Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd'hui, il reçoit Géraldine Maillet à l'occasion de son nouveau livre « Ma Minuscule ».
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00:00Europe 1, 11h, 13h, Pascal Praud et vous.
00:07Vous connaissez Géraldine Maillet que vous voyez régulièrement chez Cyril Hanneda
00:12et qui signe un roman drôle, bouleversant, sublime,
00:15Ma minuscule chez Harper Collins,
00:18et vous parlez évidemment d'un sujet qui touche sans doute beaucoup d'auditeurs,
00:24à la fois l'AVC, l'Alzheimer, les urgences, les PAD,
00:28le travail du personnel soignant, et on n'en parle sans doute pas suffisamment.
00:32Vous êtes dans un déjeuner de famille, votre grand-mère, Mamie Téti,
00:36presque centenaire, s'écroule devant vous.
00:40Oui, ça se passe un dimanche, on est en famille,
00:43et effectivement je vois ma grand-mère qui ferme les yeux,
00:47la tête révulsée en arrière, et je vois qu'elle bascule dans un autre monde,
00:51et je suis évidemment démunie.
00:53Ça se passe à la fois très lentement et très vite,
00:56et j'ai évidemment tout de suite le réflexe de me rendre compte que c'est très grave.
01:00J'appelle tout de suite les pompiers, mais tout de suite c'est dix minutes d'attente,
01:04et pendant ces dix minutes tout passe dans votre tête,
01:06c'est-à-dire que vous vous dites, est-ce qu'elle va mourir dans mes bras ?
01:09Est-ce qu'elle va mourir dans ce salon où je vais tous les dimanches,
01:12et donc ce sera à jamais marqué dans ma mémoire ?
01:15Est-ce que je vais réussir à la sauver alors qu'elle a tant fait pour moi ?
01:18C'était une femme forte, magnifique, sublime,
01:21et là c'était une sorte de petite chose recroquevillée,
01:24une sorte de têtard inanimé.
01:26Donc en fait, ces dix minutes me paraissent interminables et en même temps fulgurantes,
01:30et j'ai au bout du téléphone une femme absolument incroyable
01:34qui me guide, qui me tient la main à distance,
01:37qui me dit quoi faire pour justement éviter que ce soit radical, définitif, trop grave.
01:42Donc je fais comme je peux.
01:44Je suis à la fois peut-être aidée, mais je ne m'en souviens pas.
01:47J'ai juste cette femme au bout du fil, ma grand-mère, à qui je tiens la main,
01:51et je me dis vite, venez arriver, sauvez-la.
01:54Les pompiers arrivent en dix minutes.
01:56Je suis à Rissorangis, en Essonne.
01:59Ils arrivent, ils sont trois, incroyables,
02:03extrêmement bienveillants, extrêmement efficaces.
02:07Ils font des gestes, je regarde un peu hébété, un peu cas au debout.
02:11Je vois que c'est leur quotidien.
02:13Il y en a un même qui me dit qu'il y a 150 000 AVC par an en France,
02:16donc je me dis que finalement ce que je vis est très universel, malgré tout.
02:21Et ils s'occupent de ce petit bout de femme,
02:23ils la mettent sur un brancard,
02:25et ils disent qu'on va l'amener aux urgences très très vite.
02:27Et moi, Pascal, on en parle tous les soirs,
02:29et Géraldine, on en parle tous les soirs à la télévision.
02:31Je me dis, mon Dieu, ma grand-mère a 94 ans,
02:36on va l'amener aux urgences.
02:38Ils vont faire quoi aux urgences, en fait ?
02:40Elle ne sert plus à rien, ma grand-mère, elle est trop vieille.
02:42Ils vont la laisser sur le bas côté de la vie,
02:44ils ne vont pas s'en occuper.
02:46C'est ça mon quotidien, c'est ça qu'on entend tous les jours à la télévision
02:49ou à la radio.
02:51C'est ça que j'ai l'impression de constater.
02:53Et ben non, ils l'embarquent,
02:55ils l'embarquent dans le camion,
02:57ils acceptent que je monte avec eux,
02:59on a des masques en plus, on est un peu entravés par tout ça.
03:02Elle arrive aux urgences,
03:04et là, directement, elle va faire une IRM.
03:06C'est-à-dire qu'elle n'attend pas.
03:08Il y a un coup de fil, c'est très grave,
03:10et je vois qu'ils se disent,
03:12ben non, 93 ans, on sauve, on s'en occupe.
03:14On essaie d'en faire quelque chose.
03:17Et donc, elle disparaît dans les couloirs des urgences
03:19de l'hôpital de Corbeil-Essonne,
03:21et je la vois 45 minutes après,
03:23aux soins intensifs,
03:25allongée,
03:27elle a subi une IRM,
03:29elle a subi très vite une thrombolise pour résorber le caillot dans le cerveau
03:31qui avait déclenché.
03:33Parlez de ça, parce que la thrombolise,
03:35je crois qu'elle ne peut agir
03:37que dans les 6 premières heures.
03:39Absolument, c'est pour ça
03:41qu'elle est aux soins intensifs, c'est pour ça que c'est une urgence.
03:43En fait, l'AVC a créé un caillot
03:45dans le cerveau qui a fait plus ou moins de dégâts
03:47et de dommages.
03:49Et en fait, ils veulent résorber au plus vite
03:51en ayant visualisé avec l'IRM ce caillot
03:53qui donc se balade
03:55et donc cette thrombolise permet
03:57de fluidifier le caillot
03:59et de le dégager au plus vite
04:01pour qu'il y ait de moins en moins de séquelles.
04:03Et là, moi je suis évidemment
04:05pleine d'espoir,
04:07pleine de reconnaissance,
04:09pleine d'appréhension, et je me dis
04:11donc en fait, aujourd'hui en France, en 2023,
04:13j'ai sauvé une femme de 93 ans.
04:15Les urgences étaient pleines
04:17ce jour-là, c'était un dimanche.
04:19Je vois qu'il y a des gens
04:21cabossés, des gens qui n'ont rien à faire aux urgences,
04:23des gens qui ont tout à faire aux urgences,
04:25mais ma grand-mère, en fait, elle est allée directement
04:27faire une thrombolise et une IRM.
04:29Et je me dis, mais c'est incroyable ! Et elle est aux soins intensifs.
04:31Et je me balade dans ce couloir
04:33des soins intensifs, et je vois que dans ce couloir
04:35il n'y a que des gens qui ont eu des AVC,
04:37me dit-on.
04:39Et je vois qu'en fait, c'est la loterie.
04:41C'est-à-dire qu'il y a des gens plus jeunes que moi,
04:43il y a des gens de 30 ans,
04:45il y a des obèses, il y a des très vieux, il y a de tout.
04:47Voilà, c'est vous et votre chance.
04:49Et pourtant, il y a
04:51une chambre qui est magnifique,
04:53qui est flambant neuve, qui est hyper moderne
04:55pour ma grand-mère, et qui va rester là pendant deux jours.
04:57Donc elle va subir deux thrombolises,
04:59très vite, parce qu'effectivement,
05:01vous avez raison Pascal, le risque de l'AVC,
05:03c'est qu'en fait, dans les 48 heures, il y en ait un autre
05:05qui soit encore plus fulgurant, encore plus radical,
05:07et encore plus, voilà, malgré tout,
05:09plus définitif.
05:11Ma grand-mère n'est plus que l'ombre d'elle-même,
05:13elle est complètement incohérente, elle ne me parle que des lasagnes
05:15qu'elle a mangées ce fameux dimanche.
05:17Voilà, elle est ailleurs,
05:19elle est déjà dans un monde parallèle, mais elle est là,
05:21elle est consciente, elle est vivante, elle est avec nous,
05:23elle me reconnaît, mais elle ne sait pas
05:25où elle est, elle ne sait pas ce qui se passe.
05:27Et c'est ce que j'ai voulu raconter,
05:29c'est-à-dire que je me suis dit qu'il m'arrivait
05:31un truc exceptionnel pour moi, mais complètement
05:33universel, qui concerne tout le monde aujourd'hui.
05:35On a tous, comme vous l'avez dit,
05:37un frère, une mère, un grand-parent, un frère,
05:39et tout ça, qui est confronté à ça.
05:41Et le chemin,
05:43le chemin de croix, le chemin,
05:45le parcours du combattant aussi, quand ça vous arrive,
05:47qu'est-ce qu'on fait
05:49de nos vieux, de nos aînés,
05:51de nos anciens ?
05:53Comment on accepte ça, nous,
05:55quand on est famille, quand on est accompagnant,
05:57quand on est aidant ?
05:59Elle vivait seule, elle ne peut plus vivre seule,
06:01on doit diagnostiquer
06:03qu'elle a un Alzheimer, parce que forcément,
06:05c'est ce qui a accéléré
06:07la sénescence et le processus.
07:05Abonnez-vous !
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14:47– On termine avec ce livre de Géraldine Maillet avant de partir pour le stade de France.
14:51« Ma minuscule... » La couverture, c'est la photo de votre... ?
14:55– Oui, c'était il y a deux ans. Vous imaginez aujourd'hui, si vous la voyez, c'est méconnaissable, c'est fulgurant.
14:59– Parce que là, elle ne fait pas 91 ans, là, sur la photo.
15:01– Elle a 91 ans, oui, c'est une photo qu'on avait faite ensemble.
15:03– Elle est belle, sur cette photo. – Oui, elle est très belle.
15:06– Alors, il y a plein de choses que vous notez et qui est un travail quasiment journalistique.
15:11Clara a 30 ans, élevée à Meudon, son conjoint travaille comme graphiste dans la pub.
15:15Ils ont une petite chienne, Satie, qu'ils ont récupérée dans un refuge en Moldavie.
15:19Clara a toujours été familière du milieu médical, sa mère travaille en pharmacie, son papa est infirmier.
15:25Elle aime l'équitation, mais ça coûte trop cher, elle va arrêter.
15:28Elle a baigné et grandit dans la musique des années 70 grâce à son père,
15:31qui était batteur dans un groupe, elle adore écouter Jacques Brel.
15:34Sinon, Clara est hâtée comme ses parents, elle s'efforce toujours d'être de bonne humeur,
15:38et ne sait pas si elle veut avoir des enfants.
15:40Elle est à 80% depuis un an, et elle gagne 1677 euros net par mois.
15:47– Clara, c'est une nutritionniste diététicienne,
15:50et en fait, on mesure pas à quel point c'est important,
15:53parce qu'en fait, il faut tout réapprendre après un AVC Pascal et Géraldine,
15:57il faut tout réapprendre, il faut réapprendre à boire et à manger.
15:59Et moi ça, je le savais pas, parce qu'on a peur de fausses routes,
16:02elle ne sait pas bien déglutir, donc on introduit dans les boissons
16:06des poudres épaississantes pour éviter justement les fausses routes.
16:09Et voilà, et ces gens que j'ai rencontrés, j'ai voulu interviewer,
16:14ils étaient d'abord habités par leur passion,
16:17ils avaient, comme je l'ai dit tout à l'heure, choisi la gériatrie,
16:19pas faute de mieux, c'est-à-dire que c'est des gens qui veulent faire ça.
16:23Ils adorent leur métier, ils ne voient pas le grand âge comme nous, comme moi,
16:28ils voient ça comme une sorte de continuité logique,
16:30comme une chance, comme un autre monde,
16:32et donc ils ne jugent pas leurs vieux, ils rient de leurs vieux,
16:35parce que c'est aussi une manière pour eux de tenir,
16:37sans les juger, mais avec beaucoup d'amour et beaucoup de bienveillance,
16:40et aucun ne m'a dit qu'ils ne gagnaient pas assez.
16:43Tout le monde m'a dit que c'était difficile,
16:45tout le monde m'a dit que les conditions n'étaient pas évidentes,
16:47parfois que ça manque de moyens,
16:49mais malgré tout ça tient, malgré tout, coûte que coûte, ils font le boulot,
16:52ils n'abandonnent pas, et ça je trouve que c'est aussi très important.