Dans les Caraïbes, Haïti et la République Dominicaine se partagent l'île d’Hispaniola. L'État le plus pauvre des Amériques y côtoie un autre État en plein envol économique. Des dizaines de milliers de travailleurs haïtiens, fuyant la misère et le chaos, empruntent la frontière poreuse longue de 380 kilomètres entre les deux pays.
Le gouvernement dominicain a décidé de construire un mur sur quelque 200 kilomètres, qui permettrait de « contrôler » l’immigration clandestine et les « désordres » qui y sont liés. Cette barrière de béton, de près de 4 mètres de hauteur, agrémentée de 70 tours de surveillance, est très populaire côté dominicain, mais jugée humiliante côté haïtien.
Si la main d’œuvre haïtienne, légale dans la construction, l’agriculture et le tourisme, contribue largement à la prospérité dominicaine, elle n’en reste pas moins mal accueillie.
Les 2.000 habitants de la bourgade de Puerto Escondido jugent envahissants les 5.000 ouvriers agricoles haïtiens, relégués dans des cabanes précaires, sans eau courante ni commodités. Le pasteur haïtien Gener Sene, dont la femme et les enfants travaillent dans les vignes, s’est vu refuser l’accès à l’école pour ses enfants. Pendant ce temps, la police migratoire regroupe sans ménagement des Haïtiens dans des hangars dans des conditions indignes avant de les expulser.
Le gouvernement dominicain a décidé de construire un mur sur quelque 200 kilomètres, qui permettrait de « contrôler » l’immigration clandestine et les « désordres » qui y sont liés. Cette barrière de béton, de près de 4 mètres de hauteur, agrémentée de 70 tours de surveillance, est très populaire côté dominicain, mais jugée humiliante côté haïtien.
Si la main d’œuvre haïtienne, légale dans la construction, l’agriculture et le tourisme, contribue largement à la prospérité dominicaine, elle n’en reste pas moins mal accueillie.
Les 2.000 habitants de la bourgade de Puerto Escondido jugent envahissants les 5.000 ouvriers agricoles haïtiens, relégués dans des cabanes précaires, sans eau courante ni commodités. Le pasteur haïtien Gener Sene, dont la femme et les enfants travaillent dans les vignes, s’est vu refuser l’accès à l’école pour ses enfants. Pendant ce temps, la police migratoire regroupe sans ménagement des Haïtiens dans des hangars dans des conditions indignes avant de les expulser.
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00:20Salut mon ami !
00:24Allez, montez !
00:30Montez !
00:41Non, ce n'est pas la première fois qu'ils m'expulsent.
00:45J'étais à la banque pour retirer de l'argent.
00:48Quand je suis ressorti, ils m'ont arrêté et m'ont emmené ici.
00:54Je leur ai dit que je vivais à Ansapitre en Haïti.
01:01Chaque jour, les soldats de la République Dominicaine
01:04traquent des Haïtiens pour les renvoyer dans leur pays,
01:07de l'autre côté de la frontière qui sépare l'île d'Hispaniola en deux.
01:21En 2022, environ 75 000 Haïtiens ont été ainsi expulsés,
01:25et pour beaucoup d'entre eux, sans même vérifier s'ils bénéficiaient d'un permis de séjour.
01:31Chassés par le chaos ambiant et la violence des gangs,
01:34les Haïtiens fuient vers la République Dominicaine
01:37qui a décidé d'ériger un mur pour bloquer les exilés.
01:47Depuis 12 ans, le colonel Adames dirige la police des frontières de Darabonne,
01:52la principale ville frontalière du nord de l'île.
01:55Le gouvernement de Darabonne, le président de la République Dominicaine,
01:59le gouvernement dominicain compte investir plus de 30 millions d'euros pour renforcer les contrôles.
02:09Les équipes de surveillance seront prochainement dotées de drones, de capteurs et de caméras.
02:19Non, le mur n'est pas une frontière, c'est une mesure de sécurité comme il en existe ailleurs.
02:24Le mur empêche les actes illégaux.
02:27Et il les empêche aussi bien du côté haïtien que du côté dominicain.
02:34La frontière entre les deux pays s'étend sur près de 400 kilomètres.
02:38Le mur ne devrait se dresser que sur la moitié du parcours.
02:42A ce jour, seuls 5 petits kilomètres, de part et d'autre du pont frontalier de Darabonne, ont été achevés.
02:49Dès 8h du matin, à Darabonne, plus de 20 000 haïtiens se pressent pour passer la frontière.
02:55Ils attendent depuis plusieurs heures à Wanamint, côté haïtien.
03:19La police des frontières haïtiennes tente de canaliser la foule vers le trottoir,
03:23pour éviter que le poste frontière dominicain ne se transforme en goulot d'étranglement.
03:28La frontière Wanamint-Darabonne est l'un des quatre points de passage officiels entre les deux pays.
03:33C'est aussi le plus fréquenté.
03:49Ouvrez-moi le portail.
03:54Le rôle du colonel Adames est de veiller à ce que seuls les haïtiens détenteurs d'un visa en règle entrent dans le pays.
04:02Tous ces gens-là, vous les dégagez. Personne n'est supposé être ici. Faites-les partir.
04:09Contrôlez les véhicules et fouillez-les tous.
04:19Ils cherchent des failles dans la frontière.
04:22Plus la situation chez eux se dégrade, plus ils sont nombreux à vouloir venir ici.
04:30Deux fois par semaine, les haïtiens ont la possibilité de se rendre légalement du côté dominicain sans visa ni passeport.
04:37Ils ont alors accès à un marché entièrement clôturé, où ils peuvent acheter des marchandises hors taxe.
04:43Mais beaucoup d'entre eux rêvent de s'installer en République dominicaine.
04:49Un rêve rendu possible grâce aux passeurs.
04:53Celui que nous avons rencontré se fait appeler Coyote.
04:56Il veut rester anonyme, car son témoignage ne l'incrimine pas seulement lui.
05:00Il met aussi en cause l'armée dominicaine.
05:04L'or noir, c'est comme ça qu'on appelle les haïtiens à Darabonne.
05:10J'entasse jusqu'à 30 haïtiens dans notre van.
05:13Je retire les sièges pour faire de la place, puis on va au poste de contrôle.
05:18Le chauffeur est ici, moi je suis copilote, je gère les passagers.
05:22Quand j'ai 20 personnes à 500 pesos, ça fait 10 000 pesos.
05:26Vous voyez, c'est un trafic qui rapporte énormément d'argent.
05:30Les officiers, comme le colonel, deviennent multimillionnaires.
05:36Parce que le colonel a des hommes qui laissent entrer les haïtiens contre de l'argent.
05:42Si les haïtiens paient, ils les laissent passer.
05:46Pour 1000 pesos, n'importe quel haïtien passe le pont.
05:52Ces pratiques de corruption nous ont été confirmées par d'autres sources.
05:57Contacté par écrit, le colonel Adames a nié ces accusations.
06:01Selon lui, elles seraient inventées par des trafiquants pour fragiliser les forces de l'ordre.
06:09Les expulsions ont été décrétées par le président dominicain, qui a décliné notre demande d'interview.
06:14Mais cette décision a de quoi surprendre, car sans les haïtiens,
06:18rien ne fonctionne dans les secteurs du bâtiment, de l'agriculture ou du tourisme.
06:26Entassés dans des camions-cellules, les haïtiens sont reconduits à la frontière.
06:31Certains parviennent à s'échapper dès leur arrivée.
06:36Mais la plupart devront retraverser le pont et retourner dans leur pays.
06:41Face à la crise en Haïti, l'ONU demande de ne plus expulser d'haïtiens.
06:46Mais même les Etats-Unis continuent de le faire.
06:50Deux bus viennent d'arriver.
06:53On va les accueillir et puis on examinera leur situation.
07:00Ce responsable de l'OIM, l'Organisation Internationale pour les Migrations,
07:04prend en charge les expulsés du côté haïtien.
07:07Et notamment des enfants qui se retrouvent ici sans leurs parents.
07:18Attendez, là-bas, c'est la même famille ?
07:21Oui.
07:22D'accord.
07:25La maman est dans le bus ?
07:26Oui, elle arrive.
07:27Ah, ok, ok.
07:29Selon l'OIM, les violations des droits humains sont monnaie courante.
07:33De nombreuses personnes témoignent de mauvais traitements.
07:39Il y a 33 femmes, 58 enfants et 27 hommes.
07:45En tout, il y avait 118 personnes dans le bus.
07:49Pour moi, il y a deux raisons à ces expulsions.
07:51La première est politique.
07:53Il s'agit de renforcer le président dominicain.
07:56Mais il y a également des motivations racistes.
07:58C'est aussi une question de couleur de peau.
08:01Presque tous les Haïtiens sont d'origine africaine,
08:04donc plus noirs de peau que les Dominicains.
08:07Un héritage de la traite des esclaves par les Français.
08:14Vous êtes en route depuis hier ?
08:16Oui, ils m'ont ramenée jusqu'à Santiago sans me donner d'eau.
08:20C'est l'armée qui vous a emmenée jusqu'à Santiago ?
08:23Oui, dans une cage.
08:25C'est l'armée qui vous a emmenée jusqu'à Santiago ?
08:27Oui, dans une cage.
08:28Et on ne vous a rien donné à manger ?
08:30Non, on n'a rien mangé depuis hier.
08:35Les Haïtiens pris en charge bénéficient d'un repas,
08:38et si nécessaire, d'un lit pour la nuit.
08:41Ils reçoivent aussi de l'argent pour manger
08:43et un ticket de bus pour rentrer dans leur village.
08:52La situation empire car le rythme des expulsions s'accélère.
08:55Les gens racontent qu'on vient les chercher chez eux,
08:57ou qu'on les arrête dans la rue,
08:59ou dans les champs où ils travaillent.
09:01En fait, ils vont chercher les Haïtiens
09:03partout où ils peuvent les trouver.
09:12Au sud de l'île, se tient à côté dominicain
09:14un deuxième marché binational.
09:17Enelia Maxé va y faire ses achats.
09:19Pour les commerçantes haïtiennes comme elle,
09:21le marché de Pedernales n'est pas intéressant pour les affaires,
09:24car les Haïtiens ne sont autorisés à y vendre
09:26que des produits alimentaires ou des vêtements usagés,
09:29alors que les Dominicains peuvent faire commerce de tout.
09:36Je comprends les Dominicains.
09:41C'est leur pays et ils ont peur.
09:43Ils ont peur de leur territoire.
09:45Je comprends très bien,
09:47mais ça ne justifie pas les mauvais traitements
09:49lors des expulsions.
09:52Et ceux qui sont ici légalement
09:54ne devraient pas être aussi maltraités.
09:58Bien qu'elle possède un passeport et un visa,
10:00Enelia Maxé n'est pas à l'abri
10:02d'une expulsion arbitraire.
10:05Arrivée en République Dominicaine à l'âge d'un an,
10:07elle y a vécu pendant 48 ans.
10:09Ses enfants sont morts,
10:11et sa mère est morte.
10:13Elle a pourtant été contrainte de fuir
10:15quand un couple dominicain a été tué
10:17par ses employés haïtiens.
10:19Ce n'est que derrière des vitres teintées
10:21qu'elle accepte de nous montrer
10:23l'endroit où elle vivait.
10:27Il y avait aussi une Haïtienne
10:29qui vivait ici.
10:31On partageait tout.
10:33Une personnalité dominicaine
10:35est allée voir la police.
10:37Et la famille des victimes
10:39a également contacté les autorités.
10:41Un peu plus tard,
10:43la radio a annoncé que
10:45d'ici 24 heures,
10:47tous les Haïtiens devraient être partis.
10:49Et que ceux qui ne partiraient pas
10:51seraient tués.
10:53Nous avons fui.
10:55On nous a menés vers la frontière
10:57comme du bétail.
11:01En République Dominicaine,
11:03les opérations de ce type sont fréquentes.
11:05Malgré cela,
11:07beaucoup de Haïtiens
11:09n'hésitent pas à revenir.
11:17Aujourd'hui,
11:19si Enelia Maxé vit du côté haïtien,
11:21elle tient quand même un commerce
11:23en République Dominicaine.
11:25Mais les difficultés sont nombreuses.
11:29Je n'y suis pour rien.
11:31Je vais faire de mon mieux
11:33pour te rendre l'argent du parfum.
11:35Mais on ne me l'a pas payé,
11:37on me l'a volé.
11:43Des voyous viennent harceler Enelia.
11:45La présence de notre caméra
11:47ne les impressionne pas.
11:51Ça coûte 6 000 pesos, jeune homme.
11:59Regarde-moi dans les yeux.
12:01Je t'en donne 4 500.
12:03Non, je ne peux pas
12:05te vendre ça moins cher.
12:15Malgré les protestations d'Enelia,
12:17les hommes ne paieront pas
12:19le prix qu'elle demande.
12:21En tant qu'Haïtienne,
12:23elle n'a aucun recours.
12:27C'est une mafia de commerçants.
12:29C'est très compliqué avec eux.
12:31Quand ils viennent,
12:33tu dois leur donner de l'argent.
12:37Non, ils ne nous frappent pas.
12:39Ils nous menacent.
12:41Aujourd'hui, ils m'ont dit
12:43qu'on travaille pour une entreprise
12:45et cette entreprise veut récupérer son argent.
12:49Les racketteurs
12:51ont promis de revenir ce soir.
12:53Enelia devra leur verser le prix du parfum
12:55qui lui a été volé par des Dominicains.
12:57Elle n'a aucun moyen
12:59de récupérer cet argent.
13:01Une partie des Dominicains
13:03a bon cœur.
13:05Mais l'autre partie est raciste.
13:07C'est à cause d'eux
13:09qu'on se sent en insécurité.
13:11Les racistes sont particuliers.
13:13Même quand ils sont aimables,
13:15quand ils te saluent
13:17ou quand ils te prennent dans leurs bras,
13:19ils te font sentir
13:21que tu n'es pas comme eux.
13:23En réaction à la montée
13:25de la xénophobie,
13:27l'Union Européenne a décidé
13:29d'envoyer un mur,
13:31comme Trump aux Etats-Unis.
13:33Nous avons le devoir
13:35de garantir la sécurité nationale
13:37et de protéger tous nos concitoyens.
13:39Et pour cela,
13:41nous devons renforcer
13:43le contrôle des flux migratoires.
13:45Le gouvernement dominicain
13:47autorise les racistes
13:49à nous persécuter.
13:51Il leur dit
13:53que les Haïtiens sont du gibier
13:56Il est contre les Haïtiens.
14:03Comme chacun sait,
14:05le pays voisin est confronté
14:07à une double crise,
14:09sécuritaire et institutionnelle.
14:11Le peuple haïtien fait face
14:13à une instabilité politique
14:15extrêmement préoccupante
14:17qui a engendré une grave crise économique
14:19et alimentaire.
14:21À Puerto Escondido,
14:23près de la frontière haïtienne,
14:25Alfonso Almente est le maire
14:27d'une commune qui compte
14:292000 Dominicains
14:31pour plus de 5000 Haïtiens
14:33qui vivent dans la misère.
14:35Comment ça va ?
14:37Tu as travaillé aujourd'hui ?
14:45J'ai une question.
14:47Comment les Dominicains
14:49se passent la cohabitation ?
14:53Je ne sais pas.
14:55Ici, on voit
14:57comment se passe la cohabitation
14:59en République dominicaine
15:01dans les endroits
15:03où les Haïtiens
15:05ont le droit de s'installer.
15:07Les logements sont miséreux
15:09et les conditions de vie
15:11sont indignes.
15:13Et ça reflète
15:15la réalité des Haïtiens
15:17entre les Dominicains
15:19et nos frères haïtiens.
15:21Il y a un pasteur ici, non ?
15:23Où est-ce qu'on peut le trouver ?
15:29Dans ce quartier pauvre,
15:31le pasteur Shenner Seneh
15:33représente une forme d'autorité.
15:35C'est le chef de la communauté chrétienne,
15:37mais il dirige aussi
15:39une école autogérée.
15:41Comment vas-tu ?
15:43La famille va bien ?
15:45Tout se passe bien, non ?
15:49L'école va mal.
15:51Les Haïtiens ont toujours peur
15:53d'aller à l'école.
15:55Ils ont aussi peur d'aller à l'église.
15:57Et tu sais pourquoi ?
15:59C'est à cause de ce qui s'est passé mercredi.
16:03Au milieu de la nuit,
16:05des agents de l'Office des étrangers
16:07ont arrêté 100 adultes et 60 enfants.
16:09Cinq d'entre eux n'avaient pas de parents.
16:15Ils ont attrapé les enfants
16:17et les ont emmenés.
16:19Ils les ont fait monter dans un camion
16:21et ils les ont emmenés.
16:25J'ai tout vu, c'est un crime.
16:27Les Haïtiens aident les Dominicains
16:29et vice-versa.
16:31L'entreprise là-bas qui cultive le raisin
16:33emploie environ 300 Haïtiens.
16:37C'est un travail dur.
16:39Ma femme et mes enfants travaillent là-bas.
16:41Mais les enfants n'ont accès
16:43ni à une école, ni aux soins de santé.
16:45Ce n'est pas une vie.
16:49Ici, les Haïtiens n'ont pas de vie.
16:53La vague d'immigration actuelle
16:55est un défi pour le gouvernement.
16:57Beaucoup d'Haïtiens
16:59veulent venir en République Dominicaine.
17:01Le gouvernement est en droit
17:03de vouloir contrôler ça.
17:05Mais ici, à Puerto Escondido,
17:07la coopération entre vous et nous
17:09se passe bien.
17:11Vous, les Haïtiens, vous travaillez
17:13pour nous dans l'agriculture
17:15et nous, les Dominicains, nous vivons avec vous.
17:19Plusieurs ONG soupçonnent
17:21les autorités dominicaines
17:23de maintenir volontairement
17:25la situation des immigrés Haïtiens
17:27dans le flou.
17:29Les titulaires d'un passeport
17:31peuvent acheter un visa de tourisme
17:33pour environ 20 euros par mois.
17:35Une somme importante pour les Haïtiens
17:37qui travaillent le plus souvent illégalement.
17:39Ils sont avant tout à l'économie dominicaine.
17:49Puerto Escondido
17:51jouxte une réserve de biosphères.
17:53Une chaîne de montagne
17:55de près de 2000 m d'altitude
17:57qui constitue la frontière naturelle avec Haïti.
18:01Le maire nous emmène visiter un poste frontière officieux.
18:05Ici, les échanges commerciaux
18:07sont depuis toujours.
18:09Selon l'ONU, sur l'ensemble de la frontière,
18:11il y aurait environ
18:13180 points de passage de ce genre.
18:21Pour moi, ce n'est pas un mur
18:23qui permettra de résoudre le problème
18:25de la migration haïtienne
18:27vers la République dominicaine
18:29car le mur sera franchissable.
18:33Une frontière aussi longue
18:35pourrait être contrôlée à 100%.
18:37Tous ces millions pourraient être investis
18:39dans des projets plus utiles.
18:43Et on va vite se rendre compte
18:45que cet argent a été dépensé pour rien.
18:49À mon avis,
18:51le mur ne résoudra pas le problème de la migration.
18:57L'écart de développement
18:59entre ces deux pays voisins
19:01est sans doute l'un des plus importants au monde.
19:05Le niveau de la lutte dominicain
19:07est dix fois plus élevé que celui d'Haïti.
19:11Nous retrouvons le pasteur Shener Seneh.
19:13Il veut nous montrer quelque chose.
19:15Sentez-moi.
19:23Les soldats sont arrivés
19:25vers 11h du soir.
19:27Vers 3h du matin,
19:29ils sont repartis
19:31en embarquant beaucoup de gens
19:33et il n'y avait personne pour faire valoir leurs droits.
19:37J'aurais été le seul à pouvoir le faire
19:39mais ils m'auraient arrêté aussi.
19:41Et donc,
19:43ils ont pu faire tout ce qu'ils voulaient.
19:45Ils ont même emporté le bébé
19:47d'une de mes proches.
19:49C'était d'une cruauté incroyable.
19:53J'ai une vidéo à vous montrer.
19:57On y voit les huttes qu'ils ont démolies.
19:59Ils ont tapé dessus à coup de marteau
20:01jusqu'à ce qu'elles s'effondrent.
20:03Là, on voit les décombres.
20:05Les bâches et les matériaux
20:07avec lesquels la hutte avait été construite.
20:09Ça a été très dur pour nous.
20:15Ici, les Haïtiens sont traités comme des esclaves.
20:17Quand tu es malade,
20:19tu ne peux pas aller à l'hôpital
20:21parce que si tu y vas, tu risques de te faire arrêter.
20:23Les entreprises d'ici veulent bien
20:25de la main-d'œuvre haïtienne
20:27mais uniquement pour du travail clandestin.
20:29Pour pouvoir nous payer ce qu'elles veulent
20:31et pour pouvoir nous traiter comme elles le veulent.
20:33Et nous n'avons personne pour défendre nos droits.
20:49Au moment des récoltes,
20:51les plantations font travailler des milliers d'Haïtiens.
20:53La marchandise, comme par exemple
20:55les avocats, est expédiée en Europe
20:57et aux Etats-Unis.
20:59En partie avec un label bio.
21:01Les travailleurs haïtiens gagnent environ 7 euros par jour.
21:03C'est deux fois moins
21:05que le salaire minimum officiel.
21:07Nous avons contacté le directeur d'une des plantations
21:09mais il n'a pas souhaité répondre à nos questions.
21:21Ce soir,
21:23Puerto Escondido est en fête.
21:25Mais seuls les Dominicains sont présents.
21:27Les deux univers sont soigneusement séparés.
21:31On ne voit des Haïtiens que dans l'épicerie
21:33de Maria Moqueté.
21:35Soit en tant que client, soit en tant que vendeur.
21:39Le commerce tourne bien
21:41et pourtant,
21:43personne ne verse d'argent.
21:55Maria Moqueté
21:57note tout ce que les Haïtiens lui achètent
21:59et reporte les montants à payer dans son registre.
22:03Je leur fais crédit
22:05pendant 15 jours.
22:07Parce qu'ils sont payés
22:09toutes les deux semaines.
22:11Les jours de paye,
22:13je vais à la plantation
22:15où ils travaillent
22:17et je collecte l'argent que je leur ai prêté
22:19pour qu'ils achètent à manger.
22:21C'est comme ça que je récupère mon argent
22:23et que je fais tourner mon magasin.
22:29En d'autres termes,
22:31les travailleurs dépensent une part importante
22:33de leur paie avant même de la toucher.
22:35Un système digne du Moyen-Âge.
22:41S'ils ferment la frontière
22:43et que les Haïtiens ne peuvent plus venir,
22:45ce sera la catastrophe.
22:47Parce que les Haïtiens travaillent pour nous.
22:49Et pour mon magasin,
22:51ils sont une source importante de revenus.
22:53Ils travaillent dans l'agriculture.
22:55Regardez comme ils travaillent !
23:11Samedi est le jour des combats de coq,
23:13le sport national.
23:15Les hommes se retrouvent sur la place du village.
23:17Comme toujours,
23:19le maire Alfonso Almente
23:21fait concourir ses propres coqs.
23:27L'alcool coule à flot et délie les langues.
23:29Notamment quand il est question d'immigration.
23:33Dehors, tous les clandestins,
23:35tous ceux qui n'ont pas de papier
23:37devraient retourner dans leur pays.
23:39On n'a pas besoin des travailleurs haïtiens.
23:41Un Haïtien gagne 100 pesos.
23:43Un Dominicain ne travaille pas pour si peu.
23:45C'est le prix de 500 grammes de bouillon.
23:49En février,
23:51c'est l'anniversaire de l'indépendance de la République Dominicaine.
23:53On fête notre indépendance
23:55par rapport à Haïti.
23:57Et qu'est-ce qu'il va se passer ?
23:59Les Haïtiens ne sont pas les bienvenus dans notre pays.
24:01Leur place n'est pas ici.
24:03D'ici février,
24:05ils quitteront le pays, d'une façon ou d'une autre.
24:07C'est bon.
24:13Plongé dans un chaos sans fin,
24:15Haïti continuera encore longtemps
24:17de générer des flots de candidats à l'exil
24:19que la République Dominicaine se refuse à accueillir,
24:21dissociant un peu plus
24:23le destin de deux voisins,
24:25unis par une même terre,
24:27mais séparés par leur histoire.
24:37C'est ce qu'il va se passer.
24:39C'est ce qu'il va se passer.
24:41C'est ce qui va se passer.