[Interview] Lait bio
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00:00Bonjour, bienvenue sur la SPACE TV par WebAgri. Je suis avec Loïc Guin, bonjour.
00:11Bonjour.
00:12Vous êtes éleveur laitier bio en Ile-et-Vilaine.
00:14C'est ça.
00:15Est-ce que vous pouvez nous présenter en quelques mots votre exploitation
00:17et la réflexion qui vous a mené à désintensifier progressivement puis à vous convertir en bio ?
00:22Ecoutez, moi je suis installé depuis 1989 et j'étais avec mes parents sur un système intensif,
00:29c'est très clair, et nous avions à l'époque 80 hectares dont la moitié de terre très séchante.
00:35Et une année, si je dirais sur trois, quand vous aviez un gros coup de soleil au mois de juin,
00:42à la place de faire 80 quintaux en blé, vous en faisiez que 65.
00:46Régulièrement on faisait moins de 10 tonnes de rendement en matière sèche, de maïs,
00:51donc nous étions fragiles tant en quantité de fourrage et en rendement
00:57et avec une incidence sur le revenu et la trésorerie.
01:01Et en 1996, lors d'une porte ouverte de la ferme expérimentale des chambres d'agriculture de Trévarez,
01:08où ils avaient depuis quelques années travaillé les coûts alimentaires en production laitière,
01:13pour arriver à l'époque à moins de 30 centimes de francs de coûts alimentaires au litre de lait,
01:18nous étions allés voir ça avec mon frère qui devait venir me rejoindre l'année suivante pour remplacer nos parents.
01:25Et je dirais qu'on a été assez persuadés de ce que nous avions vu,
01:29même si ce n'était pas les mêmes terres, le même climat,
01:32malgré tout on s'est dit que notre système ne pouvait pas durer,
01:36il fallait plus l'adapter à la qualité de nos terres.
01:40Et donc c'est ce que nous avons entrepris, nous avons désintensifié,
01:43la production laitière à l'époque était de 9500 kilos par vache,
01:48nous sommes passés à 7500 parce qu'on a donné moins de concentrés,
01:51progressivement on a diminué la production de maïs et plus d'herbes,
01:54et on a appris à cultiver l'herbe,
01:57on a aussi appris à cultiver de la luzerne, des trèfles violets,
02:00et progressivement on est arrivé à une désintensification complète de notre système fourragé,
02:08en totale l'adéquation avec la qualité de nos sols,
02:11et progressivement on s'est rendu compte que nous étions au bord du cahier des charges de l'agriculture biologique,
02:18mais nous n'en avions pas la rémunération,
02:20donc depuis l'installation de mon frère,
02:26on a toujours participé à des échanges à l'intérieur de groupes animés par la chambre d'agriculture,
02:31ce qui vous renforce dans certaines analyses, dans certaines mises en place de pratiques,
02:37et donc à un moment on s'est dit pourquoi pas sauter le pas
02:42et aller s'engager dans une conversion en agriculture biologique.
02:47En termes économiques, qu'est-ce que ça a changé pour vous cette conversion avec le recul que vous avez maintenant ?
02:54Le recul n'est pas très vieux ou très lointain,
03:01je dirais que c'est plutôt positif, le retour est plutôt positif,
03:07le revenu pour les premières années semble supérieur à ce que nous faisions en conventionnel,
03:14d'après nos comptables en conventionnel nous avions plutôt de bons résultats,
03:18et ça sans plus d'aide, nous avions les mêmes aides en conventionnel qu'aujourd'hui en agriculture biologique,
03:25et tout ça parce que vous investissez moins dans des cultures telles que le blé, tel que le maïs,
03:31en agriculture biologique la protéine coûte très cher,
03:36donc il faut travailler à en utiliser le moins possible, voire pas du tout,
03:41et nous on arrive aujourd'hui à ne pas en utiliser du tout,
03:44par contre au moins pour le moment vous vendez un litre de lait nettement plus cher qu'en agriculture conventionnelle,
03:52ce qui fait que normalement la différence fait qu'il en reste plus.
03:57Mais tout ça c'est une réalité, mais c'est aussi mathématique,
04:04il faut faire très attention, si je prends cette année, le mois de mars, le mois d'avril étaient très secs,
04:11très honnêtement nous étions inquiets, pas très sereins,
04:15parce qu'en agriculture biologique, surtout quand vous êtes dans des terres fragiles,
04:20peu productives, séchantes, vous travaillez sans beaucoup de stocks,
04:30sans filet de sécurité quelque part,
04:33et donc si ce printemps avait continué, on aurait dû sans doute se séparer de 30 vaches laitières,
04:38donc en gros 150-160 000 litres de lait de moins vendus,
04:42donc à pratiquement 500 euros la tonne, vous voyez la différence,
04:47et donc le revenu en aurait souffert terriblement.
04:50Donc ça il faut l'avoir à l'esprit, il ne faut pas se mentir,
04:53sur des terres fragiles c'est de toute façon assez fragile.
04:58En termes de travail, qu'est-ce qui a changé ?
05:02Alors si vous voulez, ça ne devrait pas être propre au bio,
05:06mais effectivement l'agriculture biologique, et notamment en élevage laitier,
05:09puisque je vous disais, vous avez des intrants qui vous coûtent très cher,
05:13donc il faut arriver à s'organiser pour que vous n'ayez pas besoin d'en acheter,
05:18et notamment la protéine, donc chez nous,
05:23parce que nous aussi on l'a vu ailleurs, et que d'autres l'avaient expérimenté avant nous,
05:28et moi j'ai des collègues dans les chambres d'agriculture qui sont en bio depuis 20 ans,
05:32et je dirais qu'il faut leur rendre hommage et les féliciter,
05:35parce qu'ils ont travaillé aussi pour nous, ils ont expérimenté,
05:38mais pour reprendre notre cas, on a choisi depuis de nombreuses années déjà,
05:43mais même avant d'être en bio, de plutôt grouper des vélages en début de printemps,
05:48fin d'hiver, début de printemps, les vélages commencent en février chez nous,
05:51et ils s'arrêtaient jusqu'ici en fin avril,
05:54et je pense que là on va arriver, la prochaine saison, à faire en février et mars,
05:59donc les conditionner à la pousse de l'herbe,
06:04les paramétrer à la pousse de l'herbe,
06:07comme ça on n'a pas besoin d'acheter de protéines,
06:10et donc là, quand vous vendez un lait sans achat extérieur,
06:17c'est pas du net, il faut être très clair,
06:19parce qu'il y a l'entreprise, il y a des emprunts à rembourser,
06:22il y a diverses charges, mais malgré tout, le coût alimentaire est très faible.
06:27On arrive à un coût alimentaire aujourd'hui,
06:30autour de 30-35 euros de la tonne,
06:37quand je vous disais que c'était plutôt 30 euros de francs à l'époque,
06:41donc on a réussi à faire ça.
06:44Et donc en termes de travail, ça c'est l'aspect économique,
06:47et en termes de travail, bien entendu, quand vous avez groupé les vélages,
06:51c'est peut-être un peu plus intense pendant 2-3 mois sur les vélages,
06:55mais après vous avez une période où vous n'avez que les animaux à surveiller
06:58pour l'insémination, pour la reproduction,
07:01et quand ça, fin juin, c'est terminé,
07:03je dirais que vous avez un travail d'astreinte normal,
07:07sans travail supplémentaire, jusqu'au 15 décembre,
07:14où vous commencez les périodes de tarissement
07:17pour la prochaine période de vélage.
07:19Je dirais que ça, c'est...
07:21Alors, nous on n'a qu'une période de vélage,
07:23pour un étalement de la production laitière,
07:25j'ai des collègues qui l'ont fait sur 2 périodes,
07:27donc février-mars et plutôt septembre-octobre,
07:29ça c'est faisable.
07:31Je dirais que ça, ce n'est pas réservé à l'agriculture biologique,
07:34je pense qu'on devrait, très honnêtement,
07:36pour attirer davantage de jeunes,
07:38le vulgariser dans l'agriculture conventionnelle.
07:42Et puis on a un autre sujet sur le travail,
07:45c'est qu'aujourd'hui, en agriculture biologique,
07:48le cahier des charges nous demande
07:50d'alimenter nos femelles de renouvellement avec du lait entier,
07:54donc le lait de nos vaches que l'on peut donner,
07:56pendant 4 mois.
07:58C'est une contrainte, quelque part,
08:00et donc nous on a choisi,
08:02mais d'autres l'avaient expérimenté avant nous,
08:04ça j'y tiens, parce que c'est aussi grâce aux échanges,
08:06aux groupes d'échanges, qu'on a pu avancer aussi vite,
08:09et donc on sort des vaches du troupeau,
08:13des vaches laitières avec l'entraie,
08:15on les sort du troupeau,
08:17et on les fait adopter 3 femelles,
08:192 à 3 femelles, mais plutôt essayer de 3 femelles,
08:22et c'est ces femelles-là qui vont aller boire le lait
08:25directement au pied de la vache,
08:27on va les emmener dans des prairies,
08:29et donc elles vont boire du lait,
08:31et se mettre à pâturer l'herbe,
08:33et donc je veux dire, nos génisses aujourd'hui
08:35vèlent entre 24 et 25 mois,
08:38donc c'est un coût, c'est un coût moindre forcément,
08:41parce que c'est que du fourrage grossier,
08:43et en termes de travail, je dirais,
08:45très honnêtement, depuis 3 ans que nous le faisons,
08:47ce n'est que du bonheur,
08:49je ne dis pas qu'on ne pourra pas avoir
08:51des problèmes sanitaires ou des accidents quelconques,
08:54mais pour le moment on n'en a pas eu,
08:56et donc j'encourage les gens à y réfléchir.
08:58Très bien, merci beaucoup pour ce témoignage,
09:00le Higuine.
09:01Merci.
09:02Quant à nous, on peut se retrouver sur
09:04notre site web agri pour plus d'infos agricoles.