Les désillusions de la réindustrialisation
Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
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00:00Emmanuel Ducrot, c'est à vous, bonjour Emmanuel !
00:02Bonjour Dimitri, bonjour à tous !
00:03On va se poser une sacrée question ce matin,
00:05est-ce que la France va arriver à se réindustrialiser ?
00:08On se rappelle que c'était l'une des grandes ambitions d'Emmanuel Macron,
00:11la grande fierté de Bruno Le Maire aussi.
00:12Eh bien, les dernières nouvelles ne sont pas très bonnes.
00:14Vous voyez St-Ziv qui pousse son rocher en haut d'une montagne
00:18et qui doit recommencer chaque matin,
00:20eh bien la réindustrialisation française c'est un peu ça.
00:22St-Ziv en ce moment est en bas de la montagne, il va devoir remonter.
00:26Selon les chiffres du cabinet Trendeo, entre avril et août,
00:29les fermetures de sites industriels en France ont été plus nombreuses que les ouvertures,
00:33dix usines en moins sur la période.
00:35C'est un retournement de tendance et c'est dommage
00:37parce que depuis 2016, hors période du Covid,
00:40ça allait dans le bon sens.
00:42La réindustrialisation, même si on partait de très loin,
00:44elle existait réellement.
00:46Il y a eu des fermetures retentissantes,
00:48on pense à Boche en Haute-Savoie,
00:49mais le rythme d'installation des nouvelles usines,
00:52c'est ça qui est en train de se tasser.
00:54Oui, au-delà du sol c'est ça qui est ennuyeux.
00:55Il y a moins de nouvelles usines qui s'installent.
00:57Sur les six premiers mois de l'année,
00:5918 nouveaux sites seulement en France
01:01et 30% de moins qu'en 2023 sur la même période.
01:05Qu'est-ce qui explique ce retournement de tendance, Emmanuel ?
01:07Une multitude de facteurs.
01:09D'abord, l'inflation qui a rendu toute construction plus coûteuse.
01:12Alors oui, ça se tasse,
01:13il y a des projets qui ne sont pas nés à cause de ça
01:15et ça crée un trou démographique dans la vie des entreprises.
01:18Il faut ajouter à ça la hausse des taux d'intérêt,
01:20des tensions géopolitiques,
01:21la concurrence de la destination américaine aussi
01:24avec des subventions massives dans le plan de réduction de l'inflation.
01:27Et là, vous avez ce qu'on appelle les causes exogènes.
01:30Il y a des raisons aussi bien franco-françaises.
01:32Et oui, c'est ça qui est intéressant.
01:34La fin du plan France Relance
01:36qui avait été lancé pendant la crise sanitaire.
01:38Vous savez, quand on s'était rendu compte
01:40qu'on avait des trous dans des secteurs stratégiques
01:42à cause de la désindustrialisation.
01:46On avait consacré un peu plus de 30 milliards
01:48à l'installation de nouvelles usines.
01:49Ça a très bien marché, mais c'est fini.
01:52Et vu l'état des finances publiques,
01:53on risque de ne pas y revenir de sitôt.
01:55On a d'autres freins.
01:56Par exemple, la loi zéro artificialisation net.
01:59Elle empêche encore des entreprises
02:01de trouver des terrains à bâtir.
02:02Alors, il y avait des bonnes raisons à cette loi ZAN,
02:04mais elle a des effets indésirables.
02:06Et puis, bien sûr, le climat politique baroque.
02:08La dissolution, ça a été le coup de grâce.
02:11Et c'est dommage, parce que la France
02:12a de vrais atouts industriels.
02:14Oui, il y en a beaucoup, et notamment un
02:16vis-à-vis de ses partenaires européens
02:18et de l'État industriel par excellence,
02:20l'Allemagne, qui a du plomb dans l'aile
02:21puisque sa production industrielle décline.
02:23La stabilité, la fiabilité du système énergétique français
02:27qui repose sur le nucléaire face au risque
02:29de pénurie en Allemagne, c'est un avantage imparable
02:32dont on ne se rend pas bien compte.
02:34Le vrai carburant pour pousser six ifs
02:36sur sa montagne, il est là.
02:38Signature Europe 1, Emmanuel Ducrot.
02:40Merci beaucoup Emmanuel.