Dans ce nouveau numéro des Grandes Questions du Sport Patrick Chêne évoque le lien entre le sport et la politique en compagnie de ses invités : Tatiana VASSINE (Membre du Think tank Sport et Citoyenneté, avocate au Barreau de PARIS), Emmanuelle BONNET OULALDJ (Co-présidente Fédération Sportive et Gymnique du Travail), Jacques MONCLAR (ex-basketteur et consultant BeIN SPORTS diffuseur de la NBA en France) et Carole GOMEZ (diplômée en sociologie du sport au sein de l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne). Le sport doit-il être apolitique ? Comment les pays et les gouvernements peuvent se servir du sport pour étendre leur influence ? Les sportifs doivent-ils être victime des décisions de leur président ? Le sport est-il une arme comme une autre ? Un sujet passionnant à découvrir dans ce 40e numéro des Grandes Questions du Sport.
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00:00Bonjour à tous, merci d'être fidèles aux grandes questions du sport, nous nous retrouvons.
00:22Il y a des questions peut-être plus passionnantes que d'autres.
00:24Un petit aveu pour commencer, le thème d'aujourd'hui me plaît beaucoup, le sport.
00:29On a appelé ça, en fait, le sport doit-il être politique ?
00:33On pourrait presque dire aussi, est-il politique ?
00:36Et pour cela, je suis ravi d'accueillir Tatiana Vassin, membre du Think Tank Sport & Citoyenneté,
00:43avocate au barreau de Paris, donc vous aurez plein de choses à nous dire.
00:46Je retrouve, pourquoi vous me cachez, un vieil ami, Jacques Monclart,
00:50basketteur, grand basketteur, grand coach devant l'éternel,
00:53et aujourd'hui, son actualité, c'est Beansport évidemment, puisque vous le retrouvez régulièrement.
00:58Il commente, il est consultant pour Beansport, qui est le diffuseur de la NBA,
01:03nos amis, on salue Florent Ouzo d'ailleurs.
01:05C'est dans ce petit, on s'est tous croisés un jour ou l'autre,
01:07et on est ravis du fair play d'ailleurs, parce que ce n'est pas parce qu'on travaille sur Beansport
01:12qu'on ne vient pas sur sport en France, évidemment.
01:15Merci Jacques d'être avec nous.
01:16Également avec nous, Emmanuel Bonneault-Lattre, merci Emmanuel d'être avec nous.
01:20Vous êtes coprésidente de la direction fédérale collégiale de la FSGT,
01:25c'est bien pour parler sport et politique la FSGT,
01:28qui compte 240 000 pratiquants en France, 4 200 clubs,
01:33le tout assez discrètement souvent, mais vous avez fait une grosse action,
01:36on a eu l'occasion d'en parler ici, dans d'autres émissions.
01:39Et puis, en duplex, Carole Gomez.
01:41Carole, bonjour, vous avez plutôt le côté sociologie du sport,
01:45puisque vous êtes diplômée en sociologie du sport au sein de l'institut des sciences du sport
01:50de l'université de Lausanne.
01:52Et puis, on va rappeler que vous étiez auparavant géopolitologue à l'IRIS,
01:56l'Institut des relations internationales et stratégiques.
02:00Voilà, on a un bon panel, si j'ose dire, pour évoquer ce thème.
02:04Alors, la première partie, le sport et la politique.
02:07Le sport doit-il être politique ? Faut-il séparer sport et politique ?
02:11J'ai presque envie de répondre qu'on aurait pu squeezer cette première partie en 15 secondes.
02:15Je ne sais pas si autour de moi, je vais avoir beaucoup de gens qui vont dire
02:18que la politique n'a rien à voir du tout avec le sport.
02:21On va commencer avec vous, Tatiana Vassin, membre du Think Tank,
02:26donc sport et citoyenneté.
02:28Je vais dire, la question se pose, même pas presque.
02:30On va la poser, et je vais vous y répondre en disant qu'on a quand même,
02:33dans la charte olympique, un principe qui est la politisme,
02:36qui est la neutralité politique.
02:38Donc, quand vous dites le sport est nécessairement politique,
02:41attention, il faut revenir au texte.
02:43Alors après, est-ce que dans l'application...
02:45C'est l'avocat qui parle, là.
02:46Mais oui, mais c'est important, puisque ce sont les textes qui viennent gouverner une action,
02:50qu'elle soit politique ou non.
02:51Donc, on regarde la charte olympique, et dans la charte olympique,
02:54il est clairement précisé que le sport doit avoir une neutralité politique.
03:00Sauf que les fédérations internationales ont beaucoup évolué et permettent,
03:03j'adore ce mot, permettent aux sportifs de s'exprimer, alors hors certaines situations,
03:10mais le pouvoir politique, les fédérations internationales notamment,
03:14ont acté que les sportifs pouvaient avoir un cerveau, en quelque sorte.
03:17Encore heureux.
03:19En revanche, dans les règlements, dans les textes, là encore,
03:23si on parle des fédérations ou des fédérations internationales,
03:26il y a toujours ce même principe de séparation claire et nette entre le politique et le sportif.
03:31Pourquoi ? La raison est assez simple.
03:33Le sport, dans sa construction, a toujours revendiqué son autonomie.
03:37Donc, parler de politique dans le sport, c'est aussi reconnaître d'une certaine manière
03:43le fait qu'il puisse y avoir un rapport quasiment hiérarchique,
03:48ou en tout cas d'autorité, ou rapport de force, entre les politiques,
03:51si on peut préciser en ce sens-là, plutôt que la politique,
03:54peut-être les politiques et le mouvement sportif,
03:57ou en tout cas les dirigeants du mouvement sportif.
03:59Donc, moi, je serais un peu plus nuancée sur cet aspect-là.
04:03Il y a une indépendance qui est revendiquée, qui est inscrite dans les statuts,
04:07que ce soit de la FIFA, dans la charte olympique,
04:09dans les statuts des fédérations nationales et internationales.
04:12Maintenant, dans l'application concrète, est-ce que le sport mène sa propre politique ?
04:16Là, évidemment, on peut se rejoindre.
04:18Alors, vous êtes un jeune garçon, à Villeurbanne ou ailleurs,
04:21dans les années 80 ou 70, vous voulez faire du sport.
04:24Votre famille choisit de vous mettre au patronage à l'église,
04:29ou au centre Léo Lagrange, ou à la FSGT.
04:33Donc, la question va vers Emmanuel Bonneau-Lattre,
04:36co-président de la Fédération sportive et gymnique du travail.
04:39Lorsqu'on s'inscrit à la FSGT, ce n'est pas un acte politique ?
04:43Quand on s'inscrit à la FSGT, c'est d'abord pour faire du sport.
04:46On va d'abord dans un club parce qu'on a envie de faire du foot, du volet,
04:50de la marche nordique, d'apprendre à nager à son enfant.
04:54Mais justement, le sport est politique,
04:57car le sport ne peut pas être déconnecté des réalités sociales.
05:01Et en fait, quand on vient à la FSGT, on va peut-être pratiquer un sport différent.
05:06Et on peut venir à la FSGT en votant qu'importe, finalement.
05:11En revanche, c'est la manière dont on va pratiquer.
05:14Et c'est l'organisation de la pratique qui, finalement,
05:17peut traduire une certaine manière de concevoir la société.
05:21Si on développe une pratique élitiste, ça ne va pas être la même chose
05:25qu'une pratique, on va dire, accessible au plus grand nombre.
05:29Et donc, en ça, c'est une question profondément politique.
05:32Et d'ailleurs, on le voit bien, par exemple, au fil de l'histoire,
05:35sur l'organisation des ministères des sports, des secrétariats d'État au sport,
05:39ce qui était lié à la santé, à la jeunesse, des ministères de plein exercice,
05:44disent beaucoup de la conception, par exemple, d'un gouvernement
05:47sur l'organisation qu'un pays doit avoir du sport.
05:51J'ose dire qu'à la fin des années 70, début des années 80,
05:54le ministère des sports, c'était une punition.
05:56Et j'ai même connu quelqu'un qui était ministre de la Culture jusqu'à 4h du matin.
05:59Et à la fin, il n'y avait plus rien pour elle.
06:01Et on lui a donné le ministère des sports, Mme Bredin,
06:04qui n'en avait, mais vraiment, rien à faire,
06:07et qui était brillantissime, mais qui n'avait rien à faire là.
06:10Mais c'était le lot de consolation. On ne savait pas qui mettre.
06:13Jacques Monclat, avant de retrouver Carole Gomez,
06:15vous, en tant que sportif, vous avez participé notamment à des Jeux olympiques
06:18où il y avait des boycotts. Est-ce que, lorsque vous étiez un jeune joueur,
06:22est-ce que vous vous sentiez concerné par tout ça,
06:25voir que vous arriviez dans des Jeux olympiques
06:27où la politique avait eu un impact fort ?
06:29Ou est-ce qu'à l'époque, c'était le terrain, le terrain, rien que le terrain ?
06:32– Non, je crois peut-être moins que maintenant, l'ouverture.
06:35Moi, j'ai envie de dire la question,
06:37c'est est-ce que le sport peut ne pas être politique ?
06:40À partir du moment où il y a des représentations nationales,
06:43où il y a des axes gouvernementaux, d'objectifs,
06:47regardez, on nous rabat les oreilles avec nos médailles.
06:50La chasse aux médailles a commencé depuis 4 ans.
06:53En plus, on voit gros, en ce moment, ces objectifs-là.
06:56C'est pourquoi il y a des pays, on en re-glissait un mot,
06:59qui ont fait toute leur com' historiquement sur le sport.
07:02Et ça continue, tant par les organisations que des écrits créés de toutes pièces.
07:07– La même de l'Est, c'est le plus bel exemple.
07:09– Oui, historiquement, c'est celui-là. Globalement, le bloc de l'Est.
07:13Après, les pays émergents, les pays du Moyen-Orient.
07:16– Les États-Unis ne se sont pas privés non plus.
07:19– Les pays de premier jeu du marketing sur Los Angeles 84,
07:25bien évidemment, l'Afrique du Sud, avec d'abord l'apartheid pour le rugby,
07:29et ensuite la Coupe du monde de foot.
07:31Les rotations qu'on fait pour les Jeux Olympiques,
07:34pour les continents, pour les événements, pour ceci, pour cela.
07:37Il faut donner du sport à tout le monde.
07:40Donc, à ce moment-là, il y a des gens qui se lèvent,
07:43regardez ce qui est arrivé pour les Jeux de 2016,
07:46qui resteront dans l'organisation comme une catastrophe.
07:49C'est un pays qui avait un pouvoir politique, qui avait envie des Jeux,
07:53qui avait un développement économique, qui allait bien.
07:55Et tout d'un coup, ça…
07:57– On va rappeler que c'est le Brésil.
07:59– C'est le Brésil. Et qu'est-ce qui s'est passé derrière ?
08:01On ne voulait pas des Jeux.
08:03À la suite, le pays ne voulait pas de ces Jeux.
08:05Et ça a donné des Jeux tristounets.
08:07Je sais que tu aimes bien le Brésil, Patrick,
08:09mais ça a donné des Jeux d'une tristesse.
08:11– Je n'ai jamais vu le Brésil aussi triste que par rapport à ces Jeux-là.
08:13– Voilà. Après, je dirais aussi une autre question,
08:16c'est est-ce que le sportif a le droit, a intérêt, le devoir…
08:21– De devoir savoir ou pas.
08:23– On en parlera dans la deuxième partie, justement.
08:25Avec Carole Gomez, maintenant, l'aspect sociologique.
08:27Je reviens à la question basique, mais qui était bien posée par Jacques Monclart.
08:30J'aime bien comme il la pose.
08:32Est-ce qu'il peut ne pas être sportif… politique, pardon, ce sport ?
08:36– Alors, dans l'idéal, effectivement, et c'est d'ailleurs l'objectif
08:41des fédérations internationales et du comité international olympique
08:44de faire de ce sport quelque chose d'apolitique.
08:47Et Tatiana l'a rappelé, c'est présent dans les chartes
08:49et dans les constitutions de ces objectifs-là.
08:52En revanche, il y a une vraie, à mon sens, décorrélation
08:54entre la réalité de terrain et ce qui souhaiterait être promu
09:01par les fédérations internationales et par le CIO.
09:04Et par ailleurs, je me permettrais juste de rajouter quelque chose
09:06pour peut-être compléter les éléments qui ont été mentionnés jusqu'à présent.
09:12Ce qui me semble aussi très intéressant de noter,
09:15c'est le fait qu'il y a ce constat-là, mais on peut aussi observer
09:20à quel point les fédérations sportives internationales,
09:22les organes sportifs de façon générale sont devenus eux-mêmes
09:26de plus en plus des objets politiques et revendiquent eux-mêmes une place politique.
09:31Par exemple, quand le comité international olympique
09:34ou une grande fédération sportive internationale
09:37revendiquent un rôle à jouer dans la lutte contre le changement climatique,
09:44quand il y a la création, par exemple, d'une équipe de réfugiés
09:47qui a été promue par le CIO en 2015.
09:51Et justement, en revendiquant l'importance et l'impact que peut avoir le sport
09:56sur ces problématiques-là, et surtout comment est-ce que le sport
09:59peut, lui, porter des projets que la communauté internationale
10:03n'aurait pas été capable de porter.
10:05Là, on voit bien à quel point les organisations sportives internationales
10:09revendiquent une position politique tout en défendant, tout pratiquant,
10:15toute organisation en son sein d'elle-même faire de la politique.
10:19C'est très juste.
10:20Et c'est aujourd'hui, à mon sens, c'est là qu'il y a un vrai point de tension
10:25qui est de plus en plus important depuis quelques années.
10:29Et c'est vraiment, on sent que les fédérations sportives internationales
10:31qui pouvaient entretenir un tout petit peu ce double langage pendant longtemps,
10:35désormais ne peuvent plus forcément le faire.
10:38Elles ont pris de plus en plus d'importance dans la gouvernance internationale,
10:44dans les espaces de discussion.
10:47On a à l'Organisation des Nations Unies le président du CIO qui fait des discours.
10:52On avait le président de la Fédération internationale de football
10:56qui avait fait son discours, qui avait fait une intervention dans le G20.
11:01Et donc on voit bien à quel point il y a cette volonté d'être des acteurs politiques,
11:05mais toujours d'essayer de défendre encore ce totem qui est la neutralité du sport.
11:10Et c'est aujourd'hui, à mon sens, une ligne de crête sur laquelle marche
11:14un certain nombre de fédérations, un président de fédération.
11:17Ce qui rend les choses très dangereuses à mon sens.
11:20Merci pour ces précisions.
11:21C'est juste, j'ai envie même de donner un exemple qui va dans votre sens.
11:25Le comité olympique français a reçu les candidats à la présidentielle les uns après les autres.
11:30Donc comment après cela dire qu'il n'y a pas de relation avérée entre le sport et la politique ?
11:35J'aimerais que vous écoutiez un témoignage.
11:37Il n'a pas pu être avec nous aujourd'hui, mais a accepté de recevoir notre journaliste Thomas Micot.
11:42C'est Thierry Braillard qui a été ministre pendant 3 ans.
11:46Il a une sorte de record de longévité.
11:49Ministre des Sports.
11:50On lui doit d'ailleurs le pacte de performance.
11:52Il était sous-ministère, si je me permets, de M. Cannaire.
11:54Mais il était secrétaire d'État.
11:56Et surtout, il a été quand même le directeur des sports d'une petite ville française qui marchait pas mal en sport.
12:01En plus, Lyon.
12:02Et Thierry Braillard donc, on lui doit le pacte de performance.
12:05Moi je trouve que c'est une des meilleures choses qui a été faite dans le sport depuis longtemps.
12:08C'est-à-dire que c'est des entreprises qui ont des pactes avec des sportifs qualifiés pour les Jeux olympiques.
12:13Et ça a changé la vie et la préparation de plusieurs sportifs de haut niveau en France.
12:19Donc la question est simple pour Thierry Braillard.
12:21Le sport et la politique, proches ou non ?
12:24Je ne sais pas s'il doit l'être, mais il l'est.
12:27Il l'est depuis des années, des années.
12:31Depuis des années, les politiques se sont rendus compte de la puissance et de la force que pouvait avoir le sport.
12:39Il suffit de se souvenir des images de Jesse Owens aux Jeux de Berlin face à Hitler.
12:48Des attentats malheureux où les conflits du Moyen-Orient se sont retrouvés aux Jeux de Munich.
12:55Au boycott de certains pays sur des compétitions lorsqu'elles ont eu lieu en Russie ou à Los Angeles.
13:04Le fait que le CEO a dû mettre en place une équipe de réfugiés politiques.
13:13Et puis les histoires liées aux interdictions d'athlètes.
13:18Donc bien évidemment, le sport est politique.
13:21Il l'est d'autant plus qu'on appelle ça aujourd'hui le soft power.
13:24C'est-à-dire qu'on a un pays comme le Qatar qui a décidé sur la scène internationale
13:29de profiter de l'image que pouvait lui apporter le sport pour apparaître comme un état vertueux.
13:36Un pays qui n'amène que des choses positives à travers le sport.
13:41En cachant peut-être certains aspects plus stratégiques de défense ou ce genre de choses.
13:48Donc bien évidemment, le sport et la politique sont liés.
13:52Une précision aussi, il semble, alors moi je suis toujours fasciné quand je vois les désignations des lieux.
13:58J'ai l'impression que les organismes internationaux, que ce soit le CEO ou que ce soit l'opération internationale de foot
14:04choisissent le bâton pour se faire battre.
14:06Quand vous voyez ce qui s'est passé quand même entre la Russie, entre Pékin, Sochi,
14:10il y a quand même un point commun, c'est la richesse.
14:14Oui, justement.
14:15La Fédération internationale de foot a voulu clairement développer le marché du football
14:21puisque après l'Europe, elle a visé les Etats-Unis, elle a visé l'Asie
14:26et maintenant elle vise un nouveau marché.
14:29Pour moi, il y a une ambition qui n'est probablement pas tout à fait la même pour le CEO quand même.
14:35Mais pour la FIFA en tout cas, c'est clair.
14:38Donc Tatiana Vassil, on est d'accord sur les textes, vous aviez raison de le souligner.
14:42Mais comme le disait Carole Gomez tout à l'heure, je crois que les Etats et les fédérations internationales
14:47et les grands organisateurs de compétition montrent qu'elles souhaitent, elles, jouer un jeu politique
14:52tout en interdisant aux pratiquants d'exprimer des opinions politiques.
14:57Est-ce que vous êtes d'accord ?
14:58Oui, je suis d'accord sur le fait que les organisations sportives nationales, internationales jouent un rôle politique.
15:07Mais on est quand même sur une analyse qui, tout à l'heure Carole le disait, on marche sur une crête.
15:14Effectivement, il y a un exercice d'équilibriste à faire entre le fait de vouloir se positionner
15:19comme des entités légitimes à aborder des sujets politiques et en même temps,
15:24des entités qui sont libres ou indépendantes de tout mouvement politique.
15:29C'est également marqué dans le Code du sport, les fédérations sportives sont indépendantes.
15:33Donc on a quand même cette revendication qui est importante.
15:36Et aussi sur ce que vous disiez tout à l'heure par rapport aux sportifs,
15:40là où je pense aussi qu'il y a, je ne sais pas si on peut aller jusqu'à une forme d'hypocrisie,
15:45mais en tout cas, il y a peut-être un double langage.
15:48On aborde certains sujets politiques, qu'en revanche, on va restreindre aussi la liberté d'expression de sportifs.
15:55On en parlera dans la deuxième partie.
15:57On ne va pas spoiler, mais on a toujours, et c'est ça qui peut être dérangeant,
16:01une espèce d'expression à géométrie variable.
16:04C'est-à-dire que quand la communication émane de grandes organisations,
16:09elle est politique et elle est acceptée ou au contraire huée.
16:13En revanche, lorsqu'elle n'est pas en ligne avec la politique telle qu'elle souhaite être instaurée au niveau de ses instances,
16:19elle est à bannir ou alors quand elle devient gênante.
16:22Donc il y a peut-être un chemin à faire.
16:25Le sport est un outil politique.
16:27Le sport mène des combats politiques.
16:30Après, il faut qu'il puisse choisir ses combats et tout le monde n'a pas les mêmes combats.
16:34– Un petit mot, Carole Gomez, si vous le voulez bien,
16:36c'est brièvement avant de clore cette première partie,
16:39j'aimerais reprendre une phrase de quelqu'un d'ailleurs que vous avez dû connaître,
16:42qui était directeur à l'IRIS, c'est Pascal Boniface,
16:46qui dit cette phrase qui résume bien la situation.
16:48Alors que la mondialisation a un effet dissolvant sur l'identité nationale,
16:53le sport est un élément régénérateur et reconstituant.
16:59On résume bien là, l'identité nationale,
17:02le message à faire passer politiquement passe souvent par le sport,
17:05alors que la mondialisation, elle, a tendance à diluer justement cette identité.
17:10– Oui, exactement.
17:12Alors évidemment, je souscris à ce qu'a dit Pascal,
17:15mais par ailleurs, ce qui me semble aussi intéressant de rappeler,
17:18vous l'avez un tout petit peu mentionné auparavant,
17:20c'est aussi pourquoi est-ce que la logique
17:23qui domine les dossiers de candidature d'un certain nombre de pays
17:29à l'organisation de grandes compétitions sportives internationales.
17:32Il y a évidemment plusieurs raisons, il y a des raisons de politique extérieure,
17:35et c'est ce qu'on appelle le soft power, et c'est ce qu'on verra par la suite.
17:38Il y a aussi des raisons de politique économique,
17:41et Emmanuel l'a très bien rappelé, parce que ça permet aussi,
17:44c'est un échange d'enjeux entre les organisations et les pays
17:48pour avoir des investissements économiques,
17:51mais il y a aussi, et on a souvent tendance à l'oublier,
17:54un vrai enjeu de politique intérieure.
17:56Et c'est par exemple quelque chose que l'on avait pu remarquer très largement
18:00lors des Jeux organisés à Sochi par exemple,
18:03ou la Coupe du monde masculine de football organisée en Russie en 2018,
18:06où l'idée était véritablement de faire de ces organisations d'événements sportifs
18:12une vraie fierté pour les peuples.
18:16Il y avait vraiment cette espèce de rassemblée autour du drapeau,
18:22de rassemblée autour d'une équipe, d'un sportif ou d'une sportive,
18:26l'ensemble de la communauté.
18:28Et c'était aussi d'ailleurs quelque chose qui était mis en avant par d'autres pays,
18:33quel que soit d'ailleurs leur régime politique,
18:36c'est quelque chose qu'on a pu voir au cours des dernières années,
18:38mais c'est aussi quelque chose que l'on voit encore aujourd'hui,
18:40par exemple dans le cadre de Paris 2024,
18:42on voit à quel point il y a cette volonté de créer un engouement
18:47et de faire en sorte que la France, au-delà de devenir une nation sportive,
18:52soit en soutien des différentes équipes de France.
18:56On va d'ailleurs conclure cette première partie là-dessus.
18:59N'est-ce pas une erreur politique ?
19:02Remarquez en ce moment il est assez attaqué sur d'autres décisions,
19:05mais pour Emmanuel Macron et pour la ministre des Sports,
19:08d'aller afficher, alors c'était Laura Faisal à l'époque qui avait commencé avec ça,
19:11d'aller afficher un objectif de 80 médailles,
19:13quand on sait qu'on en a eu 33, je crois, lors des précédentes.
19:16Est-ce que des Jeux réussis en 2024, ça se calcule en médailles ?
19:19– Avec 6 sur les Sporco, que tu n'auras pas à chaque fois.
19:22– Mais des Jeux réussis à Paris, c'est jouer avec des médailles ?
19:25– C'est une absurdité, le mec qui a été un bloc et qui finit 4ème,
19:27il mérite autant d'hommages quelque part que celui qui fait 3 ou 2,
19:30champion olympique c'est toujours différent, c'est un autre statut.
19:33Mais moi, il n'y a rien qui me fatigue plus que ça.
19:36Il y a des médailles qui ont une caisse de raison, je vais être horrible,
19:39je vais encore me faire détester,
19:41il y a des médailles qui ont une caisse de résonance terrible dans le monde entier,
19:45mais nous on compte nos médailles, c'est notre côté écureuil,
19:50ça doit être un des partenaires d'ailleurs, mais il faut qu'on arrête avec ça,
19:55ce qu'il faut c'est la perf maximum des gens qui sont exposés, c'est ça l'objectif.
20:00C'est rentrer bien sûr dans des finales, c'est avoir une présence,
20:04que le pays soit représenté dans le plus de Sporco possible,
20:07que les aventures individuelles, collectives se fassent,
20:10mais arrêtez avec le coup près des médailles, la chasse aux médailles,
20:15oui on vaut entre 35 et 50 si on fait 60, alléluia,
20:19maintenant quand on nous annonce 80 et que c'est quasiment confirmé par la suivante,
20:25bon là à mon avis il y a eu une distorsion.
20:30– Et puis c'est le modèle anglo-saxon qui a été mis en place
20:35dans le cadre de l'Agence nationale du sport
20:37et de toute la politique autour de la performance,
20:39donc très bien pour les médailles,
20:41et tant mieux si on arrive à peu près à l'objectif de 80 médailles,
20:45en attendant, l'héritage lui, d'autant plus avec toutes les questions
20:49de mobilisation sociale en ce moment, bat de l'aile,
20:52et si on regarde le modèle anglo-saxon,
20:54les inégalités d'accès au sport elles se sont développées,
20:57donc pour moi la question c'est, vous l'avez un peu dit tout à l'heure,
21:00est-ce que la santé d'un pays, la santé sportive d'un pays,
21:03s'évalue au nombre de médailles, s'évalue seulement au nombre de médailles ?
21:05– Les sports co, on est 15 au basket, 20 dans d'autres sports,
21:10en demain le 15 au volet, c'est une médaille,
21:13donc c'est pas intéressant, on les abandonne,
21:15alors non mais il faut arrêter, il faut arrêter,
21:17alors qu'il y a des, je ne vais pas les citer,
21:20athlées, natation, escrime, judo,
21:23des différentes catégories, pim-pam-poum,
21:25là tu peux faire des bingo, c'est ça l'objectif ?
21:28Non, c'est l'héritage, c'était un des premiers objectifs,
21:31on entend moins parler en ce moment, voilà, l'héritage,
21:35l'idée quand on a les Jeux en 2017,
21:40c'est va-t-on faire de la France un pays sportif avec les Jeux Olympiques ?
21:46– Va-t-on avoir un héritage, voilà, c'est comme ça qu'on va le dire,
21:49moi je préférais, enfin je n'ai rien à préférer d'ailleurs,
21:52mais je pense que des Jeux avec 52 médailles,
21:55et un bel héritage, et de l'urbanisme, et du sport à l'école,
22:00et les Français qui ont un peu plus de pré-conscience de tout ça,
22:03exactement, je préfère avec 50 médailles que 80 médailles,
22:06et rien derrière, je pense qu'on est tous d'accord,
22:08alors j'espère qu'ils vont entendre le message,
22:10qu'ils arrêtent avec cet objectif de 80 médailles qui ne veut rien dire.
22:14Deuxième partie dans quelques instants.
22:16– Générique –
22:24C'est la deuxième partie des grandes questions du sport,
22:27passionnant sujet, le sport est-il politique ?
22:29Le sport doit-il être politique ?
22:31Ou comme dit Jacques Montclard, le sport peut-il ne pas être politique ?
22:35On va s'intéresser maintenant, après une première période passionnante,
22:39où on a vu l'aspect politique, sociologique, global,
22:42l'aspect du pouvoir des fédérations internationales,
22:46on va maintenant s'intéresser aux sportifs.
22:48Alors on a un exemple, enfin ce qu'il en reste,
22:52du champion qui était sur le terrain brillamment il y a quelques années,
22:59j'aimerais qu'on se fête un peu à la place des sportifs.
23:02Moi il y en a un qui me fascine, c'est Hugo Lloris,
23:05capitaine de l'équipe de France de football, quelques semaines encore,
23:08qui est un garçon qui est très intelligent, qui a beaucoup de recul,
23:11et qui s'est retrouvé vraiment entre le marteau et l'enclume,
23:14j'ai beaucoup souffert pour lui, c'est à l'époque où la fédération française de football disait
23:18on ne doit pas bouger pendant le mondial,
23:20où les gens pressaient un peu en disant,
23:23il faudrait quand même prendre position sur ce qui se passe au Qatar,
23:26à Hugo Lloris, oui pourquoi pas, qui réunit les joueurs,
23:29qui ne savent pas trop quoi faire, ça se termine par une lettre,
23:31en tant qu'ancien sportif de haut niveau, Jacques vous avez souffert pour lui ?
23:35Oui, puis c'est quelqu'un qui en plus est un homme de peu de mots finalement,
23:39mais toujours réfléchi, toujours pour le groupe,
23:42toujours dans ce que certains journalistes peuvent appeler un robinet d'eau tiède,
23:47mais là être un robinet d'eau tiède c'était être coupable finalement,
23:52donc il a été obligé, avec sa sérénité, de naviguer, je trouve qu'il s'est bien débrouillé,
23:58après quand on organise des événements, au moins on a la franchise de s'exposer,
24:03et de s'exposer à ce que des gens disent, il y a ça qu'on a vécu, il y a ça qui ne va pas,
24:08regardez nous on organise une finale de la coupe d'Europe de foot,
24:11une coupe des champions, on déclenche des scandales internationaux,
24:14donc il faut savoir que les gens s'exposent aussi à ça,
24:18qu'on peut trouver qu'il y a des gens qui l'ont travaillé, qui ont été maltraités,
24:22qu'il y a de la pauvreté, mais il y en a partout dans le monde, globalement aussi,
24:26voilà, mais au moins c'est exposé, je ne suis pas…
24:29il y a eu, je trouve, là aussi un grand Delta,
24:32je suis mal placé parce que j'ai une collaboration avec Bine,
24:35mais il y a eu beaucoup plus de critiques sur le Qatar avant finalement,
24:40que pendant ou après, ou alors je n'ai pas tout suivi, ce qui n'est pas le cas.
24:44– J'avais omis que vous étiez en effet en lien avec Bine.
24:47– Oui, bien sûr, il y en a qui travaillent pour d'autres,
24:50qui ne sont pas non plus des abbés-pieds.
24:53– Restez honnêtes. Alors, on recommence avec Tatiana Avasin,
24:57je rappelle que vous êtes membre du Think Tank Sport et Citoyenneté,
25:01le sportif a-t-il le droit ?
25:03Alors juridiquement, vous avez rappelé tout à l'heure qu'il y avait des limites,
25:06mais on va parler dans la société de ce qui se passe réellement,
25:10le sportif peut-il s'exprimer ou doit-il respecter les règles
25:13que vous avez évoquées tout à l'heure et ne jamais rien dire ?
25:16– Il y a quand même un grand principe qui vaut pour le sportif,
25:19mais qui vaut pour chacun et chacune d'entre nous,
25:22c'est la liberté d'expression.
25:24Alors, la limite qui peut venir toucher le sportif ou la sportive,
25:27ce sont les règles qui viennent entourer sa participation à des événements sportifs.
25:32On parlait tout à l'heure des réglementations fédérales,
25:34internationales, nationales, etc.
25:37On a quand même tendance à avoir un socle de réglementation
25:41qui commence tout en haut avec la pyramide des sports,
25:44la fédération internationale tout en haut et qui va retomber sur le sportif.
25:48Toutes ces réglementations-là viennent limiter
25:51un certain nombre de droits au niveau du sportif
25:54et ça peut aussi venir à limiter la liberté d'expression.
25:57On l'a vu, on en a dit quelques mots tout à l'heure avec la charte olympique,
26:01mais on a eu avec le mouvement Black Lives Matter,
26:04mais il y a aussi d'autres mouvements de ce type-là
26:07qui ont été abordés au niveau du comité international olympique,
26:11la volonté de réduire au maximum le champ d'intervention des athlètes
26:16et de le cantonner avec négociation à certaines zones spécifiques.
26:20Donc il a le droit de s'exprimer.
26:22En revanche, là où il y a un premier risque,
26:25c'est sur la réglementation sportive, la leg sportive à proprement parler,
26:30et ensuite sur les conséquences qu'il peut y avoir au-delà de cette réglementation
26:33sur une prise de position qui peut être volontaire ou maladroite
26:36et qui peut aussi rejaillir sur l'issue d'un contrat.
26:39– Alors les sportifs qui se sont exprimés avec beaucoup de courage,
26:42je ne parle pas des petites manifestations qu'on a pu voir,
26:44mais on va revenir dans l'histoire évidemment.
26:46La meilleure réponse c'est Jesse Owens qui lui gagne,
26:49donc là c'est une réponse sportive et qui a une valeur politique immense.
26:52– Disons que la réaction c'était surtout dans les tribunes.
26:54– Oui, en plus.
26:55Après on a Mohamed Ali qui est quand même un des leaders,
26:59un des porteurs du mouvement anti-guerre au Vietnam
27:02qui a eu une incidence colossale sur la société américaine.
27:05Après il y a deux personnes qu'on considère,
27:07nous français européens comme des héros,
27:11c'est Tommy Smith et John Carlos,
27:13le point levé à l'arrivée du 200 mètres en 68 à Mexico,
27:17qui eux sont considérés pratiquement, on la voit d'ailleurs cette image,
27:20comme des traîtres dans leur pays
27:22et qui ont été vraiment assaillis par le pouvoir américain.
27:26Alors ces gens-là on les voit aujourd'hui comme des héros,
27:29est-ce qu'aujourd'hui, je vais peut-être poser la question d'ailleurs à Carole Gomez,
27:33est-ce qu'aujourd'hui on a des héros comme ça qui osent bousculer les codes à ce point-là ?
27:38– Alors, dure question.
27:40Oui, je pense qu'il y en a certains
27:43et l'exemple de Black Lives Matter a été cité tout à l'heure
27:46avec des joueurs, joueuses,
27:49qui ont pu prendre position sur un certain nombre de sujets
27:52depuis déjà un certain nombre d'années.
27:54On va considérer qu'il y a eu beaucoup de choses qui se sont passées,
27:58par exemple en NBA avec des t-shirts « I can breathe »
28:04qui étaient notamment portés par les Lakers et notamment Kobe Bryant.
28:08Il y a aussi eu un certain nombre de prises de position aux États-Unis,
28:12mais aussi en Angleterre, mais aussi en Allemagne ou en France sur ces sujets.
28:18Même si, et c'est aussi ça, je pourrais multiplier les exemples à l'infini,
28:22mais ce qui me semble aussi important c'est de voir à quel point il y a une fragilité
28:25aujourd'hui sur ces questions.
28:26Par exemple, il n'y a pas si longtemps que ça, en 2016 précisément,
28:29Colin Kaepernick, quarterback de l'équipe des 49ers de football américain de San Francisco,
28:35a été mis sur le banc de la touche pour justement s'être agenouillé
28:40et ne pas avoir été aussi impliqué qu'il l'aurait dû sur la question de l'hymne américain
28:48et qui a été d'ailleurs sanctionné par son club et qui a ensuite perdu ses contrats
28:55avant d'être ensuite rattrapé par Naito.
28:57Donc ça montre aussi à quel point il peut y avoir des retours en arrière,
29:00ce qu'on appelle des backlashs, qui peuvent être importants,
29:03même si à mon sens, et c'est ce que disait Tatiana à très juste titre tout à l'heure,
29:08il y a eu une évolution importante, évolution que l'on retrouve aussi dans la charte du CIO
29:15avec un tout léger assouplissement de l'article 50 de la charte qui, à l'époque,
29:21il y a encore quelques années, considérait qu'il était interdit pour les sportifs
29:26de pouvoir se prononcer dans des enceintes sportives, dans le cadre des Jeux Olympiques
29:32et de porter des messages politiques.
29:34Aujourd'hui, il y a une toute petite autorisation qui est envisageable,
29:41même si c'est évidemment insuffisant au regard d'un certain nombre de revendications
29:46qui pourraient avoir lieu.
29:47Et c'est surtout, on sent bien aussi toute la difficulté du CIO
29:50et toute la position très délicate dans laquelle il se trouve,
29:53puisque à la fois il sait, il sent qu'il est obligé ou qu'il doit avoir tendance
29:59à ouvrir de plus en plus et à respecter la liberté d'expression
30:02de ses athlètes sportifs et sportives,
30:05mais en même temps il sait très bien que son totem,
30:09la structure sur laquelle il se repose, qui est l'apolitisme du sport,
30:12peut être considérablement menacé et ébranlé
30:15s'il laisse une liberté d'expression aussi importante.
30:19Et donc on voit qu'il y a un tout petit pas en avant
30:21qui a été réalisé avec cet assouplissement de la règle 50
30:24qui est intervenue juste avant les Jeux de Tokyo,
30:27mais on sent que cette marche n'est pas encore complètement acquise.
30:30Merci Carole.
30:31Moi j'aimerais citer aussi, je parlais tout à l'heure des héros,
30:33il y a quelqu'un qui a quand même été assez héroïque,
30:35c'est Mégane Rapinoe en foot,
30:38parce qu'elle a non seulement attaqué sa fédération,
30:40mais bille en tête Trump également.
30:43Je pense que c'était assez courageux.
30:46Et Mégane Rapinoe a en fait engagé une action collective,
30:49et moi c'est un peu ce que je voulais aussi mettre en avant.
30:52Au-delà des sportifs renommés,
30:54il y a aussi les 16 millions de pratiquants en France,
30:57et il peut y avoir des actions tout à fait anonymes
30:59et qui ne seront jamais médiatiques.
31:02Par exemple, dans le cadre de la Coupe du Monde au Qatar,
31:05il y a des clubs, sans pour autant appeler au boycott,
31:08qui ont en parallèle organisé des tournois en solidarité
31:12avec les femmes, personnes LGBTQIA+, par exemple.
31:15En ce moment, il y a des mobilisations
31:17contre la réforme des retraites.
31:19Il y a des clubs aussi qui engagent des tournois,
31:21par exemple pour alimenter les caisses de grève.
31:24Il y a par exemple des clubs de montagne-escalade aussi,
31:27qui participent à des maraudes dans les Alpes,
31:30là où ils pratiquent pour aller à la rencontre des exilés.
31:32Bref, il y a plein finalement d'actions collectives,
31:35des formes d'expression, qui elles ne sont pas médiatisées,
31:38qui ne sont pas individuelles,
31:40qui se confrontent beaucoup dans le rapport à la proximité
31:43et à ce qu'est finalement la vie associative,
31:45c'est-à-dire proche des gens.
31:47– Ça ne s'est jamais contesté.
31:49Ça ne prête pas à se prendre des rafales sur les réseaux sociaux,
31:54c'est au contraire quelque chose de…
31:56– Non, mais c'est une forme d'expression.
31:58– Bien sûr, mais celle-là, bien évidemment,
32:00qu'elle ne va pas être ni contrôlée, ni critiquée ou quoi ou qu'est-ce.
32:04Je veux dire, il y a une différence entre les prises de position.
32:08Rapidement, ça commence…
32:10Je veux dire, il y a eu aux États-Unis,
32:12les ligues se sont marquées, le foot avec les filles, surtout du foot,
32:17parce que le reste, c'est plus des étrangers que des locaux.
32:20Chez les filles, c'est vraiment des Américaines,
32:22étaient très dans la lignée de Barack Obama, etc.
32:28Le basket, idem, très démocrate.
32:31La NFL, très trumpiste, très républicaine.
32:36Chaque ligue majeure a son label, quelque part.
32:42– Alors l'NBA, parlez-moi de l'NBA, puisque vous êtes le spécialiste,
32:45on rappelle que vous êtes le consultant pour Be In Sport,
32:47qui est le diffuseur de l'NBA en France.
32:50Quand on pense NBA, on pense argent,
32:53et pourtant, il y a eu des grèves qui n'ont pas eu…
32:57– L'NBA, c'est…
32:59– Des raisons financières.
33:01– Il y a eu, bon, les grèves ont fait deux choses.
33:03C'est que, quand vous achetez une casquette à vos enfants, petits-enfants,
33:07à n'importe qui, qui est labellisée NBA,
33:11il y a la moitié des bénéfices de cette casquette
33:14qui revient au syndicat des joueurs.
33:16Donc c'est vraiment une répartition.
33:18Et Adam Silver, dans le cadre, et il faut toujours en calmer,
33:22c'est une population de 500 personnes à peu près,
33:24les joueurs 450, 500 personnes, l'ont bien expliqué,
33:29ils l'ont perçu, ils ont une caisse de résonance,
33:33ils ont ce qu'ils appellent une plateforme,
33:35c'était déjà le mot qu'employaient Mohamed Ali dans les années 60.
33:39Et cette plateforme, ils s'en servent pour faire passer des messages,
33:42pour faire des menaces de grève, après pour défendre leurs intérêts.
33:47Il y a beaucoup de choses,
33:49même des autorisations de produits, etc.
33:53Le syndicat est très fort, parce qu'ils ont affaire à une société,
33:56qu'ils n'ont pas affaire à une fédération, bien évidemment.
33:59Une société qui, en bout de ligne, fera bien ce qu'elle veut.
34:02Si elle veut te suspendre 70 matchs,
34:04tu ne vas pas aller au tribunal arbitral du sport,
34:07au Sénat d'OSF, où est-ce qu'il y a les recours.
34:11Tu n'es pas d'accord ? Tu vas jouer ailleurs, mon gars,
34:14ce n'est pas un souci, quel qu'il soit.
34:16Donc il y a un côté World Company, mais il y a un côté grande démocratie.
34:20Et là aussi, on ne sait pas à quel point les joueurs envoient de l'argent,
34:24en vérité, envoient aux communautés.
34:27Le meilleur exemple, c'est Lebron James,
34:29qui va faire des écoles, des hôpitaux, des machins.
34:32Alors, il brasse beaucoup d'argent, ce sont des fortunes,
34:35mais je n'en vois pas beaucoup dans notre sport qui en font autant.
34:39Il parle toujours de la communauté.
34:41Oui, le basket est très métissé, et d'évidence, d'évidence.
34:45Le baseball aussi, le foot américain, c'est différent, c'est tenu par…
34:50c'est traditionnel, puis tu as moins d'équipes.
34:53Voilà, voilà.
34:54Mais je suis sûr que si on fait la carte de France du championnat de France de foot,
34:58on va trouver des influences politiques dans chaque club, Patrick, dans chaque club.
35:02Comment doivent se comporter les sportifs français pour 2024 ?
35:06C'est quoi ? On oublie tout, on fait une parenthèse,
35:09on oublie qu'on a des convictions et on se bat tous.
35:12J'allais dire pour le drapeau, c'est un peu peut-être trop fort,
35:15mais au moins pour la réussite de ces Jeux, parce que ça rejaillit sur le pays.
35:19Il faut replacer les choses dans un contexte assez pragmatique aussi.
35:23Le sportif, la sportive qui se prépare pour les Jeux olympiques,
35:28il ou elle y passe une bonne partie de sa vie,
35:32et on ne peut pas leur demander de sacrifier une partie de leur carrière,
35:37voire même de leur parcours professionnel.
35:39Ça me paraît quand même assez utopique et assez déplacé
35:45d'exiger d'un sportif ou d'une sportive
35:48de renoncer à ce pourquoi il a ou elle a sacrifié sa vie.
35:52Donc je pense qu'il faut être aussi assez lucide par rapport à ça,
35:57ce qui n'empêche pas pour autant d'avoir des prises de position,
36:00comme on a pu en avoir, de pouvoir, comme c'était dit tout à l'heure,
36:04on a aussi une exposition, une fenêtre de visibilité
36:07qui est ouverte par ces grands événements sportifs.
36:09Donc à défaut de pouvoir s'en extirper, ça peut être aussi l'occasion,
36:14dans la limite de ce qui est prévu par le cadre réglementaire,
36:17mais on peut aussi faire le choix de s'exposer à des sanctions,
36:20de pouvoir véhiculer des convictions.
36:23Ça me fait penser aux beach handballeuses,
36:26il y a un an, quelque chose comme ça,
36:30qui avaient revendiqué le droit de pouvoir porter des tenues beach volley
36:35et beach handball.
36:36Les beach volleyeuses ont été les premières.
36:38– C'est pas le sandball, le beach handball ?
36:41– C'est le sandball.
36:43Et en fait, c'était interdit par la réglementation,
36:48puisqu'il y avait une règle qui était fixée à un équipement sportif
36:52qui fait partie de la réglementation, qu'on doit respecter.
36:55Donc dans ce type de situation, on a deux possibilités.
36:58Soit on applique la règle, on dit qu'on n'est pas content
37:00et on applique la règle et on n'est pas content,
37:02soit, je ne devrais pas dire ça en tant qu'avocate peut-être,
37:05mais c'est un moyen aussi de faire bouger les choses,
37:07c'est de dire finalement…
37:09– Si vous êtes comme les sportifs, vous n'avez pas le droit
37:11de prendre des positions ?
37:12– Si, si, on peut, mais bon, on essaye de faire en sorte
37:16de respecter au maximum le cadre réglementaire.
37:19Mais quand le cadre réglementaire est entaché d'une inégalité,
37:22voire d'une inégalité, il faut essayer d'être en capacité de le combattre.
37:26– C'était l'envégienne en l'occurrence qui avait…
37:28– Voilà, exactement.
37:29Et elles l'ont fait, elles ont été sanctionnées.
37:31Pour autant, la réglementation a évolué
37:34et on a maintenant des tenues qui sont différentes.
37:36Alors, ce n'est pas encore ce qui était revendiqué au départ,
37:39mais quand même, les choses avancent.
37:41Donc, je pense qu'il faut profiter de ces événements pour se mobiliser.
37:46Le boycott, ça me paraît, je vous le disais, assez utopique
37:50compte tenu de l'ensemble des considérations
37:53qui viennent gouverner la carrière d'un sportif,
37:55le parcours d'un sportif ou d'une sportive.
37:57– Justement, quand vous parlez des parcours de sportifs,
38:00j'aimerais vos positions, moi, sur les athlètes russes,
38:03les sportifs russes.
38:04On peut dire exactement ce que vous venez de dire,
38:06vous l'avez très bien dit,
38:07ils ont sacrifié leur vie à des préparations, etc.
38:09Est-ce que, sous prétexte qu'on est sportif,
38:12on doit ne pas être exposé aux sanctions
38:15prises par la communauté internationale envers un pays agresseur ?
38:19Quelle est votre position ?
38:20Position du sportif d'abord, si j'ose dire.
38:22Est-ce que c'est trop cruel pour ces sportifs que de leur dire
38:26vous ne participez pas au jeu parce que vos dirigeants ont une attitude coupable ?
38:32– Dirigeants nationaux, dirigeants de l'État.
38:35– Ah non, dirigeants de l'État, pas dirigeants de la TD, évidemment.
38:40– Il y a une guerre quand même, il y a une guerre sur le territoire européen.
38:43C'est une horreur ce truc.
38:46Donc à partir de là, je constate qu'en tennis,
38:49des Russes jouent partout.
38:51Je constate qu'ils ont fait un championnat, eux, intramuros.
38:55Je constate qu'au jeu, on pourra participer sous bannière neutre,
39:00en individuel, mais ça exclut les équipes, encore une fois.
39:04– Et les individuels, la plupart ne pourront pas se qualifier
39:07parce qu'ils ne sont pas invités aux épreuves de qualification ?
39:09– Aux épreuves de qualification, c'est une vaste hypocrisie.
39:12Je constate et j'ai entendu beaucoup de bien des fédérations internationales.
39:15Je serai plus sur la réserve, moi, personnellement.
39:18Pas qu'ils fassent trop de politique, mais ils font trop d'économie.
39:22Et la fédération internationale des scrims a un positionnement qui n'est pas clair.
39:30Pas clair.
39:31– Et pour cause ?
39:32– Oui, nous, c'est une recommandation du ministère, je crois.
39:36Ce n'est pas quelque chose de ferme.
39:38J'ai vu que Mafiba, le basket, a exclu des qualifs la Russie.
39:44Je sais aussi que j'ai joué, moi, à une époque où la Yougoslavie,
39:49et je conseille d'aller voir One Brothers.
39:51C'est un film, vous le trouvez sur YouTube.
39:53Elle regroupait Croates, Serbes, Slovènes et tous les lieux.
39:57Et qui s'en sont mis sur la tête, les Croates et les Serbes.
39:59Que Alexandre Volkov, qui était le président de la fédération ukrainienne,
40:03quand elle existait, quand elle tourne, il est peut-être encore,
40:06il a été champion olympique avec l'URSS en 1988.
40:09Que tout ça, est-ce que ça avance ?
40:12Quand il y avait l'URSS, les Lituaniens, on savait qui c'était.
40:16Quand il y avait la Yougoslavie, on connaissait les Croates, les Serbes,
40:18on savait qui étaient les Slovènes.
40:20On savait les Bosniens, tout ce que tu veux.
40:22Alors, interdire, c'est toujours le plus facile.
40:25Est-ce qu'en les interdisant, on ne va pas déclencher un boycott des Chinois,
40:29des pays qui soutiennent la Russie ?
40:32C'est de la géopolitique.
40:34Aujourd'hui, on est en train de pénaliser les entreprises avec les sanctions.
40:38On pénalise les entreprises, on pénalise les salariés, on pénalise les familles.
40:42Je pense quand même qu'il y a des entreprises qui ont joué le jeu.
40:45Pourquoi le sport ne joue-t-il pas ?
40:47Ce n'est pas sous prétexte qu'on est sportif, on ne va pas être sanctionné.
40:50Quelle est la responsabilité des sportifs dans la guerre en Ukraine ?
40:54Concrètement, est-ce qu'il y a quelqu'un sur le plateau qui peut me dire
40:57tel sportif est responsable de la guerre en Ukraine ?
41:00Personne. Pourquoi ?
41:02Parce qu'en fait, et ça c'est un point qui est fondamental,
41:06le sportif, ou quelqu'individu qu'il soit,
41:10ne peut être sanctionné dans les grands principes du droit
41:13que s'il a commis un acte qui lui est personnellement répréhensible.
41:17Quelle est la part de responsabilité du sportif dans cet événement ?
41:22Quelle est la part de responsabilité du chef d'entreprise russe
41:25qui exportait en France et qui aujourd'hui ne peut plus exporter ?
41:28Quelle est la part de responsabilité ?
41:30En fait, là où il y a, à mon sens, une limite qu'il faut tracer,
41:35c'est que les fédérations sportives, on a parlé tout à l'heure du système pyramidal,
41:39on a le sportif qui fait partie de ce système pyramidal
41:42et les fédérations internationales, nationales,
41:45qui ont aussi leur propre système.
41:47Elles sont indépendantes du politique, elles sont déliées.
41:51Elles ne font pas partie de la mécanique de droit international au sens…
41:58– Vous êtes dans la théorie totale, vous allez me dire
42:00qu'on l'a vu avec les problèmes de dopage dans l'athlétisme russe.
42:03C'est du dopage étatique, tout le monde le sait.
42:06– Institutionnel.
42:07Mais dans le dopage, ça tombe bien que vous en parliez,
42:10parce que dans le dopage, la question s'est posée de la même manière.
42:13C'était de savoir, est-ce qu'on va aller sanctionner des sportifs
42:17à titre individuel, on considérait.
42:19Et là, on en était un peu plus proche de la responsabilité collective
42:23sur laquelle je mets des guillemets, parce que juridiquement,
42:25c'est quelque chose qui est très limite sur le plan juridique.
42:28Mais on avait considéré qu'à partir du moment
42:30où il y avait un système de dopage qui, finalement,
42:32venait d'engrainer chaque strate du sport,
42:35tous les sportifs qui étaient rattachés au système russe
42:39devaient être pénalisés.
42:41Et on a eu une décision du TAS qui est venue justement
42:45nuancer cet aspect-là en considérant que s'il y avait eu
42:48un système de dopage institutionnel,
42:50il fallait aussi tenir compte des droits individuels des sportifs
42:54qui n'étaient pas directement inquiétés
42:58parce que non absence de preuve de participation
43:01au système de dopage institutionnel.
43:03Donc, c'est la même logique, finalement, c'est de dire
43:06qu'on peut être sanctionné et on doit être sanctionné
43:09à partir du moment où on a commis une faute
43:11qui nous est personnellement imputable,
43:13quand ça n'est pas le cas sur le plan juridique.
43:15– C'est pas du tout le cas qui nous intéresse.
43:17– Et c'est pour ça que ça pose des questionnements juridiques
43:20et c'est pour ça aussi qu'à mon sens, le CIO avait quand même,
43:23là j'attire votre attention là-dessus,
43:25parce qu'on a eu aussi une interpellation du CIO
43:28par deux rapporteuses spéciales du Conseil des droits de l'homme
43:31des Nations Unies qui ont, et Carole je pense
43:34pourra en parler également, qui ont interpellé le CIO
43:38sur la première décision qui avait été prise,
43:41à savoir d'exclure les athlètes qui avaient un passeport russe
43:44ou biélorusse des compétitions internationales
43:46parce que même si la situation est dramatique
43:51et a été vraiment pointée du doigt par l'ONU,
43:56par le Conseil de sécurité et même par les instances internationales,
44:00on a quand même ce socle de base qui sont les droits individuels
44:03et que nous devons prendre en considération,
44:06qu'on soit d'accord ou pas dans le cadre de ces actuelles sanctions.
44:09– D'accord, l'hypogrésie dont on parlait tout à l'heure
44:12avec les fédérations qui s'arrangent pour que les athlètes
44:14ne puissent pas se qualifier plutôt que de prendre une décision tranchée
44:18qui peut être ensuite attaquée.
44:20– Et qui sera attaquée, et qui sera attaquée nécessairement.
44:23– Après il ne faut pas oublier quand même que la Russie
44:26c'est une oligarchie et donc de la même manière
44:29qu'un certain nombre de grands chefs d'entreprise,
44:31il y a aussi des présidents de fédérations russes
44:33qui font partie de cette oligarchie et donc,
44:37vous parliez de dopage d'État, on peut parler d'une organisation
44:42même à la soviétique, je pense, en tout cas,
44:45un retour de Vladimir Poutine sur un système, voilà.
44:49Et pour le coup, le positionnement actuel du CIO
44:54de ce que j'en ai compris sous bernière neutre
44:58est une forme de camouflet déjà pour Vladimir Poutine
45:02parce que les sanctions sportives, symboliquement,
45:05sont presque plus fortes que les sanctions économiques
45:09pour quelqu'un qui, en plus, à titre personnel,
45:12a beaucoup utilisé, instrumentalisé, par exemple, le judo, il se mit en scène…
45:18– Les sportifs sont pris en otage, donc, entre leurs dirigeants de pays et le CIO.
45:23Et le CIO se retrouve en situation d'être celui qui sanctionne.
45:27Une belle histoire.
45:29– Il y a un exemple par rapport à ce sujet qui m'intéresse,
45:32Jacques Monclart, peut-être avez-vous des infos que nous n'avons pas,
45:35c'est Thomas Hurtel, c'est un joueur français
45:37qui décide d'aller jouer en Russie contre l'interdiction de sa fédération,
45:41donc il ne peut plus avoir de…
45:43– Ce n'est pas une interdiction.
45:44– Ce n'est pas une interdiction.
45:45– Non.
45:46– C'est pour ça que je vous interroge.
45:48– Notre fédération a fait signer aux joueurs qui s'engageaient
45:53à faire le championnat d'Europe de septembre 2023 et l'objectif olympique,
45:59une espèce de saint privé, je ne sais pas comment ils ont fait juridiquement,
46:04ça, ça vaut ce que ça vaut, comme quoi ils s'engageaient à ne pas rejoindre
46:12ou être en contact, je n'ai plus les termes exacts,
46:15avec un club russe, après le championnat d'Europe,
46:17Thomas Hurtel a signé à Saint-Pétersbourg.
46:20Il y en a trois ou quatre joueurs français qui jouent là-bas.
46:23C'est une ligue fermée qui ne joue pas à l'extérieur bien évidemment
46:26puisqu'on s'en est exclu de Coupe d'Europe,
46:28donc oui, après ce n'est pas ma compétence.
46:31Après que Thomas ait signé ce papier en sachant qu'il allait aller là-bas,
46:35ça c'est un autre débat, on ne va pas l'aborder ici,
46:38qu'il ait fait le choix financier d'aller en Russie
46:42parce que à ce moment de sa carrière il avait eu deux, trois difficultés,
46:45il y avait un pont d'or pour aller là-bas parce qu'ils ont un championnat
46:48qui continue à fonctionner, un tramuros et qui marche bien,
46:52économiquement il y a toujours des oligarques.
46:54Donc voilà, mais là c'est pareil, il y a Grébénikoff aussi,
46:59le champion olympique qui lui était déjà là-bas et qui joue là-bas.
47:03Je veux dire oui, oui, la question se pose, alors est-ce que c'est légal ?
47:07Thomas est un joueur qui a le niveau de l'équipe de France,
47:10je ne suis pas loin de penser que ses coéquipiers souhaiteraient
47:13ce qu'il soit de l'aventure suivante.
47:15– Il ne pourra pas ?
47:16– A priori non, maintenant tu me demandes ça à moi,
47:18moi je te dis la situation en l'État,
47:20maintenant on demande à un avocat, une avocate si on peut attaquer ça,
47:24après le reste…
47:25– On peut toujours attaquer.
47:27– On peut travailler les avocats un peu.
47:29– Exactement.
47:30– Karol Gomez, on imagine si les athlètes russes
47:34avaient pu venir à Paris ou peuvent venir à Paris,
47:37la récupération qu'aurait fait Poutine des performances russes
47:43et on en vient à ce fameux soft power, avant de vous donner la parole
47:47on va peut-être écouter Thierry Braillard d'ailleurs
47:49qui était ancien secrétaire d'État chargé des Sports de 2014 à 2017
47:53et qui lui a vraiment évidemment eu l'expérience de ce soft power.
47:59– C'est une arme parce qu'il suffit de voir aujourd'hui
48:01avec la logique de grands événements sportifs,
48:04la logique des intérêts financiers,
48:07où ont lieu la plupart de ces événements.
48:10On voit quand même que la FIFA, pour la première fois de son existence,
48:15a été capable de modifier son calendrier
48:18pour organiser une Coupe du Monde en hiver
48:20alors que la Coupe du Monde a eu lieu toujours l'été.
48:22On voit que les Jeux Olympiques d'hiver ont eu lieu en Russie,
48:27ont eu lieu en Chine.
48:30Et donc pourquoi ces pays-là vont sur ce terrain d'organisation
48:35de manifestations majeures ?
48:37C'est pour s'acheter parfois une image, une crédibilité à l'international
48:42qu'ils n'ont pas par ailleurs.
48:44Et la France est un des rares pays aujourd'hui démocratiques
48:48qui a encore la possibilité d'organiser des manifestations sportives.
48:52Nous allons accueillir les Jeux.
48:54Et c'est là où on ne se rend pas compte que l'honneur qui nous est fait
48:57et le bonheur que ça peut apporter au monde entier
49:00de voir la France organiser ce genre de manifestations.
49:03Alors la France ne le fait pas, elle, pour des raisons d'influence mondiale.
49:07Pour les 100 ans.
49:09C'est vrai que c'est pas…
49:11Hors Jeux d'hiver, pardon.
49:13Clarole Gomez, ce soft power, on peut le résumer,
49:16c'est enfoncer des portes ouvertes que de dire que tous les dirigeants
49:20et encore plus dans des pays à la démocratie discutable,
49:26savent les bienfaits, le mot est mal choisi,
49:31mais l'impact que peuvent avoir ces organisations sportives sur leur pouvoir.
49:36Peut-être pour redéfinir un peu ce qu'est le soft power,
49:39c'était un concept qui a été développé par Joseph Naï à la fin des années 80
49:43où en fait il théorisait quelque chose qui était déjà présent
49:47et qu'il essayait de qualifier le concept de puissance.
49:51En période de guerre froide, on avait évidemment ce concept de hard power,
49:55c'est-à-dire la puissance militaire et la puissance économique qui étaient omniprésentes,
49:58où on savait que c'était là que les éléments allaient se jouer
50:01et pour lui il y avait aussi quelque chose d'autre qui se jouait par ailleurs
50:04dans le domaine de la culture, dans le domaine des nouvelles technologies,
50:08dans le domaine de la gastronomie par exemple,
50:11dans le domaine de la linguistique.
50:13Il y avait aussi une façon d'imposer sa vision,
50:16de convaincre des acteurs internationaux du bien fondé de notre position.
50:23Et c'est d'ailleurs intéressant puisqu'à la fin des années 80,
50:26au moment où il a théorisé, il a écrit cet article-là,
50:28à aucun moment il n'a parlé de sport.
50:30Il a écrit ensuite un ouvrage quelques années après
50:32où il n'aborde très peu le domaine du sport,
50:34mais en fait on voit à quel point aujourd'hui on a tendance à considérer
50:37que le soft power ne concerne uniquement que le sport,
50:42alors qu'en réalité c'est quelque chose qui est apparu très récemment
50:47et on a vraiment eu ce développement du sport comme outil de soft power
50:52au cours des années 90, 2000 et 2010
50:55avec une espèce d'intensification au cours des dernières années,
50:58avec des budgets de plus en plus importants dépensés par des pays
51:02pour accueillir des grands événements sportifs internationaux,
51:06aussi parce que le cahier des charges des fédérations internationales
51:11devenait de plus en plus lourd.
51:13Même si aujourd'hui on se retrouve face à une situation
51:17où il y a deux choses, d'une part une raréfaction des candidatures,
51:21et on le voit, on parlait tout à l'heure de Paris 2024,
51:24il est intéressant de revenir sur une petite statistique.
51:28En 2000, il y avait eu de mémoire une dizaine de candidatures de villes
51:32qui avaient candidaté pour accueillir les Jeux de 2000.
51:35En 2024, il y en avait eu cinq ou six qui avaient candidaté
51:39et en réalité elles s'étaient les unes après les autres retirées
51:43pour des raisons politiques, pour des raisons économiques,
51:46pour une crainte d'une mobilisation de la population
51:49et donc on est face à une raréfaction des pays ou des villes
51:54qui souhaiteraient accueillir des compétitions sportives internationales
51:58et donc il y a un certain nombre de pays qui n'ont pas de difficultés économiques,
52:02qui n'ont pas une population, qui ont une possibilité de revendiquer
52:05une liberté d'expression, qui n'hésitent pas dès lors à se positionner
52:09sur un certain nombre de sujets et même si aujourd'hui,
52:13face à cette situation-là, on voit émerger un autre concept,
52:16une autre dénonciation qui est celle du sport-washing
52:20dont on a de plus en plus entendu parler à partir de 2013-2014
52:24et ça a notamment été de mémoire développé par Human Rights Watch
52:28qui qualifiait les investissements faits par l'Azerbaïdjan dans le domaine du sport
52:33et on a l'exemple par exemple avec le RC Lance
52:36ou avec l'accueil des candidatures à Bakou d'Azerbaïdjan
52:42où on a de plus en plus cette accusation qui est présente.
52:46J'étais vraiment persuadée qu'avec cette année 2022,
52:50un peu nu sur Ibilis où il y a eu les Jeux de Pékin qui ont été très largement décriés,
52:55la Coupe du monde masculine de football au Qatar qui était très largement décriée,
52:59j'avais un tout petit peu l'impression que justement cette utilisation du sport
53:03comme outil de superpower notamment par un certain nombre d'États
53:06allait avoir tendance à un tout petit peu se réduire
53:08puisque au final, organiser une grande compétition sportive internationale
53:12ne devenait peut-être plus si importante et si intéressante que ça pour ces États.
53:17À force est de constater que ce n'est peut-être pas exactement le cas
53:21parce qu'on voit encore un certain nombre de pays
53:23candidater à des organisations de grands événements sportifs
53:27et plutôt les obtenir et on peut par exemple penser à l'Arabie saoudite
53:31et à Neom avec les Jeux asiatiques d'hiver en 2029.
53:36Ce qui montre que la prise de conscience n'est pas encore complètement là.
53:40Et première dernière chose, je rebondis sur ce que disait Emmanuel
53:43qui était vraiment très intéressant sur l'importance du superpower
53:47pour venir accroître sa visibilité à l'international
53:51même si c'est quelque chose aujourd'hui dont on sait qu'il y a une vraie influence
53:56d'organiser une diplomatie sportive, on sait qu'il y a des vraies retombées
54:00mais on est incapable de les quantifier.
54:03Et ça c'est le vrai défi universitaire de savoir exactement
54:07combien ça a rajouté de points de PIB,
54:10combien ça a rajouté de confiance ou de crédibilité de tel pays
54:15sur la scène internationale et ça c'est un vrai défi
54:18et du coup c'est un chantier qui reste à faire.
54:22Merci, vous êtes passionnante Carole, je vous le dis.
54:25Je compléterai peut-être sur cette problématique,
54:28sur ce questionnement que vous aviez avec l'exemple du Qatar
54:31parce qu'évidemment Jacques Moncler a raison, c'était une organisation parfaite
54:35mais qu'est-ce qu'on retient de tout ça aussi ?
54:37On a mis un projecteur sur le Qatar, c'est vrai,
54:40mais le projecteur a très souvent été négatif sur les droits de l'homme,
54:44sur les conditions de travail des ouvriers.
54:46Donc il y a une balance, on ne peut pas dire d'une manière abrupte
54:49que c'est positif aujourd'hui, que c'est du washing, du sport washé.
54:56Il va falloir m'expliquer dans le monde actuel,
54:58et surtout dans les pays qui ont les moyens d'organiser,
55:01où on ne va pas avoir ce type de problème ?
55:04Même à la France, si on avait organisé la réforme des retraites en 2024,
55:08je peux vous dire que les jeux n'étaient pas sûrs.
55:11Et les États-Unis qui s'apprêtent dans certains états
55:13à supprimer le droit à l'avortement par exemple, quel regard ont-ils ?
55:17Là par exemple, une année, le All Star Game a été déplacé
55:20parce que la Caroline du Nord avait fait un accès différencié aux personnes LGBT.
55:26Voilà une caractéristique de la World Cup.
55:29Et puis on a vu encore récemment aussi sur l'Indonésie.
55:31Vous l'aurez trois ans après quand vous aurez réglé votre problème.
55:33On a retiré à l'Indonésie l'organisation des U20 en football
55:37parce que l'Indonésie refusait la présence de sportifs israéliens.
55:42Comme quoi le soft power…
55:44Qu'on ne peut pas faire du sport sans politique.
55:47Exactement, ce sera la conclusion.
55:49Allez, on essaie d'être un tout petit peu optimiste.
55:51Peut-être, car on a vu Corée du Nord, Corée du Sud avec un exemple,
55:56peut-être, c'est vrai que le sport peut aider parfois
56:00à renouer les contacts, les discussions,
56:03mais les exemples sont de moins en moins nombreux.
56:05La Chine et les États-Unis en tennis de table,
56:08le premier contact officiel, historique.
56:10Il y en a des exemples, des revendications et des causes.
56:14Tout à l'heure, tu parlais de Mohamed Ali en disant,
56:17pour la guerre de Vietnam, c'était déjà Black Lives Matter.
56:21C'était le pasteur Martin Luther King, c'était Malcolm X, c'était tout ça.
56:26Avec Bill Russell, avec Karim Abdul-Jabbar.
56:29Ça doit te sonner un peu.
56:32Avec les premiers afro-américains qui ont été dans les ligues majeures,
56:37le premier coach afro-américain.
56:39Il y a toute une lutte sociale du sport aussi, sociologique, sociale.
56:44Il faut en être fier.
56:47Bien sûr, l'influence du sport peut être très bénéfique sur l'évolution des sociétés.
56:50Peut-être qu'elle aura, je l'espère, de l'influence sur le sort des femmes
56:54en Afghanistan ou en Iran, par exemple,
56:56et qu'il y ait des mobilisations en France aussi.
57:00Ce n'est pas forcément toujours visible, mais qu'à terme,
57:02on puisse aboutir aussi à ce que les droits soient plus respectés.
57:06De ce point de vue, c'est vrai que l'exemple Corée du Nord, Corée du Sud,
57:09le rôle du CIO a en effet été important.
57:12Il y a des valeurs de paix qui, pour le coup, ont été...
57:15On a terminé par une note optimiste. Je suis content.
57:18Merci beaucoup. Merci vraiment à vous quatre.
57:21Vous avez été tous aussi passionnants les uns que les autres.
57:24Moi aussi, je travaille en équipe.
57:25C'est comme une équipe de basket, une équipe d'émission de télévision.
57:29Je ne les fais pas venir, mais je les cite.
57:31À la réalisation, il y avait Pierre Driot.
57:33À la caméra, Renaud Yvon.
57:35Lucie Piyou au son.
57:37Sandrine David au maquillage.
57:39Et Anthony Drevet, évidemment, qui m'aide beaucoup, beaucoup
57:42à préparer cette émission.
57:44Merci infiniment.
57:45Merci à vous.
57:46Vous avez pu tous vous exprimer abondamment,
57:48et c'était passionnant.
57:50J'ai beaucoup aimé cette émission, donc voilà.
57:52Merci à tous et à bientôt.
57:55Sur Sport en France, c'est une chaîne qui monte,
57:57et maintenant, vous comprenez pourquoi.
57:59À bientôt.