Table ronde - Comment anticiper l’impact des scénarios climatiques sur les états financiers ?
Vincent Burnand - Galpin, Chargé de Mission finance durable, Institut de la Finance Durable
Thierry Sebagh, Directeur de l'ISG
Vincent Burnand - Galpin, Chargé de Mission finance durable, Institut de la Finance Durable
Thierry Sebagh, Directeur de l'ISG
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00:00Bonjour à tous. Je suis ravi d'abord d'être là, parce que c'est des sujets qu'on a beaucoup évoqué avec Émilie, je suis ravi de ce partenariat.
00:10Alors je ne sais pas comment il faut faire, il faut peut-être inviter les intervenants à venir sur scène.
00:15Donc je propose à Vincent Burnon Galpin de me rejoindre. Il est chargé de mission finance durable au sein de l'institut de la finance durable.
00:29Bonjour Vincent. Et Thierry Sebag, directeur de l'école de commerce ISG. Asseyez-vous.
00:37Et je dois excuser l'absence, je crois, il faut le dire, de M. Mattaran du cabinet. Pardon, du cabinet, j'avais noté son nom.
00:47Palme, qui, je crois, a eu un empêchement personnel. Donc voilà.
00:52Donc oui, je disais à la tribune, on s'intéresse beaucoup à ces sujets, vous vous en doutez bien, puisque nous sommes un journal économique et financier.
00:59Nous sommes maintenant aussi un journal plus généraliste le dimanche. Mais on s'intéresse quand même beaucoup à cette question de comptabilité des entreprises.
01:06Et peut-être pour commencer, poser le décor, il y a aujourd'hui un débat. On a fait l'interview d'Emmanuel Faber, l'ancien patron de Danone,
01:15qui dirige l'ISSB, qui est en train de définir les nouvelles normes mondiales en matière de comptabilité extra-financière.
01:23Et puis vous en avez beaucoup parlé, on en parlait tout à l'heure. Il y a l'Europe qui est en train, dans une logique aussi de comparabilité entre les deux systèmes,
01:30de mettre en place ses propres règles. Et évidemment, ça va beaucoup changer le cadre dans lequel les entreprises opèrent.
01:37Et le cadre dans lequel les entreprises sont en train d'opérer, c'est la prise de conscience, probablement.
01:42Et on va en parler avec vous peut-être, Vincent Bernand, d'abord. Du fait que le risque climatique est devenu un risque mortel pour l'entreprise, potentiellement.
01:50Ça avait été dit par Nicolas Stern. Le coût de l'inaction sera infiniment supérieur à celui de l'action.
01:57Et donc on rentre dans le monde de l'entreprise, on en a un petit peu parlé tout à l'heure, dans celui de l'adaptation finalement à ces changements.
02:06Alors ça peut avoir des conséquences comptables de multiples natures. Par exemple, une entreprise qui a une usine située dans un endroit à risque,
02:12on a beaucoup parlé d'assurance tout à l'heure, peut voir la valeur de cette usine ramenée à zéro si on ne fait pas les travaux, par exemple, d'adaptation à un risque d'inondation ou autre.
02:21Mais c'est également pour des entreprises, je prendrais des entreprises très connues comme Total, Total Energy, si on va vers un monde net zéro, zéro carbone, zéro pétrole,
02:31une entreprise comme Total et comme tous les pétroliers se posent la question de la pérennité de leur activité et sont amenés à faire évoluer leur modèle d'affaires.
02:41Le cas de Total est évidemment assez évident et caricatural, mais si vous prenez l'ensemble de l'industrie, ce qu'on appelle la décarbonation de l'industrie,
02:50l'évolution de l'industrie vers une industrie verte, c'est un peu le même mouvement et ça se traduit effectivement dans la comptabilité.
02:56Alors peut-être pour commencer avec vous Vincent, les études que vous faites au niveau de la finance durable, peut-être nous préciser un petit peu dans quel cadre les entreprises définissent les scénarios climatiques.
03:08On connaît les accords de Paris, donc cet objectif d'aller vers zéro, alors après il y a tous les débats sur net zéro, net net, etc.
03:15Qu'est-ce qu'il en sera réellement ? Comment est-ce que le monde de la finance s'est adapté pour mettre en place des scénarios climatiques et essayer de mesurer leur impact ?
03:25Merci. Alors peut-être un point pour réagir par rapport à ce qui a été dit juste avant. Justement ce cadre de la CSRD, de la taxonomie européenne, du cadre européen, oblige les entreprises à se poser ces questions
03:38parce qu'il y a de plus en plus de transparence sur leurs activités. Et donc une des premières choses que les entreprises sont obligées de faire, c'est de divulguer un certain nombre d'informations de transparence.
03:48Et au-delà de ça, il y a aussi progressivement cette demande à la fois des fournisseurs, des clients, des parties prenantes, des plans de transition des entreprises. Quels sont leurs plans et quels sont leurs engagements pour l'avenir ?
04:00Beaucoup d'entre elles se disent net zéro, notamment les acteurs financiers veulent s'aligner sur une trajectoire net zéro 2050, sur un scénario 1.5 degrés pour être alignés avec l'accord de Paris.
04:12Mais au fond, la question c'est une fois qu'on a dit ça, une fois qu'on s'est engagé à ça, quel est le plan d'action et qu'est-ce qu'on poursuit pour de vrai ?
04:21Et la réalité qui est derrière.
04:22Voilà. Et donc on a mené une étude à l'Institut de la finance durable pour justement se poser les questions de ces scénarios possibles à l'avenir.
04:29Parce que quand on se dit net zéro, il y a plusieurs cours possibles. Il y a différents scénarios qui sont produits. Le GIEC rassemble plus de 3000 scénarios dans sa base de données divers avec des solutions plutôt technosolutionnistes
04:42qui proposent plutôt de miser sur le développement de certaines technologies encore pas très matures, l'hydrogène, le CCS, la capture de carbone et un certain nombre de technologies de ce style.
04:53D'autres, par exemple, l'AIE propose des scénarios vraiment en misant beaucoup sur les énergies renouvelables, mais aussi sur la sobriété. Il y a différentes possibilités d'imaginer cette trajectoire d'avenir.
05:04Donc on a voulu faire un rapport qui présentait un peu ces différentes trajectoires et de dire aux acteurs financiers et aux entreprises de manière générale, si vous vous engagez à être net zéro,
05:15pour savoir qui vous êtes et qu'est-ce que vous voulez vraiment faire, dites-nous quelle est votre trajectoire et quelles sont vos hypothèses de travail derrière.
05:21Et ça c'est absolument essentiel, je pense, pour pouvoir ensuite commencer à parler parce qu'il s'agit d'avoir un calendrier, des actions, des leviers de décarbonation, un budget séquencé dans le temps.
05:32Ce sont des choses, notamment pour que la finance puisse faire son travail, de suivre un peu les engagements, de comprendre les stratégies d'entreprise. Ce sont des informations qui sont nécessaires pour travailler.
05:42On parle beaucoup de cette finance verte depuis des années, il y a eu tout un tas de débats sur l'ESG, vous en avez un petit peu parlé, avec même une révolte anti-ESG aux Etats-Unis.
05:53Il y a un vrai débat, en fait, assez philosophique, ça a été dit tout à l'heure, sur qu'est-ce que c'est que le capitalisme finalement ? Est-ce que c'est la recherche du profit ou c'est également autre chose ?
06:02Et on voit bien dans le débat sur l'ESG que c'est une façon finalement de réécrire, comme le dit Emmanuel Favère un peu, le code source du capitalisme.
06:11Alors je me tourne peut-être vers vous pour nous dire un petit peu du point de vue des étudiants de l'école.
06:18On sait bien qu'il y a un mouvement aujourd'hui des jeunes pour demander aux entreprises de faire vraiment leurs devoirs en matière climatique.
06:26Est-ce que vous ressentez ça dans les écoles, que les étudiants en école de commerce demandent aux entreprises de prendre en compte l'impact du climat pour justement aller y travailler ?
06:40Alors c'est une demande qui est une demande forte. C'est d'abord une demande de l'ensemble des acteurs de l'entreprise qui fait qu'aujourd'hui,
06:48quel que soit le secteur d'activité, quel que soit le métier que l'on va exercer, ces enjeux sociétaux, environnementaux sont intégrés dans l'exercice des métiers et des professions.
07:00Dès qu'ils arrivent en école de commerce, forcément on les passe à la fresque du climat et de la biodiversité.
07:08Forcément quand on les envoie sur leur première mission, les enjeux sociétaux et environnementaux représentent globalement entre 30 et 40% des missions qui leur sont confiées.
07:21Donc il est impossible aujourd'hui de passer au travers de ça.
07:24Ça a plusieurs conséquences mais j'aimerais revenir quand même sur un point parce qu'il me semble qu'il y a deux éléments qui sont essentiels pour bien comprendre ce qui a été dit jusque là.
07:34D'abord un, quand il y a des sujets environnementaux sur des biens immobiliers ou autres, d'abord il y a un impact sur le prix des actifs.
07:44Et le premier élément par lequel les entreprises agissent, c'est d'abord par le provisionnement qu'elles opèrent par elles-mêmes avant d'aller chercher un process qui est marchéisé,
07:57où on se dit on va passer par une société d'assurance pour assurer du risque.
08:01Donc il y a en premier lieu ça. Le deuxième élément, je vais vous en donner un exemple qui n'est pas dans l'environnement mais vous allez voir le parallèle.
08:10Lorsqu'on est face à des risques sur son business, forcément on voit aussi évoluer son business model.
08:19On a eu l'occasion de travailler avec le groupe Philippe Maurice et sa direction institutionnelle qui nous a expliqué comment ils militaient, notamment au Japon, pour l'interdiction du tabac dans la rue.
08:31Et donc quand on a eu ce sujet là avec eux, c'est tout leur modèle qui évolue parce qu'ils se disent on sait bien que la tendance est d'aller vers moins de comportement qui soit avec des addictions.
08:48En Europe comme ailleurs. Et donc ils accompagnent le mouvement. Alors on appelle ça la capture réglementaire. On a une réglementation qui se durcit et elles sont dans l'anticipation.
08:58Et c'est vrai aussi sur les problématiques environnementales où on voit les modes de production changer et les business models des entreprises changer.
09:06Quand on se dit comment est-ce qu'aujourd'hui les entreprises s'adaptent et comment est-ce que nous on prépare à cela, je dirais on s'adapte de trois manières.
09:16D'abord on intègre les éléments de prévention des risques dans les actions au quotidien des entreprises, que ce soit sur la production, la construction, les éléments tangibles des actifs
09:30qui font qu'on va s'interroger sur la façon dont on va construire ou on va les produire. Et forcément on comprend bien que quand on va s'installer dans une zone qui est à fort risque d'inondation,
09:42à fort risque de sécheresse, on ne paiera pas le prix des actifs de la même manière. C'est le premier point. Le deuxième c'est que forcément comme ça a été dit, on a l'intégration également de l'ensemble des éléments de reporting
09:56et des éléments extra financiers qui sont aujourd'hui une donnée qui est une donnée extrêmement forte de toutes les entreprises. Pas plus tard qu'hier pour avoir échangé avec la direction RH de Sanofi
10:10ils ont un programme qui s'appelle 1 million de conversations qui a pour objectif que de sensibiliser au sujet ESG au sein de leur entreprise et à travers le monde.
10:22Et puis enfin je dirais que le troisième point c'est forcément lié à la formation, à l'acculturation scientifique mais aussi aux enjeux qui sont des enjeux juridiques
10:36sachant que parce que gérer c'est prévoir, parce que gérer c'est mesurer, parce que gérer c'est aussi anticiper que le process réglementaire n'est pas un process qui se dérigidifie.
10:50On va vers des réglementations qui seront sans cesse plus exigeantes parce que c'est aussi un moyen de nous protéger de la concurrence et notamment de la concurrence des pays asiatiques.
11:02Cette réglementation environnementale elle ne peut aller que croissante et donc vous avez de nouveaux business models qui apparaissent.
11:08Et donc on a des entreprises aujourd'hui qui viennent nous interroger, nous, nos étudiants, sur comment est-ce qu'on voit le monde de demain
11:16qui fait que les solutions sont parfois des solutions qui sont des solutions techniques, des solutions assurancielles mais c'est aussi des solutions en termes de business models.
11:24Ils changent qui fait que quel que soit les secteurs d'activité, vous êtes dans le luxe, vous êtes dans l'automobile et vous vous dites la part du recyclage va être importante, la part du sharing va être importante
11:34et ces éléments là sont aussi une façon de prendre en compte le risque, il n'est pas forcément nécessairement assurable au sens où on va aller voir une société d'assurance en se disant
11:46on va compter sur une société d'assurance pour assurer ce risque mais on fait jeter le modèle économique de l'entreprise pour tenir compte d'éléments qui sont des éléments de tendance lourde observés au sein de l'entreprise et des sociétés.
12:02Alors à Vincent Burnan on parle beaucoup de greenwashing en matière de climat, il y a eu beaucoup d'abus peut-être qui sont sans doute liés au fait qu'il y avait une profusion d'indicateurs sans doute de façon excessive qui se sont mis en place ici ou là avec des modèles qui ne sont pas forcément, on parlait de scénarios qui ne sont pas forcément les mêmes partout, pas forcément comparables.
12:23On semble aller, que ce soit avec ce qui se passe au niveau des IFRS climatiques qui vont se mettre en place et avec la CSRD vers une forme de convergence, vers une approche comptable relativement commune.
12:37Qu'est-ce que ça veut dire finalement pour le monde de la finance ? Est-ce qu'on va avoir demain une récomparabilité ? Est-ce qu'on va pouvoir dire qu'il n'y aura plus de possibilité de contourner les règles et de faire du greenwashing ?
12:49Peut-être la comparaison utile c'est avec ce qu'on a évoqué tout à l'heure avec Alexandre Rambeau, la comptabilité financière qui s'est installée, il y a un certain nombre de conventions qui sont établies et donc l'ensemble des entreprises respectent ces conventions et cette comptabilité donc permet la comparabilité.
13:07Notamment pour un analyste financier de pouvoir avoir les mêmes indicateurs pour pouvoir définir son jugement sur une entreprise si elle est en bonne santé ou en mauvaise santé. Chacun a son appréciation mais on a le même langage et c'est ce qui manque.
13:23Il y a cette discipline financière qui s'établit et ce qu'il faut aujourd'hui c'est une discipline climat des marchés financiers où on a ce même langage pour pouvoir s'exprimer.
13:34Jusqu'à présent on parlait avec des mots différents, des concepts différents et des définitions différentes mais grâce à cette normalisation que ce soit les IFRS, que ce soit le travail fait par le cadre européen, ça pousse à ce qu'on ait ce même langage progressivement.
13:52Avoir les mêmes indicateurs pour cette comparabilité et c'est ce qui est en marche et c'est ce qui advient et ensuite aussi avoir des outils d'analyse financière, d'analyse extra financière qui soient aussi les mêmes.
14:06Il y a un certain nombre d'indicateurs qui sont utilisés dans l'analyse financière, il faut les mêmes dans l'analyse extra financière donc c'est des choses aussi qui prennent un peu de temps pour que ça rentre dans le langage commun de l'ensemble du secteur.
14:17Mais oui ça se met en place concrètement et d'ailleurs là dessus c'est ce qu'on essaie de pousser à l'institut de la finance durable notamment sur ce travail sur les scénarios parce que vous en parliez de l'anticipation.
14:27Dans les scénarios il y a deux choses, il y a anticiper on va dire le business as usual de l'avenir où dans un scénario 4 degrés, 5 degrés de plus, produire sera beaucoup plus difficile parce que notre planète sera beaucoup moins habitable, beaucoup moins facile pour produire un certain nombre de biens.
14:51Mais aussi dans ces scénarios ça nous permet d'anticiper un peu l'avenir ce qui peut arriver mais aussi l'anticipation par des scénarios normatifs donc ces scénarios 1.5 permettent de comprendre la trajectoire nécessaire pour y arriver.
15:05Donc c'est ce qui permet d'anticiper et aussi de parler le même langage si on connait ces scénarios, si on peut partager ces travaux et se prononcer sur comment avancer.
15:17Juste un point là dessus, c'est un point qui est essentiel et on a énormément d'entreprises aujourd'hui avec lesquelles nous travaillons qui travaillent sur des scénarios presque catastrophes.
15:27On a régulièrement un challenge qui a lieu avec Thalès sur imaginons demain il y a un blackout sur internet, comment est ce que nous fonctionnerions dans un monde où les données ne pourraient plus circuler.
15:41Et ce sujet là pour nous c'est un des sujets essentiels, on a une explosion de ces nouvelles technologies, elles sont forcément liées à nos besoins en matière première, forcément elles sont consommatrices d'énergie.
15:59Forcément on se dit si demain on se dit l'usage de ces technologies sera limité parce que notre accès à de l'énergie sera limité, comment est ce que nous fonctionnerons dans un monde où on le voit tous les jours, où on le vit à chaque instant.
16:17Tout est gouverné par la possibilité d'avoir un accès à des prises électriques, d'avoir un accès à une énergie que l'on considère aujourd'hui sans limite et où demain on se dit comment est ce qu'on organisera des transactions financières, comment est ce qu'on organisera l'acheminement de nos produits, comment est ce qu'on organisera l'approvisionnement des villes si demain nous étions face à un vrai choc sur les matières premières.
16:45Ça ce sont des enjeux sur lesquels on travaille, ça ne veut pas dire que ces scénarios là se produisent mais anticiper c'est effectivement prévoir ces scénarios et se demander comment est ce que demain on réagira face à cela.
17:01C'est aussi avoir des modèles où on se dit que le fait de raisonner en circuit court, ce qui est aussi un des éléments de réponse, c'est un moyen pour les entreprises de pouvoir réduire et gérer une partie de ces risques là.
17:19Peut-être pour continuer dans le monde de la finance, on n'a pas parlé du rôle des banques ou des assureurs en tant qu'investisseurs, j'en vois un dans la salle, c'est vrai qu'aujourd'hui l'exigence qui est faite auprès de ce monde de la finance c'est de servir un peu d'aiguillon dans le monde de l'entreprise, de dire vous ne financerez plus donc il y a une logique d'exclusion, on voit ça dans ce qu'on appelle le monde de l'ISR, l'investissement socialement responsable, on va dire vous arrêtez de financer telle ou telle activité totale.
17:47C'est une façon d'agir mais je dirais que c'est relativement simple même si ça ne fait pas plaisir aux entreprises concernées. Quand vous prenez d'autres entreprises, on va rentrer dans des logiques, on va essayer de connaître leur scope 1, leur scope 2, leur scope 3 qui est plus difficile à définir, donc on va leur mettre une pression pour agir sur ces indicateurs de transition et se pose évidemment la question de la bonne articulation entre ce monde de la finance qui va dire je vais arrêter de faire de l'investissement socialement responsable,
18:15ce monde de la finance qui va dire je vais arrêter de faire des crédits, en tout cas je vais resserrer progressivement le crédit sur ce qui paraît de mauvais pour le climat et donc les entreprises se retrouvent elles-mêmes en face dans cette logique donc c'est pour ça qu'il faut essayer d'élaborer entre le monde de la finance et le monde de l'entreprise un langage commun.
18:33On avance suffisamment vite dans ce sens, par rapport aux enjeux, vous parliez des scénarios, on a un peu l'impression que, encore un instant monsieur le bourreau et beaucoup d'entreprises, on prend le cas de la CSRD, ils disent c'est trop compliqué, les PME disent c'est bureaucratique et si vous êtes une PME de 500 salariés vous n'allez pas payer 5 personnes pour faire remplir des tableaux d'indicateurs ce qu'une boîte du CAC 40 fera sans difficulté.
18:59Donc comment est-ce qu'on arrive à trouver le bon lien entre le financement de la transition qui va être de plus en plus exigeant et puis ce monde de l'entreprise qui est quand même face à la réalité dans un monde de compétition et pas forcément capable de le faire ?
19:17Sur cet aspect, la CSRD, remplir ces cases les unes après les autres, ces centaines de cases, c'est trop compliqué. C'est une réalité, je pense que quand on crée comme ça et qu'on doit chercher ces chiffres auxquels on ne s'est jamais intéressé, forcément ça demande un effort.
19:33C'est un effort et on se dit c'est un effort réglementaire qu'il faut mettre en oeuvre et la réglementation toujours ce sont des charges supplémentaires sur l'entreprise mais il faut aussi que les entreprises voient comme une opportunité de se poser des questions sur leur modèle et d'avoir des informations supplémentaires sur comment elles peuvent avancer à la suite.
19:51Il y avait cette image d'Alain Fustex qui avait écrit un livre « La stratégie du Y ». Au début, le Y c'est la RSE, on remplit un certain nombre de cases réglementaires, on se conforme aux exigences, donc on fait une RSE 1.0 où on coche des cases.
20:13Et puis il y a la RSE 2.0 qui est quand même dans ce Y, de se dire les changements sont tels, il faut quand même que je m'adapte, que j'invente un nouveau modèle économique pour mon entreprise.
20:23Et donc on développe progressivement d'autres branches, la petite branche du Y qui est cette autre stratégie, cet autre développement de l'entreprise, on profite de son business case historique pour développer une autre branche progressivement parce qu'on aura pris conscience de ses enjeux et qu'on s'adaptera à ce nouveau modèle.
20:43Et sur les enjeux de financement et d'aiguillon, on peut toujours se demander à quel point ces réglementations, ces exigences poussent vraiment les entreprises à changer de modèle. Est-ce qu'il y a un impact sur le coût du financement ?
20:58Alors justement il y a une étude qui est sortie de la Banque de France, c'est la BCE même, sur les entreprises, sur les banques européennes qui est sortie en août, qui notait que justement il y avait un différentiel de 20 points de base dans le coût de financement d'une entreprise qui s'était clairement engagée, qui était sur une trajectoire climatique alignée avec une entreprise qui ne s'était pas engagée.
21:20Donc aujourd'hui 20 points de base c'est une moyenne, ça ne signifie pas grand chose forcément pour tous les secteurs, mais on sent qu'il commence à se construire quelque chose de fait dans le marché. Et après à ça, c'est qu'est-ce qu'on ajoute au-dessus ? Qu'est-ce qu'on ajoute comme fléchage ? Qu'est-ce qu'on initie comme fléchage dans les différents secteurs ? Dans le secteur du bâtiment ? Dans le secteur de l'énergie ? Est-ce qu'il y a un coup de pouce de la réglementation ?
21:46Des garanties d'Etat sur certaines technologies qu'on veut pousser et donc l'Etat donne un gage en disant je vous assure sur ces sujets-là pour aller plus loin et baisser le coût de financement. Il peut y avoir grâce à ce langage commun ensuite des incitations qui permettent encore plus d'augmenter ce delta entre des investissements de transition et des investissements qui ne sont pas dans la transition.
22:06Il y a un deuxième élément, c'est que certes les incitations elles sont financières, mais il ne faut pas oublier que ce qui va avec la finance c'est la fiscalité. C'est ça qui est l'aiguillon ultime. Mettre de la fiscalité en plus sur les entreprises, bien entendu que ça leur coûte.
22:24Mais c'est aussi une formidable opportunité quand cette fiscalité touche ses clients et que l'on y voit alors de nouveaux business models qui apparaissent parce que vous avez un coût de l'énergie qui a pris 10, 15, 20% par an et que vous vous dites peut-être que d'installer des panneaux solaires chez moi ça devient intéressant, peut-être que de rouler à l'électrique ça devient intéressant, peut-être que de passer à d'autres formes de mobilité urbaine ça devient intéressant et donc ça crée de nouveaux marchés.
22:52Et si on était un producteur automobile peut-être que demain on se dirait peut-être que le marché il sera électrique, peut-être que le marché il sera le marché du partage, peut-être que le marché il sera sur d'autres types de véhicules que des véhicules permettant une mobilité urbaine ou une mobilité ultra urbaine puisqu'on parle beaucoup de ville 15 minutes par exemple.
23:18Et donc dans ce contexte là, aujourd'hui, quand on regarde cela y compris pour de petites entreprises puisque l'enjeu il est naturellement pour ces petites entreprises qu'elles sont pour elles les perspectives, elles existent, elles sont présentes lorsque elles s'interrogent d'abord sur ce qui crée de la valeur pour leurs clients.
23:44Ce qui peut créer de la valeur c'est la fiscalité qui donne une incitation à, vous avez 20 centimes d'écart entre du gasoil et de l'essence en plan et vous voyez que vous avez 80% d'un parc automobile qui était composé à l'époque de véhicules fonctionnant au diesel, vous l'éliminez et vous avez mécaniquement une modification de votre parc automobile.
24:10Donc les consommateurs sont sensibles et les entreprises peuvent anticiper cela. Donc on voit bien l'impact de cette fiscalité dire que la finance doit l'intégrer, elle l'intègre déjà d'abord parce que historiquement les premiers mécanismes financiers sont d'abord des mécanismes de couverture.
24:28On parle beaucoup d'assurance mais il faut bien se rappeler que les mécanismes financiers sont d'abord des mécanismes de couverture contre des risques, des risques sur le prix des matières premières, des risques sur les ressources et notamment sur le prix du pétrole.
24:44Et tout cela sont autant de mécanismes qui sont des mécanismes, j'allais dire internes et des mécanismes de marché et ils sont aiguillonnés par la fiscalité qui donne aux entreprises des incitations supplémentaires.
24:58Il y a un autre aiguillon qui est en train d'arriver, c'est le risque juridique. Il y a un certain nombre de cas où il y a aujourd'hui des procès pour inaction climatique, un tenté contre des banques, je ne vais pas les citer mais on les connaît, ça les a fait évoluer.
25:14Donc du coup, par contre-coup, puisqu'elles sont elles-mêmes obligées de durcir leurs propres règles, elles durcissent leurs règles à l'égard de leurs clients. Là aussi, l'impact finalement de ce qu'on appelle ces nouveaux scénarios net zéro se répercute dans l'économie.
25:30Ça commence vraiment à se voir de façon, vous parliez de ces 20 centimes d'écart, mais ça devrait s'écarter encore plus. Demain, on aura peut-être un point de base de prime de risque si on est dans l'inaction.
25:44Oui, ça peut coûter de plus en plus cher. On sent notamment ces procès contre certaines banques. C'est des ONG qui mettent la pression au nom d'un collectif sur certaines banques.
25:57Ça permet d'attirer l'attention et d'augmenter la pression sur ces entreprises. D'ailleurs, c'est par ce moyen-là, beaucoup, que de nombreuses banques ont décidé d'avoir une stratégie assez claire sur l'exclusion des énergies fossiles.
26:12Le charbon en est le premier exemple. En France notamment, on est un des seuls pays où toutes les banques se sont engagées à exclure les financements charbons de leur stratégie.
26:24Aujourd'hui, on va vers les autres énergies fossiles. Pour le pétrole et pour le gaz, il y a toujours cette question de à quel point elles partipent à la transition.
26:33Mais au-delà de ces exclusions, il y a aussi cette question de comment est-ce qu'on finance la transition. D'ailleurs, on y revient un peu, de ces exclusions, et même les ONG d'aujourd'hui.
26:44Il y a tout un sujet notamment sur l'impact de ces exclusions. Est-ce que le fait que des banques françaises excluent de leur stratégie financière de financer du charbon a permis au niveau mondial de baisser la consommation de charbon ?
26:59La réponse est non. Aujourd'hui, on y revient en disant qu'il faut plutôt permettre le financement de la transition, donc d'investir dans des centrales à charbon pour les transformer, pour les fermer, pour les reconvertir.
27:12Pour capter le CO2, pour aller chercher des scénarios différents.
27:15Il y a cette optique différente aujourd'hui qui se construit notamment au niveau international. Il y a le Coal Transition Accelerator, une initiative internationale qui a été portée par la France.
27:24Il faut mettre les outils en place pour que, finalement, on ferme les centrales et qu'il n'y ait pas d'autres qui sont construites ailleurs. Donc il s'agit d'investir dedans.
27:34C'est une petite transformation, cette idée qu'il ne faut pas simplement exclure, mais bien faire la transition, c'est-à-dire aussi investir dans les énergies du futur en même temps qu'on ferme les outils.
27:44Orienter les financements vers des énergies plus propres ou vers des technologies. Dans la dernière COP, on a parlé du captage de CO2 qui nécessite des investissements colossaux.
27:55Les entreprises ne le feront que si c'est rentable et donc si c'est valorisé, vous le disiez.
28:04Quand on enseigne l'économie de l'environnement, on a un concept qui s'appelle Backstop Technology. Quand le prix des actifs s'élève, quand le prix des ressources naturelles s'élève,
28:22il arrive un moment où forcément on s'interroge sur l'utilisation de technologies qui sont plus coûteuses, plus respectueuses de l'environnement, mais plus coûteuses,
28:33et où ce point de bascule fait que l'ensemble des coûts, directs et indirects, que l'on a à supporter, qui sont aussi les coûts liés à la réglementation, à sa mise en conformité, font qu'on a intérêt à basculer.
28:46Donc à la fois la réglementation et la fiscalité jouent toutes deux dans le même sens. Elles permettent d'augmenter le coût et donc de réduire le coût d'opportunité à l'adoption de technologies qui soient plus respectueuses de l'environnement.
29:00Et comme cette situation-là n'ira que croissante, comme on ira dans des environnements où le niveau de la réglementation n'ira que croissant, de fiscalité je ne la vois pas diminuant, surtout sur les activités polluantes,
29:19forcément l'adoption de ces nouvelles technologies sera de facto moins coûteuse.
29:25Et là-dessus, pour dire un mot, il y a une certaine mode, notamment concernant le capture et le stockage de carbone, ou l'hydrogène, ou certaines de ces technologies,
29:33mais il faut bien rappeler qu'elles sont moins compétitives et beaucoup moins compétitives que d'installer des énergies renouvelables, que de transformer une usine et une installation en énergie fossile avec du CCS.
29:46Il faut bien avoir ces ordres de grandeur-là aussi en tête, peut-être qu'un jour ça s'inversera, mais aujourd'hui c'est bien les ENR qui doivent être massivement développés avant toute technologie de capture de carbone.
29:56Oui, parce qu'il y a une dimension économique qu'on n'a pas abordée jusqu'ici, mais peut-être ça peut être un sujet que je peux me tourner sur certaines personnes dans la salle qui auraient envie d'en parler,
30:04c'est le coût considérable de la transition écologique, et c'est là où le rôle de la finance, on a parlé du rôle de l'amendé pouvoir public, peut-être de la fiscalité,
30:13mais s'il n'y a pas les acteurs privés on n'y arrivera pas, on sait que c'est quoi la transition écologique, c'est qu'on va remplacer du capital existant carboné par du capital nouveau décarboné.
30:24Donc il y a une destruction de toutes les machines par exemple qui fonctionnent aujourd'hui avec du pétrole, il va falloir les remplacer, ça va se faire sur la durée,
30:33on pourrait penser aux voitures, rien qu'en France c'est une trentaine de millions de voitures, sur toute l'Europe c'est plus de 300 ou 400,
30:40donc on voit bien la difficulté du temps avant que la dernière goutte de pétrole sorte d'une station service, il va se passer quand même un certain temps,
30:49mais c'est bien de ça d'en suivre les questions, et ce remplacement du capital, c'est le rôle de la finance, va coûter extrêmement cher et par nature inflationniste.
30:58Cette dimension là, est-ce que c'est pris en compte dans la finance durable, dans la comptabilité ?
31:03Le fait qu'il y a des investissements importants, ça c'est sûr, alors nous on a une étude au niveau de la France en particulier,
31:11on estime à 100 milliards d'euros d'investissement par an pour faire la transition, comme ça c'est un gros chiffre, mais quand on le met comparativement...
31:21Il faut le mettre en face de l'épargne, on pourrait le mettre en face.
31:24L'épargne aujourd'hui c'est 6000 milliards d'euros en stock, on va dire que la moitié c'est 3000 milliards qui sont des investissements plutôt long terme,
31:34qui peuvent être redirigés partiellement vers la transition, et ensuite il y a un flux annuel d'environ 100 milliards, 150 milliards d'euros d'épargne supplémentaire par an chez les ménages.
31:46Donc on voit qu'il y a les masses d'argent qui sont là, alors bien sûr il n'y a pas que la transition à financer, mais il y a un flux, il y a un stock qui permet de financer cette transition,
31:55tout est question de fléchage, de comment on incite vers la transition.
31:59Peut-être j'ai envie de me retourner, je vois Philippe Treynard qui est là, qui bout d'impatience d'intervenir.
32:04On peut vous passer un micro Philippe, parce que vous avez pas mal chez SCORE travaillé sur ces questions d'investissement.
32:12Je vais vous demander une petite remarque, ça va être un peu d'ambiance.
32:15Effectivement, l'investissement responsable, ça reste un peu une équation assez compliquée, mais je crois qu'il y a deux choses auxquelles il faut qu'on fasse attention si on veut préparer l'avenir.
32:29La première, si j'interdis l'interdiction, par exemple vous avez parlé de l'interdiction du charbon.
32:35Si j'interdis massivement les énergies carbonées, ça veut dire que la technologie de décarbonation, capture du carbone, je ne l'aurai pas.
32:44Donc on abandonne cette voie. Il faut toujours être conscient qu'il y a derrière ce type de positionnement des conséquences qui peuvent être massives.
32:54Et peut-être que demain, en fait on s'est trompé, c'est ça la technologie de l'avenir.
32:58J'en ai aucune idée, parce que bien évidemment, pour l'investissement vert, la technologie de l'avenir, nous ne la connaissons pas encore vraiment.
33:06Est-ce que c'est le vent ? Est-ce que c'est la décarbonation ? Et c'est la concurrence qui va le déterminer, c'est le marché, c'est pas l'Etat.
33:13Le deuxième point, je voulais juste me permettre, avec un petit sourire, bien évidemment on va valoriser, en prenant des mesures juridiques, un certain nombre de technologies, des alternatives qu'on va appeler alternatives.
33:28Je me souviens à l'époque, mais il va redevenir à la mode après les élections qu'on a vues en Allemagne et Sarah Wagenknecht,
33:35c'est-à-dire cette idée que par ces mesures-là, en fait, c'est le capitalisme qui est celle de valoriser certaines technologies, parce qu'il a envie de faire ce remplacement, n'est-ce pas ?
33:46Et c'était une thèse qu'un économiste français qui s'appelait Bol Bochara à l'époque, le capitalisme monopoliste des Etats, avait avancé.
33:53Je ne veux pas dire qu'il avait raison, etc., mais il faut faire attention aussi dans ce type de mesures que, quelque part, on prend partie, on tranche dans le marché et on crée dans le marché des perdants et des gagnants, et peut-être pas nécessairement dans le bon sens.
34:08Donc vous avez un défi qui est énorme, une fois qu'on regarde au-delà du court terme et du très court terme, où on a une distinction qui est parfois un peu trop claire entre vert et brun, parce que les bruns sont peut-être de futurs verts très efficaces.
34:23Merci beaucoup de cette intervention. Peut-être qu'on approche à la fin de cette table ronde. J'ai envie de poser aussi une question au directeur de l'ISG.
34:31Les jeunes aujourd'hui, on les sent extrêmement sensibles, et ils ont bien raison à ces questions de climat, mais en même temps, quand on fait une école de commerce, on fait ça pour les raisons probablement de dire qu'on va gagner de l'argent, qu'on va être dans le monde de l'entreprise.
34:45Est-ce que les jeunes sont devenus schizophrènes aujourd'hui dans vos écoles entre « j'ai envie de gagner de l'argent » ou « j'ai envie de protéger la planète » ? Est-ce qu'ils choisissent encore des métiers parce que c'est là qu'on fait fortune dans la finance à Londres ou ailleurs ?
34:58Est-ce qu'ils vont vers ce qu'on appelle la finance d'impact, cette nouvelle finance qui est en train d'émerger où on va essayer d'avoir peut-être une logique de rendement beaucoup plus faible mais avec un impact sur la planète beaucoup plus grand ?
35:10Il y a eu une étude il y a quelques mois de ça sur les motivations en école, pas simplement de commerce, mais dans les écoles, dans le monde des écoles. Le salaire fait partie des premiers éléments de motivation quand on choisit de faire des études supérieures.
35:26La première des raisons pour laquelle on choisit de faire des études, pour laquelle on décide d'investir et de passer 5 ans de sa vie pour décrocher un master et 3 ans de plus éventuellement pour aller décrocher un doctorat, c'est en premier lieu parce qu'il y a des enjeux qui sont des enjeux financiers et des enjeux financiers qu'on comprend bien.
35:45Parce que quand vous avez des études qui sont payantes, parce qu'il y a aussi un coût d'opportunité, parce que vous n'avez pas travaillé forcément, il faut qu'il y ait un retour sur investissement. Il est très fort. Il est d'autant plus fort que l'on est dans une phase d'accélération des frais de scolarité dans toutes les écoles, forcément. Est-ce que les questions environnementales comptent ? Bien entendu. Est-ce qu'on préfère travailler dans une entreprise qui respecte un certain code de déontologie ? Bien entendu.
36:14Est-ce qu'on préfère travailler dans une entreprise qui respecte un certain code de déontologie écologique ? Bien entendu. Mais moi c'est une question que je pose invariablement quand on est au moment des concours d'entrée.
36:29C'est est-ce que si demain je vous disais que vous veniez d'abandonner, alors que vous étiez en recherche d'emploi depuis 6 mois, depuis un an, depuis un an et demi, que vous veniez d'abandonner un premier emploi à 50 000 €, à 80 000 €, à 100 000 €, à 120 000 €, est-ce que vous accepteriez ? Et il y a toujours un prix. Et il y a toujours un prix.
36:53Et nos étudiants, la première des raisons qui font qu'ils choisissent de venir étudier, c'est en premier lieu pour des questions de rémunération. Bien entendu, ensuite, la première des réponses de leur part, c'est oui mais si je travaillais dans une entreprise dont je ne partageais pas les valeurs, parce que c'est ça le fond, est-ce que je pourrais travailler avec des gens dont je ne partage pas les valeurs ?
37:14Est-ce que je pourrais travailler avec une entreprise dont je ne partage pas les valeurs ? Si vous ne pouvez pas en partager les valeurs, très clairement, c'est que vous ne pouvez pas travailler avec elle dès le départ. Et que vous estimez que vous pourrez la changer éventuellement. Mais le fond, c'est que malgré tout, tout ça est quand même bien monnayable. On en fait parfois des films sur cette capacité à monnayer. Est-ce que tout est monnayable ?
37:39Et quand il s'agit de partir, vous voyez, puisqu'on parle beaucoup de ces sujets-là aussi, nous on est très surpris. Alors c'est beaucoup d'éducation, c'est des incitations que l'on met aussi dans nos écoles sur les déplacements de nos étudiants. Mais il y a une très forte demande de la part de nos étudiants d'international. Et l'international, c'est pas partir à vélo.
38:06L'international, pour eux, c'est un international distant. C'est un international qui veut dire pour eux Asie, qui veut dire pour eux Amérique, où forcément, il y aura à prendre des moyens de transport qui seront carbonés.
38:18Où forcément, quand on leur dit, mais est-ce que vous avez conscience qu'un certain nombre de personnes préconisent de limiter le nombre de voyages au cours d'une vie et que peut-être vous avez déjà épuisé votre stock ?
38:29Vous avez fait consommer tout votre capital.
38:31Exactement. Peut-être même qu'avant d'arriver à l'école, ils ont consommé tout leur capital. Et je vais même vous dire mieux que ça. J'ai certains de nos étudiants qui ont plus fait de voyages intercontinentaux que de voyages à 20 km de chez eux.
38:47Voilà. Dans des villes qui sont au bord de mer. Mais ils n'y sont pas allés parce que ces villes-là, elles étaient psychologiquement à des années-lumière de ce qu'ils avaient envie de voir.
38:58Et que pour eux, l'international et la proximité, elle se fait avec des villes qui sont très distantes. Et ça, c'est un point sur lequel il est compliqué de faire évoluer les mentalités.
39:10Parce que quand ils viennent dans l'enseignement supérieur, ils y viennent avec une certaine idée de « j'ai envie d'international », de « j'ai envie de rémunération », de « j'ai envie de gagner ma vie correctement ».
39:22Et bien entendu, si on peut en plus de ça sauver la planète, c'est très bien. Mais si on ne peut pas, on aura fait ce qu'on a pu.
39:30Vincent, ça sera le mot de conclusion. Il reste 40 secondes.
39:33C'est vrai que progressivement, il y a un arbitrage entre une rationalité économique. Alors qu'on est étudiant, on veut gagner sa vie. Après, on investit pour gagner sa vie. Dans une entreprise aussi, on veut qu'elle rapporte de l'argent.
39:45Et la rationalité écologique qui s'installe aussi. C'est-à-dire que quand on est étudiant, on veut que l'entreprise dans laquelle on s'investit, elle ait une pérennité dans le temps.
39:54Et de même que le chef d'entreprise, non seulement sortir un dividende à la fin de l'année, mais aussi que son entreprise dure des dizaines d'années.
40:02Donc progressivement s'installe cet arbitrage entre la direction financière d'une entreprise qui avait la main sur les décisions et la direction RSE qui n'était là que pour produire des rapports et se conformer de manière réglementaire au cadre législatif.
40:17Mais progressivement, avec la pression des fournisseurs, avec la pression des salariés, avec la pression des clients, avec ce cadre-là, le chef d'entreprise sera obligé de faire cet arbitrage entre cette rationalité économique et cette rationalité écologique qui n'est pas forcément irréconciliable.
40:32Simplement, il faut instaurer un peu de long terme dans les décisions.
40:35C'est vraiment une seconde parce que c'est fini.
40:38Ce qu'on voit aussi de la part de nos étudiants, c'est que ce nouvel environnement crée aussi de nouvelles opportunités pour tous nos étudiants, des opportunités entrepreneuriales.
40:47Je vais en donner un exemple.
40:49Il y a deux étudiants qui ont créé une boîte qui s'appelle Reborn qui recycle du matériel de bureau et ils ont imaginé des produits et un service qui s'inscrivent totalement dans cette logique de donner une seconde vie à des produits.
41:08Et ça, typiquement, ce sont des étudiants que l'on voit de manière de plus en plus régulière, qui ne se retrouvent pas dans du salariat et qui voient dans ce nouvel environnement aussi d'autres opportunités de créer de nouveaux business.
41:24Merci. En tout cas, je partage l'idée que la génération climat, j'en ai quelques-uns aussi dans mon entourage proche, peut-être changent un peu d'état d'esprit sur cette finance, la rentabilité, tout ce qu'on nous avait appris à l'école.
41:38Il faut faire 10-15% des réunions. Ils ont un raisonnement qui commence à être un peu différent et qui rejoint finalement cette question de l'impact de l'entreprise sur la planète.
41:48Merci beaucoup. Au revoir.
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