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À deux jours du second tour des élections législatives anticipées, écoutez l'interview de Raphaël Glucksmann, eurodéputé Place publique-Parti socialiste, membre fondateur du Nouveau front Populaire.
Regardez L'invité de RTL avec Amandine Bégot du 05 juillet 2024.

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Transcription
00:00RTL 7h45, excellente journée à vous tous qui nous écoutez, Amandine Bégaud vous recevez ce matin l'eurodéputé place publique Raphaël Glucksmann.
00:10Raphaël Glucksmann, un élu pardon de 77 ans agressé, frappé au visage hier en Isère alors qu'il collait des affiches pour Olivier Véran avant-hier.
00:19C'est Prisca Thévenot la porte-parole du gouvernement qui était visée à Meudon, une candidate RN également en Savoie, il est temps que cette campagne se termine ?
00:27Il est temps de penser les plaies, il est temps de condamner déjà fermement ces violences insupportables mais nous on a des retours de terrain et partout c'est extrêmement agressif.
00:36Il y a des collères d'affiches qui se font agresser, il y a une violence dans la société, une tension, une nervosité, il est temps qu'on arrive à réconcilier ce pays.
00:45Il est temps qu'on sorte de ce climat d'agressivité, de haine et vraiment on est à un moment de bascule, vous savez la démocratie c'est quelque chose d'extrêmement fragile.
00:54On est né dedans, on a pensé que c'était acquis, que c'était un phénomène naturel, ça n'a rien de naturel et les démocraties peuvent s'effondrer dans ce phénomène de brutalisation du débat public,
01:04d'exacerbation des tensions, de violences et il va falloir qu'on remette de la raison et du calme, du calme dans ce pays.
01:11Gérald Darmanin a annoncé hier qu'il y aurait 30 000 policiers et gendarmes mobilisés dimanche soir dont 5 000 rien qu'à Paris, est-ce que vous redoutez des débordements ?
01:18Je pense notamment à cette manifestation qui a priori va être interdite par le préfet de police à Paris, manifestation antifasciste dimanche devant l'Assemblée Nationale.
01:26Moi ce que je redoute d'abord c'est le résultat de l'élection et j'aimerais vraiment vous dire que le climat qui est en train de s'installer progressivement,
01:33qui est un climat de déni, qui considère qu'en fait les désistements républicains des appareils suffisent, ce climat-là m'inquiète parce que rien n'est joué
01:43et que le 7 juillet on a une élection qui est fondamentale pour l'avenir de notre nation, qui va dessiner le visage de notre pays pour les années et les décennies qui viennent.
01:53Et moi je pense qu'aujourd'hui les élites sont à nouveau dans un phénomène de déni.
01:58C'est ça, j'allais vous demander déni de qui ? Déni des élites, donc de toutes les figures politiques qu'on voit défiler.
02:05Mais moi je regarde ce qu'il se passe, j'écoute ce qu'il se dit et j'ai l'impression que les commentateurs et les politiques se placent déjà dans l'après,
02:12comme si le Rassemblement National n'avait pas de majorité absolue et s'autocongratulent sur leur propre désistement.
02:20Qu'est-ce qui vous inquiète ? Que les gens n'aillent pas voter dimanche ?
02:22Moi je pense que ça crée un phénomène de démobilisation et la question que vous me posiez au tout début de l'entretien,
02:27oui c'est un acte difficile pour une électrice ou un électeur de centre droit par exemple d'aller voter pour quelqu'un de gauche
02:33ou à l'inverse pour un électeur de gauche d'aller voter pour Gérald Darmanin par exemple, tout cela est extrêmement compliqué.
02:39Donc s'il n'y a plus ce sentiment d'urgence, pourquoi les électrices et électeurs suivraient les consignes de vote ?
02:44Moi je suis inquiet et j'aimerais que tout le monde revienne sur terre, il y a une lame de fond pour le Rassemblement National.
02:51Les résultats de dimanche n'ont pas été invalidés par ensuite ce qui s'est passé depuis dimanche.
02:56Il y a beaucoup de gens qui ont voté pour vous Raphaël Glucksmann aux européennes et qui ne comprennent pas,
03:00qui se disent qu'on se fait voler finalement notre vote des européennes,
03:06on nous demande d'aller voter pour LFI ou pour d'autres alors même que pendant la campagne des européennes vous étiez contre eux,
03:13enfin ils ne comprennent pas et donc un certain nombre en disent j'irai à la piscine, j'irai à la pêche.
03:20Et moi je comprends leur trouble et vous savez on a fait une campagne des européennes qui était fondée sur l'enthousiasme,
03:25l'adhésion au projet, sur le fait d'assumer d'être social-démocrate, pro-européen, humaniste
03:31et d'assumer l'ensemble des clivages qui traversent la gauche française et en règle générale la classe politique française.
03:37C'était vraiment un vote de cœur et moi je me suis attelé à ce qu'on crée un vote de cœur.
03:41Mais depuis le 9 juin à 21h avec cette décision insensée du président de la République,
03:46on s'est retrouvé dans une situation complètement opposée, il ne s'agit plus d'un vote de cœur,
03:50il s'agit d'un vote de raison pour éviter la catastrophe.
03:52Donc moi ce que j'ai dû faire, ce que nous avons dû faire, c'est de hiérarchiser les périls, hiérarchiser les menaces,
03:57identifier quel était le risque principal qui pesait sur la République française et sur notre démocratie et sur la construction européenne.
04:04Et ce risque principal c'est une victoire du Rassemblement National, c'est un gouvernement Le Pen-Bardella,
04:09c'est cela le risque principal et donc quand vous identifiez ce risque vous êtes obligés de prendre des décisions qui sont douloureuses.
04:14Et moi j'entends leurs troubles, mais ce que je leur dis c'est qu'il y a aujourd'hui une seule force politique
04:21qui peut avoir la majorité absolue et prendre les manettes de notre pays.
04:25C'est la force politique qui s'appelle le Rassemblement National et qui a servi les intérêts de Vladimir Poutine en guerre contre l'Europe depuis plus de 10 ans.
04:33Et qui entend trier entre les français, entre bi-nationaux et non-bi-nationaux,
04:37et qui entend privatiser l'audiovisuel public et qui entend marcher sur le conseil constitutionnel comme ils l'ont dit.
04:44Ces arguments, pardon Raphaël Glussman, on les entend depuis des semaines,
04:47il y a plus de 10 millions d'électeurs qui ont voté pour le Rassemblement National au premier tour.
04:51Ce n'est pas 10 millions d'idiots.
04:52Non, absolument pas. Et moi j'ai sillonné la France pendant toute la campagne des européennes
04:56et j'ai échangé avec de nombreux électeurs du Rassemblement National.
05:00Et je comprends leur frustration face à l'impuissance, face au déclassement, face à cette impression qu'on a
05:06que la France ne se raconte plus, que nos dirigeants n'aiment plus notre pays,
05:09qu'en fait on n'arrive plus à dire et à aimer ce que nous sommes.
05:12J'entends tout cela, mais ce que je dis c'est qu'une victoire de Le Pen,
05:15ce serait l'affaissement de notre pays et non pas son redressement.
05:18Et que oui, oui, il y a une leçon immense qui sera tirée, qui doit être tirée après le 7 juillet,
05:25mais que d'abord on est dans l'urgence.
05:27Et que dans l'urgence, eh bien on prend des décisions pour éviter la catastrophe,
05:30c'est-à-dire le fait d'offrir la France à la famille Le Pen.
05:35L'idée d'une grande coalition, vous allez me dire on y pensera après,
05:39mais sur le papier vous êtes pour, contre ?
05:40Typiquement c'est la projection, c'est-à-dire qu'en fait on fait comme s'il n'y avait rien qui se passait le 7 juillet.
05:44Or c'est un moment de bascule fondamental.
05:46Moi ce que j'aimerais juste dire là-dessus, sans parler de grande coalition, de gouvernement...
05:51Mais enfin il va bien falloir gouverner, s'il n'y a pas de majorité absolue pour le R.L.
05:54il faudra bien une solution et peut-être que les Français auront envie avant de savoir la guerre.
05:57On entrera dans une période, s'il n'y a pas de majorité absolue à l'Assemblée nationale,
06:00on entrera dans une période qui est celle de l'incertitude parlementaire.
06:04Mais que finalement, au Parlement européen, c'est précisément ce que nous vivons quotidiennement.
06:09C'est-à-dire que sur chaque projet de loi, vous devez construire une coalition.
06:13Moi quand je veux faire passer le devoir de vigilance des multinationales,
06:17je dois aller convaincre un conservateur slovac, une libérale estonienne,
06:21je dois sortir de moi-même, je ne fais pas de la politique comme dans une nagée de Nanterre,
06:25en exaltant mes propres propos et en répétant ad nauseam toujours la même chose.
06:29J'essaye de convaincre des gens qui ne sont pas d'accord avec moi.
06:31Et tout cela, ça s'appelle la démocratie parlementaire.
06:34Et finalement, les autres pays européens, contrairement à la France, vivent dans cela.
06:39La Belgique, l'Allemagne...
06:40Dans la démocratie parlementaire.
06:42Et donc peut-être que ce que nous sommes en train de vivre,
06:45que de ce chaos émergera une démocratie plus mature,
06:48avec des députés qui devront sortir de leur posture, qui devront sortir de leur vignette Twitter
06:52et qui devront réellement faire leur travail de parlementaires.
06:55On peut peut-être vivre, soit une catastrophe, la victoire du Rennes,
07:00soit quelque chose qui est la fin de, et Jupiter, et Robespierre.
07:04Et donc, une démocratie adulte.
07:06Et cela passera notamment, à mon avis, par un changement du mode de scrutin
07:10qui est aujourd'hui catastrophique.
07:12C'est-à-dire le passage à la propensionnelle.
07:14Mais je pense que s'il n'y a pas de majorité, au moins qu'on se mette d'accord
07:17sur le fait que les prochaines élections soient réellement démocratiques
07:20et qu'elles ne nous obligent pas à vivre ces psychodrames en permanence.
07:22Raphaël Glucksmann, je recevais hier, ici même, François Ruffin
07:26qui a clairement coupé le cordon, j'allais dire, avec la France insoumise.
07:29Il ne siègera pas s'il est réélu dimanche.
07:34Il a eu raison ?
07:36Il a eu raison.
07:38Comme lui, vous diriez, Jean-Luc Mélenchon est un boulé, un obstacle au vote ?
07:41François Ruffin mène un combat extrêmement courageux contre le rassemblement national en ce moment.
07:46Et François Ruffin, c'est pertinemment ce que disent les Français.
07:48Et on entend la même chose partout.
07:50Il faut sortir du bruit, de la fureur.
07:52Et vous savez, ce qui s'est produit pendant toutes ces semaines,
07:55et notamment pendant les négociations et le rapport de force idéologique
07:58que nous avons installé avec la France insoumise
08:01et avec Jean-Luc Mélenchon au moment de la constitution du Nouveau Front Populaire,
08:03c'est la fin de l'hégémonie culturelle, politique, idéologique de Jean-Luc Mélenchon sur la gauche française.
08:08Mais c'est un boulé, comme le dit François Ruffin, Jean-Luc Mélenchon, c'est un boulé ?
08:11C'est un problème immense.
08:13C'est, en réalité, vous savez, toute cette stratégie, ce rapport politique,
08:18ce rapport à la politique, c'est vraiment un problème.
08:23Et donc nous, ce que nous voulons faire, c'est construire une gauche
08:26qui soit responsable, qui apaise le pays,
08:29qui la réconcilie, qui réconcilie les Français entre eux.
08:33Et je crois, sincèrement, que ce qui est en train d'émerger, c'est autre chose.
08:37Depuis François Ruffin, jusqu'à Valéry Rabault, qui mène aussi en ce moment
08:41une campagne extrêmement difficile contre le Rassemblement National,
08:44en passant par Marine Tondelier, Laurent Laluc d'Autre,
08:47c'est des nouvelles figures, Boris Vallaud, c'est des nouvelles figures, c'est une nouvelle manière de faire de la politique.
08:51Et moi, je ne, si vous voulez, je ne renoncerai jamais
08:54à l'émergence d'une sociale démocratie dans notre pays,
08:58d'une gauche responsable qui soit une alternative crédible.
09:01C'est ce que nous avons esquissé pendant les européennes,
09:03c'est ce que nous allons continuer à faire et cela suppose,
09:06cela suppose, oui, de rompre avec le bruit et la fureur.
09:09Merci beaucoup, Raphaël Glucksmann.

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