La France est-elle un pays de sport ?

  • il y a 2 mois
Avec Guillaume Dietsch, enseignant agrégé d'EPS en STAPS, auteur de “Une histoire politique de l’EPS” publié aux éditions De Boeck Supérieur.

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##JO_SPORT-2024-07-15##

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Transcript
00:00Sud Radio, les Jeux dans tous leurs états, Thierry Guerrier, Joseph Ruiz.
00:06Un petit rendez-vous qu'on espère souriant quand même tous les jours entre midi et 13h pour les coulisses des Jeux Olympiques.
00:12Alors la question que Joseph Ruiz voulait que nous nous posions ce matin, c'est au fond,
00:17est-ce que la France a un dispositif, un état d'esprit, une culture du sport ?
00:21Est-ce que la France est un pays de sport ?
00:23A fortiori, alors que depuis 100 ans, puisque c'était 1924 les JO de Paris,
00:30est-ce que 100 ans après, on est devenu un grand pays du sport ?
00:33Joseph, pourquoi vous vouliez nous poser la question ?
00:35Je trouve ça très intéressant de recevoir Guillaume Ditsch, qui est enseignant agrégé d'EPS en STAPS,
00:41qui est auteur d'une histoire politique de l'EPS. Bonjour Guillaume.
00:48Oui, bonjour Joseph Ruiz, bonjour à tous.
00:51Je trouvais ça très intéressant d'aborder cette question parce que Florent Manodou, notre porte-drapeau,
00:55avait notamment évoqué que le sport n'est pas dans notre culture française
00:59et il avait été finalement confirmé dans cette analyse par Teddy Riner, une autre légende du sport français.
01:05Et Guillaume, du coup, on sent qu'il y a une espèce de décalage entre les grands athlètes français
01:10et peut-être la population globale qui pratique le sport peut-être pour un hobby plus que dans la compétition.
01:16Alors Guillaume, est-ce que...
01:18Quelle est votre vision à vous ? Qu'êtes-vous prof de sport, quoi ?
01:21Oui, alors justement sur cette idée de décalage, je pense qu'il y a déjà une confusion
01:25dans la manière dont on peut définir cette idée que la France serait ou non un pays de sport.
01:29Et Florent Manodou, Teddy Riner ont apporté leur expertise, leur regard de sport est de haut niveau.
01:34Donc simplement, je dirais qu'il y a une confusion entre le sport qui se regarde,
01:38ce qu'on va faire pendant deux semaines pendant les Jeux, le sport qui se pratique,
01:42pour tout un chacun au niveau amateur, mais aussi le sport qui s'enseigne,
01:45notamment la culture du sport et peut-être la discipline EPS qui est obligatoire et présente à l'école.
01:50Oui, mais justement, ce qui est quand même paradoxal, c'est qu'on se pose la question de savoir si la France est un pays de sport.
01:56Mais l'armée, si je puis me permettre, de professeurs d'EPS, dont vous faites partie,
02:01sont quand même des gens qui ont un niveau de formation aujourd'hui un des meilleurs au monde,
02:05y compris en matière de nutrition, en matière d'anatomie, bien entendu de physiologie,
02:10et tout ça au service de l'effort physique depuis la plus tendre enfance jusqu'à l'âge adulte.
02:18Et ça sert à quelque chose ? Ça porte ses fruits pour vous ou pas ?
02:22Alors, je pense qu'il y a deux éléments à porter.
02:24Effectivement, déjà, il y a cette originalité en France avec une discipline EPS qui est obligatoire de l'école au lycée,
02:30mais avec une réalité aussi liée à la France.
02:34C'est qu'il y a aussi un manque de reconnaissance,
02:37de la discipline EPS, mais aussi de la culture du sport dans notre pays.
02:40Simplement, deux éléments un peu concrets.
02:44Il y a déjà encore, aujourd'hui je dirais en 2024,
02:47ce dualisme un peu entre les disciplines dites intellectuelles
02:51et justement les disciplines plus pratiques liées au corps,
02:54et donc il y a l'EPS, voire parfois un mépris...
02:57Vous venez dire qu'on vous prend pour des sous-profs ?
02:59Je ne veux pas qu'on est sous-profs, parce que c'est une évolution des mentalités,
03:03autant à l'école, je pense, qu'au niveau des parents.
03:06Mais à la réalité, disons-le simplement, c'est que l'EPS est la seule discipline
03:10où vous pouvez encore aujourd'hui être dispensé.
03:13Donc dans la réalité, c'est finalement où vous pouvez être dispensé d'un cours,
03:16alors que finalement, on ne se poserait pas cette question en français et en mathématiques,
03:19ça ne viendrait pas à l'idée, parent d'élève, de dispenser un enfant de français et mathématiques,
03:24quand bien même il aurait des difficultés.
03:26Ce que vous nous dites, c'est qu'un agrégé de philo, un agrégé de maths, c'est pris au sérieux,
03:30mais qu'un agrégé d'EPS, ce n'est pas pris au sérieux, alors que pourtant il a des connaissances considérables.
03:35C'est une réalité, mais de là, il y a un deuxième élément,
03:39c'est qu'on a peut-être aussi tendance à réduire la discipline EPS
03:43à un simple temps de pratique sportive, disons-le directement, de défoulement,
03:48alors que la réalité, aujourd'hui justement, puisque vous parlez de différentes sciences,
03:52la réalité, c'est qu'aujourd'hui, par le sport, l'éducation par le sport,
03:55elle permet quand même différentes compétences vraiment sociales,
03:58simplement, je dirais, les signes de soi, la confiance en soi,
04:01être capable aussi d'être solidaire, d'oser s'engager,
04:05finalement, des compétences qui dépassent largement le sport
04:08et qui, demain, permettront à des jeunes de s'insérer plus facilement en société
04:12ou dans un futur métier. Et là, je pense qu'il y a encore un chemin à mener.
04:16Justement, dans le livre que vous venez d'écrire, qui s'appelle Les Jeunes et le Sport,
04:20qui est d'ailleurs aux éditions de Bac Supérieur,
04:23vous appelez cette génération les Zoomers, en opposition à celles des Boomers,
04:27alors c'est assez intéressant parce qu'au final, cette génération-là,
04:30elle est très portée sur le numérique. Est-ce que vous avez l'impression
04:33de jeunes qui sont passionnés par le sport quand vous les avez ?
04:36Attention, Guillaume Ditch, vous avez dans le studio un Zoomer, c'est Joseph Ruiz,
04:40et un Boomer, c'est votre serviteur, avec la barbe brise.
04:43Alors, vous, qu'est-ce qu'il en est, des Zoomers ?
04:45Moi, je suis entre les deux générations, donc c'est bien.
04:48Faites la synthèse.
04:50Je ne sais pas si je vais pouvoir vous sauver tous les deux.
04:52Non, mais simplement, il y a effectivement deux réalités.
04:54Cette génération Z, qui est née, en fait, au fin des années 90, début des années 2000,
04:58la réalité, c'est qu'ils sont nés effectivement à l'ère du numérique.
05:01Donc, ce n'est pas tant qu'ils n'ont plus la passion du sport, c'est simplement,
05:04et je pense qu'il faut l'accepter peut-être l'autre génération,
05:07alors les Boomers, et ce n'est pas péjorater ce que je dis,
05:09il faut accepter cette idée que peut-être le sport se pratique aujourd'hui différemment.
05:13Je vais donner un exemple simple, mais par des communautés sur les réseaux sociaux,
05:17avec des outils et des objets connectés,
05:19mais la passion du sport, elle est toujours bien présente,
05:22simplement, elle se pratique peut-être différemment.
05:24Et il y a une réalité aussi aujourd'hui, par rapport à l'ancienne génération,
05:27et je veux aussi m'intégrer à l'ancienne génération,
05:30c'est qu'aujourd'hui, les jeunes, ils ne prennent plus simplement un sport de compétition,
05:33mais ils sont sur du zapping sportif, sur la musique pratique,
05:36le plaisir, la santé, et pas que la performance.
05:38Et est-ce que vous avez l'impression que ces JO,
05:40ils peuvent servir à quelque chose finalement ?
05:41Quel peut-être l'héritage des Jeux pour les Français ?
05:44Alors, les Jeux, et un peu à l'image des Jeux de Londres,
05:49notamment, où on avait étudié un peu l'impact sur une population,
05:53ce n'est pas une condition suffisante pour transformer fondamentalement une culture des mentalités.
05:58Par contre, ça peut effectivement, et c'est tout l'enjeu de l'héritage,
06:01permettre de créer une dynamique,
06:03peut-être aussi amener une population à mieux prendre en considération
06:07cette idée d'avoir de l'actif physique, du sport dans son quotidien,
06:11mais ce n'est pas une condition suffisante.
06:13Donc, l'enjeu de l'héritage, et après les Jeux Paralympiques,
06:16ça va être aussi, évidemment, les moyens qui vont être mis à hauteur,
06:20pas simplement sur les installations sportives, mais aussi l'accompagnement.
06:24Donc, les enseignants, les éducateurs, comment amener une population
06:27à effectivement avoir ce goût pour une pratique sportive ?
06:29Là, on a un contexte politique qui nous amène quelques inquiétudes,
06:32mais j'espère effectivement qu'on sera...
06:34C'est-à-dire ? Qu'est-ce qui vous inquiète ? Dites-nous ce qui vous inquiète.
06:36Ce qui m'inquiète, c'est que la réalité, c'est que dans une période d'austérité,
06:40vous avez eu des budgétaires, notamment sur les crédits sports,
06:43principalement, justement, les dispositifs, j'en citais quelques-uns,
06:47mais le parasport, la rénovation des installations sportives...
06:50Sauf que la réalité, c'est qu'en septembre, les fédérations sportives,
06:53elles s'attendent à un afflux de licenciers.
06:55Si on pense...
06:56C'est bien ça, non ?
06:58Alors, la réalité, c'est que si on a un afflux de licenciers,
07:01la France ne sera pas en capacité, en tout cas dans l'état actuel,
07:05de pouvoir accompagner des jeunes, des enfants,
07:08j'y viens tout autant à travers les installations sportives
07:11que simplement à travers les...
07:13Là, on va vous accuser d'être un peu paradoxaux,
07:16on voudrait que la France soit un pays de sport,
07:18et puis s'il y a trop de licenciers à la rentrée,
07:20parce qu'il y a un engouement après l'émotion
07:22que vont susciter les Jeux Olympiques,
07:25alors on va se plaindre parce qu'on ne serait pas en capacité de les accueillir.
07:28C'est quand même dommage, non ?
07:29Pour moi, ce n'est pas paradoxal et ce n'est pas une plainte,
07:31c'est justement dans cette idée qu'un grand événement,
07:34quand je vous disais que ce n'était pas une condition suffisante,
07:36nécessairement, on se questionne surtout sur l'impact en termes d'héritage,
07:39donc j'ose espérer effectivement que les fédérations,
07:42et aussi le comité national olympique,
07:43anticipent cet afflux pour justement accueillir les enfants,
07:47et surtout, puisque vous parlez des enceintes de peste,
07:50avoir aussi des éducateurs et une formation de haut niveau,
07:53parce que faire du sport et le mettre dans son quotidien,
07:56ça demande justement un encadrement de qualité,
07:59et pour cela, je suis très positif, au contraire,
08:02et j'imagine que le ministère des Sports a anticipé effectivement cet afflux.
08:07Joseph Reuze.
08:08Le message que vous souhaitez passer, on a l'impression,
08:11et vous dites, s'il est bien compris,
08:13c'est que le sport est hautement politique finalement,
08:16est-ce que c'est ce que vous essayez de dire,
08:18et vous essayez par là de dire aux politiques de demain,
08:21aidez-nous ?
08:23Le sport est politique,
08:25et à partir du moment où on souhaite en France
08:28qu'il soit vraiment un bien culturel,
08:30mais partagé par toute une population,
08:33quel que soit le genre,
08:35quelles que soient les conditions sociales ou autres,
08:37nécessairement, ça demande un investissement des politiques publiques,
08:40mais le sport, encore une fois,
08:42ce n'est pas juste à travers le ministère des Sports,
08:44c'est vraiment une politique interministérielle
08:46qui peut permettre peut-être de répondre aux défis de notre société,
08:49l'inclusion, la mixité ou encore l'enjeu environnemental, la durabilité.
08:53Ce qui va être déterminant quand même dans tout ça,
08:56que ce soit les Français ou les autres,
08:58ça va être les moments d'émotion et les images qu'on va retenir des JO,
09:02c'est-à-dire, on se souviendra que Teddy Rayner a gagné pour la énième fois,
09:07et qu'il est encore le patron, finalement, dans le judo,
09:10ou qu'une telle a réussi ses 6 mètres,
09:13ou que le lancer du poids,
09:15ou que telle nageuse écrase tout,
09:18enfin voilà, qu'elle soit chinoise, britannique, espagnole,
09:23ou brésilienne, ou française,
09:26c'est ça qui va être déterminant.
09:28On espère tous avoir des étoiles dans les yeux.
09:31Oui, bien sûr, c'est nécessairement partie du récit,
09:35un peu la mémoire de tous ces grands événements,
09:38là on parle des JO, mais finalement,
09:40toutes les courses en ce moment,
09:43le Tour de France, Roland-Garros,
09:46tous ces grands événements, les Coupes du Monde,
09:48qui marquent effectivement nos sociétés,
09:50mais juste un point peut-être de nuance,
09:52c'est que cette médiatisation, vous citez Teddy Rayner,
09:54ou d'autres sportifs,
09:56il faut aussi qu'elle puisse, à un moment donné,
10:00je dirais, être diffusée à l'ensemble de la population.
10:03Il y a des bénéfiques.
10:04Parce qu'il y a quand même un écras
10:06entre la très haute performance
10:08et les réalités quotidiennes des personnes,
10:11et je pense que pour ça,
10:13pour moi ce n'est pas du tout du JO bashing,
10:15mais c'est accepté aussi pour certaines populations
10:17dans d'autres situations sociales,
10:19peut-être éloignées de cette culture sportive,
10:21ça ne va pas forcément marquer ces populations.
10:26Donc je pense qu'il faut aussi parler,
10:29peut-être vous comme moi,
10:31mais aussi aux personnes qui ne voient pas tout le monde
10:33dans l'intérêt d'un grand événement.
10:35On verra ça notamment avec les audiences télé.
10:37En tout cas, ce n'est pas n'importe quelle médaille d'or
10:41d'être agrégé comme vous,
10:43d'EPS, en STAPS, enseignant agrégé,
10:45Guillaume Ditch,
10:47merci infiniment d'avoir été avec nous.
10:49Vous êtes l'auteur des Jeunes et du Sport,
10:51pensez la Société de Demain aux éditions
10:53de Bocque Supérieure.
10:55Merci infiniment d'avoir été en direct
10:57sur Sud Radio avec Joseph Ruiz.
10:59On se retrouve tout de suite.
11:00Restez avec nous sur Sud Radio.

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