• il y a 2 mois
Voici une vidéo portant sur la vie au front d'un soldat allemand lors de la première guerre mondiale ( mais pas que ).
C'est une vidéo à but éducatif et pédagogique. C'est la vraie réalité de la Grande guerre dans toute sa complexité. Tous les travaux de recherches, les lectures, le montage, l'écriture ont été réalisés par mes soins. Je m'appuie principalement sur le livre d'Ernst Jünger dans "orages d'acier". J'ai également étudié le livre " feu" d'Henri Barbusse, le livre du lieutenant des chars de la Grande Guerre du lieutenant colonel Malmassari. J'ai lu le journal intime du soldat Weiske, et celuid'une femme au nom d'Hortense Juliette Breyer. D'autres connaissances viennent compléter le tout. C'est un travail de 2 mois qui j'espère ( ) va vous plaire.
Mail collaboration : versos1497@gmail.com

Quelques définitions

Division : Unité militaire assez importante qui comporte des milliers d'Hommes. Capable de combattre sur un temps assez long. Au dessus de la division, nous avons le corps d'armée. Dans la division, on peut retrouver plusieurs brigades ou régiments.

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Personnes
Transcription
00:00:00Alan Seeger, américain et membre de la Légion Étrangère Française, va écrire l'un des plus beaux poèmes de la Grande Guerre.
00:00:30De quelques collines délabrées, quand le printemps reviendra faire son tour cette année, et qu'apparaîtront les premières fleurs des prés.
00:00:36Dieu sait qu'il serait meilleur d'être étendu au creux des coussins, dans la soie et le duvet parfumé,
00:00:42où l'amour palpite en un bienheureux sommeil, poux contre poux, souffle contre souffle, où les réveils silencieux sont chers.
00:00:51Mais j'ai un rendez-vous avec la mort, à minuit, dans quelques villes en flamme, quand le printemps repartira vers le nord, cette année,
00:00:59et je suis fidèle à la parole donnée. Je ne manquerai pas à ce rendez-vous.
00:01:04Alan Seeger sera abattu dans le secteur de la Somme, en 1916.
00:01:10Même si l'horizon pour beaucoup de soldats est la mort, d'autres n'ont pas eu ce destin.
00:01:15Vous allez découvrir le quotidien, comme vous ne l'avez probablement encore jamais vu, d'un soldat allemand lors de la première guerre mondiale.
00:01:22La vidéo s'appuie principalement sur le récit d'Ernest Jünger, d'Un orage d'acier, le livre de poche.
00:01:28Il a été édité à plusieurs reprises par son auteur, donnant des détails supplémentaires à chaque édition.
00:01:33Vous allez donc voyager à travers le nord-est de la France, en Champagne, de Bas-en-Cours, en passant par les Éparges,
00:01:42à quelques kilomètres de Verdun, mais aussi au nord de la France, dans les Flandres françaises, en passant par Cambrai.
00:01:50Toutes les villes ici ne sont pas forcément mentionnées, il s'agit des plus importantes pour comprendre le récit d'Ernest
00:01:57et ses grands voyages à répétition, comme pour rappeler que les soldats de la Grande Guerre n'étaient pas que de simples soldats.
00:02:08Attention, certaines descriptions peuvent heurter. Il n'y a aucune volonté d'enjoliver la réalité en la parsemant d'euphémismes.
00:02:16C'est la réalité comme nos ancêtres ont pu la côtoyer dans cette guerre de 1914-1918. Bonne vidéo.
00:02:231914. La guerre éclate.
00:02:27Le 4 août 1914, nous allons leur donner une bonne correction, et dans 6 semaines, nous sommes de retour.
00:02:34Ce sont les mots de Charles Brière, partenant au 354ème Régiment d'Infanterie de l'armée française,
00:02:40au moment où Guillaume II énonce un discours dénonçant les vieilles rancunes entre l'Empire allemand et la France.
00:02:46Le jeune Ernest n'a alors que 19 ans lorsqu'il participe au conflit. Il y rentre en 1915 et ne participe pas en 1914 à la Garde de Mouvement.
00:02:55Ces trois prochaines années seront celles d'un homme nouveau.
00:02:59La guerre face à l'amnésame. Le jeune Ernest devient un homme dans le No Man's Land.
00:03:05Comme pour le côté français, Ernest Junger est très enthousiaste à l'idée de faire la guerre, il dit.
00:03:11Élevé dans une ère de sécurité, nous avions tous la nostalgie de l'inhabituel, des grands périls.
00:03:17La guerre nous avait donc saisi comme une ivresse.
00:03:20C'est donc l'occasion de faire une action virile. Il était, au début de la guerre, sous la responsabilité du lieutenant Von Brixen, à la 9ème compagnie.
00:03:29Comme jeune soldat volontaire de 19 ans, il exprime son inexpérience. Il raconte.
00:03:35« Je m'étonnais de voir les hommes autour de moi rentrer la tête dans les épaules, en pleine course, comme sous le coup d'une menace terrible.
00:03:42Tout cela me paraissait assez ridicule. La réalité le rattrapa.
00:03:46J'eus une sensation d'irréalité quand mes regards se fixèrent sous une forme humaine ruisselante de sang,
00:03:52dont la jambe pendait du corps sous un angle bizarre. La guerre avait montré ses griffes et jeté son masque de bonhomie. »
00:03:59Ce mélange, entre une ivresse exaltée en allant combattre pour sa patrie le choc de la réalité, lui fait prendre conscience d'une chose.
00:04:07La guerre tue.
00:04:10Ernest continue alors son chemin et rejoint la faisanderie, siège des réserves régimentaires dont faisait partie la 9ème compagnie, avec pour chef le lieutenant Brahms.
00:04:21Son régiment serpentait à travers le sol crueux de la Champagne, en face du village du Goda.
00:04:27Il évoque les premières situations difficiles en parlant de l'inconfort d'être soldat dans cette grande guerre.
00:04:32Il ne dort que 2h par nuit pour assurer des rondes, fait parfois des insomnies de 48h, ou désespère face à cette pluie et les dégâts qu'elle pouvait causer dans les tranchées.
00:04:42Ça fait référence au Noël qu'il passe dans la guêne.
00:04:45En tant que jeune soldat, le bizutage des anciens laissait place à des corvées supplémentaires ou des empoisonnements, il dit.
00:04:52Cet usage, amené des casernes au front, disparu d'ailleurs après qu'une première bataille subie en commun nous eût donné le droit de nous considérer comme des anciens.
00:05:0021 mars 1915.
00:05:03Il prend le cap vers Bruxelles et forme la 111ème division d'infanterie nouvellement formée.
00:05:09Il va y rester jusqu'à la fin de la guerre.
00:05:12Il est cantonné à ce moment-là, au Bourg d'Erine, dans une contrée d'une placidité toute flamande.
00:05:1729 mars 1915.
00:05:20C'est un jour spécial et heureux.
00:05:23Il fête son 20ème anniversaire.
00:05:25Mais le cadeau qui l'attend, ce sont les éparges.
00:05:28Son baptême de feu, comme il l'appelle.
00:05:30Il dit.
00:05:32Un tout jeune garçon était couché au près sur le dos, les yeux vitreux et les points raidis.
00:05:37Étrange sentiment que de regarder de tels yeux morts interrogateurs.
00:05:41C'est un frisson dont je ne me suis jamais complètement débarrassé de toute cette guerre.
00:05:45Il explique encore que l'expérience lui manque, et en distinguant peu les bruits environnants.
00:05:51Il dit.
00:05:52Peu familier encore avec les bruits de la guerre, j'étais incapable de débrouiller
00:05:56les sifflements et les chuintements, les pétarades de notre propre pièce, et les explosions
00:06:00fracassantes des objets nus.
00:06:03Curieux et amusé, il note ce détail.
00:06:06Les petits oiseaux dans la forêt n'avaient pas l'air de se soucier de ces sans-bruits
00:06:10d'hiver.
00:06:11Ils restaient paisiblement perchés au-dessus des traînées de fumée.
00:06:14C'est l'incohérence générale dans son esprit.
00:06:17Il se disait encore ignorant et bleu.
00:06:19Il fait référence au No Man's Land, là où les morts poussent de terre.
00:06:23Il n'y a ni fleurs, ni céréales, ni vie.
00:06:27Cette expérience en amène une autre.
00:06:29Sa première blessure de guerre, il la décrit ainsi.
00:06:32Un coup sur la guise gauche me projeta contre le sol.
00:06:36Ernest pense être atteint par une motte de terre, mais il sent un liquide chaud couler
00:06:41sur sa jambe.
00:06:42C'est son sang.
00:06:43C'est son porte-monnaie qui a atténué la blessure, et qui lui a probablement sauvé
00:06:48la vie.
00:06:48Il observe.
00:06:50Un autre blessé à la nuque, duquel pendilait un bout triangulaire de l'occipute poussé
00:06:55des cris aigus qui vous secouaient les nerfs.
00:06:58Il rentre à Heildeberg, son lieu de naissance pour se faire soigner.
00:07:02Pour lui, les éparges, c'est sa véritable première expérience de guerre.
00:07:07Il raconte.
00:07:08J'avais pris part à une grande opération guerrière sans voir un seul de mes adversaires.
00:07:14Combattre un ennemi invisible doit être absolument terrible à vivre pour la menace que cela
00:07:19représente d'être toujours aux aguets, mais également la frustration qu'elle engendre
00:07:23de ne pas avoir l'impression de combattre.
00:07:25Il est rétabli en seulement quinze jours, et après un perfectionnement à Doberitz,
00:07:31il a sous sa responsabilité quelques hommes et revient dans sa division.
00:07:34Cette fois-ci, il intègre le village de Dushi, qui est un endroit de repos.
00:07:39Son chef à ce moment-là, le colonel Von Oppen.
00:07:43La population était cantonnée à la sortie du village du côté de Monchier.
00:07:47Affecté à la 6e compagnie, il devient chef de groupe.
00:07:50C'est le 29 novembre 1915 qu'il apprend une nouvelle qui bouleversa sa carrière militaire.
00:07:56Il est promu au grade de lieutenant quand son bataillon fut muté à Kean.
00:08:00C'est en 1916 qu'il prend la direction du terrible secteur de la Somme avec ses plus
00:08:05de 400 000 morts à la fin de la guerre.
00:08:07Et voici sa mission.
00:08:09Nos prédécesseurs nous mirent au courant de la position de la division.
00:08:13Notre tâche consistait à préciser son front, à vérifier ses liaisons, et à nous rendre
00:08:18partout un compte exact des faits afin de pouvoir, en cas de besoin, dépanner les unités
00:08:23et exécuter des missions spéciales.
00:08:25Le secteur attribué à Ernest était celui sur la gauche du bois de Saint-Pierre-Vaste,
00:08:30aux abords immédiats de ce qu'il appelle dans le livre du bois sans nom.
00:08:34Il subit une attaque de phosgène où il rentre les yeux larmoyants au bois de veau où il
00:08:39marcha à l'aveugle avec son masque à gaz embué où il tombe de trou d'obus en
00:08:42trou d'obus.
00:08:43L'attaque était de nuit ou tôt le matin pour éviter de se faire voir, on est toujours
00:08:48dans le secteur de la Somme.
00:08:49Quand bien même la blessure nous évite l'image constante de la mort, on n'est finalement
00:08:54jamais trop bien loin d'elle.
00:08:56Après avoir été transporté à l'hôpital militaire de Valenciennes après sa blessure
00:09:00dans le secteur de la Somme, il raconte une anecdote où son voisin de lit était un adjudant
00:09:05où la balance penchait vers la mort.
00:09:06Il avait perdu une jambe avec des complications gangrèneuses.
00:09:09Il raconte que ce monsieur a pris le soin de dire adieu en racontant des petites blagues
00:09:14avant de mourir.
00:09:15Ernest dit « Ce qui m'attristait surtout, c'est de n'avoir pu prendre part à l'assaut
00:09:21de mon régiment contre le bois de Saint-Pierre-Vaste, un fait d'armes éclatant au cours duquel
00:09:26nous avions fait des centaines de prisonniers.
00:09:27»
00:09:28Après quinze jours, il retourne au régiment.
00:09:31Il ne pouvait pas bien marcher alors on lui donne des fonctions d'officier observateur
00:09:34entre Nurlu et Moelin.
00:09:36Il parle de médiocre divertissement.
00:09:38C'est là qu'il découvre que la guerre, ce ne sont pas seulement des gens qui se tirent
00:09:42dessus.
00:09:43Il dit « Je découvris en ces hommes, qui avaient pour mission de faire réparer les
00:09:48barbelés cassés dont j'avais à peine remarqué jusque-là l'activité sur le champ de bataille,
00:09:52une espèce particulière de travailleurs inconnus dans la zone mortelle.
00:09:55Jour et nuit, ils visitaient les trous d'obus, encore chauds des explosions, pour rattacher
00:10:01de bout de barbelés, tâches aussi périlleuses que sans éclat.
00:10:05»
00:10:06Le 17 juin 1917, il est détaché de Freynois pour suivre quatre semaines au camp de Sissonne,
00:10:11près de Lens, un cours d'instruction pour devenir chef de compagnie.
00:10:14On est toujours dans le secteur de la Somme.
00:10:17Ernest se trouve devant le canal Saint-Quentin, juste devant la position Siegfried, une position
00:10:22mythique de défense bien gardée, avec une chanson très connue.
00:10:24Il ne comprend pas pourquoi il se trouve dans les tranchées imparfaites, étroites de craie,
00:10:30alors qu'il se trouve à quelques pas de la position Siegfried, qui fait déjà office
00:10:35de protection solide et d'un rempart.
00:10:36Néanmoins, ça ne lui empêche pas de parler du bon temps qu'il passe dans cette position.
00:10:41Il dit notamment le 20 mai 1917, quand il rejoint en tant que compagnie de réserve
00:10:46la position Siegfried.
00:10:47« Nous avions là de vraies vacances.
00:10:49Toute la journée, nous restions assis dans les nombreuses logettes creusées sur le glacier,
00:10:55ou bien nous nous baignions et canotions dans le canal.
00:10:57» C'est à ce moment précis qu'il commence
00:11:00à lire Aristote.
00:11:01« Mais une nouvelle grande mission l'attend, et elle s'appelle Rennieville, dans les collines
00:11:05boisées des Hauts-de-Lorraine, et celle-ci particulière, s'infiltrer en deux points
00:11:12dans les tranchées ennemies pour faire des prisonniers.
00:11:14La patrouille se divise en trois groupes, deux troupes de choc avec des missions périlleuses
00:11:19et un détachement de protection.
00:11:20Ernest prend la troupe de gauche et le lieutenant von Kainitz celle de droite.
00:11:26Ernest fut très étonné de voir le volontarisme de ces hommes.
00:11:29Il raconte « Nous étions tout de même à la fin de 1917, les trois quarts des hommes
00:11:35se montrent volontaires.
00:11:36Sa troupe est composée de quatorze hommes.
00:11:39Ils les appellent de manière assez gentille et cocasse, tous casse-coups notoirs.
00:11:44Il avait pris Klotman, qu'il jugeait déjà ainsi au vu de son attitude guerrière.
00:11:49C'était un homme de confiance.
00:11:52L'opération commence à 3h du matin.
00:11:54A 4h40, les hommes sont rassemblés.
00:11:57Pour se reconnaître, ils avaient mis un brassard blanc.
00:12:00A 4h58, la division de gauche fait un tir de diversion.
00:12:04A 5h, le ciel s'enflamma derrière notre front et les obus tendirent leurs arcs bruissants
00:12:13au-dessus de nos têtes.
00:12:14Je me tenais avec Klotman à l'entrée de l'abri et fumais mon ultime cigare.
00:12:20C'est à 5h05 qu'Ernest traverse les barbelés.
00:12:23Un duel à la grenade commença.
00:12:25C'est une cuillère dans une gamelle qui va sauver la vie d'Ernest dans la troisième
00:12:28ligne.
00:12:29Pas de résistance jusqu'à cet épisode, il lit.
00:12:33Tout à coup, des ombres s'enfuirent devant nous.
00:12:36Nous courûmes à leur suite et tombâmes dans un cul-de-sac, dans le paroi duquel s'ouvrait
00:12:40une entrée de galerie.
00:12:41Il crie de monter et reçoit un projectile à amorçage retardé.
00:12:44Le sergent d'à côté eut le nez perforé.
00:12:47Ernest et ses hommes sont désemparés car ils trouvent plein de fusils, des grenades
00:12:51dans les différentes lignes ennemies, mais toujours pas de prisonniers à affaire.
00:12:54Autrement dit, ils n'y trouvent aucun homme.
00:12:57Tout le monde commença peu à peu à s'énerver, dit-il.
00:13:00Il ajoute, j'avais déjà abandonné tout espoir de sortir vivant de ce guet-pied quand
00:13:04je poussais soudain un cri de joie.
00:13:06Mon regard venait de rencontrer la gamelle à la cuillère, maintenant je m'y retrouvais.
00:13:11Je tiens à préciser ici, mais dans cette attaque, Ernest et ses hommes attaqués m'étaient
00:13:16complètement désarçonné et avaient perdu tout repère.
00:13:18Ernest apprit de Kainitz que l'artillerie allemande avait aussi causé des pertes dans
00:13:23leur propre rang.
00:13:24Des quatorze hommes, il n'en reste maintenant plus que quatre.
00:13:27Voici ce que dit l'un de ces hommes, l'un des quatre, du Yessifken, un paysan d'Oldenburg.
00:13:34Mais le lieutenant Jünger, maintenant je le respecte.
00:13:37Ah fieu, comment qu'il te sautait les barricades.
00:13:40Finalement, l'opération fut un échec malgré l'estime du colonel von Oppen.
00:13:46L'officier de l'état-major de la division reçut Ernest dans son bureau en le tenant
00:13:50responsable.
00:13:51Il accuse.
00:13:52« Mais pourquoi n'avez-vous pas à tourner à droite dans ce boyau ? » Ernest dit.
00:13:57Pour lui, toute l'affaire était un plan, pour nous, une réalité intensément vécue.
00:14:02Il a obtenu quinze jours de permission suite à ces événements.
00:14:05Des soldats de 1870 étaient parmi les victimes.
00:14:09Au final, ce sont les français qui ont fait des prisonniers.
00:14:12Il raconte que dans un communiqué français, on pouvait lire.
00:14:15« Un coup de main allemand, près de Regneville, a échoué.
00:14:20Nous avons fait des prisonniers.
00:14:21Un de ces hommes, Meyer, était fait prisonnier.
00:14:24L'officier Kloppmann est tombé.
00:14:26» Ernest dit de lui.
00:14:27Il est vrai que Kloppmann était un de ces hommes qu'on ne peut concevoir prisonnier.
00:14:31Quelques jours plus tard, une autre opération du même genre a lieu dans le but de faire
00:14:36des prisonniers avec les lieutenants de Meyer et Zurn.
00:14:40Cet épisode permet aussi à Ernest de montrer toute la stupidité de certaines de ces missions.
00:14:44« Personne ne voulut se rendre », et Ernest dit.
00:14:48« De Meyer lui perça la gorge d'un coup de pistolet et dut rentrer comme moisson prisonnier
00:14:53», il ajoute.
00:14:55Cette marche à l'aveugle par les tranchées inconnues était sinistre.
00:14:58Actuellement encore, je me sens le cœur serré quand j'y reviens en pensée.
00:15:02Plus l'intrigue avance, plus la guerre s'enlise.
00:15:06Et plus les doutes concernant le moral des hommes de Ernest s'installent.
00:15:09Nous appriment le 29 novembre 1917 par le capitaine Von Brixen que nous devions participer
00:15:14à une contre-attaque de grande envergure contre la poche créée par la bataille de
00:15:18tanks devant Cambrai où notre front avait été enfoncé.
00:15:22Nous nous demandions si les hommes encore épuisés par les Flandres pourraient soutenir
00:15:26cette épreuve, mais j'avais confiance en ma compagnie.
00:15:29Finalement, les hommes d'Ernest doivent encore attendre.
00:15:33Lui et ses hommes ont attendu dans le froid dans un fossé au bord de la route au cas
00:15:37où des renforts étaient nécessaires.
00:15:38Finalement, l'ordre d'avancer est arrivé.
00:15:41Ils devaient parcourir 500 mètres pour rejoindre l'objectif.
00:15:44Ernest dit.
00:15:45De nombreux morts révélaient que plus d'une compagnie avait déjà payé à cet endroit
00:15:50son péage de sang.
00:15:51Ernest doit reprendre l'attaque.
00:15:53Il établit son plan de bataille pendant des heures dans un trou non loin du champ de bataille
00:15:57et il voyait au-dessus de lui la révérence profonde et unanime de casques d'acier.
00:16:02Il se faisait interrompre par des obus légers.
00:16:04Avant une attaque, voilà l'état d'esprit des hommes.
00:16:07Il dit.
00:16:08On cherche à s'occuper le plus possible pour échapper au vert rongeur des pensées.
00:16:13Sur le chemin des dragons, il devait au préalable faire face à une mitrailleuse anglaise qui
00:16:19par bonheur avait été enlevée et renforce l'enthousiasme à ce moment-là des Allemands.
00:16:24Il avait finalement rejoint la position Siegfried.
00:16:26En avançant, il arrive à faire une prise d'au moins 150 hommes.
00:16:31Ernest parle avec l'un d'entre eux, le chef de compagnie ennemi, un homme de 26 ans
00:16:35blessé au mollet.
00:16:36Il lui dit.
00:16:37We were surrounded about.
00:16:40Il a ainsi expliqué à son adversaire, Ernest Jünger, pourquoi ses troupes s'étaient
00:16:45si vite rendues.
00:16:46Il refusa de renseigner des défenseurs de la position Siegfried.
00:16:50Néanmoins, les blessés anglais comme allemands ont été renvoyés à l'arrière et ils
00:16:54ont fini par se serrer la main.
00:16:55Au final, les Allemands ont fait 200 prisonniers.
00:16:59La compagnie allemande d'Ernest Jünger, je tiens à le rappeler, mais n'était composée
00:17:02que de 80 hommes.
00:17:04Ces hommes-là trouvent des splendeurs, comme il dit, comme des équipements, mitrailleuses,
00:17:09etc., mais aussi des douceurs, comme le cognac.
00:17:12Ernest ne s'en cache pas en disant qu'il en a bien bu.
00:17:14Néanmoins, un incident intervient quand un blocos encastré dans la tranchée tira sur
00:17:20les hommes d'Ernest.
00:17:21Il demande alors des volontaires pour essuyer cette résistance.
00:17:25Tout le monde hésite, sauf un Polonais qu'il considérait comme l'imbécile de la compagnie
00:17:29où il disait « On ne connaît pas un homme avant de l'avoir vu au danger ». Dans le
00:17:34livre, il parle de celui qui a pris la relève, Neuper, en implicitant que ce brave Polonais
00:17:41soit mort au combat.
00:17:42Ernest ne se rappelle plus de son nom.
00:17:44On est à ce moment-là à la double bataille de Cambrai.
00:17:48En poursuivant l'avance, les hommes d'Ernest se heurtent à des lanceurs de grenades invisibles.
00:17:53Il explique que l'un de ses camarades Mevius, un sous-officier qu'il avait estimé à
00:17:56bien des égards à Reneville, est tombé.
00:17:58Il était étendu, le visage dans une flaque de sang.
00:18:02« Quand je le retournais, je vis bien un grand trou dans son front qui n'y avait
00:18:06plus rien à faire.
00:18:07Je venais d'échanger quelques mois avec lui, soudain, je m'aperçus qu'il ne répondait
00:18:12plus à mes questions.
00:18:13Quand je tournais la traverse, quelques secondes après, il était déjà mort.
00:18:17Cette fin avait quelque chose de fantastique.
00:18:21» On est toujours ici dans la double bataille de Cambrai.
00:18:24Après une énième permission, c'est le 4 juin 1918, où il rejoint son régiment
00:18:29au repos dans les environs immédiats de Vrecourt, qui désormais se trouvait loin en arrière
00:18:34du front.
00:18:35L'armée allemande, on constate avec l'avancée du récit, perd de plus en plus de terrain.
00:18:39Le commandant Lutitschow est au commandement, cet épisode le marqua.
00:18:43Un après-midi, je me rendis à cheval jusqu'à ce chemin creux si âprement disputé deux
00:18:49mois plus tôt, près de Vrecourt.
00:18:51Les bords en étaient semés de croix, où je lus bien des noms familiers.
00:18:54Vers la fin de son récit, il parle de ses derniers faits d'armes, et son dernier, c'est
00:19:00de rejoindre et couvrir le village de Puisieux, au mont où Ernest s'occupe du secteur.
00:19:04C'est vers la fin du bouquin qu'Ernest parle du « Bokto 125 », il le décrit ainsi.
00:19:09Un petit bois haché par les obus.
00:19:12Il donne un aperçu sommaire des abris.
00:19:15On les appelait les « Taules Siegfried ». Elles mesuraient pas plus d'un mètre de
00:19:19haut.
00:19:20Ernest comprend que la fin de la guerre arrive.
00:19:22Chacun savait bien que nous ne pouvons plus vaincre, mais l'adversaire devait voir que
00:19:27l'esprit viril n'avait pas encore disparu.
00:19:29En effet, de nouveaux chars rapides et puissants font leur apparition.
00:19:33Le lieutenant Junger a le temps de compter le nombre de blessures qu'il a reçues.
00:19:38Quatorze blessures minimum, cinq balles de fusil, deux éclats d'obus, une balle de
00:19:43shrapnel, quatre éclats de grenade, et pour finir, deux éclats de balles de fusil.
00:19:48Vingt cicatrices avec l'entrée et la sortie des balles.
00:19:52Il reçoit la médaille d'or des blessés.
00:19:54Il fut débarqué à Hanovre et installé au couvent des Clémentines.
00:19:58Son frère, blessé lui aussi, lui rendit visite, car il fut touché aussi.
00:20:03Son compagnon de chambre, Wenzel de l'escadrille Richthofen, avec ses douze victoires, répond
00:20:09parfaitement à ce dicton terrible, increvable, mais cinglé.
00:20:13Mais c'est le 22 septembre 1918 qu'il reçoit une information de la plus haute importance.
00:20:19Sa Majesté l'Empereur vous a confié la croix pour le mérite.
00:20:22Au nom de la division tout entière, je vous adresse mes félicitations.
00:20:26C'est le général Von Busse qui l'annonce par télégramme.
00:20:28Contexte de tranchée Ce jeune devenu un homme précise aussi dans
00:20:34son livre la condition de vie de l'armée allemande.
00:20:37Le principal travail n'est pas réellement d'aller se battre, surtout dans la guerre
00:20:40de position qu'a connu Ernest, il dit.
00:20:43Janvier 1916 fut de nouveau un mois de travail fatigant.
00:20:47Chaque groupe commençant par déblayer la boue dans les abords de son abri, à force
00:20:51de pelles, de seaux et pompes, puis après s'être remis sous les pieds à un sol ferme,
00:20:57on cherche à reprendre le contact avec les groupes voisins.
00:20:59On creusa aussi de nombreux trous d'eau, des puits perdus et des fossés de décharge,
00:21:06de sorte que nous retrouvâmes peu à peu des conditions de vie tolérables.
00:21:09Notre grand orgueil était notre activité de bâtisseur, peu entravée par les ordres
00:21:16de l'arrière.
00:21:17Bien que les conditions ne sont pas d'un réel grand confort, comme le mentionne Henri
00:21:21Barbus en parlant des tranchées dans son livre Feu, paru en 1916, le fond en est tapissé
00:21:27d'une couche visqueuse d'où le pied se décolle à chaque pas avec bruit et qui sent
00:21:32mauvais autour de chaque abri avec l'urine de la nuit.
00:21:36Il ajoute « Des masses énormes et difformes, patauges et grognent, des espèces d'ours,
00:21:42c'est nous.
00:21:43Les tranchées permettent le développement des compétences des soldats qui ne peuvent
00:21:47compter que sur leur autonomie et leur débrouillardise pour subvenir à leur subsistance et leur
00:21:51confort.
00:21:52Cette vie en communion, d'entraide, va fédérer le groupe autour d'un objectif.
00:21:56Henri Barbus précise « L'étroitesse de la vie commune nous sert, nous adapte, nous
00:22:01efface les uns les autres.
00:22:03Dans le livre d'Ernest, la communion est une expérience positive, au contraire d'Henri,
00:22:08qu'il voit plus comme un effacement l'humain.
00:22:10L'expérience est subjective.
00:22:12Non loin de l'Aisne, Alan Seager, en 1915, va écrire ce poème pour rendre hommage à
00:22:18la camaraderie.
00:22:19« Craon, devant ton plateau balayé par le feu, ou comme des feuilles flétries reposées
00:22:26par pieds les morts de septembre, là, j'ai trouvé, pour toutes les choses très chères
00:22:32que j'ai perdu, une récompense à laquelle je ne voudrais pas renoncer.
00:22:36Car cette magnifique camaraderie était maintenant la nôtre, celle de tous ceux qui révalisent
00:22:42de courage, plus que dans la terne paix et tous ces pauvres fervents, cette camaraderie
00:22:47nous avait appris la dignité d'être des hommes.
00:22:50»
00:22:51Le passe-temps que s'adonnent les soldats allemands autant que français, c'est la
00:22:54chasse aux rats.
00:22:55Il était assez fréquent que les chats viennent aux abords des tranchées.
00:22:59Mais les tranchées, c'est avant tout une tactique de défense.
00:23:02Ernest n'a pas connu la guerre de mouvement de 1914.
00:23:05Il raconte comment la guerre a évolué d'un point de vue tactique avec la taille des tranchées
00:23:11qui amènent la guerre de position.
00:23:12Il raconte « L'approfondissement progressif des tranchées a peut-être permis d'éviter
00:23:17bien des balles dans la tête, mais il crée la manie de s'accrocher au dispositif de
00:23:21défense, un besoin de sécurité auquel on eut ensuite du mal à renoncer.
00:23:26Il nous donne une vision beaucoup plus imagée du champ de bataille où il explique le rôle
00:23:31de la première ligne construite en zigzag pour éviter les enfilades.
00:23:35Elle permet d'arriver à protéger à la zone de combat.
00:23:38La seconde ligne, parallèle à la première, est une ligne de résistance où contrairement
00:23:43à la première, il y a très peu de dispositif de défense.
00:23:46Il explique que la terre tirée des tranchées sont amoncelées derrière la ligne en un
00:23:50parapet qui sert aussi de défense arrière afin d'installer les mitrailleuses.
00:23:55La présence de barbelés intervient pour freiner l'approche de l'assaillant.
00:23:58Il explique que le combattant est couvert dans le dos par le parapet arrière sur les
00:24:03flancs par les traverses.
00:24:05Imaginez-vous maintenant sur le no man's land où vous passez d'une sécurité somme
00:24:10toute fragile mais présente, à un endroit perdu entre les tranchées de chaque camp
00:24:14où la seule chose que vous voyez est la mort.
00:24:17Dans son chapitre sur la chronique quotidienne de la guerre des tranchées, Ernest constate
00:24:22une réelle proximité des ennemis.
00:24:24Les tranchées ennemies sont à quelques pas, l'adrénaline dans l'une des missions,
00:24:29et j'entendis, à dix mètres de nous, des frôlements multipliés dans les herbes.
00:24:34Nous avions perdu la direction et rampé le long des barbelés anglais.
00:24:38L'ennemi avait dû nous repérer et sortait à son tour de ces lignes pour inspecter les
00:24:43approches.
00:24:44On n'oublie pas de tels instants de réptation nocturne.
00:24:47Les combats avaient lieu généralement la nuit pour assurer l'efficacité de la mission
00:24:52et éviter de se faire repérer.
00:24:54Ernest raconte dans le chapitre de la double bataille de Cambrai, c'est un sentiment
00:24:58sinistre qui s'insinue en vous quand vous traversez en pleine nuit une position inconnue,
00:25:02même quand le feu n'est pas particulièrement nourri.
00:25:05L'œil et l'oreille du soldat, entre les parois menaçantes de la tranchée, sont mis
00:25:10en éveil par les illusions les plus étranges, tout effroi et déconcertant, dans un monde
00:25:15maudit.
00:25:16Faire face aux armes.
00:25:18Ce monde maudit a pu exister avec les nouvelles technologies au service de la boucherie.
00:25:22Les blindés ont pris une part importante dans le massacre.
00:25:25Un blindé, c'est le compromis entre puissance de feu, protection et mobilité.
00:25:30On parle de chariots blindés au moyen âge, poussés par 6 chevaux, ou ce qu'on appelait
00:25:35les forts roulants, poussés par 4 chevaux avec 6 canons.
00:25:38En 1870, on parlait déjà d'un char en forme de tortue, ce projet était proposé
00:25:44par Jourdain.
00:25:45Mais c'est la guerre de tranchée qui va être un élément déclencheur.
00:25:48En 1915, on est encore au stade de prototype, de projet.
00:25:53Schneider et Aubriot proposent en 1915 le crocodile testé par l'armée britannique.
00:25:59Le principal défi, c'est combler la largeur des tranchées avec la guerre de position.
00:26:03Les chars à ce stade ne peuvent qu'être efficaces de près, or les mitrailleuses ne
00:26:08sont pas généralement dans la tranchée de première ligne, mais souvent dans les
00:26:12tranchées de soutien.
00:26:13C'est un frein pour l'infanterie, qui n'est donc pas protégée.
00:26:16Il faut attendre le général Mouret pour que ces derniers fassent appel à Renault pour
00:26:20étudier un gros char blindé armé, avec un gros tracteur à chenilles, porteur d'artillerie.
00:26:25Finalement, 2903 chars Renault seront livrés en 1918, bien plus que les Schneider.
00:26:31Beaucoup de débats ont lieu pour savoir qui a réellement inventé le char tels que nous
00:26:35connaissons aujourd'hui.
00:26:36Il y a par exemple Jean-Louis Breton qui, dès 1914, avait saisi Millerand, ministre
00:26:42de la guerre, pour la destruction des réseaux de fils de fer.
00:26:45Même le général Foch avait approuvé qu'il pouvait se réclamer la paternité des chars
00:26:49d'assaut français avec la traction à chenilles.
00:26:52Il a surtout mis en place le coupe-fil breton, ou encore le système breton préto, sur tracteur
00:26:58bajac.
00:26:59Même Léonard de Vassy en avait dessiné un prototype au 15ème siècle, mais le terme
00:27:04de char d'assaut s'associe souvent aux chars britanniques avec le colonel Swinton.
00:27:10Ernest établit une description fidèle, notamment des balles anglaises causant des blessures
00:27:15assez identifiables, éclats de balles au fusil, un des fusiliers et d'ailleurs un
00:27:19crameur fut blessé par des balles anglaises.
00:27:21Les balles s'aplatissent au moment de l'impact.
00:27:24Il parle des grenades allemandes à manches, différentes des grenades françaises.
00:27:28Elles s'amorcent au moyen d'un cordon qu'on tire par un bouton de porcelaine et
00:27:32qui passe à travers le manche.
00:27:33D'autres projectiles prennent la direction des tranchées, comme les mines qu'Ernest
00:27:38appelait familièrement les ananas car leur forme ressemblait au fruit exotique.
00:27:42Dans le prélude de la Somme, devant le spectacle de feu, des mines cylindriques arrosaient
00:27:47la tranchée d'Ernest.
00:27:49Il appelait ces projectiles le linge sale, car il avait l'impression qu'elles tombaient
00:27:53du ciel comme d'un panier à linge sale qu'on eut retourné.
00:27:56D'ailleurs, après un rapport téléphonique, les anglais demandaient des casques d'acier,
00:28:01ce qui laissait présager pour Ernest une offensive terrible.
00:28:04Ce n'était pas le seul danger auquel il fallait faire face, les gaz ont été souvent
00:28:08utilisés comme le gaz phosgène ou encore le gaz moutarde.
00:28:12Beaucoup d'hommes vomissaient et sont décédés dans des souffrances extrêmes.
00:28:14La mort est alors devenue le meilleur ami des soldats.
00:28:18Les nouveaux amis, la mort et les plaisanteries, et les nouveaux ennemis, l'ennui, le stress,
00:28:24l'hygiène, le manque de sommeil.
00:28:26Ernest dit, un guetteur s'écroule, toute une masse ruissellant de sang, balle dans
00:28:33la tête, les copains lui arrachent de sa capote le paquet de pansements et le bandent.
00:28:37« C'est plus la peine, Willem ! Mais quoi, vieux, il respire encore ? »
00:28:41Arrivent les brancardiers pour l'emporter au poste de secours, la civière cogne rudement
00:28:45contre les traverses disposées en chicane, à peine a-t-elle disparu que tout reprend
00:28:50son cours habituel.
00:28:51On jette quelques pelletées de terre sur la flaque rouge et chacun retourne à ses
00:28:56occupations.
00:28:57Seul, un bleu s'appuie encore tout blême au revêtement du bois.
00:29:03Il essaie de comprendre ce qui s'est passé, tout a été si soudain, si affreusement surprenant,
00:29:08un attentat d'une indicible brutalité, c'est impossible, cela n'a pas pu avoir
00:29:13lieu, pauvre type, tu en verras d'autres, et effectivement, vous allez voir qu'il
00:29:19en a bien d'autres.
00:29:20Il appelle les morts le parfum des offensives.
00:29:23La mort est omniprésente, les corps des camarades abattus reposent autour des vivants.
00:29:28Le 7 octobre 1915, il dit « Le même matin, le guetteur de l'aile gauche a reçu un
00:29:34coup de feu à travers les deux pommettes.
00:29:36Le sang jaillissait en gros G de la blessure.
00:29:39Pour comble de malheur, le lieutenant Von Ewald est arrivé aujourd'hui dans notre
00:29:44secteur afin de prendre son commandement, la SAP N, qui n'est qu'à 50 mètres de
00:29:50la tranchée.
00:29:51Comme il se retournait pour redescendre de la banquette, une balle lui a fracassé la
00:29:55nuque.
00:29:56Il a été tué net.
00:29:57Il est resté sur la banquette, de gros morceaux d'os crâniens.
00:30:01Même si la mort frappe à chaque instant, le détachement face à elle est particulièrement
00:30:06déconcertante.
00:30:07Le 21 novembre 1915.
00:30:10J'ai conduit de la forteresse Eiltenberg au secteur C, un détachement de terrassier
00:30:16dont le réserviste Deiner, qui est monté sur un saillant de la paroi pour jeter de
00:30:20la terre à la pelle par-dessus le parapet.
00:30:23A peine était-il là-haut qu'un coup de feu tiré d'une sable lui a traversé le
00:30:26crâne et l'a étendu raide mort sur le sol de la tranchée.
00:30:29Il était marié et père de quatre enfants.
00:30:32Ses camarades sont restés encore longtemps encore osagués derrière les créneaux pour
00:30:36venger le sans-verser.
00:30:37Le 28 décembre 1915.
00:30:41Commandement encore de la forteresse d'Eiltenberg.
00:30:44Mon fidèle August Kettler, lui aussi le premier de mes nombreux ordonnances, tomba sur la route
00:30:50de Monchy où il allait chercher mon repas, abattu par une explosion de shrapnel qui
00:30:55lui sectionna la tranchée.
00:30:56Il ajoute.
00:30:57Le chemin de Monchy à la forteresse Eiltenberg nous a coûté beaucoup de sang.
00:31:02Ernest prend peu à peu conscience de ce qu'il observe.
00:31:04C'est là seulement que j'observais l'existence d'une sorte d'horreur.
00:31:08Je ne ressentais pas de crainte, mais une aisance supérieure presque démoniaque et
00:31:12aussi surprenant d'accès de fourrure que je n'arrivais pas à contenir.
00:31:16On est à ce moment-là au secteur de Guillemont.
00:31:18Les nerfs lâchent.
00:31:19Alors sommes-nous vraiment nous-mêmes dans de telles circonstances ? Ne serait-ce pas
00:31:23un autre moi, comme dirait Freud, qui prend le flambeau du moi habituel ? Des descriptions
00:31:28donnent des hauts-le-cœur, comme le pied écrasé avec dégoût, les corps flasques
00:31:32qui s'y dessoulaient.
00:31:339 avril 1917, au village de Mérigny, dans les environs de Douai.
00:31:38Il raconte.
00:31:39À l'entrée, un mort était étalé, sa tête était arrachée.
00:31:43Je vis comme un cauchemar que le pouce restait seul, dressé en l'air, au bout du bras mutilé.
00:31:50Il parle aussi d'un échange de balles où le pointeur, le soldat, Motuho, s'écrola
00:31:56frappé à la tête.
00:31:57La cervelle lui coula sur la tête, il était encore conscient.
00:32:00Ernest raconte Medusé.
00:32:03J'observais les yeux rivés à son visage, que malgré les salves qui l'éclaboussaient,
00:32:09il ne penchait pas la tête d'une ligne.
00:32:11Quand je m'informais de son état, il parvint à me répondre en phrases cohérentes.
00:32:16J'eus l'impression que cette blessure mortelle ne lui causait pas de douleur, que peut-être
00:32:21même il n'en avait pas conscience.
00:32:23Quand la mort frappe aussi soudainement que l'éclair, il faut bien se donner du courage.
00:32:28Le courage communicatif contribue au détachement total vis-à-vis de la finitude.
00:32:33Voici les événements dans la double bataille de Cambrai.
00:32:36Les braillements d'un adjudant voisin dit.
00:32:40« Où sont les Tommys, bande de chiens ? Rentrez-leur dedans, allons-y ! Qu'est-ce qui vient avec
00:32:45moi ? » Il culbute la barricade et fonce vers l'ennemi s'ouvrant un chemin fracassant
00:32:50de grenades.
00:32:51Ernest, Brickson le suivirent.
00:32:53Ernest dit.
00:32:54Le courage, la vigieuté en enjeux communiquent toujours l'enthousiasme.
00:32:58C'était une boucherie, on se tuait au jugé.
00:33:01Je pus durant ces minutes voir s'enfrémir les morts par-dessus lesquels je sautais à
00:33:05chaque pas.
00:33:06Ernest fut touché où deux grands trous dans son métal, son casque, ont été visibles.
00:33:12La balle avait perforé son casque et frôlé son crâne.
00:33:15Son ami, Teb, est mort.
00:33:18On bande à la tête d'Ernest, il est atteint une deuxième fois.
00:33:22Il se prend un coup à la tête entre la tampe et le bord du casque.
00:33:26Au final, ce sont des plaies superficielles.
00:33:28Il raconte.
00:33:29Elles devaient provenir de l'écrasement du projectile ou des éclats de casque en
00:33:33acier de l'autre blessé.
00:33:35Cet homme, qui portait dans son corps le métal de la même balle que moi, me rendit visite
00:33:40après la guerre.
00:33:41Il était ouvrier dans une usine de cigarettes et resta depuis ce coup en mauvaise santé
00:33:46et bizarre.
00:33:47Ses amis ont pu être décorés comme le lieutenant Oppenrath, chef des groupes de choc, l'aspirant
00:33:52Nepper pour le Blockhaus et Keppenhaus pour la défense de la barricade, ont reçu une
00:33:57croix de fer de première classe.
00:33:59Ernest sera décoré l'ordre de la couronne Dohenzollern.
00:34:04C'est son souvenir de la double bataille de Cambrai.
00:34:07Il raconte.
00:34:08Elle entrera dans l'histoire comme la première tentative de rompre par de nouvelles méthodes
00:34:13l'encerclement mortel de la guerre de position, afin de faire plus de prisonniers ou de victimes.
00:34:18La plupart de ses camarades moururent, comme Otto Schmitt.
00:34:22Il meurt d'un éclat qui l'atteignit à la tête.
00:34:25Sievers meurt également, que l'on côtoie aussi durant tout ce récit, qu'il avait
00:34:29d'ailleurs connu au prélude de la Somme.
00:34:31Le capitaine Von Brixen mourut où il s'embrocha sur un timon ferré, à Kojeul.
00:34:37Le 24 janvier 1918, Ernest fait ses adieux au colonel Von Oppen qui lui a donné beaucoup
00:34:44de rapports de combat qui seront dits en Palestine pour prendre le commandement.
00:34:48Il mourut du choléra asiatique.
00:34:50Il faut le lire, mais Junger n'est pas passé loin de la mort, surtout le 24 juillet 1918.
00:34:56Il raconte.
00:34:57En plein d'entretiens, je sens dit soudain qu'on m'a grippé et qu'on me jetait
00:35:00de côté.
00:35:01L'instant d'après, une balle s'écrasait dans le sable de mon siège.
00:35:05Par un heureux hasard, Diebkens avait observé comme un fusil sortait lentement d'une
00:35:10meurtrière de la barricade ennemie, à quarante mètres de nous, et je devais mon salut à
00:35:15ses yeux perçants de peintre, car à une tête de distance, le premier crétin venu
00:35:19était capable de me descendre.
00:35:20C'était le brio de la mort, où les anglais voyaient très bien ce qu'il se passait.
00:35:25Trois hommes moururent ici d'une balle dans la tête.
00:35:27Il raconte cela dans le chapitre « Avances anglaises ». L'apparition de la grippe
00:35:32espagnole fait aucune pitié pour les anglais ou les allemands, il explique que c'est
00:35:36surtout le manque de ravitaillement qui accentue les effets de cette grippe.
00:35:40Ernest constate que ce sont les jeunes qui meurent en premier de cette grippe espagnole.
00:35:44Dans le dernier assaut, Ernest fut touché et sentit la main de la mort.
00:35:50Là où j'étais maintenant, il n'y avait plus ni guerre, ni ennemi.
00:35:55Quand il n'y avait pas la borde au bout du chemin, l'ennui pointe le bout de son
00:36:00nez.
00:36:01Henry Barbus dans le feu.
00:36:02On est devenu des machines à attendre.
00:36:05Pour le moment, c'est la soupe qu'on attend.
00:36:09Après, ce seront les lettres.
00:36:11Lorsqu'on en aura fini avec la soupe, on songera aux lettres.
00:36:16Ensuite, on se mettra à attendre autre chose.
00:36:19Pour Ernest, le constat est le même.
00:36:22Il raconte.
00:36:23Mais le pire, c'était l'ennui.
00:36:26Plus énervant pour le soldat que la proximité de la mort.
00:36:29Nous espérions une attaque.
00:36:31Pour lui, l'attaque était le moyen de ne plus s'ennuyer et d'être dans l'action
00:36:36afin de ne plus être prisonnier de ses propres pensées.
00:36:39Il faut avant tout que le soldat ne s'ennuie pas, ajoute-t-il.
00:36:43Alors, pour ne pas s'ennuyer, on redouble d'imagination.
00:36:47Voici l'invention d'un nouveau loisir d'Ernest.
00:36:50J'ai enfin imaginé, raconte-t-il, avec un autre sous-officier, un autre sport, excitant
00:36:55mais non sans danger.
00:36:56Nous ramassons partant de brouillard les obus non éclatés, gros et petits, parfois des
00:37:01projectiles de près d'un quintal, qui ne manquent pas dans ces parages.
00:37:04Nous les alignons à quelques distances comme des quilles pour les prendre sous notre tir,
00:37:09à l'abri derrière les créneaux.
00:37:10Mais quand l'ennui tenace, comme ma cogeule, il raconte.
00:37:15Quand je n'avais rien à faire dans la tranchée des guetteurs en construction, je passais
00:37:19mes journées dans mon abri glacial, à lire un livre et à battre la semelle sur les châssis
00:37:24pour m'échauffer.
00:37:25Pour éviter l'ennui, mais surtout la mort, les plaisanteries vont bon train pour se détacher
00:37:30de la réalité du front.
00:37:31Junger, parlant le français avec ses camarades, a eu le temps de faire quelques plaisanteries.
00:37:35Il raconte une blague avec son camarade Clément quand il est chez le barbier où un client
00:37:40avec l'accent champenois dit « Eh, coupe-moi la gorge avec ! ».
00:37:44Clément répond « Quant à moi, j'aimerais mieux la garder ».
00:37:47Dans le récit, les blagues ne manquent pas.
00:37:50Une blague classique, entre autres, consistait à verser d'une gourde de l'eau ou du café
00:37:56dans la bouche des ronfleurs.
00:37:57Dans le récit, il fait également référence à l'alcool, qui est son meilleur remède.
00:38:02Comme il le dit, pour faire passer cette belle peur, nous vidâmes dans l'abri de Seavers
00:38:08quelques bouteilles de rouge.
00:38:09Elles me mirent tellement en train, sans que j'y prise garde, que je regagnais mes
00:38:15pénates à découvert en plein clair de lune.
00:38:18Parfois, il est vrai qu'il ne reste que l'humour pour savoir l'humanité qu'il
00:38:22reste encore chez ses hommes.
00:38:23Il raconte « Il régnait partout, devant les barbelés, une animation qui parfois n'était
00:38:30pas exempte d'un certain humour sanglant.
00:38:32C'est ainsi qu'un de nos hommes de patrouille fut pris sous le feu de nos guetteurs parce
00:38:37qu'il bégayait et n'arrivait pas à sortir le mot de passe.
00:38:40Il explique aussi que l'un de ses hommes avait arrosé de balle pour son compte personnel
00:38:44un feu à volonté envers les lignes ennemies.
00:38:46Lorsqu'il lui épuisait six munitions, il fut ramené et durement passa à tabac.
00:38:51Encore un échange aussi surprenant que décalé à propos des Anglais qui s'arrêtaient
00:38:55avec leur rouleau de barbelé tout proche d'Ernest et ses quelques compagnons.
00:38:59Il raconte « Nous nous faufilâmes l'un jusqu'à l'autre et échangeâmes quelques
00:39:05répliques hâtivement chuchotées.
00:39:07« Balance-lui une grenade et rends-lui dents, mon vieux ! Tu ne vois pas qu'ils sont
00:39:11à quatre ? » Le revoilà qu'il fait dans sa culotte « Ne déconne donc pas ! Plus
00:39:15bas ! Plus bas ! » Mon avertissement venait trop tard.
00:39:18Quand je levais les yeux, les Anglais étaient en train de se faufiler comme des lézards
00:39:22sous leur barbelé et ils disparurent dans leur tranchée.
00:39:25Dans la même action, à dix mètres des guetteurs, ils se font repérer.
00:39:29Ils s'émient à courir en essayant d'éviter les balles et sautent dans un trou peu profond.
00:39:34Finalement, il arrive à rejoindre sa tranchée une fois l'aube pointant le bout de son nez.
00:39:38Dans le ton employé et dans la description, tout laisse croire qu'il s'agit d'un jeu.
00:39:43Même quand les blessés s'amoncèlent, il y a toujours le moyen de constater de la
00:39:47bonne humeur chez ces hommes.
00:39:48Autre fait amusant.
00:39:49Il dit « Il est vrai que mon aile gauche, qui touchait au village de Belle-Inglise,
00:39:55déjà fort amochée, n'avait pas à se plaindre d'une privation de tir.
00:40:00Dès le premier jour, l'un de mes hommes attrapa une balle de shrapnel qui lui resta dans la
00:40:04fesse droite.
00:40:05Quand, alerté, j'accourus au lieu de l'accident, je le trouvais déjà tout réjoui,
00:40:10attendant les brancardiers, assis sur la fesse gauche, en train de boire le café
00:40:15accompagné d'une gigantesque tartine de confiture. »
00:40:17Mais celle-ci est peut-être la plus drôle.
00:40:20C'est surtout les surnoms qu'ils se donnaient et certains ne manquent pas d'imagination.
00:40:25Il parle de ses camarades officiers Ambrock et Hazen.
00:40:29L'un est appelé le marquis de Gorgonzola, car il est roux, avec un visage parsemé de
00:40:35taches de son jaune et verdâtre, et l'autre un rondouillard où il raconte l'une de ses
00:40:40mésaventures.
00:40:41Il avait pour habitude d'être très bien équipé, couteau, pistolet, grenade toujours sur lui.
00:40:46Il se fourrait quelques grenades sphériques dans les poches, venait de farfouiller dans
00:40:51sa poche pour en tirer sa pipe, qui s'était prise dans l'anneau d'une des grenades et
00:40:55l'avait amorcé.
00:40:56Dans ses efforts épouvantés pour tirer la maudite grenade et la balancer loin de lui,
00:41:01il s'embrouilla si bien dans ses propres poches qu'elle aurait eu tout le temps de
00:41:05le déchiqueter si par un hasard fantastique, ce projectile n'avait justement raté.
00:41:10Admis paralysé et trempé de sueur dans Glouas, il se trouva ainsi rendu à l'existence.
00:41:15Le maniement des explosifs laisse parfois des scènes assez surréalistes.
00:41:20Ernest fait souvent quelques références dans le livre et je retiens la fois où lui-même
00:41:25en a été victime.
00:41:26Il dit
00:41:27Un après-midi, en parcourant mon secteur, je découvris plusieurs caisses enterrées
00:41:33pleines de munitions anglaises.
00:41:34Voulant étudier la construction d'une grenade à fusil, je la dévissais et en retirais
00:41:39la capsule explosive.
00:41:40Il resta un fond que j'ai pris pour l'amorce.
00:41:44Or, cet objet, quand je tentais de le vider au moyen d'une aiguille, s'avère être
00:41:50une autre capsule qui explosa à grands fracas m'emportant le bout de l'index gauche et
00:41:54me causant quelques lésions sanglantes au visage.
00:41:56Chose assez surprenante, mais hormis la gadoue, la fatigue, l'ennui, la mort, l'hygiène
00:42:02n'est absolument pas évoquée dans le livre.
00:42:04Le seul passage que j'ai noté, c'est celui où il se dit se laver dans une boîte
00:42:08de harangues qu'on serve, laissant imaginer l'impossibilité de s'accorder du temps
00:42:13à sa propre personne.
00:42:14Le manque de nourriture n'est pas réellement évoqué, ne serait-ce qu'à certains moments
00:42:19précis, mais dans d'autres journaux de guerre comme celui de Carl Heinrich Weiske
00:42:24en date de septembre 1914, on relate qu'on mange même plutôt bien en France.
00:42:29Alors, est-ce un choix de l'auteur de ne pas avoir évoqué cela ou n'a-t-il tout
00:42:33simplement pas accordé autant d'importance que d'autres soldats auraient pu le faire?
00:42:37Quoi qu'il en soit, l'élément le plus visible quand il prend de l'expérience
00:42:40dans les combats, c'est le caractère chevaleresque du récit.
00:42:44L'homme façonne la guerre.
00:42:48L'héroïsme, du chevaleresque à l'épique.
00:42:50Pour vous raconter l'aspect chevaleresque, voici le déroulement qu'il juge comme
00:42:55étant sa grande bataille.
00:42:57Il s'agit d'un des plus grands chapitres de ce récit.
00:43:01La grande offensive est prévue.
00:43:03Elle aura lieu le 21 mars 1918.
00:43:07Le bataillon fut logé au château de Brunemont, les positions proches de Canicourt.
00:43:12La mission était la suivante.
00:43:14Le régiment devait percer entre les villages d'Écousse-Saint-Main et de Noreuil et d'avancer
00:43:20le premier jour jusqu'à Moris.
00:43:21Précision, ce secteur avait fait partie de l'arrière lors des combats de position
00:43:26devant Monchies.
00:43:27Ernest connaît donc bien ce secteur.
00:43:29Dans les repérages des lieux dans la seconde ligne, Ernest fut à demi assommé lorsqu'un
00:43:33obus est abattu au milieu de ses hommes.
00:43:35Beaucoup de cris de souffrance, beaucoup de blessés.
00:43:37Ernest est paralysé au sens figuré du terme.
00:43:40Il se jeta dans un trou d'obus pour comprendre les événements soudains qui viennent de se
00:43:45dérouler sous ses yeux.
00:43:46Certains de ses hommes l'imploraient pour l'aider, Ernest raconte.
00:43:50Ses hommes disent « Mon lieutenant, mon lieutenant ! » L'un des bleus que je préférais,
00:43:55Jasinski, à qui un éclat avait fracassé la cuisse, se cramponnait à mes jambes.
00:44:00Maudissant mon impuissance à porter secours, je lui tapais sur l'épaule, désemparé.
00:44:05De tels moments se graffent en vous ! Les soins étaient prodigués par le seul brangardier
00:44:10survivant.
00:44:11Ernest prend les devants pour conduire les malheureux dans une zone hors de danger.
00:44:14Il parle de la soudaineté.
00:44:16Moi, qui une demi-heure auparavant était encore à la tête d'une compagnie sur le
00:44:21pied de guerre, j'irais maintenant avec quelques hommes complètement abattus à travers le
00:44:26lacis des tranchées.
00:44:27Il constate.
00:44:28Un gosse qui quelques jours auparavant, sous les brocards de ses camarades, avait pleuré
00:44:34à l'exercice à cause des caisses de munitions trop pesantes pour lui, traînait fidèlement
00:44:38ce fardeau qu'il avait sauvé de l'horrible Seine tout le long de notre cruel chemin.
00:44:43Ce trait me bouleversa.
00:44:45Ernest se mit à sangloter avec des sanglots convulsifs.
00:44:48Ernest était avec 150 hommes, il n'en a plus que 63.
00:44:54Mais il le dit, à la guerre, on apprend à fond son métier, mais les leçons se payent
00:44:59cher.
00:45:00Le moral n'est pas au rendez-vous avant la grande offensive.
00:45:03Ernest souhaite s'extirper de cette ambiance en conversant avec ses camarades de différentes
00:45:08niaiseries.
00:45:09À dix heures, un homme de liaison leur annonce qu'ils doivent se rendre sur la première
00:45:14ligne.
00:45:15Il dit.
00:45:16En comparaison de la situation, c'est comme un animal sauvage qu'on traîne hors de
00:45:21tanière.
00:45:22Ils ont rejoint la première ligne dans les tranchées sans encombre, mais tous les abris
00:45:26étaient combles faute au secteur étroit.
00:45:29Chacun se protégeait comme il pouvait, les isolés se creusèrent des trous dans les
00:45:34berges de la tranchée.
00:45:35Le colonel van Bricksen rassemble les troupes.
00:45:37Une fois la concordance des montres, ils se séparèrent en se serrant la main, comme
00:45:43il était d'habitude.
00:45:44L'attaque devait se faire à 5h05, heure de l'artillerie.
00:45:49Ernest passe le temps à discuter et à fumer.
00:45:525h05.
00:45:55L'ouragan éclata, un rideau flamboyant monta en l'air, suivi d'un rugissement
00:46:01soudain tel que nous n'avions jamais entendu.
00:46:04Ce qu'il a eu avant, Ernest dit que c'est un jeu d'enfant au niveau du grondement.
00:46:09Il subit une attaque de gaz et a pu enlever le masque seulement une heure après.
00:46:14Devant le spectacle de feu, les lois naturelles même semblaient suspendues, dit-il.
00:46:20Le capitaine van Bricksen fut touché mortellement.
00:46:22Il raconte la brutalité du spectacle.
00:46:25« Debout, devant mon trou, mon compagnon de réunivile, le sous-officier du G5 Ken,
00:46:32me supplia de revenir dans la tranchée, car la moindre chute d'obus devait m'ensevelir
00:46:37sous des masses de terre.
00:46:38Une explosion lui coupa la parole.
00:46:41Il tomba sur le sol, une jambe arrachée, tout secours était vain.
00:46:45Je sautais par-dessus son corps, quand Ernest souhaite rejoindre l'arrière.
00:46:50Le petit Schmitt fut tué dans son abri par un obus qui n'éclata pas en touchant de
00:46:54plein fouet son ami.
00:46:569h40.
00:46:57C'était l'ordre pour aller dans la tranchée anglaise ennemie et donc de se rassembler.
00:47:01Dans le récit, il raconte, le tonnerre de combat était devenu si terrible que personne
00:47:08n'avait plus l'esprit clair.
00:47:09Il avait une puissance étouffante qui ne laissait plus de place à l'angoisse.
00:47:13La mort avait perdu ses épouvantes, la volonté de vivre s'était reportée sur un être
00:47:18plus grand que tout, et cela nous rendait tous aveugles et indifférents à notre sort
00:47:22personnel.
00:47:23Anecdote.
00:47:24Dans l'Allemagne d'avant 1914, les jeunes individus pourvus d'un certificat de fréquentation
00:47:29dans un établissement secondaire ou du diplôme de bachelier pouvaient ne faire qu'un an
00:47:34de service à condition de payer son équipement, arme notamment.
00:47:37C'était le cas d'Eike qui faisait l'assaut avec Ernest à ce moment là.
00:47:41D'ailleurs, avant l'assaut, Ernest raconte.
00:47:44Un sentiment de sérénité, de bonheur me saisit.
00:47:47Il explique que les ambulanciers suivaient derrière l'assaut.
00:47:49Quand un blessé était sur le champ de bataille, les soldats mettaient un bout de bois avec
00:47:53un haillon de charpie blanc afin d'indiquer le blessé.
00:47:56Il raconte un face à face absolument terrible dans l'apocalypse des lieux.
00:48:01C'est alors que je tombais sur le premier ennemi.
00:48:04Une forme en uniforme brun était accroupie à 20 pas devant moi, au milieu de la dépression
00:48:10martelée par le feu roulant, les mains appuyées sur le sol.
00:48:14Nous nous aperçûmes quand je tournais tout d'un coup.
00:48:17Je le vis sursauter, il teint ses yeux fixés sur moi tandis que je m'approchais l'arme
00:48:22braquée.
00:48:23Il devait avoir commandé dans cette section de tranchée car je vis des décorations et
00:48:27des insignes de grade à la tunique par laquelle je l'empoignais.
00:48:30Avec un gémissement, il porta la main à sa poche pour en tirer non pas une arme mais
00:48:36une photo.
00:48:37Elle le montrait sous une terrasse entourée d'une nombreuse famille.
00:48:40J'ai par la suite considéré comme un grand bonheur de m'être dominé et d'avoir passé
00:48:46mon chemin.
00:48:47C'est justement cet adversaire qui depuis m'a paru en rêve.
00:48:50Cela me fit espérer que ceux qui me suivaient me laissaient aussi des vies.
00:48:54Il avait l'impression que les munitions étaient inépuisables au vu du spectacle.
00:48:59Il raconte une anecdote de son camarade Caius qui avait pourchassé un anglais à coup de
00:49:04grenade.
00:49:05Cette anecdote est tout aussi chevaleresque qu'humoristique.
00:49:09Quand il fut à bout de munitions, il poursuivait sa chasse pour forcer l'adversaire à coup
00:49:13de mot de terre dure tandis que debout, en haut sur le parapet, je me tonnais les côtes
00:49:18de rien.
00:49:19Il parvient à gagner la tranchée anglaise où il raconte qu'il touche une mitrailleuse
00:49:23de son pied d'un défenseur ennemi.
00:49:25Il dit on se serait cru au milieu d'un naufrage.
00:49:28En prenant les tranchées anglaises et leur tranchée de mitrailleuses, les allemands
00:49:32gagnaient à ce moment-là 3 ou 4 kilomètres, ce qui est énorme au vu de la première guerre
00:49:36mondiale.
00:49:37Et Ernest raconte quand il tue un anglais d'une balle dans le crâne qui s'était
00:49:40jetée hors de son abri.
00:49:41Je me contraignis à le regarder dans les yeux.
00:49:44Je suis souvent revenu en pensée à ce mort, plus fréquemment d'année en année.
00:49:48Il existe une responsabilité dont l'état ne peut nous décharger.
00:49:52C'est un compte à régler avec nous-mêmes.
00:49:54Elle pénètre jusque dans les profondeurs de nos rêves.
00:49:58Il explique que l'artillerie avait l'ordre de continuer de tirer sur le même point
00:50:02jusqu'au lendemain.
00:50:03D'ailleurs, le lieutenant Jean Daume raconte que cette stratégie s'appelle le tir de
00:50:08la femme saoule, qui consiste à envoyer pendant des heures, des jours dans le même
00:50:13endroit.
00:50:14Sauf qu'un obus éclatant tue en 4 hommes allemands.
00:50:17Les anglais contre-attaquent, Ernest entendit.
00:50:19Des apostrophes nerveuses, voilà les thomistes qui contre-attaquent, bouge pas, j'allais
00:50:24seulement vérifier le contact.
00:50:26Des grenades à l'avant, des grenades, des grenades, garde mon lieutenant !
00:50:29Ernest explique, c'est justement dans les corps à corps de tranchées que de tels retournements
00:50:34sont redoutables.
00:50:35Ernest part au combat, il raconte qu'il portait un manteau anglais qu'il avait pris
00:50:40durant le combat.
00:50:41Je me trouvais donc déjà côté adverse, équipuisé, en uniforme ennemi.
00:50:45En pleine ivresse de la victoire, je sentis un coup sec contre ma poitrine, à gauche,
00:50:51et puis tout devient noir, fichu.
00:50:54Ernest pensait avoir été atteint au cœur, mais ne ressentait ni douleur, ni angoisse.
00:50:58Rien.
00:50:59Un de ses hommes lui dit jeter son manteau.
00:51:01Des allemands arrivent à la rescousse, il y avait parmi eux, Caius.
00:51:05Il tombe sur un fil, ce qui lui sauve la vie de la mitrailleuse anglaise qui tira ses derniers
00:51:11salves à ce moment là.
00:51:12Le portefeuille de Caius fut transpercé.
00:51:14Caius et Ernest se séparèrent, et Ernest continue malgré sa blessure, mais se fait
00:51:19une nouvelle fois touché, sur le sommet du crâne.
00:51:21Il s'agissait d'un fracas assourdissant, il constatait, d'un oeil fixe au fond de
00:51:25la tranchée, une flaque de son qui s'étend plus en plus.
00:51:29Il perdait espoir quand un de ses compagnons lui affirme ne pas voir de bout de cervelle.
00:51:33Ernest dit, j'avais payé cher la légèreté avec laquelle j'allais au combat sans casque.
00:51:38Finalement, il continua le combat, mais l'avance avait pris plus de retard que prévu.
00:51:44Il était possible que les allemands avaient en face d'eux des troupes d'élite anglaise.
00:51:49Au final, l'opération fut un échec.
00:51:51Cette bataille a été un tournant pour Ernest dans sa vie intérieure, car la défaite allemande
00:51:56était envisageable.
00:51:57Il retourna à Berlin se faire soigner.
00:52:00Ses blessures se résorbent en quelques jours, il dit.
00:52:03C'était une initiation qui n'ouvrait pas seulement les repères brûlants de l'éprouvante,
00:52:08on voyait aussi monter de la terre des énergies spirituelles.
00:52:11Il y a d'autres passages chevaleresques dans le récit, et notamment vers la fin du
00:52:17récit, notamment quand Ernest fut blessé et avait failli y rester.
00:52:21L'un des soldats de première classe, Engstermann, dit « Je vous prends sur mon dos, mon lieutenant,
00:52:28ou on perce ou on y reste ». Une balle lui transparsa le casque et les tampes.
00:52:32Ernest, une fois remis sur pied, allait voir ses parents et racontait la fin du fils.
00:52:37Un second tenta de sauver Ernest, c'est Strichtalski, un sergent ambulancier, et ce
00:52:43dernier réussit.
00:52:44Ou alors encore, quand Ernest raconte lors d'une attaque à la grenade, il dit « Crac,
00:52:52un éclair illumina des formes vacillantes.
00:52:55Brian, « You are prisoners », nous bondîmes comme des tigres au sein de la nuée blanche.
00:53:01En quelques fractions de secondes, il s'est déroulé à toute une scène confuse.
00:53:05J'ai braqué mon pistolet sur un visage qui luisait devant moi dans l'obscurité,
00:53:09comme un masque blafard.
00:53:10Une ombre tomba à la renverse avec un hurlement naziard dans les barbelés.
00:53:14C'était un cri hideux, quelque chose comme « Ré », tel qu'un homme n'en pousse
00:53:19peut-être qu'en voyant un fantôme venir sur lui, tandis que Bartels, dans son énervement,
00:53:23lançait au petit bonheur une grenade au milieu de nous.
00:53:27Mais bien sûr, je vous laisse découvrir par vous-même ces différents récits.
00:53:32Lettres de l'arrière et des soldats Les lettres ont souvent été un moyen pour
00:53:36les soldats d'exprimer leur ressenti du front.
00:53:39La censure était présente dans les deux camps.
00:53:42Ernest retrouva M. et Mme Planco, qu'il avait hébergé à Cambrai.
00:53:46Il revint dans le secteur pour son dernier assaut, car oui, les soldats ennemis et la
00:53:51population pouvaient être corps du haut et même amis.
00:53:53Pour rappel, à l'époque, bon nombre d'Allemands parlèrent le français.
00:53:58L'exemple peut-être le plus marquant, c'est le jeune caporal Paul-Henri, étendu sur le
00:54:03champ de bataille dans le secteur de Berry-au-Bac, qui va être sauvé par un soldat allemand
00:54:07prisonnier des français, Johannes Steglich, du 177e Régiment d'Infanterie, originaire
00:54:13de la région de Dresde.
00:54:14Mais pour revenir sur les Plancos, ils racontent à Ernest leur guerre, celle qu'ils vivent
00:54:20en tant que civils.
00:54:21Ils leur racontent les fréquentes visites d'avions, ne sachant pas de quelle manière
00:54:26vont-ils mourir.
00:54:27Ernest témoigne avec tristesse que quelques semaines plus tard, une fois qu'ils se rendient
00:54:32pour la deuxième fois chez les Plancos, qu'ils ont dû quitter leur maison, quand les pièces
00:54:37d'artillerie entrèrent en jeu.
00:54:38La famille Planco, d'ailleurs, a envoyé des lettres à Ernest, une boîte de lait condensé
00:54:43dont ils s'étaient privés pour lui, et le seul melon, c'est ce qu'ils racontent,
00:54:47qu'eux produit leur potager pour témoigner leur gratitude.
00:54:49Mais les lettres, c'est un peu aussi ce qu'il reste aux femmes sans nouvelles de leurs chères
00:54:54et tendres maris, qui sont, pour beaucoup d'entre eux, déjà dans l'autre monde.
00:54:59Voici la lettre terrible d'Hortense-Juliette Brière à son mari, Charles Brière.
00:55:03Mon pauvre Charles, j'ai fait un rêve cette nuit.
00:55:07Est-ce un pressentiment ou un cerveau qui travaille ? Je te voyais seul, sur un champ
00:55:11de bataille, blessé sans doute, et ce qui m'a réveillé, c'est parce qu'à mes
00:55:16oreilles, j'ai entendu distinctement, Juliette, plusieurs fois.
00:55:21Je n'ai pas pu me rendormir, car c'était bien ta voix que j'avais entendue.
00:55:25Peut-être as-tu couru quelques dangers ? Quand est-ce que la poste remarchera ? Je t'aime
00:55:31mon Charles, puisque tout au monde.
00:55:33Hortense-Juliette Brière apprendra en décembre 1914 la mort de son mari tué d'une balle
00:55:38dans la tête, et continuera pourtant de lui écrire jusqu'en 1917.
00:55:42Elle accouche, le 13 janvier 1915, d'une petite fille.
00:55:47La guerre est à l'image de l'homme.
00:55:52Ce conflit est un conflit qui marque de son empreinte les hommes.
00:55:55Quoi que nous voulions, la guerre, ce sont les hommes.
00:55:59Comment des êtres humains peuvent s'adonner à de telles choses ? La guerre révèle qui
00:56:04nous sommes face aux dangers.
00:56:05Elle montre l'humanité et la brutalité, ce paradoxe nous constituant en tant qu'êtres
00:56:11humains.
00:56:12C'est ce que l'on ressent dans le récit de Ernest Jünger avec une volonté de défendre
00:56:15sa patrie.
00:56:16Dans Rush d'Acier, Ernest partage implicitement la fierté d'appartenir à un groupe.
00:56:22Nous vivons l'expérience d'un homme montant les échelons en devenant lieutenant alors
00:56:26qu'il n'a alors que 20 ans.
00:56:27Ernest a vécu une expérience unique.
00:56:29Il raconte.
00:56:30Le sens de l'ensemble décide des impressions particulières.
00:56:34En précisant que son chauffeur, qui l'amenait en camion, s'est écrasé le pouce en mettant
00:56:39son auto en marche.
00:56:40A l'époque, il y avait un principe de manivelle, pas de clé.
00:56:45Cela lui a donné un haut le cœur alors qu'il avait un avant-goût de ce qui va suivre.
00:56:49Au vu des récits précédents, vous voyez qu'il a été capable dans les jours suivants
00:56:54de voir de graves mutilations.
00:56:56La guerre nous met face au pire.
00:56:57Cette expérience n'est pas si mauvaise, même si à la fin, il évoque la lassitude
00:57:03de faire la guerre.
00:57:04Il dit.
00:57:05On sentait aussi que l'esprit dans lequel on était monté au front s'était usé
00:57:10et ne suffisait plus.
00:57:11Il caractérise ces moments comme étranges.
00:57:14Vous pouvez le constater dans le chapitre Avances Anglaises.
00:57:16Cela fait écho à la stupidité venant d'une hiérarchie complètement aux années-lumière
00:57:20de savoir ce qui se passe réellement sur le front.
00:57:23L'expérience négative se ressent davantage dans le livre d'Henri Barbus ou encore dans
00:57:27les témoignages recueillis dans le livre Dans les yeux des poilus, évoquant l'innommable
00:57:31voire l'indécence de cette guerre.
00:57:32Paul Viriau écrivait sur son carnet.
00:57:35Mais qu'avons-nous fait pour mériter une chose pareille ? Quelle faute devons-nous
00:57:40expier en ce bas monde, pauvre petit arrière, perdu au milieu de si grandes choses qui déferlent
00:57:46sur nous de tous côtés ? Nous sommes broyés, cisaillés, pantelants, sanguinolants au milieu
00:57:52de la mitraille, abandonnés à nous-mêmes, sans secours ni consolation.
00:57:57En réalité, il s'agit d'un point de vue que personne n'a le droit de révoquer.
00:58:01Ernest évoque néanmoins les victimes collatérales de cette guerre dans le prélude de la Somme.
00:58:07Il dit, en parlant d'un prisonnier anglais, « Dommage de devoir tuer des gars pareils
00:58:11! » Il fait la description d'un jeune homme blond doré, d'un gamin.
00:58:15La postérité Comme souvent à la guerre, le plus prudent
00:58:19et le plus indifférent s'en était tiré sans trop de mal.
00:58:23Ici, Ernest raconte qu'un obus a touché sa maisonnette où il séjournait et que ceux
00:58:27qui étaient soit en train de dormir n'avaient rien, les autres ont été déchiquetés,
00:58:32têtes arrachées, membres arrachés, ventres ouvertes, qu'il fallait après ramasser
00:58:36et nettoyer, comme ce qu'a fait Ernest, il ajoute.
00:58:39« Après ce rapport, j'allumais un cigare à tout hasard et pénétrais dans la pièce
00:58:44enfumée.
00:58:45Cette maisonnette servait d'abri et d'observation.
00:58:47Elle a été détruite par les Anglais.
00:58:49» Il raconte qu'un ambulancier de la compagnie de Kensura qui passait avec des gamelles d'eau
00:58:55s'écroula.
00:58:56Il avait été touché et l'abdomen était perforé.
00:58:58Ernest le ramena à l'abri du poste de secours.
00:59:01Le major Koppen, qui avait déjà charcuté Ernest, essaie de détendre l'atmosphère
00:59:08malgré le pronostic évident.
00:59:09« Alors vous aussi, vous aviez fait un bon petit déjeuner ? » Pour la précision,
00:59:15ils se sont fait attaquer pendant le déjeuner.
00:59:17Kensura répond.
00:59:18« Oui, oui, une grande gamelle de nouilles », il ajoute.
00:59:21« Le coup est mortel, je le sens, j'en suis sûr ». Malgré tout, Ernest le raconte.
00:59:27« Je pus lui serrer la main six mois plus tard, quand nous fîmes notre entrée à Hanovre.
00:59:32» Ce récit est le résumé parfait de la première guerre mondiale.
00:59:35Le chevaleresque, la brutalité, le détachement de qui nous sommes, la camaraderie, tout cela
00:59:42permet à la grande guerre de rester dans la postérité et de continuer à habiter
00:59:46les esprits même de ceux qui n'ont pas vécu sur le front.
00:59:49Pour terminer ce voyage, Ernest raconte.
00:59:52« Si je saisis cette occasion de dédier les orages d'acier aux combattants français
00:59:57de la première guerre mondiale, qui veulent bien y voir plus qu'un geste, l'accomplissement
01:00:02d'un vœu profond.
01:00:03»
01:00:04Ce livre se témoigne

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