« L’herbe paraissait moins importante quand tout le monde gagnait de l'argent »

  • il y a 2 mois
[Interview] Shane Bailey de Paturesens

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00:00Bonjour et bienvenue sur le plateau de WebAgrio Spas, nous allons tout de suite parler des
00:11économies possibles avec une bonne gestion de l'herbe, donc dans les systèmes herbagés.
00:16J'accueille un spécialiste en la matière, donc Shane Bailey, bonjour. Vous êtes le
00:23gérant de Patursens, donc un cabinet de conseil avec plusieurs consultants vraiment spécialisés
00:29dans l'optimisation du pâturage. J'ai envie de présenter un peu ce cabinet, c'est quand
00:35même un nouveau métier, ça n'existe pas beaucoup quand même des conseillers en pâturage.
00:40On réinvente un métier ou on invente un métier. Mon père avait démarré dans le début des
00:46années 90, alors je dis que nous on invente un métier parce que ça se démocratise aujourd'hui,
00:50alors qu'auparavant la demande n'était pas suffisamment importante et l'herbe paraissait
00:56moins importante quand tout le monde gagne de l'argent. Aujourd'hui avec la crise, les choses
01:01changent et on a besoin de trouver des solutions pour réduire les charges. Donc là vous sentez
01:06qu'il y a une réelle attente, un besoin de connaissance justement des éleveurs français,
01:12des zones herbagères pour optimiser, pour peut-être intensifier un peu plus leur système herbe ou
01:18passer à un système herbe ? La demande évolue énormément et la demande est croissante. Les
01:25exploitants ont besoin d'être accompagnés sur des nouvelles méthodes de valorisation herbagère.
01:30Vous avez pas mal voyagé, vous êtes grandi en Nouvelle-Zélande,
01:36vu un peu des exploitations au Royaume-Uni. C'est des régions qui ont la culture de l'herbe,
01:43on va dire qu'ils savent transformer de l'herbe en argent. Quelle est votre vision de l'élevage
01:51français ? On débute nous là-dessus, sur vraiment faire du pognon avec de l'herbe ?
02:00Oui j'ai énormément voyagé, j'ai eu la chance que mes parents soient partis en Nouvelle-Zélande,
02:07donc j'ai vécu pendant dix ans des systèmes qui sont entièrement bâtis à partir de la
02:11valorisation de l'herbe. Et je dirais qu'on débute malheureusement aujourd'hui en France,
02:17on a pris peut-être 50 ans de retard. Ce qui est un tout petit peu plus triste à dire,
02:21c'est que la Nouvelle-Zélande ou l'Australie ont bâti le système herbagé à partir d'études
02:25menées en France, notamment la productivité de l'herbe qui a été créée en 1957 par André
02:30Voisin, qui a permis à la Nouvelle-Zélande de refondre tout leur système et de s'orienter
02:36vers un maximum d'herbes bâturées. Ça c'est un peu la bible de ceux qui se mettent à vouloir
02:44valoriser de l'herbe, il faut lire André Voisin. C'est la bible dans tous les pays au monde en
02:49tout cas qui pratiquent de l'herbe, que ce soit en Irlande, que ce soit dans tout le Royaume-Uni,
02:54en Nouvelle-Zélande ou en Australie, c'est même obligatoire dans les études de l'avoir lu.
02:57Toutes études agricoles à partir du lycée, tout le monde connaît André Voisin, tout le monde sait
03:02qui il est et c'est vrai que c'est un peu dommage qu'en France très peu d'exploitants ont lu la
03:09productivité de l'herbe alors que c'est la bible herbagère du monde. La Nouvelle-Zélande elle a
03:13bâti son PIB sur André Voisin quasiment. Oui on peut dire ça comme ça, c'est vrai. Et qu'est-ce
03:19qu'il dit dans les grandes lignes, on va pas faire un sujet technique sur la gestion du pâturage mais
03:23c'est quoi les quelques règles élémentaires d'une bonne gestion du pâturage ? Le temps
03:31d'occupation, donc la durée qu'on laisse les animaux pâturer une parcelle, on va dire que
03:37c'est la plus grande partie et puis après ensuite la vitesse de rotation, le nombre de jours avant
03:41de revenir sur une prairie et définir le stade optimal pour chaque cheptel. Donc temps d'occupation
03:46ça veut dire en gros un chargement instantané d'animaux à l'hectare le plus élevé possible
03:51qui correspond à sa besoin sur un temps faible ? Oui exactement, on va dire qu'on pâture de
03:58un à trois jours en fonction du niveau énergétique des troupeaux. On va dire des brebis taris on va
04:04pâturer trois jours, des vaches laitières en pleine lactation on va pâturer une journée voire
04:09même moins aujourd'hui avec les robots. Là on peut pâturer par phase de huit heures.
04:14Et en France, dans les zones herbagères il y a encore des marges de manœuvre, des marges de
04:20progrès à faire ? Je pense que c'est malheureusement là où il y a le plus de marges de progrès à faire
04:25ce sont bien les zones herbagères. Les zones un peu plus séchant du sud de la France ou même quand
04:31on descend en dessous de la Loire ont besoin d'être techniques en permanence et de se remettre en
04:36question parce que la ressource est très limitée. Donc le gaspillage est normalement plus faible.
04:42Donc dans vos clients il y a des éleveurs laitiers, des alétants, des auvains. Je pensais aux éleveurs
04:51laitiers là, est-ce que vous en avez qui gèrent très bien l'herbe ? Vous me disiez tout à l'heure
04:57quasiment dix mille litres de lait par hectare d'herbe sur l'année ce qui est quand même assez
05:02énorme pour un coup. Est-ce que vous avez le sentiment que ceux qui gèrent
05:06bien ils résistent quand même un peu mieux à la crise que ceux qui gèrent moins bien l'herbe ?
05:11Oui c'est une certitude. L'herbe permet de pouvoir produire du lait avec des charges
05:16relativement faibles. J'irai pas dans la polémique de dire que l'herbe ne coûte rien parce que c'est
05:22pas le cas, bien au contraire. Mais je pense qu'on peut produire du lait aujourd'hui et dire qu'on
05:26peut le faire pour 80-90 euros tonne, c'est cohérent. Moins de 100 euros tonne sur un coût
05:33alimentaire total. Je parle de charges alimentaires évidemment. Et justement si on a un hectare
05:44d'herbe qu'on veut faire le maximum de rentrées, de revenus, on prend quel animal, on fait quelle
05:54méthode ? La question est assez intéressante. Quand on évalue depuis plusieurs années la
06:05rentabilité des personnes avec qui on travaille, la brebis est aujourd'hui l'atelier qui s'en sort le
06:09mieux économiquement dans un système plein air intégral avec des charges qui sont très réduites.
06:13Pour la bonne raison que son efficacité alimentaire est très élevée et que les capitaux investis pour
06:19démarrer un atelier laitier en plein air intégral sont relativement faibles. Il y a un autre aspect
06:27qui est très intéressant de la production en vin aujourd'hui, c'est qu'on produit 40% à peu
06:32près de la consommation française. Donc c'est un marché qui est porteur et où il y a des
06:37besoins. Et pourquoi un eau vin s'adapterait mieux qu'un bovin à laiton, un système herbe ?
06:44L'eau vin, ce n'est pas forcément qu'il s'adapte mieux, c'est une grande partie de la France est
06:49séchante. On le voit notamment cette année, je pense que plus que d'autres années. L'eau vin est
06:56le seul animal qui est capable de faire une production en 90 jours. C'est à dire qu'il est
07:00capable de valoriser de l'herbe de mars à juin et avoir tiré sa production à partir de ça. Une
07:05vache laitière, il nous faut 8-9 mois d'herbe de qualité pour maintenir la production laitière.
07:11Un allaitant, il nous faut 150 jours. Donc l'agneau est sevré à l'été quand l'herbe diminue et
07:16après les besoins d'entretien d'une brebis sont faibles. Pour donner une idée, une brebis
07:22suitée avec ses agneaux au pic du besoin alimentaire va consommer 6 kg, donc le couple. Et
07:30une fois sevré, elle va consommer à peu près 1 kg par jour, donc c'est 6 fois moins. Parce qu'une
07:35vache allaitante, elle ne peut pas manger 6 fois moins du jour au lendemain.
07:40Et comment vous procédez ? Quelle méthode on peut faire pour estimer la rentabilité d'un hectare
07:46d'herbe ? Comment on peut calculer ça ?
07:48Nous, on procède d'une manière relativement simple. C'est la manière que tous les pays
07:51herbagers procèdent depuis toujours. On définit dans un 1er temps le coût de production d'un
07:57kilo matière sèche.
07:58Ce qui comprend quoi ?
08:00Ça comprend tout ce qui sert à valoriser l'herbe, donc les clôtures, l'abreuvement, les
08:04chemins pour des laitiers, les intrants si jamais il y en a, ou si certains veulent en
08:09mettre dans tous les cas, le foncier, toutes les charges qu'on peut avoir sur un hectare.
08:16Tout ce qui est clôture, etc. Il y a quand même un sacré boulot de clôture quand même.
08:20Voilà exactement. Et c'est ce que souvent on reproche. C'est pour ça que tout à l'heure je
08:23disais, on parle que l'herbe n'a pas de coût. On ne sait pas l'évaluer. C'est peut-être en
08:27fait ce qui ferait changer les gens, parce qu'en fait, l'herbe a toujours un coût. Et au
08:31minimum que moi, je connais à ma connaissance, il n'est pas possible de produire une tonne de
08:34matière sèche en toute 50 euros. D'accord, si on veut la gérer efficacement avec des clôtures,
08:40du matériel, des abreuvoirs, il faut un minimum. Donc on estime dans cette méthode, on estime le
08:46coût d'abord de production d'un kilo de matière sèche et ensuite ? On estime le nombre de kilos
08:54de viandes, ovines ou bovines qu'on est capable de produire avec la capacité de production de la
09:01prairie ou le nombre de kilos de lait. Et à partir de ça, on arrive à estimer l'efficacité alimentaire
09:07d'une part du troupeau, ce qui nous permet d'orienter des choix techniques, d'orienter la
09:13production en elle-même, souvent même. Et on estime la marge réalisée par kilo matière sèche
09:19produit. Pour vous donner une idée, on intervient sur la France, on intervient aussi pas
09:25mal sur le Royaume-Uni et au Royaume-Uni, dans les études qu'on a aujourd'hui, ils arrivent à
09:31peu près à faire entre 10 et 15 centimes de marge au kilo matière sèche produit. D'accord, sur des
09:38hectares, ils font combien de tonnes de matière sèche ? Bon, ça dépend un peu d'où est-ce qu'on est en
09:42train de parler des productions, mais on va dire sur 10 tonnes pour faire relativement simple, en
09:48règle générale. D'accord, donc ça fait des belles marges. Voilà, ils arrivent à produire 1300 euros de
09:54marge par hectare, même par les temps qui courent encore. Avec toujours cette logique d'économie de
09:59capitaux. Oui, quasiment les seuls capitaux de la ferme, c'est les animaux. Oui, c'est ça. Ils
10:05imitent les tracteurs, les bâtiments. Le capital, ça va être les clôtures, les chemins en lait
10:11principalement et ensuite l'abreuvement et évidemment le cheptel. En France, on peut peut-être pas faire
10:18du plein air intégral partout, non ? Qu'est-ce que vous en pensez ? Je pense que ça dépend plus des
10:23productions dans un premier temps. Ça dépend dans quelles zones est-ce qu'on se situe aussi. Evidemment,
10:28si on est en haute montagne, en moyenne montagne, les choses se compliquent. En revanche, il y a
10:32énormément d'endroits en France où on pourrait faire du plein air intégral sans aucun problème.
10:36C'est qu'on n'ose pas. On n'a pas la culture. Je pense que c'est plus une histoire de culture.
10:42Parce que ça fait peur de travailler dehors ou on n'a pas envie d'abîmer ses prairies en hiver.
10:47C'est quoi les raisons ? Pas mal, abîmer les prairies en hiver, je dirais que ça revient
10:53souvent. Mais nous, on fait du pâturage avec des temps d'occupation par parcelles qui sont
10:58relativement courts. Donc les problèmes de portance qu'on rencontre quand on fait 5 jours par
11:03parcelle ne sont absolument pas les mêmes. Le fait d'exploiter l'air à son meilleur stade aussi augmente
11:08la densité racinaire. Donc on a toujours une meilleure portance. Je ne vais pas en faire une
11:13règle généralité. Il y a des endroits où avec des bovins, par exemple, où c'est pas cohérent.
11:19Votre méthode, quand vous arrivez sur une nouvelle exploitation, comment vous raisonnez ça ?
11:24Comment vous allez optimiser le système ? La 1re chose qu'on fait, encore une fois, c'est ce que
11:30tous les pays herbagers font, c'est qu'on définit la courbe de matière sèche, donc la production
11:35mensuelle possible par hectare. Donc à partir de quoi ? A partir de la météo ? A partir des données
11:41agronomiques, à partir de la météo, souvent plus à partir de l'expérience des exploitants. Pour
11:47donner un exemple, un bon indicateur de la capacité de production d'une prairie, c'est sa capacité
11:52de production en maïs, parce que tout le monde la connaît à peu près. On sait qu'on fait 10-15 tonnes.
11:56On sait qu'on est capable de faire 15 tonnes de matière sèche en maïs. Il n'y a pas de raison
12:00qu'en gérant bien l'herbe, on n'arrive pas à faire 15 tonnes de matière sèche à l'herbe. Pour vous,
12:05une tonne de maïs égale une tonne d'herbe ? Oui. Bien géré ? Oui. Souvent, ou maïs, après ça
12:10dépend des zones de France, mais ou maïs ou blé. Alors rendement en blé, plus 30%, souvent c'est
12:15la capacité de production de la prairie. D'accord. Prairie naturelle ou temporaire ? Prairie naturelle.
12:20Pourquoi ? Parce que la prairie naturelle a toujours une flore qui est adaptée, à une meilleure portance
12:27et surtout une meilleure densité. Implanter une nouvelle prairie, si ça répond à un objectif
12:32particulier, par exemple répondre à l'été avec des espèces fourragères particulières, pourquoi pas.
12:37Maintenant, quand on fait de la fauche ou quand on implante une nouvelle prairie, on fait beaucoup
12:44de volume. Par contre, les animaux mangent de la densité. Et pour avoir de la quantité, il faut
12:47une prairie naturelle. Qui ait de la résistance et de la souplesse pour s'adapter. D'accord.
12:52Donc là, vous avez calculé la masse d'herbes potentielles sur l'année. Après, on passe
12:58aux animaux, c'est ça ? Ensuite, on évalue le besoin du troupeau en fonction des périodes de
13:04veillage, d'anniellage, de sevrage et ainsi de suite. On évalue combien est-ce qu'ils consomment,
13:09à quelle période. Ça va nous permettre de déterminer la taille d'une parcelle, les rotations à faire
13:16en fonction des saisons, donc le nombre de jours avant de revenir sur la même parcelle. Et cette
13:22courbe qu'on a créée au début va nous permettre de définir le chargement à l'hectare et le nombre
13:28de parcelles nécessaires sur l'exploitation. Ce nombre de parcelles, c'est ce qui donne de la
13:33souplesse, c'est ce qui permet de s'adapter d'une année sur l'autre aux variations climatiques ?
13:36C'est ce qui permet de passer des étés secs ou des hivers, quand on parle justement d'hiverner.
13:42Lorsqu'on hiverne, on a besoin d'un certain nombre de parcelles. Si l'herbe arrête de pousser du 15
13:49juin, ce qui est une réalité en France dans beaucoup de zones, jusqu'au début septembre, il faut un
13:54minimum de 80 parcelles. Si on fait que du 24 heures, non. Après, évidemment, si on fait
14:00du 3 jours parce que c'est des brebis qui sont taris, ce sera 80 divisé par 3. Mais il faut ce
14:05nombre de parcelles pour réussir à aller jusqu'où nous voit le plus jusqu'à ce que l'herbe se mette
14:09à redémarrer. Donc si on pouvait résumer, des petites parcelles nombreuses et qui est avec une
14:15rotation rapide et pas de surpâturage. Et bien Shane, merci. On pourrait parler de pâturage
14:22pendant des heures. Après, il y a de nombreux autres conseils sur webagri, sur jeuxpâture.com,
14:29sur votre site également, sur le forum de Facebook aussi, Prairie et pâturage. Donc, je vous invite
14:36à regarder tout ça, en en prendre davantage sur l'herbe et à bientôt sur webagri. Merci. Merci
14:42beaucoup.

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