Ecoutez l'interview du député de Marseille, coordinateur national de la France Insoumise.
Regardez L'invité de RTL du 12 décembre 2023 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h44, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine Bégaud vous recevez donc ce matin, Manuel Bompard
00:12 coordinateur de la France Insoumise et député LFI des Bouches-du-Rhône.
00:16 On va bien sûr revenir Manuel Bompard sur ce coup de théâtre donc hier à l'Assemblée, l'adoption de cette motion de rejet qui avait été
00:22 déposée par les écologistes.
00:24 Dès hier soir, Gérald Darmanin, je le disais, qui portait ce projet de loi immigration a reconnu un échec.
00:29 Et vous, que dites vous ce matin ? Merci ORN, merci OLR ?
00:34 Non, je dis que le gouvernement ne disposait pas de majorité à l'Assemblée nationale pour faire voter
00:40 ce texte de loi et que dans une démocratie normale, il devrait en tenir compte.
00:45 Et le ministre Darmanin qui s'est beaucoup exposé sur ce sujet devrait en assumer la responsabilité.
00:50 Donc il devrait partir en emportant ce texte sous le bras.
00:53 Il a déposé sa démission, Emmanuel Macron l'a rejetée.
00:55 Justement, j'observe qu'on a quand même un problème démocratique.
01:00 Vous avez un texte qui est rejeté à l'Assemblée nationale et on nous dit finalement tout va continuer comme avant,
01:07 comme si finalement il ne s'était rien passé.
01:09 Le président de la République, Emmanuel Macron, est drogué à l'autoritarisme.
01:13 Il ne fonctionne plus que comme ça.
01:15 Ça fait depuis maintenant un an et demi et si on prend un petit peu de recul sur les événements, on a deux budgets.
01:21 Deux budgets de la sécurité sociale.
01:23 Une réforme sur les retraites.
01:25 Un texte sur l'immigration qui veut passer en force.
01:28 C'est-à-dire qu'il n'est plus en capacité de gouverner le pays dans des bonnes conditions.
01:32 De faire en sorte que l'Assemblée nationale vote en faveur des textes de loi qu'il propose.
01:37 On va revenir sur la suite dans un instant.
01:39 Mais reconnaissez que sans l'ERN et sans l'LR, cette motion de rejet n'aurait pas été adoptée.
01:43 Vous êtes d'accord ?
01:44 Et ça ne vous gêne pas d'avoir obtenu le gain de cause en faisant, j'allais dire, un commun ?
01:50 Il n'y avait pas de majorité pour le texte déposé par le gouvernement.
01:55 Il n'y avait pas non plus de majorité alternative pour le texte ou la conception qui était la nôtre de ce sujet.
02:01 Je ne le conteste pas.
02:02 Mais quand vous êtes au pouvoir, quand vous dirigez les affaires et que vous arrivez à l'Assemblée nationale,
02:08 vous devez avoir créé les conditions pour qu'une majorité de députés vote en faveur de votre texte.
02:12 Quant au fait que des députés du Rassemblement national et des députés LR aient voté ce texte-là.
02:17 Je pourrais vous renvoyer le fait que par exemple, quand nous avons proposé à l'Assemblée nationale d'augmenter le SMIC,
02:22 ce sont les macronistes, LR et le Rassemblement national qui se sont alliés pour rejeter cette proposition.
02:28 Quand nous avons proposé à l'Assemblée nationale de rétablir l'impôt de solidarité sur la fortune,
02:32 ce sont les macronistes, LR et le Rassemblement national en quelque sorte qui se sont alliés pour le rejeter.
02:37 Ça c'est le jeu parlementaire.
02:38 Mais je ne vous pose pas la question pour vous mettre en cause vous.
02:41 Je ne me sens pas mis en cause.
02:42 Delphine Bateau, qui est députée écologiste et membre de la NUPES, n'a pas voté cette motion de rejet.
02:48 C'est la seule députée écologiste d'ailleurs.
02:49 Et elle s'en est expliquée sur Twitter.
02:52 Elle dénonce une motion de rejet instrumentalisée par le RN et les Républicains
02:55 qui souhaitent, dit-elle, revenir sur le texte voté au Sénat, un texte plus dur.
02:59 "Je ne peux pas", écrit-elle, "et ne pourrai jamais voter avec l'extrême droite sur l'immigration".
03:04 Mais écoutez, quand on est opposé à une proposition de loi,
03:08 quand nous la combattons, comme nous avons combattu ce texte,
03:11 nous avons plusieurs moyens législatifs, institutionnels, de s'y opposer.
03:15 La motion de rejet en fait partie.
03:16 - Peu importe les moyens, ce qui compte, c'est le résultat. C'est ce que vous nous dites.
03:18 - Mais cette motion de rejet, madame, elle a été portée par un écologiste,
03:22 un membre du groupe écologiste.
03:24 Donc il était légitime, logique, que je vote en faveur de cette motion de rejet.
03:30 Ne pas l'avoir votée aurait été incompréhensible.
03:32 Et il me semble donc qu'il fallait utiliser effectivement les moyens à notre disposition
03:35 pour bloquer ce texte.
03:36 Et c'est ce que nous avons fait en votant ce texte.
03:38 Je voudrais vous dire qu'il y a eu davantage de voix en faveur de la motion de rejet venant de la gauche
03:43 que de voix en faveur de cette motion de rejet venant de la droite ou de l'extrême droite.
03:47 Le cœur de ce qu'a été cette motion de rejet, c'était les voix de la NUPES, et j'en suis très content.
03:51 - Alors venons sur la suite.
03:53 Malgré cette motion de rejet, pas question d'abandonner le texte, a dit hier le ministre de l'Intérieur.
03:58 Pas de retrait.
03:59 Le risque aujourd'hui, c'est que ce texte y soit adopté via la commission mixte paritaire,
04:04 un petit groupe de députés et sénateurs, 7 députés, 7 sénateurs, sans débat à l'Assemblée.
04:08 Si ça se passe comme ça, est-ce que finalement, c'est pas tout perdant pour vous ?
04:12 Un texte plus dur adopté, sans débat, avec une alliance avec le RN et les élèves ?
04:17 - Madame, c'est impossible.
04:18 Heureusement, il ne peut pas y avoir de texte adopté dans ce pays
04:22 si l'Assemblée nationale ne se prononce pas sur ce texte.
04:25 - Avec un 49.3.
04:26 - Ah, alors vous évoquez la possibilité qu'il y ait un nouveau 49.3.
04:29 Donc je dis que si le gouvernement, après en première lecture avoir vu son texte être rejeté
04:35 par une majorité de députés à l'Assemblée nationale, décide de passer en force en imposant un 49.3,
04:41 alors je pense qu'on aura franchi un cap de plus dans l'autoritarisme.
04:44 - Sauf que les Français, ils sont pour ce texte.
04:46 8 Français sur 10 soutenaient ce texte dans un dernier sondage au Doxa.
04:51 Vous les privez, ces Français, aujourd'hui de débat ?
04:53 - D'abord, je ne sais pas si les Français sont pour ce texte.
04:56 - C'est ce que disent les sondages, alors.
04:57 Bon, après, les sondages, on en fait ce qu'on veut.
04:59 Mais sur les retraites, vous disiez que les Français étaient contre le projet de loi.
05:03 - Les sondages disent aussi qu'une majorité de Français sont en faveur
05:07 de la régularisation de l'ensemble des travailleurs sans papier.
05:09 C'est une proposition que je porte.
05:10 Pourtant, vous aurez observé que le ministre Darmanin n'avait pas inclus
05:13 cette proposition dans son texte de loi.
05:15 Donc, on peut mettre ce qu'on veut dans les sondages.
05:17 Les sondages, ils disent aussi que les Français, ils considèrent que la priorité du moment,
05:21 c'est la question de l'inflation et du pouvoir d'achat.
05:22 Pourtant, le gouvernement n'a pas proposé de texte sur ce sujet.
05:24 - Mais ils veulent un durcissement sur les mesures autour de l'immigration.
05:28 - Mais c'est-à-dire que ça fait depuis maintenant plusieurs mois, plusieurs années,
05:32 qu'on essaye de leur faire croire que la responsabilité de toutes leurs difficultés,
05:36 les responsables de tous les maux, de tous leurs maux,
05:38 de toutes les difficultés auxquelles ils sont confrontés, c'est l'immigration.
05:42 Donc, ce n'est pas totalement absurde.
05:44 - Mais on est d'accord que l'Assemblée nationale, c'est le lieu du débat, Manuel Bompard.
05:47 C'est le lieu du débat, l'Assemblée nationale. Là, vous les privez le débat.
05:50 - Mais pas du tout. D'ailleurs, nous avons débattu pendant une semaine complète,
05:54 de 9h à minuit, de ce texte à l'Assemblée nationale, aux commissions.
05:57 Donc, personne n'a été privé de quelque débat que ce soit.
06:00 J'ai même envie de vous dire, sur l'immigration, j'ai l'impression qu'on en débat souvent.
06:03 Il y a eu 20 textes en 30 ans sur l'immigration.
06:06 Donc, je pense que ça va, on n'est pas limité dans le débat sur les questions de l'immigration.
06:11 - Comment on sort de là ?
06:12 - Je vois plutôt comme un soulagement le fait que pendant 15 jours,
06:15 on ne va pas être en permanence dans un climat, qui soit un climat nauséabond,
06:19 comme le président de la République et sa majorité ont essayé de nous l'imposer.
06:22 - Comment on sort de là, Manuel Bompard ?
06:24 Certains, y compris d'ailleurs au sein de la majorité présidentielle, parlent ce matin,
06:27 pourquoi pas, d'une dissolution ? Vous y seriez prêt, vous ?
06:29 - Bah, pourquoi pas ?
06:30 - C'est ce que vous réclamez ce matin ?
06:32 - Non mais moi, je ne réclame rien.
06:33 - Vous réclamez la démission de Gérald Darmanin.
06:36 - Je vais vous dire, je pense que dans une démocratie normale,
06:39 le ministre aurait dû partir, il aurait dû emmener son texte de loi avec lui.
06:44 Maintenant, je vois bien que le président de la République le couvre
06:47 et que le président de la République ne tient plus qu'à un fil,
06:49 qui est le fil du passage en force permanent.
06:52 Je dis que la situation, ce pays ne peut pas être gouverné comme ça
06:56 pendant encore des mois, des mois et des années.
06:58 Donc, voilà ce que j'ai à vous dire.
06:59 S'ils ne sont pas capables de gouverner le pays autrement,
07:01 qu'ils partent tous, qu'ils s'en aillent.
07:03 On n'a pas besoin d'eux.
07:04 Parce que ce pays, il a besoin d'être gouverné.
07:06 Parce que ce pays, il est confronté à des défis qui sont immenses.
07:10 Un défi de la pauvreté, un défi de l'inflation,
07:14 un défi de la crise écologique, un défi de l'impasse démocratique.
07:18 - Il y a aussi la menace terroriste.
07:20 - Eh bien, oui, il y a aussi ce sujet-là.
07:21 - Ce texte, dit Gérald Darmanin, aurait permis d'expulser l'assaillant d'Arras,
07:25 ce jeune homme qui, le 13 octobre dernier, a assassiné Dominique Bernard,
07:28 ce professeur de lettres.
07:29 Est-ce que rien que pour ça, rien que pour éviter cet attentat,
07:33 il n'aurait pas fallu voter ce texte ?
07:34 Non, ce n'est pas faux.
07:35 - Mais si, c'est faux.
07:35 Il existe déjà dans le code, le CZA aujourd'hui,
07:39 la possibilité d'écarter des gens s'ils mettent en danger les intérêts vitals de la nation.
07:44 - Il était arrivé avant l'âge de 13 ans en France, il ne pouvait pas être expulsé.
07:47 - Même si les gens sont arrivés avant 13 ans, tout le monde le sait.
07:49 Il n'y a que M. Darmanin qui croit à cette fable.
07:52 Parce que M. Darmanin, il a privatisé pour des enjeux personnels,
07:55 ses ambitions présidentielles, ce débat sur l'immigration,
07:58 et il s'est mis à raconter n'importe quoi.
08:00 Donc, sur ce sujet, il n'y a pas besoin de ce texte pour écarter des gens
08:04 qui mettraient en danger les intérêts vitaux de la nation.
08:07 Donc, le sujet n'est pas celui-ci.
08:09 Donc, moi, je vous dis que ce pays ne peut pas continuer à être gouverné comme ça,
08:13 par des passages en force permanents et au mépris de la souveraineté populaire
08:16 et des représentants du peuple qui sont à l'Assemblée nationale.
08:19 Donc, si Emmanuel Macron n'est pas capable de comprendre cette leçon,
08:23 on va vers des jours qui vont être des jours de plus en plus tendus
08:26 et de plus en plus difficiles.
08:27 Enfin, dans quelle démocratie on peut considérer que les budgets
08:31 n'ont plus besoin d'être votés par l'Assemblée nationale,
08:33 les textes de loi n'ont plus besoin d'être votés dans l'Assemblée nationale ?
08:36 Ce n'est pas un fonctionnement démocratique normal et sain.
08:38 Donc, il faut changer tout ça, tout simplement.
08:39 - Merci beaucoup, Manuel Bonpart.
08:41 - Merci à vous.
08:41 - Et vous restez avec nous, Manuel Bonpart,
08:42 puisque vous êtes dans l'œil de Philippe Cadri.
08:44 !