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Comment la nomination de Michel Barnier à Matignon est-elle perçue par les entreprises ? Qu'en attendent-ils ? Regardez l'interview de Patrick Martin, président du Medef.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 10 septembre 2024.

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Transcription
00:00RTL Matin
00:037h45 sur RTL, l'invité d'RTL Matin, Thomas vous recevez ce matin le président du MEDEF, Patrick Martin.
00:09Bonjour et bienvenue sur RTL, Patrick Martin.
00:11Bonjour.
00:12Est-ce que ça va mieux ?
00:14De quel point de vue ?
00:16Je vous pose la question parce qu'au moment de la rencontre des entrepreneurs de France, l'université du MEDEF, il y a quelques jours, vous disiez être impatient et inquiet, faute de premier ministre.
00:24Alors ça y est, Michel Barnier a été nommé. Est-ce que c'est le premier ministre dont vous réviez, vous, les patrons ?
00:30Je veux dire, franchement, Michel Barnier ne cherche pas à faire rêver. En revanche, déjà qu'il y ait un premier ministre, c'est une bonne chose.
00:36Que ce soit lui, c'est plutôt rassurant parce que, pour le connaître un petit peu, c'est un homme très pondéré, très déterminé et très expérimenté.
00:45Je ne pense pas qu'il nous fera des numéros de claquettes ou qu'il tiendra des propos d'estrade. Il avancera, c'est ce dont on a besoin.
00:50Vous avez échangé avec lui ou pas ?
00:52Pas encore.
00:53Pas encore. Qu'est-ce que vous attendez de lui et de son gouvernement ?
00:55D'abord qu'il réussisse à entraîner avec lui une majorité parlementaire au moins relative pour prendre des décisions et prendre des décisions réalistes au regard en particulier de ce qu'est la situation économique.
01:07Et c'est quoi des décisions réalistes aujourd'hui ?
01:09C'est-à-dire ?
01:10Il faut une rupture, il faut une continuité, qu'est-ce qu'il faut faire économiquement ?
01:13Non, mais ce qui est très impressionnant, c'est que, d'une manière assez générale, dans le cas des élections européennes plus législatives, l'économie a été laissée complètement de côté.
01:20On est dans une espèce de monde virtuel où les déficits n'existent pas, où la concurrence n'existe pas, où les enjeux de compétitivité, d'innovation de forme...
01:26Pourquoi ils existent, les déficits ? Ils sont catastrophiques ?
01:28Ils existent et le mur est assez proche.
01:31Et donc, moi, j'attends, si je peux me permettre, j'attends du Premier ministre qu'il prenne en compte cette situation et qu'à partir de là, il n'embraille pas en quelque sorte sur certaines propositions plutôt issues de...
01:41Vous pensez à quoi ?
01:43Je pense à l'abrogation de la réforme des retraites, qui est une impérieuse nécessité.
01:50Non pas l'abrogation, mais la réforme elle-même.
01:52Il dit qu'il va ouvrir le débat pour améliorer la réforme sans pour autant tout remettre en cause.
01:57À quoi vous êtes prêts, vous, sur ce sujet-là ?
01:59On est prêts à regarder un certain nombre de choses, sur les carrières des femmes, sur l'usure au travail,
02:06mais sous condition, et je crois que c'est ce qu'a dit le Premier ministre lui-même, qu'on ne remette pas en cause les équilibres financiers de cette réforme qui est indispensable et qui est même un peu sous-dimensionnée.
02:16Revenir sur l'égal de départ à 64 ans, c'est non pour vous ?
02:19Non. Non. Non, ou alors il faudra qu'on nous démonte qu'il y a d'autres mesures qui ne pèsent pas sur le coût du travail, qui ne pèsent pas sur les cotisations des salariés,
02:26qui ne pèsent pas sur les retraites et qui ne creusent pas le déficit, des solutions alternatives que je n'ai pas vues.
02:33Vous savez que ça va crisper tout le monde, ce que vous dites. La CFDT veut à minima suspendre la réforme des retraites.
02:38La CGT, le Nouveau Front Populaire, le Rassemblement National veulent abroger cette réforme.
02:42Il va être où le chemin là-bas ? On va repartir comme il y a un an ?
02:45Non mais mon but n'est pas de crisper qui que ce soit, d'ailleurs on parle avec les syndicats de beaucoup de sujets.
02:50C'est peut-être de reposer les grandes équations de cette réforme des retraites, parce que finalement c'est assez arithmétique.
02:57Et donc on a mis beaucoup de passion, ce qu'on peut comprendre, et c'est devenu un objet de confrontation politique,
03:02alors que tout simplement c'est le quotidien de chaque Français, donc le mien également, qui est en cause dans cette affaire.
03:08Est-ce qu'on veut demain continuer à servir des retraites à peu près satisfaisantes, sans altérer encore la compétitivité de l'économie française,
03:15qui est déjà assez dégradée, et sans peser sur le coût du travail ?
03:18Donc en gros on peut lui faire les moustaches à la réforme des retraites, mais pas plus quoi ?
03:21Ça doit être marginal ce qui doit changer par rapport à...
03:23Je n'aurais pas utilisé cette expression, mais il y a quelques sujets effectivement qui, j'allais dire,
03:28dans la précipitation, dans l'effervescence du vote de cette réforme l'année dernière, ont peut-être été mal appréhendés.
03:34Mais ce n'est pas les fondamentaux.
03:36Vous dites qu'on n'a pas parlé d'économie pendant la campagne législative,
03:39mais il y a quand même un sujet qui préoccupe les Français au premier plan, c'est le pouvoir d'achat.
03:42C'est aussi parce que les Français ont le portefeuille assez plat, qu'Emmanuel Macron et les siens ont été sanctionnés dans les urnes.
03:50Le premier ministre a dit qu'il voulait revaloriser le travail.
03:53Pour vous ça veut dire quoi ? Ça veut dire mieux payer les gens ?
03:55Mais c'est précisément parce qu'on n'a pas parlé d'économie que ce sujet du pouvoir d'achat a été mal appréhendé.
04:01Il faut impérativement qu'on reparle de croissance, de production de richesse,
04:04qu'on prenne en compte le rapport qu'a rendu M. Draghi hier,
04:07est édifiant de ce point de vue le décrochage de l'économie européenne,
04:10de l'économie française en particulier, par rapport aux Etats-Unis.
04:13Il faut qu'on reparle d'innovation, il faut qu'on parle de productivité, il faut qu'on parle de quantité de travail.
04:18Il faut qu'on parle de fiches de paye aussi.
04:19Oui, mais c'est la résultante.
04:21À un moment donné, si vous regardez l'explosion du nombre de faillites en France aujourd'hui,
04:26quand vous voyez le taux de marge...
04:27On en est où sur les faillites ? Parce qu'il y a eu un mois de juillet qui était catastrophique.
04:29Catastrophique, 5800 faillites, c'est le record historique jamais atteint.
04:33C'est ponctuel ou c'est une tendance ?
04:34C'est une tendance de mon point de vue.
04:36Si on ne prend pas un certain nombre de mesures, d'abord pour rétablir la confiance chez les chefs d'entreprise,
04:41parce que moi je le fais dans mon entreprise, j'ai suspendu les investissements, j'ai suspendu les embauches,
04:45parce qu'on ne sait pas, entre guillemets, quelle sauce on va être mangé.
04:48Et puis il faut prolonger en l'ajustant, en l'expliquant mieux, cette politique qui quand même a été vertueuse
04:54en termes de productivité, en termes de croissance, en termes d'emploi, en termes d'attractivité,
04:59qui est donc une politique pro-entreprise.
05:01Quand on est pro-entreprise, dans l'imaginaire collectif, c'est les actionnaires qui vont s'en mettre plein les fouilles.
05:06Ça fait 7 ans qu'on entend tout le monde dire, et tout le monde est à peu près d'accord,
05:08pour dire qu'on est une politique pro-entreprise dans le pays.
05:10Oui. Oui, mais enfin, regardez, on s'écharpe sur la retraite à 64 ans.
05:16Sauf erreur, les Allemands sont en train de réfléchir au report de l'âge légal de 67 à 68 ans.
05:22Bien sûr que ça ne fait pas plaisir à grand monde, sauf aux gens qui aiment bien travailler, et il y en a quand même beaucoup.
05:28Juste sur les salaires, on a entendu la proposition du nouveau front populaire de SMIC à 1600 euros net,
05:33vous avez expliqué que ce n'était pas possible. Est-ce qu'il y a une marge ?
05:35Michel Barnier va devoir décider, dans quelque temps, s'il donne un coup de pouce au SMIC.
05:38Ça vous poserait un problème, ou pas un coup de pouce ?
05:40Je n'ai pas dit ça, je suis parfaitement conscient.
05:42Les chefs d'entreprise sont parfaitement conscients qu'il y a un problème de pouvoir d'achat sur les bas salaires.
05:47C'est la réponse que certains souhaitent y apporter, qui n'est pas satisfaisante, et qui est même dangereuse.
05:52Il y a encore des charges sociales payées par les SMICards, qui pourraient être transférées à la fiscalité,
05:58et puis on a un niveau de protection sociale qu'il faut revisiter.
06:01Il y a eu des réformes de l'assurance-chômage, peut-être faut-il aller plus loin.
06:05Sur les retraites, il faut mettre en place...
06:08Et bien sûr, les arrêts de travail.
06:10Vous avez vu, comme moi, l'augmentation des arrêts de travail.
06:12D'ailleurs, beaucoup plus dans le secteur public que dans le privé, où il baisse depuis un an et demi.
06:17Donc, collectivement, on doit s'interroger là-dessus.
06:19Il y a trop d'arrêts de travail et d'arrêts maladie dans les entreprises ?
06:22Comprendre, il y a trop d'arrêts présumés abusifs ?
06:25C'est un problème dans les entreprises aujourd'hui ?
06:27Il y a un vrai sujet qui tient à la démographie, qui tient à l'âge, qui tient à de nouvelles pathologies, dont actes.
06:32Mais il peut y avoir des abus sur les arrêts de courte durée.
06:35J'insiste, c'est beaucoup plus vrai dans le secteur public que dans le secteur privé,
06:39où les derniers chiffres en attestent, l'absentéisme est en train de baisser.
06:43Je reviens, pardon, sur le SMIC.
06:45Un coup de pouce au SMIC par Michel Barnier.
06:47Est-ce que les entreprises peuvent l'encaisser, aujourd'hui ?
06:50Mais tout dépend des entreprises.
06:51Quand vous êtes dans des métiers dits à forte intensité de main-d'oeuvre,
06:53je pense à la propreté, la restauration collective, une partie du bâtiment, la sécurité, etc.
06:58et que vous n'avez pas la capacité de répercuter à vos clients l'augmentation
07:02de ce qui est de très loin votre charge principale, c'est-à-dire les salaires,
07:06vous mettez l'entreprise en difficulté, donc l'emploi en difficulté.
07:10Je vous écoute attentivement Patrick Martin, j'écoute les uns et les autres.
07:13Globalement, on a l'impression que tout le monde reste un peu arc-bouté sur ses positions.
07:17Les syndicats, vous, la gauche, la droite.
07:19Est-ce que vous n'avez pas l'impression que vous nous emmenez tous dans le mur, là,
07:22si on continue sans rien changer ?
07:23Mon propos, mon attention, en tout cas, c'est exactement le contraire.
07:26Moi, je discute avec les syndicats, on a des points de désaccord qui sont connus,
07:30mais on a également des points de convergence.
07:31Et je pense qu'il y a cette conscience partagée, en tout cas pour la plupart d'entre nous,
07:36qu'il faut redonner à notre pays une croissance sans laquelle on ne pourra pas
07:40payer notre décarbonation, revaloriser les salaires, innover,
07:43former les jeunes et les moins jeunes.
07:45Donc voilà, c'est ça le débat de fond.
07:48Veut-on ou pas créer de la richesse ?
07:50Et après, seulement, on parle de la répartition de cette richesse.
07:53On a signé avec les syndicats un accord sur le partage de la valeur.
07:56Tout le monde se convainc dans le débat public que c'est un scandale en France.
07:59Les syndicats ont pris acte que non, le partage de la valeur était un des plus équitables au monde
08:04et qu'il ne s'était pas déformé ces dernières années au bénéfice des actionnaires.
08:07Voilà.
08:08Merci beaucoup Patrick Martin d'être venu sur RTL ce matin et bonne journée à vous.

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