• il y a 2 mois

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00:00– De retour dans votre émission Angle de vue avec Rosette Jean-Louis
00:08et nous allons aborder vos luttes syndicales.
00:11– Alors juste avant, Rosette Jean-Louis, on va rebondir sur la première partie
00:17où vous avez dit que vous n'êtes pas féministe et pourtant dans le féminisme
00:21il y a aussi beaucoup cette notion de lutter pour une égalité homme-femme
00:27sur le plan des salaires, droit du travail, accès à l'emploi,
00:32aussi droit à disposer librement de son corps.
00:36Ce ne sont pas des combats qui parlent à la militante que vous êtes ?
00:40– Ah si, ces combats, au-delà de ce que je dis, bon je ne suis pas féministe,
00:44je ne veux pas qu'on me voie avec une étiquette,
00:49tout ce qui est droit de la femme, tout ce qui est salaire, accès au droit, à la famille,
00:57moi je suis intransigeante dessus, je n'ai pas besoin d'avoir une étiquette
01:03pour vraiment me battre aux côtiers, parce que je le fais dans mon quartier.
01:07Quand on accompagne les femmes qui sont en précarité
01:11ou qui font des démarches pour obtenir ce qui normalement leur est dû,
01:16moi je n'ai aucun problème avec ça, je suis féministe.
01:20Le non, ça ne me parle pas, mais le militantisme féminin,
01:27bon ben j'y adhère à 100%.
01:31– Vous aimez dire que vous êtes une militante dans l'âme,
01:33toujours à défendre une cause, à mener un combat,
01:36d'où vous vient cette fibre de l'engagement ?
01:39– Alors quand on a vu une enfance comme la mienne,
01:43où on est tombé dans la vie sans le demander,
01:50on se trouve confronté, et comme je disais,
01:53où on se bat, où on se laisse aller, et on parle dans des dérives.
01:59Et ça, ça n'a jamais été mon caractère,
02:03parce que j'ai été élevée par une grand-mère qui était une dame quand même de fer,
02:09qui nous a beaucoup inculqué des valeurs,
02:12donc partant de là, je ne pouvais pas dévier.
02:18Et puis bon, je suis née comme ça, à l'école,
02:22j'ai toujours été un petit peu insolente, plus quand j'ai grandi,
02:29mais je me suis forgée en fait.
02:32– Rosa Jean-Louis, vous avez milité notamment dans les rangs de la CDMT,
02:36quelle est la lutte syndicale la plus mémorable que vous ayez menée ?
02:40– Alors la plus mémorable, c'est celle devant RFO Martinique,
02:45où il y avait une grève parce que la direction refusait de reconnaître le droit syndical.
02:53Et là, je faisais mes débuts et je me suis découverte une passion, le chant.
02:59Et j'avais fait un chant devant RFO,
03:04on était restés quelques jours quand même à griver,
03:09on s'était organisé sur la mer, dans les communes,
03:13et c'était un très beau combat.
03:15Et puis l'autre qui m'a manqué, c'est celui de la caisse des écoles avec les agents,
03:21en 91, où on s'était mobilisés, pour quoi faire ?
03:27Pour demander un jour de réception des salariés,
03:31que les plonges soient adaptées parce qu'on avait tendance à avoir mal au dos,
03:36et puis tout court qu'on nous respecte en tant qu'agent de cantine.
03:42– Engagée dans le syndicalisme à la fin des années 80,
03:46donc 1989, vous rentrez à la CDMT,
03:51aux côtés de grandes figures syndicales de l'époque,
03:54c'est l'époque où le syndicalisme était vraiment un espace où on se formait,
04:00où on apprenait vraiment des méthodes, on travaillait sur le dialogue social.
04:04– Il y avait une école de formation d'ailleurs,
04:06on se retrouvait au foyer des jeunes travailleurs,
04:09on se retrouvait à PLM Bâtelier, où on était formés,
04:15parce qu'il faut connaître les textes,
04:16il faut connaître tout ce qui entoure le droit syndical,
04:22il faut aussi respecter l'autre en face.
04:25Moi aujourd'hui, le constat c'est que tout le monde est syndicaliste,
04:29à partir du moment où on sait vociférer,
04:34ou à la limite on peut envoyer quelques pierres, mais on est syndicaliste.
04:38– À l'époque, vous avez dû jouer des coudes pour vous imposer en tant que femme,
04:42dans un milieu qui était encore très masculin ?
04:44– Je n'ai pas eu ce problème-là, parce qu'on me l'a fait sentir,
04:48parce qu'il y avait cinq syndicats à la ville,
04:51j'étais la seule femme du syndicat CDMT-Mérite-Fort-de-France,
04:55où j'entendais les commentaires au style,
04:59« Ah mais il n'y a pas de noms comme ça, ou bien Mlle Kaban Nougaz ? »
05:05Et je me mettais debout, du haut de mes 1,58 m, et j'affirmais mes positions.
05:10J'ai gardé de très bons rapports avec mes collègues syndicalistes,
05:15il y en a qui n'y sont plus,
05:17mais je n'ai jamais eu de problème, ni pour m'exprimer, ni pour m'imposer,
05:22ça se fait naturellement, je n'ai pas à faire beaucoup de choses
05:27pour que les gens m'acceptent, donc je n'ai pas ce problème-là.
05:30– Vous disiez à l'instant que le syndicalisme d'hier n'est plus celui d'aujourd'hui,
05:34l'engagement, le militantisme,
05:36est-ce que ce sont des valeurs qui se sont perdues, selon vous,
05:39dans la société d'aujourd'hui, ou qui ont pris d'autres formes peut-être ?
05:43– Elles se perdent, c'est-à-dire que les vraies valeurs du syndicalisme,
05:47c'est-à-dire qu'en face, on a quelqu'un qui a tort,
05:53ce n'est pas parce que la personne est syndiquée avec nous
05:56qu'on doit tout accepter et le défendre, bec et ongles.
06:00Il faut qu'on soit en capacité de dire aux militants,
06:04de dire à la personne qui vient se syndiquer,
06:08tu as des droits, mais tu as des devoirs.
06:11Il y a une charte aussi que l'on met en place où le syndicat,
06:16il a des barrières qu'il ne doit pas franchir.
06:19On peut être très bien avec quelqu'un, mais ne pas accepter
06:23et avoir le courage de lui dire, je ne peux pas te défendre, ça m'est arrivé.
06:28Je ne peux pas te défendre parce que tu n'écoutes pas
06:31et parce que tu ne respectes pas ton travail.
06:34Et là, je ne peux pas.
06:35– Aujourd'hui, vous estimez que le syndicalisme actuel,
06:38c'est davantage un combat anti-patron, qu'il n'y a plus de nuance ?
06:42– Ah oui, moi, c'est clair et net.
06:44Moi, ce que je vois, c'est que systématiquement,
06:49on est dans l'opposition, il faut discuter.
06:53Maintenant, je ne suis pas non plus en matière de syndicalisme,
06:57il m'est arrivé quand même à affirmer ma position,
07:03à être ferme, mais de manière…
07:06Je ne parle pas avec une idée, aujourd'hui, je vais péter un patron.
07:11Je dis non parce qu'on est des partenaires sociaux.
07:16Et ça, il faut faire la différence.
07:18Maintenant, on ne va pas se laisser faire parce qu'un patron,
07:22il se dit, ouais, mais ces gens-là, ils ne sont rien, je vais les…
07:25Non, à ce moment-là, la casquette-là, elle devient sérieuse dans la tête.
07:31Mais tout est dans le dialogue et le dialogue social,
07:34pour moi, c'est primordial et là, je n'en vois pas beaucoup.
07:38– Vous avez quitté les rangs de la CDAMT quelques années plus tard,
07:41vous y êtes restée une dizaine d'années environ.
07:43– Oui, je suis partie en 2001 avec le plan d'incitation à la retraite.
07:48Donc, ce qui fait que, bon, je me suis dit,
07:51le militantisme, ce n'est plus comme avant, je ferai autre chose.
07:57– Aujourd'hui, d'ailleurs, vous faites autre chose,
07:59vous êtes au conseil citoyen de votre quartier, Sainte-Thérèse.
08:03Pour vous, c'est une instance qui a vraiment une utilité
08:06parce qu'on vous entend souvent dire, mais tout ça, ça ne sert finalement à rien.
08:09On négocie des choses en conseil citoyen et elles ne sont pas mises en œuvre.
08:13– Ben, écoutez, un conseil citoyen, déjà,
08:16il est élu par un collège d'habitants et un collège associatif.
08:22Le conseil citoyen, il ne dépend pas d'élus.
08:26Ça, c'est clair, c'est net et nous l'affirmons.
08:29Nous sommes en co-construction, mais nous ne dépendons de personne,
08:33sauf, il faut rappeler aussi que c'est un dispositif de l'État de 2014.
08:38Nous sommes accompagnés par l'État, nous avons une déléguée du préfet.
08:43– C'est une activité bénévole ?
08:44– Oui, tout à fait.
08:45Et nous travaillons avec la sous-préfète aussi à la cohésion.
08:49Donc, nous, on est vraiment dans le doigt fil
08:51de ce que c'est que la citoyenneté.
08:54Donc, aujourd'hui, aucun élu ne viendra me dire ce que je dois faire.
08:59– Et dans ces rangs, au conseil citoyen ou ailleurs,
09:03est-ce que vous préparez, vous qui êtes une grande militante,
09:07est-ce que vous préparez la relève ?
09:09Est-ce que cette relève, elle existe, déjà ?
09:11– La relève est difficile à construire parce que, vous savez,
09:16quand vous avez franc-parlé, les gens vous disent
09:20« Ouais, mais si je viens là ? »
09:22Et puis, c'est du travail, c'est de l'acharnement.
09:25Je peux vous dire que des fois, je me dis « Mais que suis-je venue faire là ?
09:30J'ai ma famille, j'aurais pu prendre mon pied, partir.
09:35Ça ne m'empêche pas de voyager.
09:36Mais aujourd'hui, c'est une sacerdose, quoi.
09:40Il faut vraiment aimer son quartier, aimer ce qu'on fait, déjà.
09:45Aimer l'humain.
09:47Et moi, c'est sur l'humain.
09:48Je table sur l'humain.
09:49Je ne veux pas voir, je n'aime pas l'injustice.
09:53Je n'aime pas voir la souffrance des gens.
09:55Et c'est ce qui m'a poussée, d'ailleurs, au syndicalisme.
09:59Alors, j'ai été un peu surprise quand j'ai été élue au Conseil citoyen
10:03parce que c'est une élection, comme toute élection.
10:07Il y a un président, un vice-président, un trésorier.
10:10Et on réalise ce que c'est lorsqu'on a la première réunion avec les autorités.
10:17On se dit, waouh, quand on est en face des autorités,
10:21il faut savoir de quoi on parle.
10:23– Mais vous aviez cette expérience syndicale.
10:25On va parler rapidement de la relation de proximité
10:27que vous avez nourrie avec Aimée Césaire
10:30puisque vous avez intégré la mairie de Fort-de-France en 1975.
10:34En tant qu'agent de cantine, on l'a dit.
10:36Quel souvenir vous gardez de votre première rencontre
10:38avec le maire de Fort-de-France de l'époque ?
10:40– C'était dans le cadre syndical.
10:43Dans le cadre syndical avec les crèches, les agents de cantine.
10:47Et je me rappelle toujours, un jour, il m'a dit,
10:50mais je ne comprends pas, mais quel mousse vous a piqué ?
10:54Alors je lui ai dit, mais c'est une fête de nous recevoir, monsieur le maire.
10:59Aujourd'hui, nous sommes là, nous sommes en ombre.
11:02Donc j'espère, avec le docteur Aliker,
11:04j'espère qu'aujourd'hui, notre revendication, elle aboutira.
11:08Et puis chaque matin, je devais passer le salué.
11:13Pour moi, c'était non seulement un patron,
11:15mais c'était… parce que je l'appelle grand-père d'ailleurs.
11:18– Quel souvenir et quels enseignements vous gardez de lui ?
11:22– C'était un homme très ouvert.
11:26C'était un homme… il était humain, mesdésias.
11:31Il était ferme.
11:32Parce que, oui, il se faisait entendre, il se faisait respecter.
11:37Mais ce n'était pas le patron très rude pour qui, par contre,
11:44si on n'avait pas rendez-vous avec lui, il ne fallait pas venir et puis s'imposer.
11:50Mais on a reçu des journalistes canadiens.
11:55On a reçu Akio, et c'est toujours avec un énorme plaisir.
11:59Il m'a dédicacé d'ailleurs une de ses photos.
12:02Et c'est de très, très bons souvenirs, mesdésias.
12:06– Roselyne Jean-Louis, nous allons marquer une dernière coupure
12:09avant de revenir pour parler de votre combat actuel,
12:12votre quartier Sainte-Thérèse.
12:14À tout de suite.

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