Aujourd'hui dans "Punchline", Elodie Huchard et ses invités débattent de l'état du système de santé du pays.
Retrouvez "Punchline" sur : http://www.europe1.fr/emissions/punchline
Category
🗞
NewsTranscription
00:00On va parler maintenant des services d'urgence parce qu'on dit souvent qu'ils sont saturés dans les grandes villes
00:04mais la situation n'est pas franchement plus fluide dans les petites villes.
00:08On vous donne un exemple extrêmement concret d'un département très touristique, le deuxième de France, la Vendée,
00:13où cet été les urgences des petites structures ferment ou bien fonctionnent de manière dégradée
00:18avec évidemment malheureusement un report sur l'hôpital de la ville préfecture, la Roche-Turion
00:23et donc les urgences sont saturées, du jamais vu dans ce département.
00:26Regardez l'enquête de Mickaël Chailloux.
00:29C'est la surprise du jour aux urgences de l'hôpital de Montaigu fermée depuis le 12 juillet au soir.
00:35Alors que la réouverture était programmée pour ce lundi matin, c'est porte-close, faute de médecins.
00:41On voit que ça se dégrade toujours par un manque de médecins urgentistes
00:44et depuis l'année dernière on a fermé tous les week-ends de la période estivale
00:49et là cette année on a fermé un mois consécutivement.
00:53Pour la population c'est un service en moins où ils doivent se déplacer sur la Roche-Turion, Cholet ou Nantes
00:58donc tout de suite ça rajoute 30 minutes, 45 minutes de route.
01:01Direction le centre hospitalier départemental de la Roche-Turion à 35 kilomètres,
01:05le balai des ambulances est incessant comme celui de l'hélicoptère du SAMU.
01:10Urgence de Montaigu fermée, service dégradé à Fontenay-le-Comte et même au sable d'Olonne,
01:15certaines nuits il n'y a qu'un seul médecin urgentiste.
01:18Résultat, tout est reporté sur la Roche-Turion où le service est saturé
01:22avec 130 à 200 entrées par jour, les temps datant de salon.
01:25Oui c'est historique, on n'a jamais eu autant de fermetures de services d'urgence dans notre département.
01:30Le nombre de personnes qui sont accueillies n'ont pas changé, les touristes sont toujours là.
01:34Ça fait plus de 30 ans que je travaille à l'hôpital, je n'ai jamais vu ça,
01:37des services d'urgence comme ça fermés dans le département de la Vendée en pleine saison touristique.
01:43À Montaigu, un médecin intérimaire a été trouvé pour mardi, mercredi et jeudi
01:48mais une nouvelle fermeture se profile pour la fin de semaine.
01:51Les banderoles ne sont pas prêts de disparaître.
01:54Noémie Allioua, on a entendu des services d'urgence qui ferment un peu de partout
01:57ou en tout cas qui fonctionnent au ralenti.
01:591500 postes d'internes qui sont supprimés parce qu'ils ne trouvent pas les bras.
02:02Trois fois plus d'étudiants infirmiers qui abandonnent leurs études aujourd'hui
02:06qu'il y a 10 ans des médecins traitants qu'on ne trouve pas, y compris à Paris.
02:10Alors on dit beaucoup que notre système de santé est à bout de souffle,
02:12il faut parfois se pincer pour se rappeler qu'on est quand même bien en France,
02:15dans une puissance mondiale et qu'on a ce système-là de santé.
02:17Oui vous savez et à chaque fois que j'entends ce genre de sujet,
02:20je me souviens de la crise sanitaire au moment du Covid
02:23lorsque tous les Français se mettaient à la fenêtre et qu'ils tapaient sur leur casserole
02:26pour soutenir tous ces personnels-là qui sont attachés à leur travail,
02:30qui veulent pouvoir soigner du mieux qu'ils le peuvent mais qui n'en ont pas les moyens.
02:34Et c'était il y a seulement quelques années,
02:36on leur promettait qu'ils auraient les moyens justement pour s'occuper de nous d'ailleurs
02:41puisque nous sommes tous amenés peut-être un jour potentiellement,
02:44un jour à les rencontrer dans les différents services
02:47et ils n'ont pas les moyens et ils en souffrent.
02:50Et tout ça mène à des drames, ça mène à des morts.
02:52Vous savez, souvenez-vous il y a quelques jours, on parlait du CHU de Nantes.
02:57Tout à fait, il y avait eu plusieurs morts dont une dame qui était morte sur son brancard.
03:02Elle avait attendu plus de dix heures, personne n'était venu pour s'occuper d'elle
03:06parce que personne n'était disponible parmi les médecins et les infirmiers
03:10pour venir l'aider, pour venir lui porter secours.
03:12Elle est morte dans la solitude sur un brancard au milieu d'un couloir.
03:15C'est ça dont on parle, ce sont des drames individuels
03:19qui arrivent au bout de cette chaîne où il y a tant de chénomes manquants.
03:23Donc il faut entendre bien sûr les cris, parce que c'est rien d'autre,
03:27ce sont des cris de ces personnels hospitaliers
03:29qui n'ont pas les moyens aujourd'hui de nous protéger comme ils le voudraient.
03:33Et c'est vrai que cette crise de vocation, Jonathan Cixous, elle se comprend malheureusement
03:37quand effectivement, par exemple, en ce qui concerne Nantes,
03:40la direction dit un décès, les syndicats disent quatre décès en quelques jours
03:44parce qu'il n'y a pas pu avoir de soins, parce que les médecins n'ont pas eu le temps,
03:47parce qu'il n'y a pas les bras.
03:48Quand vous êtes soignant et que vous voulez sauver la vie des gens,
03:50a priori c'est ça, et que vous vous rendez compte, confronté au réel,
03:52que c'est beaucoup plus compliqué que ça et que peut-être que des personnes mourront
03:55parce qu'on n'a pas les moyens matériels et humains,
03:57on peut comprendre malheureusement, même si ça n'aide pas la situation,
04:00que certains se disent je ne veux plus m'engager en fait.
04:02C'est malheureusement compréhensible.
04:05Ce qui est incompréhensible en revanche, c'est qu'on apprenait encore il y a quelques jours
04:10que 1500 postes d'interne seraient supprimés.
04:13Pourquoi ? Parce qu'on ne trouve pas d'interne.
04:15C'est difficile de supprimer un problème.
04:17Oui, on ne règle pas le problème, on supprime les postes.
04:19Oui, on supprime le problème plutôt que de le résoudre.
04:22C'est très pratique.
04:24C'est invraisemblable.
04:26La gestion des hôpitaux est un vrai problème qui n'a toujours pas été remis sur la table
04:29depuis tant d'années qu'il est critiqué.
04:32On continue d'avoir des hôpitaux qui ont une gestion managériale
04:36qui est un scandale absolu.
04:38Aucun ministre de la Santé n'a pu ou voulu remettre ça sur la table.
04:44Le résultat, c'est quoi aussi ?
04:46C'est que ce sont près de 30 000 lits d'hôpitaux
04:50qui ont fermé depuis la fin de l'année 2016,
04:53donc quasiment depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron.
04:56Et même pendant la crise Covid, des lits continuaient de fermer.
05:00C'est absolument aberrant.
05:02Vous vous posiez la question dans un pays industrialisé, puissance, etc.
05:07Je ne me pose plus la question.
05:09Pour moi, c'est un fait, je l'ai sous les yeux.
05:11C'est un des signes de la tiermondisation de notre pays.
05:15Aminel Bahi, la question de l'administratif est extrêmement importante.
05:18On a beaucoup de médecins qui nous disent que parfois, en réalité,
05:22il y a un manque de bras, personne ne va le nier,
05:24mais parfois il y a des bras qui sont mal utilisés
05:26parce qu'on a des médecins, des soignants
05:28qui, au lieu de passer du temps auprès du patient à faire du soin,
05:31sont en train de faire de la paperasse parce qu'ils n'ont pas le choix.
05:33Il faut que cette paperasse soit faite.
05:35Oui, en vous rappelant aussi que 70% du personnel des hôpitaux
05:41sont des administratifs.
05:43Et je crois en fait, pardonnez-moi de vous le dire,
05:46mais nous prenons le problème à l'envers.
05:48La question qui est posée, c'est est-ce que nous pouvons encore accepter
05:51d'aller emprunter tous les jours sur les marchés
05:53pour payer les salaires des fonctionnaires.
05:55Ça, c'est une vraie question qui concerne à la fois
05:59le poids de la dépense publique qui a explosé sous Emmanuel Macron
06:03dans un pays à plus de 3 000 milliards de dettes.
06:06Et cette dette-là, c'est nous qui allons en pâtir.
06:09C'est les Français qui se lèvent tôt tous les matins,
06:11qui travaillent, qui payent une fois de plus.
06:14Donc il va falloir être assez exigeant sur ces questions.
06:17Moi, je vous rappelle qu'aujourd'hui, vous n'avez plus d'un Français sur trois
06:20qui n'arrive pas à se soigner et que dans le même temps...
06:23Y compris dans les grandes villes, pour le rappeler.
06:25Y compris dans les grandes villes parce que vous avez aussi un phénomène
06:27de déserts médicaux dans les grandes villes.
06:29Un exemple frappant, à Roubaix, dans une ville de 100 000 habitants,
06:32on a perdu 10 médecins traitants en deux ans.
06:34Aujourd'hui, ce qu'il faut, c'est revoir et prioriser la dépense publique.
06:39Mettre fin à l'aide médicale d'État.
06:41C'est un milliard d'euros par an.
06:42C'est cet argent qu'on accorde pour permettre à des clandestins
06:45de se soigner gratuitement alors qu'ils sont en situation irrégulière
06:47sur le territoire national.
06:49Mais c'est aussi de revoir au cas par cas, soignant par soignant,
06:53les situations individuelles et les carrières.
06:56On ne trouve pas preneur aujourd'hui dans les IFCI
06:58pour aller former des infirmières, former des ASH,
07:01pour aller former des aides-soignantes.
07:03Vous savez, le salaire des infirmières aujourd'hui en France,
07:06il est inférieur à la moyenne des salaires des pays de l'OCDE.
07:09Dans un pays comme la France où la santé,
07:12la première dépense publique avec l'éducation, c'est une honte.
07:16Vraiment, aujourd'hui, c'est tout le système qui est à bout de souffle.
07:21Et un système à bout de souffle, c'est un système qui se change.
07:24Revoir individuellement ces situations.
07:26J'ai parlé l'autre jour avec une infirmière qui m'expliquait
07:28avoir fait trois années d'études.
07:30En plus de trois années d'études, une année de spécialité,
07:33un diplôme universitaire en spécialité.
07:36Et d'ailleurs, on ne trouve tellement pas de soignants
07:39qu'on est en train de déléguer aux infirmiers,
07:42les infirmiers de IPA, infirmiers de pratiques avancées,
07:45des actes médicaux. Parce qu'on ne trouve pas de soignants.
07:48Mais je veux dire, notre pays marche complètement sur la tête.
07:51On leur donne plus de responsabilités, plus de missions,
07:54et il n'y a aucun salaire qui va avec.
07:56C'est tout ce système qu'il faut revoir.
07:58Et un dernier mot à Maury Brelay, ce que disait Jonathan Cixous
08:00sur le fait que les ministres de la Santé n'avaient rien changé.
08:02On se rappelle, je crois qu'il y a deux ans,
08:04tous les ministres de la Santé, les anciens ministres de la Santé
08:06avaient signé une tribune dans Le Monde, je crois,
08:09où tous faisaient le même constat.
08:11Quand je suis arrivé, quand j'ai pris mes fonctions au ministère,
08:13les services d'urgence ne fonctionnaient pas.
08:15Alors c'est super, ils ont tous fait le même constat.
08:17Ils ont tous aussi un autre point en commun,
08:19c'est que quand celui d'après est arrivé, il a dit la même chose.
08:21Ça fait 30 ans qu'on me répète qu'on a le meilleur système de santé au monde.
08:23Donc là, je ne comprends pas ce qui se passe.
08:25Non, la réalité, c'est que l'hôpital souffre moins d'un sous-financement
08:28qu'une désorganisation massive depuis 30 ans.
08:32Le système de santé français souffre d'une bureaucratie
08:35qui est un véritable cancer.
08:37Pas d'ailleurs qu'à l'hôpital, évidemment.
08:39C'est un système étatisé, socialisé,
08:41donc qui encourage l'irresponsabilité totalement.
08:44Moi, j'ai fait quelques années de médecine avant de faire du journalisme.
08:46J'ai fait des stages dans les services d'urgence.
08:48Je peux vous dire qu'il y a un grand nombre de personnes
08:50qui n'ont rien à faire là et qui devraient être traités
08:53par des médecins traitants en ville.
08:55Donc là aussi, on paye...
08:56Encore faut-il les trouver.
08:57Encore faut-il les trouver.
08:58Et là, c'est très clairement, si les services ferment,
09:00c'est parce qu'il y a moins de médecins, pas assez de médecins.
09:02Parce que pendant 15 ans, on a refusé notamment
09:04de rehausser le niveau du numerus clausus,
09:06c'est-à-dire le nombre de médecins qui passent en première année.
09:09Ça fait 15 ans qu'on a refusé de le faire.
09:11Alors, on a réformé il y a quelques années sous Macron.
09:14Mais le problème, c'est qu'il faut 7 à 10 ans pour prendre un médecin.
09:16Oui, ça sera efficace, nous dit-on, en 2030, en théorie.
09:18Donc on paye en effet des décisions passées
09:20de gouvernements de droite et de gauche depuis à peu près 30 ans.