Paris, l'Art Nouveau de la fantaisie.
Des façades d'immeubles toutes en courbes. Des embouchures de métro qui ondulent. Des balcons arrondis. Au début du XXème siècle, l `Art Nouveau et ses ondulations inspirées par la nature vont s'inviter dans un Paris percé de grandes avenues rectilignes. L'architecte Hector Guimard va faire souffler un vent de fantaisie dans la capitale française qui s'admire encore aujourd'hui.
Et Paris inventa les espaces verts.
Le Bois de Boulogne et les Buttes-Chaumont, deux des plus grands et luxuriants parcs parisiens émanent de l'esprit d'un seul homme : Adolphe Alphand. En plein Second Empire, alors que l'hygiénisme est en plein essor, l'ingénieur remodèle Paris et ses espaces verts. Cours d'eau détournés, grottes artificielles, plantations à foison, rien n'est laissé au hasard. Année de Production : 2022
Des façades d'immeubles toutes en courbes. Des embouchures de métro qui ondulent. Des balcons arrondis. Au début du XXème siècle, l `Art Nouveau et ses ondulations inspirées par la nature vont s'inviter dans un Paris percé de grandes avenues rectilignes. L'architecte Hector Guimard va faire souffler un vent de fantaisie dans la capitale française qui s'admire encore aujourd'hui.
Et Paris inventa les espaces verts.
Le Bois de Boulogne et les Buttes-Chaumont, deux des plus grands et luxuriants parcs parisiens émanent de l'esprit d'un seul homme : Adolphe Alphand. En plein Second Empire, alors que l'hygiénisme est en plein essor, l'ingénieur remodèle Paris et ses espaces verts. Cours d'eau détournés, grottes artificielles, plantations à foison, rien n'est laissé au hasard. Année de Production : 2022
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00:30...
00:41Avec ses immeubles en pierre de taille,
00:43ses larges avenues boisées, ses toits de zinc
00:46et ses façades haussmaniennes,
00:49Paris se reconnaît à travers le monde entier
00:51par son élégante architecture.
00:54Mais la capitale ne serait pas la même
00:56si, à la fin du XIXe siècle,
00:59des architectes, et en particulier un homme,
01:02Hector Guimard, n'avaient pas fait émerger
01:04un style inédit, l'art nouveau.
01:07...
01:12C'est un Paris plus libre, plus fantaisiste,
01:14aux formes courbes et ondulantes,
01:16inspiré de la nature,
01:18que l'on découvre alors dans les devantures d'immeubles,
01:21la décoration intérieure
01:22et les mythiques embouchures du métro.
01:25...
01:28On s'aperçoit que des oeuvres architecturales
01:32vont placer à nouveau Paris
01:34sous le feu des projecteurs
01:36et les entrées de métro sont devenues une sorte d'icône
01:40de la ville de Paris,
01:41au même titre que la Tour Eiffel ou le Sacré-Coeur.
01:44...
01:48Si notre parcours démarre dans un quartier
01:50entre la Seine et le bois de Boulogne,
01:52le XVIe arrondissement, c'est qu'à l'époque,
01:55il y a de la place pour construire.
01:57...
02:00Au XIXe siècle, le XVIe arrondissement,
02:02c'est la campagne.
02:03Il y avait le village de Passy et d'Auteuil.
02:05Auteuil n'avait que quatre rues à l'époque.
02:08Avec le baron Haussmann, les règles étaient très strictes.
02:11Tout devait être droit dans la construction.
02:13A partir de 1875, les architectes,
02:15on a un peu marre de cette architecture
02:17qui file tout droit.
02:19...
02:21Des architectes réclament alors plus de liberté
02:24au nom de la dimension artistique.
02:27Ils obtiendront gain de cause lors du décret du 13 août 1902.
02:30L'art nouveau, qui s'appuie sur l'esthétique des lignes courbes,
02:34prend alors son essor.
02:36À Paris, Hector Guimard
02:38est l'architecte fer-de-lance de ce style.
02:41Il va bousculer les codes parisiens,
02:44se soustraire à la ligne droite
02:45pour offrir un sentiment de douceur
02:47et de légèreté à l'architecture.
02:51Pour le découvrir, il faut dans ce quartier
02:53se rendre aux 14 rues Jean de la Fontaine,
02:56devant l'une de ses plus belles oeuvres.
02:58Le Castelbérangé,
02:59construit entre 1894 et 1898.
03:04Le Castelbérangé se distingue vraiment
03:07de l'immeuble haussmannien.
03:08Vous avez de l'açaï,
03:10vous avez des beaux windows, vous avez des arrondis.
03:14On mélange les matériaux anciens, la pierre de taille à la brique.
03:18On met de la céramique, on met des sculptures un peu partout.
03:21Sur les balcons, vous voyez des masques.
03:24Guimard s'est vraiment amusé.
03:26Il avait fait quelque chose de très fantaisie à l'époque.
03:29Il fallait s'imaginer que le XVIe devienne bourgeois.
03:32Il y avait des fabriques, des manufactures, des maisons, des commerçants.
03:35C'est une construction qui va surprendre.
03:39Le jeune architecte, d'à peine 32 ans,
03:41obtiendra même avec ce bâtiment
03:43le 1er prix du concours de la plus belle façade de la ville de Paris
03:47en 1898.
03:50C'est ce qui va lancer la carrière d'Hector Guimard.
03:53C'est le manifeste de l'art nouveau. C'est le bâtiment de référence.
03:56Hector Guimard trouve dans ce quartier du XVIe arrondissement
04:00un terrain de jeu propice à son art.
04:03A quelques rues, sur l'avenue Mozart, au numéro 122,
04:07il donnera son nom à la création d'un hôtel particulier,
04:10l'Hôtel Guimard.
04:14En 1909, il épouse une peintre américaine.
04:17Au rez-de-chaussée, vous aviez son agence
04:19et les étages étaient pour la famille Guimard.
04:23Sa construction évolue.
04:25C'est beaucoup plus simple, beaucoup plus modeste,
04:28mais c'est quand même un bâtiment assez élégant.
04:31Vous retrouvez les ferronneries sur les balcons,
04:34les arrondis, les végétaux au-dessus des portes.
04:37Et Guimard, au-dessus de la porte, son monogramme, on le signe toujours.
04:42Un peu comme dans les années 60,
04:45un peu plus loin, à l'angle de la rue Hagar,
04:48entre les 17 et 21 Rue Jean de La Fontaine,
04:51une autre création de l'architecte.
04:53Un ensemble composé de sept immeubles de six étages.
04:57Plus sobre et monochrome, il ne manque cependant pas de charme
05:00avec ses nombreux détails ornementaux.
05:05Si le quartier est emprunt des façades
05:07aux volutes ondoyantes de Guimard,
05:09partout dans Paris, ses camps des labres,
05:12sa signalétique et ses barrières en ferronnerie
05:15accompagnent également les voyageurs depuis plus d'un siècle.
05:18Car l'architecte est également le créateur des silhouettes courbes,
05:22des bouches de métro parisiennes.
05:28Notre parcours nous mène au bout de l'avenue Foch.
05:32Le grand chantier du métro se décide en 1895.
05:36L'objectif est de concevoir un moyen de transport performant
05:39pour desservir l'exposition universelle de Paris en 1900.
05:47Nous sommes à Porte-Dauphine, à l'extrémité de la ligne 2,
05:50sur le premier chantier du métro conduit par Guimard,
05:56qui comprend la ligne 1 et deux petits tronçons,
05:59dont un qui aboutit ici, à Porte-Dauphine.
06:01Le métro va apporter à Paris une mobilité extraordinaire
06:04aux citoyens qui, auparavant, avaient beaucoup de mal à se déplacer.
06:08Il y avait des compagnies de fiacres, des compagnies de tramways,
06:12mais il n'y avait rien qui fonctionnait de manière optimale.
06:17Pour le métro, différents types d'ouvrages vont être mis en construction.
06:22Le premier, que l'on appelle un édicule,
06:24est une entrée avec un escalier entouré de parois fermées
06:28et une toiture de verre qui protège les usagers de la pluie.
06:34Les piliers qui soutiennent l'auvent,
06:37la marquise qui est devant nous,
06:39ont une forme arborescente,
06:41comme s'ils traduisaient le tronc et les branches d'un arbre.
06:45Donc il y a là cette idée de retrouver le naturel de la forêt,
06:50le naturel de la nature, qui fait défaut dans les grandes villes.
07:00Pour découvrir une autre création de l'architecte,
07:02il faut aller dans les profondeurs de Paris
07:05et sortir à la station Chardon-Lagache,
07:07à quelques arrêts dans le 16e arrondissement.
07:10Ici, Hector Guimard a créé pour le métro, en 1913,
07:14une balustrade qui entoure sur trois côtés la descente d'un escalier
07:18et le voyageur y accède en passant au-dessous d'un portique.
07:25Il faut qu'on puisse signaler au passant de loin la bouche de métro.
07:30On peut voir tout un tas d'interprétations,
07:33en particulier sur ce portique.
07:35Et moi, j'y vois, par exemple, des têtes de montres religieuses
07:38qui guettent le passant, qui va s'engouffrer
07:41et se faire dévorer dans les entrailles de la terre.
07:47De 1900 à 1922,
07:50166 entrées ont été créées sur le modèle d'Hector Guimard.
07:54Actuellement, il n'en reste plus que 87,
07:57mais elles sont toutes aujourd'hui classées
07:59au titre des monuments historiques.
08:03Musique de jazz
08:06...
08:08...
08:16S'il se distingue aux emboucheurs des métros,
08:18l'art nouveau s'immisce peu à peu dans les intérieurs,
08:21comme on le découvre au 60 rue Jean de La Fontaine,
08:25avec l'hôtel Mezzara,
08:27un hôtel particulier construit en 1910 par Guimard
08:30pour Paul Mezzara,
08:31un industriel du textile et créateur de dentelles.
08:35Ici, c'est une oeuvre d'art totale qui s'offre au regard des visiteurs.
08:39...
08:41Là, on est dans l'espace de réception, le Grand Hall,
08:45dans lequel Paul Mezzara avait certainement installé
08:49ses vitrines de présentation de ses broderies et de ses dentelles.
08:53...
08:54Au coeur du Grand Hall,
08:56l'escalier monumental qui dessert la partie résidentielle du 1er étage
09:00témoigne du talon d'artiste d'Hector Guimard.
09:02...
09:05Comme annoncé dans la rue par la clôture,
09:07on retrouve l'emploi du fer et de la fonte
09:12dans les espaces intérieurs.
09:14Sur cet exemple de l'escalier,
09:16on peut voir toute la réflexion qu'il a sur le travail du métal.
09:20Donc, l'emploi d'éléments de l'industrie,
09:23l'emploi de fer forgé
09:26et l'emploi de fonte artistique.
09:28La fonte, c'est une pièce qui est moulée et qui est dupliquée.
09:32Il va créer un très grand nombre de modèles,
09:35des pièces qui seront éditées dans un catalogue,
09:38à l'usage de qui le souhaite,
09:41mais en tout cas aussi pour son propre usage.
09:43C'est un architecte qui, finalement,
09:45est certainement un précurseur du design.
09:48...
09:49Dans la salle à manger,
09:50apparaît également un ensemble d'objets et de mobiliers
09:53entièrement imaginés et dessinés par Guimard
09:56pour s'intégrer parfaitement dans la pièce.
09:58Tables et chaises ont été conçues dans ses ateliers
10:01avec ses propres artisans d'art
10:03afin de reproduire son trait d'architecte.
10:06...
10:07Il a une vision totale de l'architecture.
10:10Pour lui, le projet, c'est un ensemble
10:11qui va à la fois du bâtiment, du bâti, des grosses oeuvres,
10:15et puis qui, après, s'inscrit naturellement
10:17vers tous les éléments du décor
10:19et les éléments du quotidien aussi.
10:22On a le bon exemple de la chaise avec des très légères courbes
10:25qui donnent toute l'attention à cette chaise.
10:28Quelques petits éléments décorés qui se détachent et qui sont soulignés.
10:32...
10:34Si l'hôtel Mezzara n'est plus habité aujourd'hui,
10:37à deux pas de là, au numéro 14 de la même rue,
10:39retour au castel Béranger, encore bien vivant et peuplé.
10:44...
10:45Eva habite le premier étage de ce bel immeuble depuis un an.
10:49Passionnée de l'architecte et de cette époque art nouveau,
10:51c'est au hasard d'une promenade dans le quartier
10:54qu'elle découvre l'édifice et décide de s'y installer.
10:57...
11:01Nous sommes ici dans le hall d'entrée de l'immeuble.
11:06C'est une atmosphère totalement insolite
11:09qui ressemble à rien de connu
11:12et qui m'a donné envie d'y vivre.
11:15...
11:18En très mauvais état lorsqu'elle achète l'appartement,
11:21Eva-Marie prendra grand soin à le faire restaurer
11:24dans les règles de l'art.
11:26...
11:28On entre ici dans la pièce principale, le salon,
11:31qui donne sur la rue Jean de La Fontaine,
11:35avec cette fenêtre tout à fait exceptionnelle
11:39où Guimard a mis le rideau dans la fenêtre.
11:43Quand vous regardez le mouvement
11:47qui est pris par le vitrail,
11:50on voit bien le rideau qui est comme retenu là et là
11:55et comme accroché sur le haut de la fenêtre.
11:59...
12:01Un travail de décorateur
12:02qui se retrouve jusque dans les moindres détails.
12:05...
12:07Alors, quand vous touchez...
12:09...
12:11En fait, c'est à la forme de la main.
12:13Je suppose que quand il a fait les moulages,
12:16il a travaillé la patte.
12:18...
12:20Les volumes de l'appartement ont également été pensés
12:23par l'architecte pour le rendre des plus accueillants.
12:26...
12:29Le couloir est très particulier.
12:31Guimard tenait à ce que les éléments de construction
12:35restent visibles.
12:36Donc, il a laissé les poutres en acier telles quelles,
12:41mais en les assortissant partout de ces fameux corbelets.
12:47Ce sont ces figures de plâtre
12:50qui sont de purs éléments de décoration.
12:54...
12:59Guimard disait,
13:01j'aime l'architecture parce qu'elle comprend dans son essence,
13:04dans sa formule, dans sa fonction et dans toutes ses manifestations,
13:08tous les autres arts sans exception.
13:10...
13:12Si l'art nouveau s'éteint peu à peu en 1914,
13:14avec la Première Guerre mondiale,
13:16une quarantaine d'oeuvres d'Hector Guimard
13:18sont encore visibles à Paris
13:20et continuent de faire souffler sur la capitale
13:22un petit vent de fantaisie.
13:24...
13:36...
13:49Le Paris pittoresque, ce n'est pas celui de la tour Eiffel
13:52ni des quais de Seine,
13:54mais celui d'escoirs romantiques,
13:56des jardins propices à la promenade
13:58et des avenues boisées protégeant les cafés.
14:01...
14:03Si Paris est la capitale la plus plantée d'Europe,
14:05la verdure y a pourtant été civilisée,
14:08inventée même pour le bien-être des Parisiens.
14:11Une mise en scène de la nature exigée par un empereur,
14:14Napoléon III.
14:16...
14:18Mais l'invention de ce paysage,
14:20on la doit à un homme qui s'imposera comme le roi de Paris,
14:23un roi dont le nom a depuis été oublié,
14:27Adolphe Alphand.
14:28...
14:30Il est passé comme un inconnu dans l'histoire,
14:32et pourtant, c'est à lui qu'on doit
14:35toute cette trame urbaine,
14:36tout ce Paris dans lequel on vit encore aujourd'hui,
14:40et surtout les grands espaces verts de la capitale.
14:44...
14:46En 1852, suite à un coup d'Etat,
14:49Napoléon III décrète le début du Second Empire.
14:53Paris est alors une ville à l'agonie.
14:55Surpeuplée, elle étouffe dans ses murailles.
14:58Le choléra se propage dans ses ruelles insalubres.
15:01L'empereur va imposer
15:03une refondation totale de la ville
15:05et ordonner de faire entrer la nature
15:07dans une ville qui n'en comporte pas.
15:10Son premier chantier sera le bois de Boulogne.
15:12A la frontière ouest de Paris,
15:14désormais enchassé entre le XVIe arrondissement,
15:17Neuilly et Boulogne,
15:19il est plus grand que Hyde Park, son grand rival de l'époque.
15:22Ce n'est pas un hasard.
15:24En exil en Angleterre pendant 10 ans,
15:26Napoléon est imprégné des idées progressistes anglaises
15:29et de leur conception de la promenade.
15:32A Paris, il veut faire pareil en mieux.
15:36Nous sommes ici, au bois de Boulogne,
15:39en bordure du lac inférieur,
15:42qui est une des pièces maîtresses
15:44de l'aménagement du bois de Boulogne
15:47qui a été fait par Napoléon III.
15:49Ce parc est une ancienne chasse royale depuis le Moyen Âge
15:52que Napoléon III va offrir à la mairie de Paris,
15:56à charge pour elle de l'aménager, de l'ouvrir au public.
15:59C'est le projet, je dirais, presque personnel
16:02de Napoléon III.
16:06L'empereur est fasciné par la serpentine,
16:10cet étang qui orne Hyde Park à Londres.
16:13Ce parc donne le ton dans toute l'Europe.
16:16Alors que le terrain ne s'y prête pas,
16:18on crée un tracé artificiel.
16:25L'eau est très importante dans le bois de Boulogne.
16:28C'est la colonne vertébrale du projet.
16:31Les pavillons, les chalets vont s'organiser autour.
16:34Les lieux de réception vont s'organiser autour des lacs.
16:37C'est le centre du projet.
16:49Pour réaliser le rêve de l'empereur
16:51de faire couler l'eau de la Seine au milieu de la forêt,
16:54Alphand va niveler le bois, creuser des canaux,
16:56créer des cascades qui nourrissent des lacs artificiels,
17:01des éléments techniques maquillés par une nature faussement naturelle.
17:09Pour agrémenter le tout, il trace des sentiers sinueux,
17:13plante 200 000 arbres et acclimate même des animaux.
17:17Il offre ainsi aux promeneurs un voyage extraordinaire.
17:22Nous voici dans une de ces grottes dont Alphand parsème ses parcs.
17:27Ce sont des grottes en ciment artificiel.
17:31Elles ont un rôle technique.
17:33Elles jouent aussi beaucoup sur le registre émotionnel.
17:37Le bruit, l'obscurité, la lumière, on sort comme ça.
17:43Elles permettent de vivre des expériences multiples.
17:52Au bord de l'eau, mais aussi sur l'eau,
17:56des embarcadères permettent de partir vers les îles,
18:00elles aussi toutes artificielles.
18:03A la force des bras, on peut atteindre un chalet,
18:06transporté là depuis la Suisse,
18:08un chalet dans lequel l'impératrice reçoit lors de réceptions fastueuses.
18:15Fort de son expérience anglaise,
18:18il veut un endroit où l'aristocratie puisse s'afficher,
18:22puisse démontrer son pouvoir, puisse se recevoir.
18:26C'est un espace de loisirs,
18:28mais c'est aussi un espace de représentation pour la cour,
18:32pour toute la nouvelle société qui se met en place avec le Second Empire.
18:37C'est vraiment un endroit où on va se montrer.
18:49Pour faire venir cette aristocratie dans le bois de Boulogne,
18:53Napoléon commande à Alphand l'avenue de l'impératrice,
18:57devenue depuis l'avenue Foch.
18:59Elle est la plus large avenue de Paris et représente,
19:02avec ses plantations généreuses,
19:04un avant-goût des travaux qui s'amorcent dans la capitale.
19:10Le préfet Haussmann pilote les grands chantiers
19:13qui doivent assainir la capitale.
19:18Mais c'est Alphand qui va lui apporter sa nouvelle identité.
19:24La Tour Saint-Jacques domine le quartier de Châtelet.
19:27Elle est épargnée volontairement
19:29comme un témoin du Paris médiéval qui s'apprête à disparaître.
19:33Du haut de cet ancien clocher d'église,
19:36on comprend le chamboulement que va vivre Paris au milieu du 19e siècle.
19:42Ces grands travaux commencent avant tout par les grandes percées.
19:46C'est-à-dire qu'on abat des quartiers entiers
19:49pour tracer des grandes voies
19:52qui seront des avenues, des boulevards, des rues.
19:56On en a un exemple ici, en bas, le boulevard Sébastopol.
20:01Ces grandes avenues étant destinées avant tout
20:04à relier les points stratégiques de la capitale.
20:08Napoléon III voulait une ville verte.
20:10Donc, sur les côtés de ces avenues, on plante, on plante, on plante à foison.
20:15Il y a des arbres partout, le long de ces avenues.
20:19Et ces voies de circulation
20:23structurent l'espace parisien, l'urbanisme parisien,
20:28tant et si bien qu'aujourd'hui, on constitue donc une véritable trame verte.
20:33Tous ces grands travaux laissent des espaces de travail
20:37libres dont, à la fin, on va se servir pour créer des squares,
20:42c'est-à-dire des espaces verts beaucoup plus petits,
20:45dont le premier que nous avons en bas, le square de la Tour Saint-Jacques.
20:52Le premier d'une série de 24 squares
20:55répartis dans Paris à égale distance les uns des autres
20:58afin que chaque Parisien puisse trouver à proximité
21:01un contrepoint à l'agitation urbaine.
21:04A l'intérieur des jardins, comme celui de la Tour Saint-Jacques,
21:07on retrouve la signature d'Alfan.
21:13On peut dire que c'est vraiment un square alphandien
21:16dans toute sa splendeur.
21:18On y trouve des allées sinueuses,
21:21on y trouve un mobilier urbain qui a été spécialement créé
21:25pour ces petits espaces verts,
21:27on y trouve des pelouses qui, à l'époque, étaient interdites,
21:31on y trouve des candélabres,
21:33tout l'arsenal qui fait aujourd'hui
21:36les squares parisiens.
21:38Grâce aux nouvelles techniques industrielles,
21:41Alfan va imaginer une gamme de mobiliers.
21:44La fonte envahit l'espace public.
21:46Paris se part de kiosques, de fontaines, de bancs
21:49et de grilles d'arbres harmonisés et réplicables
21:52qui ont bâti l'image d'Epinal de la capitale.
21:55Ces motifs de décors qu'on retrouve sur le mobilier urbain
21:58étaient très fortement inspirés par la nature.
22:01C'est-à-dire qu'on retrouve du feuillage,
22:03on retrouve des branches, on retrouve...
22:06La nature dans la ville était déjà, à l'époque,
22:09c'est pas une invention d'aujourd'hui,
22:11était déjà, à l'époque, très importante.
22:13Et cette réflexion était poussée très, très loin
22:16puisqu'on retrouve cette nature stylisée, bien entendu,
22:20mais on la retrouve sur des éléments minéraux.
22:26Pour la 1re fois, on se souciait du végétal et des jardins,
22:29non comme une représentation du pouvoir et de la richesse,
22:32mais dans l'intention de satisfaire le peuple.
22:35Cette notion nouvelle, l'urbanisme à vocation sociale, hygiéniste,
22:39est celle qui préside à la création du chef-d'oeuvre d'Alfan,
22:43le parc des Buttes-Chaumont.
22:45Nous sommes à l'est de Paris, dans le quartier de Belleville.
22:48En 1860, cette commune est un bidonville
22:51qui va, comme l'ensemble de la périphérie,
22:54être rattaché à la ville.
22:56L'ancien village populaire
22:58est alors vidé et rhabillé en partie de façades haussmanniennes.
23:02L'exposition universelle prévue à Paris en 1867
23:06va donner à Alfan l'opportunité et les ressources
23:10pour offrir à l'est parisien un parc monumental.
23:15Les Buttes-Chaumont, c'est le parc emblématique alphandien,
23:19le parc haussmannien par excellence.
23:21C'est celui où tout a été écrit, où tout a été inscrit
23:25et qui va servir de modèle ensuite à Paris,
23:29mais également dans le monde.
23:31C'est une carrière de gypses à ciel ouvert
23:34qui servait de décharge publique.
23:36Ça offre un territoire très vaste.
23:38Le parc fait 25 hectares. C'est exceptionnel.
23:41Et dans lequel, effectivement,
23:43Alfan va montrer toutes les prouesses techniques possibles
23:47et tout ce qui est contenu dans le Paris haussmannien,
23:53le Paris Napoléon III,
23:55l'aboutissement au moment de l'exposition universelle de 1867
23:59qui a lieu à Paris.
24:03À son ouverture, le 1er avril 1867,
24:06le parc apparaît comme une folie aux yeux du public.
24:09Une passerelle, construite par Gustave Eiffel,
24:12mène à une réplique d'un temple romain,
24:15perchée en haut d'une falaise qui évoque celle des Trottas.
24:19Les sentiers ondulants, où l'on se perd volontiers,
24:22cachent des points de vue sur des cascades
24:25dignes des plus belles peintures impressionnistes.
24:28Les pentes plantées de sapins et traversées de torrents
24:31nous emmènent dans les alpages.
24:33Les cèdres du Liban ou les sophoras du Japon
24:36annoncent la couleur.
24:38Ce n'est plus un jardin, c'est une mise en scène du monde.
24:46On voit combien le détail est soigné,
24:49combien tout est scénographié, tout est dessiné médiculeusement.
24:54Les rembardes de faux bois, les marches avec des rondins
24:58et les cheminements comme si le rocher avait été taillé par l'eau.
25:03La grotte avec les stalactites, les ponts suspendus.
25:08Tout est artificiel et intégré complètement dans le paysage.
25:14C'est vraiment de la scénographie, de la théâtralité.
25:17C'est de la mise en scène très scénographiée.
25:20C'était aussi un hommage à la découverte
25:23de la mer, des falaises.
25:25Pour ceux qui n'avaient pas la chance de se rendre si loin,
25:29on pouvait le découvrir dans le parc en s'y promenant.
25:35Alphonse va écrire à Paris une grande page de l'urbanisme.
25:39La capitale lui doit la majorité de ses espaces verts.
25:42C'est un écologiste urbain avant l'heure.
25:47Alphand a terminé sa carrière largement après la chute de l'Empire,
25:51puisqu'il est mort en 1891, le 26 octobre.
25:55Le jour de sa mort, le Figaro quitterait
25:58que l'on allait enterrer le roi de Paris.
26:01C'était donc un homme illustre
26:03qui avait eu tous les pouvoirs dans les aménagements parisiens
26:07et qui pourtant a disparu complètement des mémoires.
26:10Alphand, cet illustre inconnu
26:12à qui l'on doit pourtant le symbole de la France.
26:15Avant sa mort, son dernier acte sera d'imposer à Paris la Tour Eiffel,
26:19cette verrue, comme l'appelaient les intellectuels de l'époque,
26:23qui réclamait sa démolition.