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Transcription
00:00Gilles Finkelstein, vous êtes secrétaire général de la Fondation Jean Jaurès, et on a beaucoup de questions à vous poser.
00:06Revenons d'abord sur la lettre d'Emmanuel Macron. Dès les premières lignes, il affirme que personne n'a remporté ses élections.
00:12La gauche, on vient de l'entendre, s'étrangle. Est-ce un déni démocratique, comme le dit notamment Mme Pannot ?
00:20Ou est-ce qu'il est en train de contourner ce vote ? Ou est-ce que c'est de la lucidité d'Emmanuel Macron ?
00:25— Un peu de déni et un peu de lucidité. Lucidité quand il dit qu'il y a besoin d'avoir un accord large pour bâtir
00:34une coalition qui puisse gouverner dans la durée. Et puis déni sur beaucoup de choses. Au-delà du fait qu'il y a évidemment
00:44une difficulté à ce que celui qui a créé la situation dans laquelle nous nous trouvons demande aux autres de la résoudre.
00:51Mais au-delà de ça, je trouve qu'il y a peut-être 3 problèmes. Il y a un problème sur le passé, c'est-à-dire sur la lecture des résultats.
00:57Cette idée que personne n'a gagné les élections formulée comme ça à la fois n'est pas fausse mais est une provocation,
01:04parce que certains ont un peu plus gagné et d'autres ont un peu plus perdu. Et notamment le président qui s'est engagé
01:12dans cette campagne, qui a provoqué la dissolution pour obtenir une clarification, c'est-à-dire retrouver une cohérence
01:18entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire a perdu. Donc ça, c'est le problème par rapport au passé.
01:23Il y a un problème par rapport au présent qui a été peu relevé. C'est à qui cette lettre est adressée. Elle est adressée aux Français
01:30et pas aux groupes qui composent l'Assemblée nationale alors que le centre de gravité, comme l'a dit le Premier ministre lui-même,
01:38aujourd'hui est à l'Assemblée nationale. Donc ça peut être lu comme une manière de contourner encore une fois les responsables politiques.
01:45Et puis il y a enfin, je crois, un problème par rapport à l'avenir, c'est-à-dire le sentiment, et c'est là aussi qu'il y a une part de déni,
01:52le sentiment que le président de la République veut une nouvelle fois être l'ordonnateur tonitruant de ce qui se passe,
02:00alors que le résultat des élections va conduire mécaniquement à une forme nouvelle, mais à une forme quand même de cohabitation
02:09et donc à une réévaluation du rôle du président de la République.
02:13— Mais ça veut dire aussi qu'il rejette donc la responsabilité de la situation qu'il a lui-même provoquée sur les autres formations politiques.
02:20Quand il dit « je déciderai la nomination du Premier ministre lorsque les forces politiques auront bâti une coalition »,
02:25lui, finalement, se dédouane de tout blocage. — Alors qu'il se dédouane en tout cas... Le fait qu'il considère que ce n'est pas...
02:34Si c'est le cas, que ce n'est pas lui qui peut trouver la solution, je pense qu'il a raison. Je pense qu'il n'est pas en situation aujourd'hui
02:41et qu'il doit laisser les forces politiques à l'Assemblée essayer de se mettre d'accord, ce qui, aujourd'hui, est très loin d'être le cas.
02:51Après, ça va être difficile pour lui de se dédouaner de la situation, parce que comme je l'ai dit, cette dissolution était évitable.
03:00Elle a plongé le pays à la fois dans l'incompréhension et dans l'incertitude et dans l'inquiétude. Et puis là où elle devait créer de la clarification,
03:10elle a créé une confusion beaucoup plus forte qu'avant. — Et pour en finir avec Emmanuel Macron, est-ce que c'est une manière aussi
03:16de renforcer sa stature et de se mettre au-dessus de la mêlée, en quelque sorte, au-dessus des partis politiques ?
03:23Et on revient, comme vous le disiez, au rôle du président de la République sous la Ve République. — Oui. Si c'est le cas, c'est très bien,
03:29parce qu'on a assisté... C'est vrai depuis 2017. Mais en réalité, c'est vrai depuis l'instauration du quinquennat et le fait que les élections
03:38législatives suivent de si près l'élection présidentielle a une concentration du pouvoir de plus en plus importante pour le président de la République,
03:45au-delà de ce que la Constitution prévoit. Donc un des effets de ce qui s'est passé le 7 juillet dernier, c'est qu'on va revenir à une lecture
03:56plus littérale de la Constitution et donc à un nouveau rôle pour le président de la République. — Bon. Alors allons-y sur la coalition.
04:03La gauche revendique la victoire et donc les clés de Matignon. Pourquoi est-ce qu'ils sont aussi sur deux ? Si la gauche obtient le pouvoir,
04:12ils seront forcément soumis à une motion de censure. — Vous n'avez pas tort. Et quand je parlais tout à l'heure d'un déni de la part du président de la République,
04:20il y a une forme de déni aussi de beaucoup de responsables politiques. Ça m'a frappé depuis le résultat et depuis même les premiers commentaires
04:29des résultats de dimanche, les uns et les autres oubliant par qui ils ont été élus, c'est-à-dire très souvent par une partie de leurs adversaires
04:38qui, évidemment, ne partageaient pas leur programme. — Par un barrage républicain, donc. — Par un barrage républicain. Donc ils ont oublié
04:45les causes de leur élection. Et ils ont pour beaucoup oublié de regarder ce qu'était la réalité de cette Assemblée. Et donc l'idée d'un gouvernement
04:52minoritaire, on le voit pour le nouveau Front populaire, mais on l'a entendu avec l'idée d'un gouvernement qui rassemblerait
04:58les républicains ensemble. Donc ces deux idées jumelles d'un gouvernement minoritaire sont autant d'illusions, parce que l'une comme l'autre
05:08s'appuie sur une base parlementaire qui est étroite, très étroite, sur une légitimité qui est très faible. Et l'une comme l'autre,
05:18à une échéance de temps qui peut être très rapide, se verrait renversée par une coalition des contraires.
05:29— Donc c'est de la posture de la part du nouveau Front populaire. Ils ne pourront pas tenir. — Non. C'est pas totalement de la posture,
05:34parce que l'idée que ce sont eux qui ont... — Parce que c'est parfait, oui. — ...qui est le bloc le plus important est une réalité.
05:40Et donc la gauche ait un rôle particulier à jouer dans cette assemblée, ce qui était sans doute inattendu avant les élections.
05:48Cette idée-là est juste. Mais penser qu'elle peut appliquer, pour reprendre la formule de Jean-Luc Mélenchon, le programme, tout le programme,
05:55rien que le programme, ça, c'est une illusion. — Et oui, c'est ça, toute la question. Quelle gauche, finalement ?
06:00Puisque le rapport de force, on l'attend toujours à l'intérieur du nouveau Front populaire. Et les socialistes essayent d'attirer vers eux
06:09des insoumis qui ne voudraient pas siéger au sein du groupe de Jean-Luc Mélenchon, avec Mathilde Panot notamment.
06:15C'est ça, toute la question. Aujourd'hui, les socialistes voudraient prendre le pouvoir au sein du nouveau Front populaire.
06:21— Je pense que la question de l'équilibre entre les différents groupes du nouveau Front populaire est une question qui est largement faciale.
06:29Je pense qu'en réalité, ça ne change pas grand-chose. D'abord parce que vous vous souvenez que la raison pour laquelle
06:35la France insoumise revendiquait le poste de Premier ministre, c'est qu'ils considéraient qu'ils étaient le groupe le plus important.
06:42Qu'ont répondu les autres groupes ? La question n'est pas de savoir quel est le groupe le plus important, mais qu'on se décide ensemble,
06:49ce qu'ils essayent de faire, pour savoir sur quel nom on peut se mettre d'accord. Et donc il serait paradoxal que demain,
06:57le groupe socialiste, parce qu'il deviendrait le groupe le plus important, revendique au nom d'un argument que hier, il récusait,
07:05le poste de Premier ministre. Donc il peut revendiquer le poste de Premier ministre, mais pas pour cette raison-là.
07:10— Ce qui est frappant, c'est que les socialistes semblent très attachés à l'alliance qu'ils ont établie avec le nouveau Front populaire,
07:16plus que de débloquer la situation et de faire une coalition avec les centristes et avec les LR.
07:21— Écoutez, les élections se sont terminées quand ? Dimanche, il y a 5 jours. Ils y sont allés avec une coalition.
07:33Ça serait surprenant que 5 jours... — Mais ça n'a échappé à personne que les insoumis, quand même, gênent une bonne partie du paysage politique.
07:41— Oui, mais ils ont été élus aussi avec cette coalition et pour beaucoup d'entre eux grâce à cette coalition.
07:49Donc 5 jours après, je crois que là aussi, c'est illusoire de penser qu'il peut se passer des choses fondamentales.
07:55— Et le fait que le nouveau Front populaire ne s'accorde pas non plus sur un nom de Premier ministre, est-ce que vous trouvez ça normal ?
08:01Et ça révèle quoi ? — Ça révèle certainement les divisions au sein du nouveau Front populaire et le fait qu'il y ait d'accord
08:10ni sur le nom ni même sur la procédure pour se mettre d'accord sur un nom. Et le fait que ça dure 5 jours,
08:16eh ben c'est un affaiblissement pour le nouveau Front populaire, parce que s'il s'était mis d'accord beaucoup plus rapidement,
08:22il pouvait prendre de vitesse d'une certaine manière le président de la République, montrer qu'ils étaient organisés,
08:27qu'ils étaient en tête, qu'ils avaient un nom, et mettre le président dans une position défensive.
08:34Là, c'est lui qui a repris d'une certaine manière... Je dis « d'une certaine manière », parce que je suis pas sûr
08:39que tout ça puisse déboucher. Mais c'est lui qui a repris la main. — Si je vous suis bien, on se dirige plus vers une majorité relative
08:47dominée par le nouveau Front populaire que par une coalition allant des Républicains à la gauche ?
08:53— Pour être très honnête, je ne sais pas vers quoi on se dirige. Je ne sais pas. Aujourd'hui, je ne le vois pas.
08:59Peut-être que nous sommes encore dans un temps dans lequel chacun veut faire la preuve qu'un gouvernement minoritaire est possible.
09:06Il y avait une formule sous la IIIe et sous la IVe République. Dans ce genre de situation, on disait « on va lever l'hypothèque ».
09:12C'est-à-dire qu'on essaye, et puis on constate que ça ne marche pas. Donc peut-être que ce temps-là est nécessaire,
09:19que ensuite s'ouvrira un second temps d'une discussion plus ouverte entre les différents blocs. Mais même si ce second temps arrive
09:28dans la configuration actuelle, on ne voit pas comment ça peut déboucher, tant on voit que les différentes formations
09:36n'ont pas vraiment envie de gouverner avec les autres. Donc on est dans une situation qui est une situation très bloquée.
09:42— Un cas d'école. Comment ça va se passer le 18 juillet, quand les députés seront appelés à siéger pour la première session ?
09:51Gabriel Attal qui a été réélu, il va faire quoi ? Il va siéger ? Il va être à Matignon ? Et s'il est maintenu à Matignon d'ici au 18 juillet,
09:59est-ce qu'il ne risque pas de tomber avec une motion de censure ?
10:02— Vous avez parfaitement raison. Et c'est la raison pour laquelle il ne sera sans doute plus Premier ministre en exercice.
10:10Que la démission qu'il a proposée au président de la République, que le président de la République lui a demandé de différer,
10:17on peut parier que le 17 juillet, elle sera acceptée par le président de la République. Et donc ce sera...
10:23— Mais il continuera d'expédier les affaires courantes ? — Il continuera d'expédier les affaires courantes.
10:27Quelle est la grande différence entre les deux situations ? C'est que le gouvernement, n'étant plus en fonction,
10:34ne peut plus être renversé par une motion de censure. Et c'est la raison pour laquelle, juste avant l'ouverture de cette session,
10:41eh bien sans doute que le président acceptera la démission pour éviter que son gouvernement ne soit renversé.
10:47— Une dernière question sur la perspective de la présidentielle de 2027. Est-ce que finalement, elle affaiblit l'espoir d'une coalition ?
10:56Est-ce que ça pèse aussi dans ce contexte ? — Si elle se tient en 2027. — Voilà. Déjà, si elle se tient en 2027.
11:05Si la prochaine échéance nationale est l'élection présidentielle, parce qu'on ne peut pas exclure que cette assemblée-là n'aille pas jusqu'à son terme.
11:13Mais 2027, évidemment, pèse. Et 2027 pèse d'autant plus que le président de la République ne peut plus se représenter.
11:21Et qu'une des raisons pour lesquelles cette coalition est si difficile à bâtir, au-delà du fait que notre pays n'est pas un pays
11:29dans lequel la culture du compromis soit très développée et que même depuis quelques années, ça s'est encore dégradé,
11:35mais il est sûr que la perspective de l'élection présidentielle pèse. Et pour être même plus précis, le risque d'une élection de Marine Le Pen
11:44alors que le Rassemblement national, là, a subi un revers, que ça, ça pèse aussi et que ce qui s'est passé en Italie
11:51il n'y a pas si longtemps, dans une situation qui, là aussi, était une situation bloquée, où les différentes formations politiques
11:58ont réussi à trouver un compromis autour d'un Premier ministre qui était un Premier ministre, un haut fonctionnaire,
12:05soutenu par l'ensemble des formations politiques sauf une, celle de Giorgia Meloni, qui en a profité derrière pour gagner les élections.
12:13Merci infiniment pour ce décodage, Gilles Finot.

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