un an après le début de leur offensive,
00:45:45les Allemands lancent une 2e guerre éclair
00:45:48vers le sud, en direction de Bakou et de ses champs de pétrole.
00:45:56L'armée rouge recule de 400 km.
00:45:59Sébastopol, Voronezh, Rostov,
00:46:03des villes importantes tombent à l'ennemi.
00:46:07À nouveau, les usines d'armement sont déplacées.
00:46:11Certaines repartent même pour la 2e fois.
00:46:15La Wehrmacht fonce vers Stalingrad.
00:46:19L'URSS ne s'est toujours pas effondrée.
00:46:26Et lorsqu'arrive l'été, puis l'automne 1942,
00:46:30l'armée soviétique recule toujours face à l'armée allemande.
00:46:35Elle est toujours en déroute, dans le sud en particulier,
00:46:39mais elle n'est plus cruellement à court de munitions.
00:46:44Ce qui est extraordinaire, c'est qu'après l'impact de Barbarossa,
00:46:49dès 1942, l'économie soviétique a commencé à s'améliorer.
00:46:54En tout cas, l'économie de guerre s'est redressée de façon spectaculaire,
00:46:59à tel point qu'à la fin de l'année, la production soviétique d'avions,
00:47:04de chars et d'autres armes surpassait largement celle du Reich.
00:47:12C'est sur le terrain de la production
00:47:15que l'URSS remporte sa 1re victoire sur l'Allemagne.
00:47:19Le Reich apparaissait comme un titan industriel.
00:47:23L'armée soviétique va le battre sur ce terrain.
00:47:27Ingénieurs contre ingénieurs, usines contre usines,
00:47:31les méthodes de production font la différence.
00:47:53...
00:48:18L'un des éléments essentiels de l'effort de guerre soviétique
00:48:22était la production de masse.
00:48:24Les méthodes de production devaient être décomposées
00:48:27et simplifiées au maximum,
00:48:29parce qu'une grande partie de la main-d'oeuvre n'était pas qualifiée.
00:48:33Elle ne pouvait même pas lire les instructions.
00:48:36Il fallait donc simplifier.
00:48:38Cela impliquait une production par bande transporteuse,
00:48:42des flux de production simples.
00:48:44Ces méthodes, les soviétiques les avaient apprises
00:48:47des ingénieurs américains invités en URSS
00:48:50pour aider au développement de l'industrie
00:48:53dans les années 1920 et 1930.
00:48:55Ils avaient inventé une version soviétique du fordisme.
00:49:00...
00:49:08Quand on étudie la production de guerre
00:49:11au cours de la Seconde Guerre mondiale,
00:49:14seuls deux pays ont vraiment maîtrisé la production de masse,
00:49:18la Russie et les Etats-Unis.
00:49:20En Grande-Bretagne et en Allemagne,
00:49:23on en trouve des éléments, mais ce n'est pas tout à fait au point.
00:49:27C'est la production de masse
00:49:29qui a permis d'énormes gains de productivité.
00:49:32...
00:49:40Sans aucun doute, c'est la production en masse de matériel
00:49:44en 1942-1943 qui a été un facteur
00:49:47du renversement de la situation face à l'envahisseur allemand.
00:49:51...
00:49:55En juillet 1942, la bataille de Stalingrad commence.
00:50:01Les troupes allemandes s'approchent de la ville.
00:50:06Wassily Grossmann, journaliste et écrivain, était présent.
00:50:10Il écrit dans son roman Vie et destin.
00:50:14Deux masses, l'une au nord, l'autre au sud.
00:50:18Des millions de tonnes de métal et de chair
00:50:21attendaient le signal.
00:50:25...
00:50:45Production de masse.
00:50:48Guerre de masse.
00:50:50Staline refuse d'évacuer la population.
00:50:53Le terrain est disputé maison par maison pendant des mois.
00:50:59L'industrie soviétique est maintenant capable
00:51:02de fournir en munitions, en fusils et en tanks
00:51:05les soldats de l'armée rouge.
00:51:07Les combattants de la Wehrmacht, eux,
00:51:10manquent d'armes, d'essence et de nourriture.
00:51:14Le rapport de forces militaires et industrielles
00:51:17entre l'Allemagne et l'URSS est inversé.
00:51:24Les Soviétiques produisent désormais
00:51:27de très grandes quantités de matériel.
00:51:30Ils peuvent donc constituer des stocks très importants.
00:51:34Sans cela, l'encerclement de Stalingrad,
00:51:37la défaite de l'armée allemande à Stalingrad
00:51:40n'aurait sans doute pas pu avoir lieu.
00:51:44Au moment où le prix des munitions,
00:51:47le coût de fabrication d'un canon, d'un char d'assaut
00:51:51ou d'un avion chutait drastiquement,
00:51:54celui des denrées alimentaires augmentait de façon exponentielle.
00:52:00On retrouve la divergence des deux flux,
00:52:03un changement énorme des prix et des coûts relatifs.
00:52:12En 1942, le prix d'une miche de pain
00:52:15est hors de portée d'une population affamée.
00:52:21Alors que les armes sont devenues abondantes et bon marché.
00:52:25L'inconvénient, c'est que pour produire du pain,
00:52:28il fallait des millions de travailleurs
00:52:31dans une agriculture à très faible productivité,
00:52:34alors qu'un petit nombre d'ouvriers suffisait
00:52:37à produire des quantités de munitions.
00:52:40C'est comme si deux systèmes économiques opposés
00:52:43coexistaient dans le même pays.
00:52:46Sur les affiches du régime, les visages se creusent.
00:52:52Tout pour le front.
00:52:54Jamais un slogan n'a autant collé à la réalité.
00:52:58La guerre absorbe toutes les ressources,
00:53:01argent, matière première, main-d'oeuvre et nourriture.
00:53:16Un monstre économique à deux têtes est né.
00:53:19D'un côté, une économie de guerre qui atteint des sommets de production.
00:53:24De l'autre, une économie civile totalement dévastée
00:53:28qui se débrouille avec les restes.
00:53:33Cette focalisation radicale sur la guerre
00:53:36met l'arrière en famine.
00:53:40Les régimes alimentaires sont réduits à un régime de famine
00:53:44pour la plupart des personnes, avec cette expérience soviétique
00:53:48de la répartition des rations
00:53:51en fonction de l'importance de tel ou tel individu
00:53:55dans le système de production.
00:53:57Les directeurs, les ingénieurs ont une ration supérieure
00:54:01aux ouvriers qualifiés.
00:54:03C'est-à-dire qu'il y a plus d'argent
00:54:07aux ouvriers qualifiés qu'aux ouvriers non qualifiés.
00:54:11Tout consiste à essayer à la fois de survivre
00:54:15et d'obtenir de meilleures conditions
00:54:18en pratiquant le troc, en vendant,
00:54:21pour ceux qui ont pu emporter des affaires avec eux,
00:54:25leur maigre richesse,
00:54:27en se faisant parfois nommer dans des secteurs agricoles
00:54:31où on mange un peu mieux.
00:54:33Dans l'ensemble, la famine règne en URSS.
00:54:46Dans l'usine 200 de Tchelyabinsk,
00:54:48le chef du syndicat, qui est aussi le médecin de l'usine, écrit...
00:54:55Nous avons une augmentation des cas de carence en vitamines
00:54:59et des cas d'œdèmes par carence en protéines,
00:55:02donnant un taux élevé de maladies et de décès,
00:55:05en particulier chez les travailleurs célibataires vivant dans les dortoirs.
00:55:10Si des mesures ne sont pas prises rapidement
00:55:13pour améliorer l'alimentation des travailleurs isolés
00:55:16et des personnes atteintes de carence grave,
00:55:19alors nous arriverons à une situation catastrophique
00:55:22pour la main-d'œuvre.
00:55:32La famine est arrivée à l'automne 1941,
00:55:35parce qu'il était impossible de faire des récoltes
00:55:39dans les régions de l'ouest.
00:55:43Puis, en 1942, il a fallu gérer l'agriculture sans engrais chimiques
00:55:48sur un territoire réduit,
00:55:50puisque les régions céréalières les plus productives étaient perdues,
00:55:54et avec une population agricole
00:55:56principalement composée de femmes et de personnes âgées.
00:56:01Cela a été un désastre.
00:56:04La production agricole a chuté de 2 tiers entre 1940 et 1942.
00:56:39Il n'y a pas de chef dans la ville.
00:56:41Les gens mangent, ils ne disent rien.
00:56:47Ils ne disent rien.
00:57:10Pendant la guerre, pour de nombreux civils,
00:57:14l'usine est devenue plus qu'un simple lieu de travail.
00:57:19C'est devenu un véritable lieu de vie.
00:57:23C'est là qu'ils avaient de la nourriture,
00:57:26qu'ils trouvaient de la compagnie et souvent qu'ils dormaient.
00:57:29Et cela les séparait vraiment des autres civils,
00:57:32qui étaient très durement touchés par l'effondrement
00:57:35de l'approvisionnement en nourriture
00:57:37et de la consommation.
00:57:39L'usine est devenue l'axe central de l'existence des travailleurs soviétiques.
00:57:59Avec le recul, on voit que l'année 1942,
00:58:02pour l'économie soviétique,
00:58:04est la période de tous les dangers.
00:58:08L'armée bat en retraite,
00:58:10le capital diminue à cause de l'invasion,
00:58:13mais aussi parce qu'il n'est pas remplacé.
00:58:16Et que même sur les territoires sous contrôle soviétique,
00:58:20il n'y a plus aucun investissement net.
00:58:23Certaines usines sont construites et reconstruites,
00:58:26mais pas assez vite pour compenser la diminution des stocks.
00:58:30Et les gens meurent de faim.
00:58:32Une fois encore, la population diminue à cause de l'invasion et de la famine.
00:58:43Si on additionne tout cela,
00:58:45on comprend que l'économie soviétique était au bord de l'effondrement.
00:58:50Alors la question devient,
00:58:52comment cet effondrement a-t-il été évité ?
00:58:55Et là, je pense qu'il faut s'éloigner des chiffres bruts
00:58:59et de la destruction. Il faut chercher du côté des motivations.
00:59:10Après tout, l'économie soviétique et l'économie allemande
00:59:14se valaient à peu près, surtout sur le plan industriel.
00:59:18Deux grandes forces militaires se font face.
00:59:21Qu'est-ce qui fait la différence ?
00:59:23A ce moment-là, ça devient une question
00:59:26et de sentiments.
00:59:56Une des énigmes de l'économie de guerre est,
00:59:59comment le peuple a-t-il supporté cela ?
01:00:01Les Soviétiques ont supporté des conditions
01:00:04que personne, en Allemagne, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis,
01:00:08n'aurait pu endurer.
01:00:10Une des habiletés politiques du régime,
01:00:13de Staline et du groupe dirigeant,
01:00:16a été, en effet, pendant la guerre,
01:00:19de lâcher du lest
01:00:21et de permettre
01:00:23à un certain nombre
01:00:26d'initiatives locales
01:00:29de voir le jour.
01:00:31Par exemple, pour l'économie colchosienne,
01:00:34ce sont plusieurs millions d'hectares de terre
01:00:38que les colchosiens se sont réappropriés
01:00:41en augmentant la part de leurs lopins.
01:00:44Et on sait également
01:00:46que s'est développé un marché parallèle,
01:00:49un marché noir, qui a permis, disons,
01:00:52une part plus importante de l'approvisionnement,
01:00:55par exemple, des petites villes.
01:01:14Dans les campagnes, les paysans se prennent à rêver
01:01:17d'un retour à l'exploitation individuelle des terres.
01:01:23La religion n'est plus proscrite.
01:01:25Les mariages religieux sont de nouveau autorisés.
01:01:30Staline s'appuie sur l'église orthodoxe
01:01:33pour raviver le patriotisme russe.
01:01:42Pour les artistes,
01:01:44comme la poétesse Anna Armatova
01:01:47et le compositeur Dimitri Shostakovich,
01:01:51la censure se relâche.
01:01:54Trauberg et Kosintsev,
01:01:56les réalisateurs du film Les gens ordinaires,
01:01:59peuvent écrire leur scénario
01:02:01porté par ce souffle provisoire de liberté individuelle.
01:02:21La situation de la guerre,
01:02:23les pénuries, la dispersion,
01:02:25l'éloignement des centres de pouvoir,
01:02:28a permis aux cinéastes,
01:02:30mais aussi aux écrivains,
01:02:32en général, au monde,
01:02:34d'écrire leur scénario
01:02:36dans un contexte de liberté individuelle.
01:02:50Le monde de la culture et de la production médiatique,
01:02:53ça leur a permis de trouver,
01:02:55si ce n'est des failles,
01:02:57du moins des espaces
01:02:59dans lesquels ils pouvaient exprimer,
01:03:02non pas des contres-récits,
01:03:04mais, en tous les cas,
01:03:06des façons différentes de voir le récit officiel.
01:03:09L'historien Mikhaïl Ongervt,
01:03:11un des grands historiens russes
01:03:13de l'époque de la Perestroïka,
01:03:16a même mis en avant
01:03:18cette idée d'une sorte
01:03:20de déstalinisation spontanée
01:03:26des esprits,
01:03:28centrée sur l'idée
01:03:31que les combattants,
01:03:33mais aussi ceux de l'arrière,
01:03:35ont pris conscience, au fond,
01:03:37de leur propre responsabilité
01:03:40et de leur propre rôle
01:03:42dans l'avenir au fond du pays.
01:03:49En février 1943,
01:03:51à Stalingrad,
01:03:53les troupes de la Wehrmacht,
01:03:55encerclées,
01:03:57se rendent aux hommes
01:03:59de l'armée rouge.
01:04:13Alexander Werth témoigne.
01:04:18Au fond des tranchées,
01:04:20il y avait des Allemands verts, gelés,
01:04:23et des Russes gris, gelés,
01:04:25et des fragments de formes humaines.
01:04:28Et il y avait des casques,
01:04:30Russes et Allemands,
01:04:32parmi les débris de briques.
01:04:34Il était difficile d'imaginer
01:04:36comment quelqu'un aurait pu survivre.
01:04:43Les troupes soviétiques entament
01:04:45la reconquête vers l'ouest
01:04:47et la victoire perdue.
01:04:54L'un des problèmes
01:04:56quand on mène une guerre totale à grande échelle,
01:04:59et la Seconde Guerre mondiale
01:05:01a mobilisé des millions et des millions de personnes,
01:05:04est de s'assurer que les troupes sont approvisionnées,
01:05:07qu'elles ont suffisamment de nourriture,
01:05:10d'armes, de munitions, d'explosifs.
01:05:13Il fallait être capable d'acheminer les marchandises
01:05:16de l'Allemagne jusqu'à la ligne de front.
01:05:18Il fallait pouvoir nourrir les armées
01:05:21et s'assurer qu'elles continueraient à se battre.
01:05:24La logistique était au coeur de tout cela.
01:05:29Stalingrad offre un exemple particulier
01:05:31en matière de logistique.
01:05:33Pour les Allemands,
01:05:35il était de plus en plus difficile,
01:05:37à mesure que la météo se dégradait,
01:05:39d'acheminer les marchandises
01:05:41depuis l'Allemagne jusqu'au front.
01:05:43Les Soviétiques ont fait en sorte
01:05:45qu'elles aillent jusqu'à Stalingrad.
01:05:47A la fin, elles ont envoyé 50 % de trains
01:05:50et de ravitaillements de plus que les Allemands.
01:06:01À partir de Stalingrad,
01:06:03l'URSS domine sur le plan industriel
01:06:06et sur le plan militaire.
01:06:08Elle aligne 2 fois plus d'hommes,
01:06:114 fois plus de canons
01:06:13et 6 fois plus de chars que le Reich.
01:06:17Ce retournement de situation,
01:06:19elle le doit au sacrifice de ses soldats,
01:06:22à l'endurance de sa population civile
01:06:25et au talent de ses ingénieurs.
01:06:28Mais la grande guerre patriotique de Staline
01:06:31est aussi une guerre mondiale.
01:06:35L'URSS s'appuie également
01:06:37sur l'aide matérielle de ses alliés.
01:06:40Le Royaume-Uni
01:06:42et surtout les Etats-Unis.
01:06:49Dès novembre 1941,
01:06:51Washington promet à Moscou
01:06:53de lui fournir une aide gratuite.
01:06:55Les livraisons commencent aussitôt.
01:06:58Les convois suivent une route nord
01:07:00par l'océan Arctique et Arkhangelsk,
01:07:03empruntent une route sud par l'Iran et la mer Caspienne
01:07:07ou transitent à l'est
01:07:09par Vladivostok, en Extrême-Orient.
01:07:13Le Prébail est le nom de ce programme d'aide
01:07:16qui se prolonge jusqu'à la fin de la guerre.
01:07:23Le Prébail est venu accroître les ressources disponibles
01:07:27d'environ 5 % en 1942,
01:07:30de 10 % en 1943-1944.
01:07:37Je ne sais pas si ces chiffres paraissent importants ou faibles.
01:07:42Il me semble assez important
01:07:44si on considère que c'est un ajout aux ressources nationales
01:07:48qui arrivent de l'extérieur du pays.
01:07:51Et aussi, alors que l'économie touchait à son point de rupture,
01:07:55le Prébail a redonné des marges de manœuvre.
01:08:00En bref, le volume de l'aide des alliés
01:08:03a permis de réduire la pression
01:08:05de l'armée soviétique.
01:08:13L'aide américaine complète le matériel militaire
01:08:16de l'armée rouge.
01:08:18Les célèbres lances-roquettes Katyusha,
01:08:21les orgues de Staline,
01:08:23sont souvent montées sur des camions américains Studebaker.
01:08:31Aux chars et aux avions livrés en 1942,
01:08:34succèdent en 1943 des camions, des jeeps,
01:08:37du carburant, des vêtements, des machines,
01:08:40des denrées alimentaires concentrées et transformées.
01:08:44...
01:09:03Au front, on n'aurait pas tenu sans le cornet de bif,
01:09:06qui était d'ailleurs du porc, la touchante de porc,
01:09:09dans des boîtes américaines avec des étiquettes en cyrillique.
01:09:14Et à un certain moment,
01:09:16le nombre de ces boîtes est en telle quantité
01:09:20que les soldats sont même en mesure de nourrir l'arrière.
01:09:26On ne fait pas la guerre avec de l'argent,
01:09:28on fait la guerre avec des ressources.
01:09:31Celles de l'Union soviétique venaient des usines de guerre,
01:09:34des fermes qui fournissaient le pain,
01:09:37du prébail qui fournissait des rations aux armées.
01:09:43Les soldats, eux, sortaient des usines et des ateliers,
01:09:46enfilaient un uniforme et partaient au combat.
01:09:49Mais tous ces éléments avaient une contrepartie monétaire
01:09:52qui devait être contrôlée
01:09:54pour empêcher l'économie de s'effondrer.
01:09:57...
01:10:05Une partie des fonds qui ont financé la guerre
01:10:10provenaient des taxes habituelles prélevées en temps de paix.
01:10:15Mais en temps de guerre,
01:10:17l'activité économique civile étant plus faible,
01:10:20moins de taxes étaient perçues.
01:10:24L'Union soviétique a aussi emprunté de l'argent à sa population.
01:10:31On parlait d'emprunt,
01:10:33mais en vérité, c'était un impôt comme un autre.
01:10:36A la fin de la semaine, au moment de recevoir son salaire,
01:10:39le travailleur soviétique s'entendait dire
01:10:42« Nous gardons cette partie de votre salaire,
01:10:45c'est votre souscription à l'emprunt de guerre.
01:10:48Félicitations, vous avez contracté un emprunt de guerre. »
01:10:52...
01:10:55En 1943, les ressources sont bien là.
01:10:59L'économie de guerre de l'URSS atteint son apogée.
01:11:04À Kursk, en juillet, puis à Kharkov, en août 1943,
01:11:08l'armée rouge est en mesure de créer des concentrations gigantesques de chars
01:11:12et de remporter la victoire.
01:11:26Les généraux soviétiques peuvent maintenant lancer
01:11:29de vastes opérations combinées,
01:11:31où interviennent blindés, artillerie et aviation.
01:11:37L'afflux de canons et d'obus permet à l'artillerie
01:11:40de briser les défenses, d'anéantir les points de résistance
01:11:44et de soutenir les troupes au sol.
01:11:50Les victoires de l'armée rouge sont très coûteuses
01:11:53en vie humaine et en matériel.
01:11:55Le matériel reste simple.
01:11:57Il se répare et se reconditionne facilement et rapidement.
01:12:02Les armées rouges sont en mesure de créer des concentrations gigantesques
01:12:06de chars et de remporter la victoire.
01:12:12Le tank est en train de se réparer à peu près au point de combat.
01:12:16L'armée rouge est en mesure de créer des concentrations gigantesques
01:12:20de chars et de remporter la victoire.
01:12:24Le tank a combattu pendant 15 jours.
01:12:27L'ennemi est en mesure de se réparer à peu près au point de combat.
01:12:36Les Soviétiques n'avaient pas besoin d'un char allemand comme le Tiger,
01:12:40énorme, très coûteux, qui exigeait une main-d'oeuvre qualifiée
01:12:44et dont l'usage était trop complexe.
01:12:46Ils avaient besoin d'un grand nombre de chars T-34,
01:12:49simples, efficaces et qui faisaient ce qu'on attendait d'eux.
01:12:57Le T-34 est un char robuste, rudimentaire, agile et fortement blindé.
01:13:05Son moteur a une fiabilité limitée
01:13:07qui convient à la durée de vie d'un tank en opération.
01:13:21Dans un système de production de masse,
01:13:23le secret est d'avoir un petit nombre de modèles standards
01:13:26et non pas 10 avions ou 15 chars d'assaut différents.
01:13:30En 1943-44, les Allemands avaient 40 ou 50 modèles d'avions.
01:13:36L'Union Soviétique s'est concentrée sur une gamme de 3 ou 4 avions
01:13:40qu'elle a produits en très grande quantité.
01:13:45Et ce sont ces gros volumes qui vous permettent d'organiser votre usine
01:13:48pour simplifier les processus de fabrication,
01:13:51comme l'ont fait les Américains pendant la Seconde Guerre mondiale.
01:14:27Carcov, Mariupol, Smolensk, Kiev.
01:14:33À la fin de l'année 1943,
01:14:35les Soviétiques ont repris les deux tiers des territoires perdus.
01:14:50La reprise de Kiev-Smolensk,
01:14:53la reprise de Kiev, c'est novembre 1943.
01:14:55Donc la moitié de l'Ukraine est déjà reprise,
01:14:58qu'on peut recommencer à reconstruire.
01:15:02La priorité du régime, c'est la réindustrialisation,
01:15:05la re-soviétisation des républiques qui ont été reconquises,
01:15:09à la fois d'un point de vue symbolique et en même temps,
01:15:12parce que ce sont historiquement les républiques,
01:15:15notamment l'Ukraine, la Biélorussie et les Pays-Bas,
01:15:18les plus industrialisées du pays.
01:15:20Se pose la question, par exemple, à Kharkov ou à Kiev,
01:15:23doit-on réévacuer les usines avec leurs machines
01:15:26ou ne faut-il pas profiter de cette table rase
01:15:29pour construire ex nihilo
01:15:31et pour livrer à ces républiques qui sont dans le besoin
01:15:35le meilleur de la construction mécanique soviétique ?
01:15:38C'est ce choix-là qui est fait.
01:15:42Certaines usines restent sur place en Sibérie,
01:15:45au Kazakhstan, dans l'Ural.
01:15:48Leur matériel est usé jusqu'à la corde.
01:15:51Mais elles vont contribuer à l'essor économique
01:15:54de ces républiques soviétiques, éloignées de la Grande-Russie,
01:15:58un peu à la marge de l'Empire.
01:16:03Les ouvriers et leurs familles prennent, eux,
01:16:06le chemin du retour vers leur région d'origine.
01:16:10Lorsque la victoire a été enfin en vue,
01:16:13un grand nombre de citoyens soviétiques
01:16:16qui avaient volontairement travaillé et combattu
01:16:19pour gagner cette guerre
01:16:21pensaient qu'ils seraient récompensés de leurs efforts,
01:16:25d'une manière ou d'une autre.
01:16:29Ils pensaient que le système se détendrait,
01:16:32que le communisme serait moins brutal,
01:16:35que l'avenir serait meilleur, avec plus de biens de consommation.
01:16:39Bref, qu'ils seraient mieux traités par le régime.
01:16:46Mais ils se sont trompés.
01:16:54Staline reprend en main la société.
01:16:57C'est la fin des espoirs de liberté.
01:17:00Le régime renoue avec sa brutalité.
01:17:03Planifié et centralisé.
01:17:13A nouveau, toutes les décisions,
01:17:15les volumes de production des champs de blé,
01:17:18des usines d'armement et des fabriques de brosses à dents
01:17:22sont décidées à Moscou et planifiées à 5 ans.
01:17:27A nouveau, l'individu doit disparaître.
01:17:33Il doit disparaître dans la masse.
01:17:57La singularité touchante et joyeuse des gens ordinaires
01:18:00irrite le pouvoir,
01:18:02qui décide d'interdire le film.
01:18:08On ne voit pas assez le parti.
01:18:10On ne voit pas assez le parti, et ça veut dire qu'on voit qui ?
01:18:13On voit la société.
01:18:15On voit finalement une société qui se prend en main,
01:18:18qui prend son destin, qui est solidaire,
01:18:21qui agit dans une même direction,
01:18:23mais qui n'est pas encadrée, contrôlée, dirigée par le parti.
01:18:27Et ça, c'est perçu en 45 en tous les cas.
01:18:30Peut-être qu'en 43, ça aurait pu passer,
01:18:32mais en 45, c'est perçu comme quelque chose de totalement impossible.
01:18:36C'est contraire aux injonctions idéologiques.
01:18:39C'est ça, le problème.
01:18:41Ça ne répond pas aux attentes idéologiques.
01:18:44On considère donc que c'est un reproche suffisant
01:18:47pour non seulement demander à ce que le film soit repris,
01:18:51mais c'est un des reproches majeurs
01:18:53qui va conduire à l'interdiction complète du film.
01:19:01La société n'est pas censée se mêler de politique.
01:19:07Le politique est confié à ceux qui le gèrent
01:19:11et à ceux qui le contrôlent, c'est le parti.
01:19:14Et c'est le parti qui doit diriger le pays.
01:19:17Donc c'est lui qui conduit.
01:19:19La société doit obéir et suivre.
01:19:31Après une demi-heure,
01:19:33notre avion s'envole.
01:19:35On va à l'avant.
01:19:38Et quand on va en bataille,
01:19:41on va s'en sentir.
01:19:43Et ça sera notre fête.
01:19:47En attendant, on vous donne une pause.
01:19:49Un jour.
01:19:50Allez, dormez.
01:19:52En deux mois.
01:19:53Demain, il y aura du travail.
01:19:57Merci.
01:20:00Merci.
01:20:02Merci.
01:20:04Merci.
01:20:06Merci.
01:20:30Ce qui est en 1945
01:20:32va complètement à l'encontre du discours officiel.
01:20:36Parce qu'à ce moment-là, c'est bien aussi ce moment-là
01:20:40où Staline s'attribue tous les mérites de la victoire.
01:20:52La dernière bataille se déroule à Berlin en avril 1945.
01:20:57L'armée rouge a libéré la Roumanie, la Pologne, la Bulgarie.
01:21:05La disproportion des forces en présence est éclatante.
01:21:11Les soviétiques alignent 2,5 millions d'hommes,
01:21:156 250 chars,
01:21:1741 000 canons,
01:21:19face à 1 million de soldats allemands,
01:21:221 500 chars
01:21:24et 9 300 canons.
01:21:32Le Troisième Reich s'effondre.
01:21:35Les États-Unis, l'Union soviétique et le Royaume-Uni
01:21:39vont se partager le monde.
01:21:41A la fin de la guerre pour Staline
01:21:43et pour les autres dirigeants de l'Union soviétique,
01:21:46la guerre avait été clairement un test pour le système communiste.
01:21:50Si l'Union soviétique avait été vaincue en 1941-1942,
01:21:54le communisme aurait été réduit à néant.
01:21:57La guerre a été un test pour le système communiste.
01:22:01La guerre a été un test pour le système communiste.
01:22:05La guerre a été un test pour le système communiste.
01:22:09Le communisme aurait été réduit à néant.
01:22:12Mais elle a remporté la victoire en 1945.
01:22:15Une victoire totale.
01:22:17Et je pense que pour Staline,
01:22:19cette victoire a démontré la supériorité du système communiste.
01:22:23C'était la preuve qu'un État prolétarien
01:22:26pouvait vaincre un État capitaliste.
01:22:33Staline est le gagnant de la Grande Guerre patriotique.
01:22:37L'URSS étant son emprise au pays de l'Europe de l'Est,
01:22:41le régime est renforcé,
01:22:43centré à l'extrême sur la personne du dictateur.
01:22:51La victoire est massive.
01:22:53Les chiffres sont effarants.
01:22:56L'unité de compte est le million.
01:22:59Millions de tonnes d'armes produites.
01:23:02Millions de kilomètres carrés gagnés.
01:23:05Millions de morts.
01:23:09Le peuple de l'URSS est le grand perdant de la Seconde Guerre mondiale.
01:23:17La victoire soviétique lors de la Seconde Guerre mondiale
01:23:21a été extrêmement coûteuse sur le plan humain.
01:23:2426-27 millions de morts,
01:23:26à peu près un habitant sur huit de la population d'avant-guerre.
01:23:30On a des chiffres assez précis.
01:23:33Parmi les militaires, sur les 34 millions de mobilisés,
01:23:37on a également 11 millions de pertes civiles directes
01:23:42et 5 millions de pertes civiles indirectes.
01:23:47C'est-à-dire soit par surmortalité à l'arrière,
01:23:53soit par déficit des naissances.
01:23:56C'est un bilan global lorsqu'on parle de 26-27 millions.
01:24:00Mais le chiffre de victimes directes est plutôt de 21 millions,
01:24:0510 de militaires, 11 millions de civils.
01:24:12On n'explique pas le courage.
01:24:15Celui du peuple soviétique a été immense.
01:24:20Mais la victoire ne lui appartient pas.
01:24:23En 1945, les gens ordinaires qui ont survécu
01:24:28continuent d'avoir faim,
01:24:30continuent de vivre dans des conditions inhumaines,
01:24:34continuent de travailler sous la contrainte
01:24:37d'un régime sans pitié pour son peuple.
01:24:43Si on remonte en 1905,
01:24:45il y a eu le traumatisme de la Révolution de 1905,
01:24:49qui a été un vrai choc pour la Russie.
01:24:52Il y a le traumatisme de la Première Guerre mondiale,
01:24:56puis celui de la guerre civile,
01:24:58qui, à bien des égards, a été pire que la Première Guerre mondiale.
01:25:02Après la guerre civile, il y a une première famine,
01:25:06suivie d'une autre en 1932,
01:25:08conséquence de l'industrialisation, des politiques agricoles
01:25:12et de la modernisation totale imposée par Staline.
01:25:17Puis, en 1937, le sang coule de nouveau avec la Grande Terreur.
01:25:22Alors, plus on accorde de poids aux traumatismes d'avant-guerre,
01:25:27plus on relativise ceux de la Seconde Guerre mondiale.
01:25:31Il faut trouver une sorte d'équilibre.
01:25:34Bien sûr, la situation a été dramatique en 1945,
01:25:38mais elle l'était en raison de cette suite continue de chocs.
01:25:44Et j'ai appris comment s'effondrent les visages,
01:25:48comment, sous les paupières, émerge l'angoisse,
01:25:53comment des pages d'écriture aux poinçons
01:25:56font ressortir sur les joues la douleur,
01:26:00comment les boucles noires ou cendrées
01:26:03ressemblent soudain à du métal blanc,
01:26:07comment les étoiles de l'eau
01:26:10ressemblent à de l'eau blanc,
01:26:13comment le rire se fane sur les lèvres soumises.
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