• il y a 5 mois
Pierre Charbonnier, chercheur et enseignant en philosophie politique et philosophie de l'environnement, est invité par Regards. Il y décrit le concept d'écologie de guerre, mettant en avant le lien essentielle entre l'écologie et la sécurité. Notre relation avec la Russie est une relation principalement commerciale des énergies fossiles, mais ce n'est pas suffisant pour pacifier les velléités du pays. On constate donc que la dépendance de l'Europe aux énergies fossiles russes joue un rôle majeur dans le conflit actuel. Notre sobriété pourrait-elle calmer les ardeurs de Vladimir Poutine ?

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Sources
Charbonnier https://www.youtube.com/watch?v=mF3XFlCFasc
Musique https://www.youtube.com/watch?v=39PVEaSytpo

Réponses au quiz de fin :

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Quel philosophe évoque l'harmonie par les intérêts économiques ?
Montesquieu.

En quoi l’année 2022 est une année spéciale ?
Les énergies fossiles n'ont jamais été autant subventionnées en Europe.

Quelles sont les conséquences directes du conflit russo-ukrainien aux états-unis ?
Un soutien massif à la transition énergétique.

#charbonnier #écologie #guerre #sécurité #russie #ukraine #commerce #interview #extrait #ethiqueettac
Transcription
00:00D'accord, alors, effectivement, il faut expliquer un petit peu ce que j'entendais par l'écologie
00:11de guerre l'année dernière. Pour ça, il faut se souvenir qu'une bonne partie des
00:14relations entre l'Europe et la Russie sont des relations basées sur le commerce des
00:19énergies fossiles. Depuis les années 70, à peu près, la Russie fournit à l'Europe
00:27une partie très importante de son gaz et de son pétrole, en particulier suite aux
00:33plus grandes difficultés d'accès au pétrole et au gaz du Moyen-Orient, une conséquence
00:40secondaire des crises pétrolières des années 70. Et avec cette relation va de pair l'idée,
00:47principalement mise en avant par l'Allemagne, que ce géant politique militaire aux portes
00:54de l'Europe ne peut être domestiqué que dans la mesure où il s'est intégré
01:00à une interdépendance économique. C'est-à-dire qu'on ne peut pas, peut-être pas réellement
01:04faire de la Russie un ami politique, que ce soit avant ou après la chute du mur de
01:09Berlin. Par contre, on peut, par l'idée un petit peu à la moncaquieuse de l'harmonie
01:17des intérêts économiques, l'intégrer à un système d'échange, d'interdépendance
01:22mutuelle, où chacun trouvera son avantage, ce qui évite en principe de se faire la guerre.
01:27Bon, c'est une histoire très longue de géopolitique des énergies. Depuis le déclenchement
01:32de la guerre de la Russie contre l'Ukraine, ce que beaucoup de gens ont réalisé, c'est
01:39que la tentative de pacifier un rival géopolitique par le moyen de l'économie ne marche plus.
01:46En d'autres termes, Vladimir Poutine, l'harmonie des intérêts économiques, ça ne l'intéresse
01:51pas, il a d'autres plans pour son pays, son empire, et pour sa relation à l'Europe.
01:57Alors, à partir du moment où un partenaire commercial, notamment sur les énergies fossiles,
02:05devient vraiment un rival géopolitique, parce qu'on considère qu'il menace la
02:08sécurité européenne et, on peut dire, la paix civile, le modèle démocratique qu'essaie
02:14malgré tout de promouvoir l'Europe, l'interdépendance énergétique se transforme en une arme.
02:21C'est ce qui s'est passé quand on a décidé de faire des sanctions. On évite d'acheter
02:27du gaz et du pétrole aux Russes, en faisant en sorte que ça pénalise leur économie,
02:32au point de fragiliser leur système militaire. Le problème, c'est que la Russie de Poutine,
02:38depuis assez longtemps, avait elle-même activement organisé la dépendance énergétique de
02:44l'Europe à son égard, et elle-même pouvait envisager de volontairement couper les ressources
02:50énergétiques à l'Europe pour l'affaiblir. Donc, il y a un jeu de bras de fer géopolitique
02:55autour des énergies. En tout cas, quand la guerre se déclenche, l'Europe très vite
03:00dit « nous pouvons en quelque sorte faire d'une pierre deux coups, c'est-à-dire
03:04faire converger un impératif de sécurité, donc couper l'arbre sous le pied au régime
03:09de Poutine, et un impératif de soutenabilité, une politique climatique, c'est-à-dire
03:15réduire nos émissions de gaz à effet de serre. » Autrement dit, on va dire « on
03:19arrête d'acheter et de consommer du pétrole et du gaz russes, c'est bon pour le climat
03:24et c'est bon pour la sécurité européenne, et ça vient en aide indirectement à l'Ukraine.
03:30» Donc, c'est l'idée d'utiliser la sobriété énergétique comme une arme de
03:35guerre indirecte, c'est-à-dire l'arsenalisation de la géopolitique des énergies.
03:41Donc, le concept d'écologie de guerre, ça voulait dire ça, ça voulait dire on
03:45rentre dans une période où les politiques climatiques, c'était un petit peu le cas
03:50auparavant mais là ça devient manifeste, où les politiques climatiques se conçoivent
03:55pas seulement en termes de « on obéit à la science » ou « on essaye de faire des
03:59efforts sur le climat », mais dans le lexique politique de la sécurité nationale, internationale,
04:06communautaire.
04:07Donc, l'écologie comme arme de guerre, ça c'est ce que j'ai appelé l'écologie
04:11de guerre.
04:12Effectivement, au moment où j'ai forgé cette locution qui n'est qu'un jeu sur
04:17le concept d'économie de guerre, au moment où j'ai forgé cette expression, donc au
04:23mois de mars 2022, on ne savait pas encore exactement ce qu'il allait en être.
04:27Par exemple, il y a des gens, par exemple le directeur du centre pour le climat de l'université
04:32de Columbia aux Etats-Unis, Jonathan Bordoff, dit « on ne peut pas faire des politiques
04:36de transition en période de crise énergétique » parce que les prix augmentent et donc
04:42si, en plus de l'augmentation des prix, on commence à dire aux gens « il faut se
04:47limiter », on arrive dans une impasse.
04:49Par exemple, c'est ce qui s'est passé l'hiver dernier en France quand les prix
04:53ont augmenté et que l'État a dû ou a cru devoir subventionner le prix des combustibles
04:59fossiles à la pompe pour protéger les consommateurs contre les effets de l'inflation de l'énergie.
05:03Donc là, effectivement, typiquement dans ce genre de cas de figure, on est obligé
05:07de subventionner les énergies fossiles au lieu d'en freiner l'usage, enfin on est
05:11obligé.
05:12Pour éviter l'explosion sociale, on pense être obligé de le faire.
05:15Par exemple, aujourd'hui même, l'agence internationale pour l'énergie a sorti un
05:19document très important où ils font le décompte des subventions publiques aux énergies
05:24fossiles et l'année 2022 est l'année dans toute l'histoire où ces subventions
05:28ont été les plus élevées et en particulier en Europe, des quantités extraordinaires
05:33d'argent ont été mobilisées pour soutenir la consommation d'énergies fossiles.
05:37Donc si on suit ce curseur là, clairement le pari que je faisais l'année dernière
05:44était inexact, il n'y a pas d'écologie de guerre en Europe parce qu'on a soutenu
05:50de manière extrêmement volontariste la viabilité économique du secteur fossile.
05:55Par contre, ce qu'on a vu aussi en parallèle, c'est la convergence très nette quand même
06:02du discours de sécurité et du discours de transition énergétique.
06:06La présidente de la commission européenne, Van der Leyen, le chef de la diplomatie européenne,
06:12Jorel, ont multiplié les discours disant exactement ce que je disais dans le texte
06:20sur l'écologie de guerre, d'ailleurs mon texte lui-même a joué un rôle dans
06:23cette histoire sans que vraiment je ne le veuille parce que je ne suis pas un soutien
06:27de la droite conservatrice allemande et de la commission européenne, mais bon.
06:33Donc, en termes d'idéologie officielle de l'Union européenne, ça a existé,
06:40par contre ça n'a pas vraiment été suivi d'effet.
06:41Maintenant, si on veut essayer de nous donner un petit peu plus raison, il y a un autre
06:47phénomène qui s'est produit dans la même période historique, c'est le développement
06:51par l'administration américaine Biden d'un plan de réponse à l'inflation,
06:55qui est quand même une conséquence indirecte de la guerre, qui passe par le soutien public
07:02massif à la transition vers des systèmes énergétiques renouvelables décarbonés,
07:08c'est-à-dire on essaie de s'affranchir de la dépendance aux énergies fossiles
07:12pour des raisons de sécurité, de lutte contre l'inflation, donc de protection de la petite
07:16classe moyenne, et on anticipe ce qui peut apparaître comme une nécessité historique
07:22c'est-à-dire le développement d'un secteur industriel non carboné, électrique,
07:28l'éolien, le solaire, les batteries. Donc les Etats-Unis, eux, sont en train de faire
07:32de l'écologie de guerre, en tout cas de la décarbonation de guerre, ce n'est pas
07:37vraiment de l'écologie, mais ils le font à leur manière, en essayant de réinventer
07:43un pacte social, un compromis entre capital et travail, un peu néofordiste quoi, en disant
07:50on va recréer une classe ouvrière dans le secteur non fossile, ça va être bon pour
07:57les démocrates qui vont être peut-être réélus parce qu'ils vont récupérer le
08:00vote qui était allé à Trump, ça va être bon parce que ça va remettre les Etats-Unis
08:04sur la carte de la géopolitique des énergies de transition, ça permettra d'être un
08:08meilleur rival contre la Chine.
08:10C'est un peu paradoxal ton exemple américain dans la mesure où ils avèrent qu'ils sont
08:14quand même beaucoup moins dépendants du conflit du gaz et du pétrole russe, qu'ils
08:20sont aussi moins dépendants parce qu'ils ont développé maintenant depuis plusieurs
08:23années le gaz et le pétrole de schiste, donc ils ont une production intérieure qui
08:28est importante.
08:29Premier exportateur mondial d'énergie.
08:30Exactement, et donc du coup ils utilisent aussi ce pétrole à un prix qui n'est pas
08:35exactement celui du baril au niveau mondial, ce qui leur permet d'être très compétitifs.
08:40C'est-à-dire que moi je pense que c'est d'abord avant tout pour des raisons patriotiques
08:48et nationalistes qu'ils ont produit cette IRA, cet acte contre l'inflation.
08:54Alors tout à fait, je partage l'analyse, mais ça colle tout de même au canevas d'une
09:01convergence entre impératifs de sécurité nationale et de transition.
09:05Alors c'est vrai qu'aux Etats-Unis la question se pose un petit peu différemment
09:08parce qu'effectivement ils ne sont pas tributaires fondamentalement des hydrocarbures
09:13russes.
09:14Par contre, ils sont tributaires des conséquences macro-économiques mondiales de la guerre
09:19et des sanctions, c'est-à-dire de l'inflation, et là ils ont besoin de lutter contre cette
09:23inflation quand même par une stratégie industrielle de transition.
09:28Pour le coup on n'est plus dans l'économie de guerre que dans l'écologie de guerre.
09:30C'est une économie de guerre qui se formule dans le langage de la lutte climatique quand
09:35même.
09:36Alors à leur manière, ce n'est pas vraiment de l'écologie, ils ne vont pas changer
09:39de mode de vie tout de suite, très très loin de là, mais quand même il y a un investissement
09:45dans la recherche, dans l'industrie et dans l'emploi vers, disons, le décarbonisme.
09:50Donc c'est un effet latéral.
09:52L'Europe a très mal pris, l'Union Européenne a très mal pris ce plan ARL en y voyant un
09:58protectionnisme qui allait venir pénaliser les industries européennes, mais on pourrait
10:06dire aussi que l'Europe aurait pu le prendre comme une forme de modèle pour accélérer
10:10elle aussi sa transition.
10:11Ce qu'elle essaie de faire d'une certaine manière, mais comme l'Europe n'a pas de
10:15budget intégré, elle est beaucoup moins rapide, beaucoup moins souple, beaucoup moins
10:20efficace pour réorienter son économie vers ces secteurs là.
10:24Donc on est très en retard aujourd'hui, surtout en France d'ailleurs.
10:28Donc le bilan de l'écologie de guerre un an après, il n'est pas brillant du tout,
10:33nous n'avons pas pris le tournant réellement tangible pour faire converger les impératifs
10:38de sécurité et les impératifs de transition.
10:41Ça reste en fait un énoncé incantatoire.
10:44On sait que c'est ce qu'il faut faire et qu'il n'y a rien d'autre que nous
10:47puissions faire pour protéger les libertés publiques, la soutenabilité, l'emploi,
10:53mais on ne le fait pas encore.
11:03Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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