L'institut de sondages IPSOS a publié le 19 septembre 2024 la 10ᵉ édition de son étude "Global Trends". Portée sur 52 000 personnes de 50 pays différents, elle fait notamment état de confiance qu'ont les citoyens en l'avenir. Alexandre Guerin, directeur général d’IPSOS en France, fait l’analyse des résultats dans SMART IMPACT.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00L'invité de Smart Impact c'est Alexandre Guérin, bonjour.
00:10Bonjour, merci de m'accueillir.
00:11Bienvenue, vous êtes le directeur général d'Ipsos en France.
00:14Ipsos qui vient de publiser son étude Global Trends,
00:17c'est juste pour prendre conscience de ce que ça représente,
00:20c'est combien de personnes interrogées dans le monde,
00:23surtout ça représente combien de pays.
00:25Alors Ipsos Global Trends, c'est une enquête extrêmement ambitieuse.
00:28On interroge plus de 50 000 personnes dans le monde,
00:31dans 50 pays, on couvre les trois quarts de la population mondiale
00:34et 90 % du PIB mondial.
00:36Donc c'est une enquête extrêmement riche, extrêmement dense, complètement globale.
00:40Qui donc existe depuis dix ans, dix ans de Global Trends.
00:43C'était quoi l'ambition quand elle a été lancée ?
00:45Alors en fait, le dixième anniversaire et l'ambition à l'époque,
00:49c'était de comprendre quelles étaient les tendances de fond
00:51et quels étaient les signaux que l'on pouvait capter
00:54pour les décideurs qu'ils soient publics ou privés.
00:57Donc c'est vraiment un outil, c'est une boussole en fait,
00:59dont se servent à la fois les institutions publiques
01:01et les entreprises privées pour comprendre le monde
01:04et trouver un moyen de s'y positionner.
01:06Et alors, pour l'un des thèmes qui est un des thèmes majeurs de Smart Impact,
01:09la transformation environnementale et sociétale,
01:13à quel point vous voyez cette préoccupation grandir,
01:18ou pas d'ailleurs, dans ces trois quarts de l'humanité ?
01:22Alors la bonne nouvelle, c'est qu'on atteint aujourd'hui,
01:24je pense, un consensus mondial sur le fait que si on ne change pas,
01:28on court à la catastrophe.
01:29On est quasiment à 80% dans tous les pays du monde.
01:32Il y a des variations, bien évidemment.
01:34Et la France, on est à 80%.
01:35Et là, maintenant, c'est stable.
01:36Donc ce consensus, il existe.
01:39La question, c'est plutôt, qu'est-ce qu'on fait ?
01:41Et là, on voit que pour deux tiers des personnes,
01:43notamment en France, il n'est pas trop tard pour agir.
01:46Ça, c'est la bonne nouvelle.
01:47Par contre, là où le bas blesse, c'est quand on demande aux personnes,
01:50est-ce que vous, vous pouvez changer ?
01:52Trois quarts des Français nous disent,
01:53moi, je fais déjà le maximum.
01:54Oui, alors ça, c'est vraiment l'un des chiffres qui m'a...
01:57Il y a une affirmation, vous proposez un certain nombre d'affirmations.
02:00Je fais déjà tout ce que je peux en matière d'environnement.
02:02Et alors à cette question, on a 72% de la population mondiale qui répondent,
02:06je fais déjà tout ce que je peux.
02:0869% en Europe et 73% en France.
02:13Alors comment vous l'analysez, ça ?
02:15Il y a une sorte de motivation en berne, de lassitude ?
02:18Comment vous l'analysez ?
02:19Alors il y a une forme d'anxiété, déjà, premièrement.
02:22Et puis, il ne faut pas oublier que nous sommes dans un contexte qu'on appelle de poly-crise.
02:25Donc il y a la crise environnementale,
02:26mais il y a également une crise économique, sociale, géopolitique.
02:30Et ça, c'est ce qui définit un petit peu notre époque post-Covid.
02:33C'est cette conjonction de crises qui crée de l'anxiété.
02:36Donc les Français, pour répondre à ça, ont une vraie tendance à se replier sur soi.
02:42Donc les problématiques un petit peu adjacentes, on va dire,
02:45ce n'est plus de ma responsabilité, c'est aux autres.
02:47Et ce que nous disent très clairement les Français,
02:49c'est que les personnes qui doivent agir,
02:50c'est avant tout les entreprises.
02:52Moi, je fais déjà le maximum.
02:53Oui, alors justement, est-ce que ça rejoint, finalement,
02:56ce que les Français vous disent,
02:58les aspirations ou les inquiétudes des entreprises ?
03:02Alors oui, les entreprises, je pense qu'il y a une vraie prise de conscience.
03:06La question, c'est comment est-ce qu'on l'active ?
03:08On voit aussi dans notre étude que le niveau de confiance
03:11qu'ont les Français et la population mondiale
03:13envers les entreprises, on va dire libérales, est assez faible.
03:16On est à 35 % dans le monde.
03:18On est à moins de 30 % en France.
03:20Donc, il y a un déficit de confiance qu'il faut recréer.
03:23Et nous, ce qu'on voit dans le travail qu'on fait avec nos clients,
03:26notamment, c'est qu'il faut que les entreprises trouvent un moyen
03:28d'être pertinents, de gagner en pertinence, de gagner en proximité.
03:32On fait d'autres études passionnantes
03:33où on lisse à peu près 60 causes d'engagement
03:36et on voit qu'il y a des grandes différences
03:38entre ce que les entreprises peuvent faire
03:40et ce qui résonne auprès de leur public.
03:42Donc, c'est très important de bien comprendre ça
03:44pour ne pas faire de bêtises.
03:47On a l'exemple, par exemple, aux États-Unis,
03:49d'Harley Davidson et Jack Daniels
03:51qui doivent rebrousser en arrière
03:52sur leur politique de diversité et d'inclusion.
03:55Mais on voit aussi que quand on arrive à trouver les causes
03:58sur lesquelles on peut avoir un impact,
04:00là, on arrive à faire des choses.
04:01Par exemple, les fans de Netflix
04:03sont quatre fois plus engagés que la moyenne
04:05dans l'égalité hommes-femmes.
04:06Intéressant.
04:07Je vous pose cette question sur l'engagement des entreprises
04:10parce qu'on commence,
04:12et un peu dans cette émission,
04:14peut-être pas forcément à l'antenne,
04:15mais un peu dans les discussions,
04:17à avoir un drôle de discours.
04:19L'environnement, ce n'est plus à la mode.
04:21Vous voyez ce que je veux dire ?
04:22Ça rejoint cet effet de lassitude
04:25ou cet effet de polycrise.
04:27Et finalement, cette crise-là,
04:28on va la laisser un peu de côté pour l'instant.
04:30Exactement.
04:31Donc, il faut réussir à trouver la bonne hiérarchie.
04:34Je rappelle que les plus grandes préoccupations
04:36des Français aujourd'hui
04:37sont sur des thématiques régaliennes
04:39de pouvoir d'achat, de sécurité, etc.
04:42L'environnement, ça monte et ça descend
04:45en fonction des aléas climatiques.
04:47C'était dans le top 3
04:51après l'incendie de la dune du Pila.
04:53C'est redescendu ensuite.
04:54Oui.
04:54Mais est-ce que c'est lié aussi à la communication,
04:57à une sorte de récit positif
05:01ou de récit à réinventer
05:02sur ces enjeux de transformation ?
05:04Tout à fait.
05:04Alors, il y a clairement un manque de vision.
05:06Ça, c'est clair.
05:07Et ça concerne à la fois les acteurs privés
05:09et les acteurs publics.
05:10Alors ensuite, en France,
05:12on est assez pessimiste.
05:13Et on le voit d'ailleurs dans notre étude
05:15sur toutes les questions sur l'état du monde,
05:17l'état du pays,
05:19le rapport à l'innovation et aux nouvelles technologies.
05:22On a des scores qui sont plus faibles.
05:24Et notamment la thématique techno-solutionniste,
05:26on va dire.
05:27Est-ce que l'innovation, c'est important
05:28pour répondre aux défis climatiques ?
05:31Dans le monde, on est plutôt à 70 %.
05:33En France, on est divisé à 50-50.
05:36Donc, il y a aussi un enjeu, je pense,
05:37d'éducation, de communication
05:40pour pouvoir répondre à ces attentes.
05:42Et alors, effectivement, vous le disiez,
05:43la question de la confiance dans l'avenir.
05:45Ça, c'est un autre chiffre qui m'a frappé.
05:47Les résultats moyens des Français
05:49nous montrent qu'on est plus sceptique
05:51comparé aux 50 pays étudiés.
05:5313 % des Français se disent optimistes.
05:57Et c'est 18 points de moins que la moyenne mondiale.
06:00C'est quand même beaucoup.
06:01Et je pense que ça peut être quand même
06:03un handicap pour un pays.
06:05Comment vous l'expliquez, ça ?
06:06Cette continuité dans le pessimisme à la française.
06:09Parce que là, vous avez 10 ans de recul.
06:11Complètement.
06:12Alors, c'est quelque chose qu'on voyait même avant.
06:14Donc, il y a une exception culturelle française,
06:16on va dire, et qu'on voit dans toutes les études.
06:18Donc, ça, c'est le premier point.
06:19Mais il n'y a pas que ça.
06:20Il y a le contexte de polycrise.
06:22Il y a un sentiment d'abandon.
06:24Ce qui progresse le plus dans notre étude,
06:25par exemple, c'est la crainte des Français
06:27que tous les dispositifs sociaux de protection
06:31ne seront plus au niveau.
06:33Donc, ça, c'est quelque chose aussi sur lequel
06:34on voit une forte progression.
06:36Et ensuite, et ça, c'est peut-être spécifique à la France,
06:39les Français, face à cette absurdité du monde,
06:41on va dire, face à ce manque de vision,
06:43ont une tendance à se replier sur soi,
06:46ont une tendance à se replier sur leur cercle immédiat.
06:49Et le grand paradoxe de l'enquête,
06:51c'est que 13% des Français sont optimistes pour le monde,
06:5521% pour leur pays.
06:57Mais pour moi et ma famille, à 59%, ça va bien.
07:00Donc, les Français arrivent à trouver des mécanismes
07:04pour retrouver un petit peu de confiance et d'optimisme.
07:06Mais ça se fait au niveau extrêmement local.
07:08C'est dans mon cercle premier.
07:10Et là, on retrouve aussi d'autres choses
07:12qui sont intéressantes.
07:13Il y a un regain de la nostalgie.
07:16Est-ce que je veux qu'on pays redevienne ce qu'il était avant ?
07:19Là, on est sur des niveaux très élevés à 70%.
07:21En France ?
07:21En France.
07:22Et ça, c'est également en protection, tout à fait.
07:25Et est-ce que je vis dans le présent
07:27parce que l'avenir est incertain ?
07:28Là aussi, on a des très hauts scores à plus de 70%.
07:30Donc, on trouve aujourd'hui, en France,
07:33ce paradoxe entre une situation qui est angoissante,
07:35mais une forme d'hédonisme dans mon premier cercle,
07:40extrêmement poussé,
07:41qui, quelque part, définit un petit peu notre culture aussi.
07:43Oui, c'est vrai.
07:44Mais en vous entendant, je me dis,
07:46est-ce que les JO peuvent changer quelque chose ?
07:47Alors, l'étude, elle a été faite avant.
07:49Alors, elle a été faite avant.
07:50Oui.
07:50Exactement.
07:51Mais ça m'intéresserait de savoir
07:53parce que ça a été un moment où on a fait nation,
07:57où on s'est prouvé un certain nombre de choses
07:58dans la capacité à organiser un tel événement.
08:00Il y a une sorte de fierté nationale, d'ailleurs,
08:02qui a été évaluée récemment.
08:05Je crois que c'était chez nos confrères du Parisien
08:07aujourd'hui en France.
08:08Qu'est-ce qui peut en...
08:10Est-ce que c'est une parenthèse ?
08:11Ça y est, c'est fini.
08:11On est reparti dans la polycrise dont on parle.
08:14Ou est-ce qu'il peut y avoir une vague sur laquelle surfer ?
08:17Alors, il y a eu un avant et un après JO.
08:19Ça, c'est clair.
08:20D'ailleurs, l'étude du Parisien, on l'avait faite avec eux.
08:22C'était une chose qu'ils l'avaient faite.
08:24Et on était passé de, on va dire,
08:25deux tiers des Français qui n'y croyaient pas,
08:29qui n'étaient pas intéressés,
08:31à un renversement.
08:33Deux tiers des Français extrêmement contents.
08:35Et ce qui s'est passé,
08:36c'est qu'on a retrouvé un petit peu de se vivre ensemble
08:38qui nous manquait, qui nous faisait défaut.
08:40Ça a été une pause.
08:41Et les commentaires qu'on peut avoir,
08:43assez qualitatifs aussi,
08:44montrent bien que ça a recréé de l'échange
08:47avec des gens avec lesquels on n'échangeait pas forcément.
08:50Donc, il y a eu quelque chose d'assez nouveau.
08:52Ça a fait beaucoup de bien au pays.
08:54Combien de temps est-ce que ça va durer ?
08:55Là est la question.
08:56Mais c'est pour ça que votre étude,
08:58qui est passionnante,
08:59vous nous le disiez,
09:00elle est décortiquée par les chefs d'entreprise
09:01ou par des régions, des collectivités.
09:04Donc, qu'est-ce qu'ils peuvent faire des JO ?
09:07Moi, je n'ai pas la réponse.
09:08Je pense que le défi est collectif.
09:10Mais ils doivent se poser cette question aujourd'hui.
09:13Quand on décortique cette étude avec nos clients privés,
09:18je vois quatre grands thèmes.
09:19Le premier, c'est de bien aligner
09:22votre positionnement corporel
09:24avec des causes sur lesquelles vous pouvez avoir un réel impact.
09:27On ne peut pas tout faire.
09:28Je dis souvent que les entreprises ne vont pas changer le monde,
09:30mais elles peuvent changer leur monde.
09:32Et ça, on le voit dans les études.
09:33C'est extrêmement important.
09:35Deuxièmement, dans l'offre même des entreprises,
09:39tout ce qui va tourner autour du local,
09:41du vivre-ensemble, du portage, de l'expérientiel,
09:45il y a clairement une forte demande pour ça.
09:48Et on voit des clients qui pivotent vers ça.
09:50Troisième grande leçon,
09:52dans toutes les communications, dans tout l'engagement,
09:54on a besoin d'empathie.
09:55On a besoin de recréer du lien humain.
09:57C'est une valeur cardinale aujourd'hui
09:59pour ne pas être hors sol, en fait, tout simplement.
10:03D'ailleurs, c'est un commentaire qui pourrait aussi
10:05concerner nos décideurs politiques également.
10:07Et le quatrième ?
10:08Et le quatrième, c'est tourner autour du monde des ressources humaines,
10:11je trouve, puisqu'on a beaucoup entendu parler ces derniers temps,
10:14dans un monde post-Covid, de télétravail,
10:17de désengagement, de grandes démissions, etc.
10:20Mais ce qu'on voit dans notre étude a tendance à démontrer le contraire.
10:23Les Français ont de plus en plus envie de faire carrière.
10:26On est passé de 30 à 37 % en 10 ans,
10:29à plus de 50 % sur les jeunes.
10:31Et donc, je pense qu'il y a un grand malentendu, en fait,
10:33qui est sans doute un malentendu générationnel
10:35entre les personnes qui embauchent
10:37et les personnes qui arrivent sur le marché du travail
10:40et les thématiques de sens,
10:42de contenu du travail,
10:44de transparence sur la progression.
10:46Ça, ce sont des choses aujourd'hui sur lesquelles
10:48on voit qu'il y a un malentendu dans les entreprises
10:50et on encourage évidemment tous nos clients à y travailler.
10:52Merci beaucoup, Alexandre Guérin.
10:54Et à bientôt sur Be Smart For Change.
10:57On passe tout de suite à notre débat,
10:58la place du vélo dans nos villes.