Avec Robert Bourgi, avocat et auteur de “Ils savent que je sais tout : ma vie en Françafrique éd. Max Milo
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NewsTranscription
00:00Sud Radio Bercov, dans tous ses états, le face-à-face.
00:07Robert Bourgi, bonjour.
00:11Très heureux de vous recevoir pour ce livre,
00:15moi qui m'a touché à lancer son, je le rappelle, son des entretiens d'abord avec Frédéric Lejal,
00:20le journaliste qui vous a suivi, enfin qui vous a entendu pendant je crois près d'un an à peu près, c'est ça.
00:25Et un livre,
00:27et il s'appelle « Ils savent que je sais tout ».
00:31Alors justement, je ne sais pas si vous savez tout, mais en tout cas, vous racontez beaucoup de choses dans votre livre
00:37qui est sous-titré « Ma vie en France-Afrique » aux éditions Max Milot.
00:41Et c'est un livre que j'ai lu d'une traite, je peux vous dire, j'ai passé mon week-end à le lire,
00:45parce que ce que vous racontez, alors c'est très intéressant, vous allez en y voir beaucoup,
00:51en passionner beaucoup,
00:53en indigner quelques-uns,
00:56mais vous dites les choses telles que vous les avez vécues et telles que vous les sentez, que vous avez envie de les raconter.
01:03Alors moi, ce que je voudrais, c'est une paix, on ne va pas faire ni de la morale pour qu'on sait bien, c'est pas bien, etc.
01:09On va faire de la mécanique, Robert Bourgi.
01:12– Absolument.
01:12– Ce qui m'intéresse, ce qui nous intéresse d'ailleurs, et aux éditors Sud Radio et à tout le monde,
01:18c'est que vous avez été au centre, vraiment depuis quarante ans, depuis plus de quarante ans,
01:23des relations entre
01:26la France, l'État français, les chefs d'État, les conseillers, les ministres, et, effectivement,
01:33la plupart, je dirais, des chefs d'État de l'Afrique francophone.
01:37Pratiquement, je ne dis pas tous, mais enfin, avec, effectivement, le papa Robert Bongo,
01:43et puis, tous les autres que vous racontez, que vous citez.
01:48Et puis, les présidents de la République, et, si vous aviez à définir votre rôle, parce que, il y a deux aspects
01:57fondamentaux, je dirais.
01:58C'est d'abord cet aspect, je sais que vous n'aimez pas l'expression
02:02porteur de valise ou convoyeur de fonds, mais quand même, vous étiez chargé,
02:06vous le racontez à moult reprises,
02:09de convoyer des sommes d'argent de chefs d'État africains
02:13envers des chefs d'État ou de l'administration française.
02:16Et, d'un autre côté, vous étiez aussi conseillé, aussi bien conseillé d'un certain nombre de chefs d'État africains, que conseillé
02:23des pouvoirs du pouvoir en France.
02:25Et, vous citez des gens que vous avez très bien connus et fréquentés, de Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy,
02:32en passant par Dominique Villepin,
02:34Claude Guéant, et tous les autres. Moins mitterrand, parce que vous étiez plutôt d'un côté que d'un autre, mais quand même.
02:40Alors, moi, ce que je voudrais vraiment que vous expliquiez, Robert Bourgi, parce que c'est très...
02:46Comment étaient ces relations,
02:49ces relations, je dirais, des dons, des cadeaux,
02:53parce qu'il y avait quand même beaucoup d'argent, vous dites, des millions de francs,
02:57des millions de dollars, où l'euro n'existait pas à l'époque. Enfin, si, après, depuis 2000, il était
03:04là. Qu'est-ce qu'il faisait ? Qu'est-ce que cette espèce d'entretié était ? Pourquoi ? Comment ?
03:09Parce qu'on voit un peu, quand on vous lit votre livre, il y a des sommes, quand même,
03:13considérables, et des sommes qui passent pas du tout par les canaux
03:17bancaires ou autres, qui passent par des valises, on l'amène, et puis même des djembés. Vous racontez cette histoire de djembés formidables,
03:24avec Dominique Villepin. Alors, racontez-nous, c'est quoi cette mécanique ? Ce que vous avez
03:29presque instauré, et on va parler de Jacques Faucard avant, mais pendant près de 40 ans.
03:33Comment ça se passe ? Comment ça se passe ? Et pourquoi ?
03:36Monsieur Bercoff, je n'ai rien instauré du tout.
03:39Je me suis situé
03:41dans le prolongement
03:43ce que, gamin,
03:45j'avais vu faire par mon père.
03:49Vous savez, l'enfant voit tout, entend tout,
03:52et retient tout.
03:54Je voyais M. Faucard à la maison,
03:56et au fur et à mesure des années...
03:59Jacques Faucard. Jacques Faucard. Jacques Faucard. Tout cela a commencé en 47, 48.
04:06L'année où mon père a rencontré Jacques Faucard. Et vous étiez enfant ? J'étais gamin.
04:11Et dans les années 50,
04:14je voyais cet homme venir souvent à la maison,
04:17et papa le rencontrait souvent. Papa ne parlait pas le français.
04:22Vous êtes bien placé pour le savoir, M. Bercoff,
04:25la plupart des Libanais parlent un sabir.
04:29Plutôt que le français. Le franc mané. Voilà.
04:32Et mon frère Albert, qui est mon aîné de trois ans et demi, et moi-même, nous accompagnons mon père.
04:39Et c'est là que
04:42quelque chose s'est passé entre M. Faucard et nous, les gamins.
04:46Et nous voyons ce qui se disait, ce qu'il faisait,
04:51et
04:53Donc on savait qu'il avait une question d'argent.
04:57Et je rappelle que M. Faucard était le monsieur Afrique du général de Gaulle.
05:00Du général de Gaulle. Oui.
05:02Et à chaque fois que M. Faucard passait par Dakar,
05:07papa réunissait les Libanais à la maison.
05:11C'était le chef de la communauté libanaise.
05:13Vous viviez à Dakar au Sénégal ?
05:15Absolument. Et vous savez ce que c'est que le chef d'une communauté libanaise.
05:20Ils étaient plusieurs milliers, et les gros donateurs se réunissaient à la maison,
05:25et on voyait, on entendait un million, deux millions, trois millions de francs CFA de l'époque.
05:31Et le franc CFA valait double.
05:33Ah oui, le franc CFA qui valait le double du franc.
05:35Du franc français.
05:37Jusqu'en 1993.
05:39Et un jour,
05:41papa nous dit accompagnez-moi à l'hôtel de la Croix du Sud.
05:47La Croix du Sud, c'était le plus bel hôtel de Dakar.
05:51Nous sommes en 1955.
05:531954-1955.
05:55Et on accompagne papa à l'hôtel de la Croix du Sud,
05:58parce qu'il fallait quelqu'un pour parler,
06:00comprendre.
06:02Et c'est là que je vois M. Faucard qui attendait papa,
06:06et il dit,
06:08M. Bourgi, je vous conduis à M. Pompidou.
06:12Pompidou.
06:14Et j'entends,
06:16directeur de cabinet du Général,
06:18et directeur de chez Rothschild,
06:20je dis bien M. Pompidou.
06:22Et c'est là que j'ai vu pour la première fois,
06:26ce M. Pompidou, l'image est devant moi.
06:29Et on a salué M. Pompidou, on est sorti.
06:32Pendant l'entretien, on est sorti.
06:34C'est pour cela, je rappelle au lecteur,
06:37que lorsque M. Faucard fait ses mémoires,
06:41lorsque M. Pompidou est devenu président de la République française,
06:45et au retour de ses tournées en Afrique,
06:48M. Faucard rendait compte au président de la République.
06:51Et lors de ces multiples entretiens,
06:54quand il parle de mon père,
06:57il dit, j'ai vu Bourgi.
06:59C'est que le monsieur qui entend la parole,
07:03sait qui est M. Bourgi.
07:05Et là j'ai vu ce que c'était,
07:09que monnayer une action politique.
07:12– Alors c'est très intéressant, juste un mot,
07:14puisque vous vous rappelez, même si vous étiez enfant,
07:17il s'agissait de faire des dons à l'époque de votre père,
07:20dans l'ensemble de la communauté, pour qui et pourquoi ?
07:22Pour soutenir qui et quoi ? C'était quoi ces dons ?
07:24– L'action du général de Gaulle, patron du RPF,
07:28qui traversait son désert entre 1946 et 1958,
07:33et papa amassait une somme considérable d'argent,
07:39parce qu'il n'était pas simplement le monsieur Liban au Sénégal.
07:44Sa voix était écoutée dans les colonies d'Afrique occidentale.
07:48Et à chaque fois qu'il y avait quelque chose à faire,
07:52M. Faucard passait, il faisait la tournée dans les colonies,
07:56d'Afrique de l'Ouest, et il rendait compte à papa,
07:59voilà, voilà, voilà, les personnes…
08:01– Ah oui, il lui racontait aussi tout ce qu'il avait fait en Afrique.
08:04– Exactement, et papa, c'était le tamtam arabe,
08:07papa faisait comprendre qu'il fallait faire parvenir à Dakar,
08:12capitale de la Ouef, comme vous le savez M. Bercoff,
08:15quantité considérable, et l'argent à l'époque c'était le…
08:21il n'y avait pas de traque-frein ou autre,
08:23l'argent partait par les voies que je ne connaissais pas,
08:26il n'y avait que l'avion.
08:28Mais seulement que les gens se posent la question,
08:32à quoi servait tout cet argent ?
08:35– Ben oui, c'est une question qu'on se pose.
08:37– Ce ne sont pas les militants du RPF en France,
08:41qui étaient plus ou moins en déclin à cette époque-là,
08:44qui alimentaient les caisses du parti politique du général.
08:50Et que les gens se posent la question,
08:53c'est la première fois que quelqu'un, à travers moi,
08:58pose la question aux lecteurs et aux auditeurs.
09:02Le général de Gaulle a acquis, dans les années 50,
09:08alors qu'il n'avait aucune fonction, aucune fonction,
09:12il avait renoncé, rappelez-vous, à sa retraite de général de brigade,
09:16et autre, comment est-ce que le RPF a pu se permettre
09:21d'acquérir un immeuble ?
09:23Cinq rues de Solferino.
09:27Cinq rues de Solferino.
09:30Il n'y avait pas de militants et il n'y avait rien.
09:34– C'est vraiment l'argent de l'Afrique.
09:37– Mais bien sûr M. Bercoff, bien sûr M. Bercoff.
09:41Quand vous lisez les lettres de condoléances
09:46que j'ai reçues à la mort de mon pauvre père,
09:50d'Ethier de Boislambert,
09:52grand chancelier de l'ordre de la libération,
09:55qui faisait partie de l'expédition de Dakar en septembre 40,
09:59les lettres que j'ai reçues de l'amiral de Gaulle, de Philippe de Gaulle,
10:04les lettres que j'ai reçues de Jacques Faucard,
10:09toutes ces lettres, étant d'autres, disent l'ami du général de Gaulle.
10:14Et papa a énormément œuvré pour que le parti RPF puisse exister et vivre.
10:25Et à ce moment-là, dans les années 50,
10:29s'était créée une société qui s'appelait l'île Saint-Germain.
10:35Il y avait Pompidou, Faucard, Hildebrandt
10:40qui était patron des peintures valentines,
10:43Bizot qui était le patron de la BNP,
10:46quelques fidèles du général, dont M. Pompidou,
10:50directeur de la banque Rothschild.
10:53Et papa avait sa carte de militant du RPF,
10:56alors que le RPF était mort, il n'existait plus grand-chose.
11:00Donc si je comprends bien, Robert Bourgi,
11:03vous avez suivi de ce point de vue les traces de votre père.
11:06Mais vous, c'était pour le RPR ?
11:07Absolument, pour le RPR.
11:09Le début, ça a commencé.
11:11Le premier contact avec Jacques Chirac,
11:14c'est une lettre que je lui avais adressée
11:17à la demande de M. Faucard, en 1976,
11:21et à laquelle M. Chirac avait répondu,
11:25ça paraît dans les annexes de mon ouvrage.
11:28Faucard m'avait dit, faites une lettre à M. Chirac
11:32qui a quitté M. Giscard d'Estaing.
11:34Qui était maire de Paris.
11:35Voilà, qui était maire de Paris.
11:36Non, il n'était pas encore maire de Paris.
11:38Ah non, il n'est pas encore maire de Paris.
11:39En 1976.
11:40Oui, c'est vrai.
11:41Faites-lui une lettre, château de Bithy, en Corrèze.
11:43J'avais fait une lettre comme un petit écolier.
11:46Et un jour, M. Faucard me dit,
11:50vous avez rendez-vous avec M. Chirac,
11:52place du Palais Bourbon.
11:54M. Chirac, en 1976, avait un petit bureau,
11:57place du Palais Bourbon.
11:58Voilà que j'accompagne M. Chirac,
12:00M. Faucard, place du Palais Bourbon.
12:03J'attends au café en face, le Bourbon,
12:05M. Faucard, et ensuite, on vient me chercher,
12:08et je vois M. Chirac pour la première fois.
12:11Bel homme, magnifique.
12:13C'est là qu'est né mon amour pour cet homme.
12:16Et ensuite, plus rien.
12:20Jusqu'en 1978, date à laquelle je soutiens
12:25ma thèse de docteur d'État en sciences politiques,
12:28portant sur le sujet, le général de Gaulle et l'Afrique noire,
12:31qui a été primé, couronné, envoyé à la Bibliothèque nationale.
12:36Et je rencontre M. Chirac à la mairie de Paris.
12:40Première fois. Mais longuement.
12:43Et j'avais 15 minutes, m'a dit M. Niquet,
12:48directeur de la communication.
12:50– Vous le racontez dans votre livre.
12:52– On s'est embarqué dans une discussion sur l'Afrique,
12:56et je voyais ce bel homme, maire de Paris,
12:59ancien premier ministre, patron du RPR.
13:02Il était fasciné, oui, fasciné par ce que je racontais.
13:06Il me dit, vous savez Bourgie, je pars à Brazzaville,
13:11pour le centenaire de Brazzaville, vous allez m'accompagner.
13:14Et là je lui dis, mais M. le maire,
13:16je suis professeur à la faculté de droit d'habit de gens,
13:19comment vais-je faire ?
13:20Il me dit, je m'en charge, j'appelle Oufouette Boigny,
13:23et vous allez venir.
13:24Et j'ai retrouvé Jacques Chirac à Brazzaville.
13:27– Dans l'avion.
13:28On va raconter tout cela après une petite pause.
13:30Robert Bourgie, ils savent que je sais tout.
13:33Et effectivement, il sait beaucoup de choses.
13:35A tout de suite.
13:36– Le face-à-face d'André Bercoff revient tout de suite,
13:38et si vous avez une question ou une réaction,
13:40n'hésitez pas à nous appeler au 0826 300 300.
13:45– Sud Radio.
13:49Sud Radio, Bercoff dans tous ses états.
13:53Et comment ne pas être dans tous ses états,
13:55Jean-Julie, la première page du livre de Robert Bourgie,
13:59écrit avec Frédéric Lejal.
14:03Écoutez, ça vaut son pesant, ça se passe en janvier 1988.
14:08Je le lis parce que c'est vraiment typique de tout.
14:12Libreville, présidence de la République gabonaise,
14:15donc palais du bord de mer au Gabon, janvier 1988.
14:19Je rappelle que nous étions en pleine année électorale,
14:23élection du président de la République,
14:25second ou pas septennat de Mitterrand,
14:27qui était face à votre ami Jacques Chirac, Robert Bourgie.
14:31Alors voici ce que vous écrivez.
14:33« Je l'ai rencontré Roland Dumas,
14:35je rappelle Roland Dumas qui a été ministre des Affaires étrangères de Mitterrand,
14:38extrêmement proche de Mitterrand,
14:40qui lui, effectivement, réseautait pour Mitterrand.
14:43Je l'ai rencontré Roland Dumas qu'une seule fois
14:45à l'occasion de la campagne pour la présidentielle de 1928-88 en France.
14:50Nous nous sommes croisés dans l'antichambre du bureau d'Aubard-Bongo,
14:53à l'époque très grand président du Gabon.
14:56Chirac m'avait envoyé pour lui rappeler
14:58qu'une campagne coûtait cher, à force de rire, celle d'une présidentielle.
15:01J'entendais l'être sûr en discutant avec l'aide de Caen
15:04lorsque l'ami et l'homme des missions secrètes de François Mitterrand,
15:07futur président du Conseil Constituel français,
15:10donc Roland Dumas, est arrivé.
15:12« Bonjour Bourgie, comment allez-vous ? Je crois que vous non pour la même chose. »
15:15La lumière rouge s'est allumée.
15:17Respectueusement, je l'ai fait passer avant moi.
15:19Il s'est engouffré dans le bureau aux grands désarrois de l'aide de Caen
15:23qui m'atoisaient en me faisant comprendre que j'avais eu tort.
15:26Roland Dumas est sorti un peu plus lourd qu'en entrant,
15:29plus fort qu'en entrant, le poids de la valise.
15:33Ça c'est mon commentaire.
15:35Puis a fait ce commentaire à Gauguinard.
15:37« Ne vous inquiétez pas Bourgie, je vous en ai laissé.
15:40Une fois dans le bureau d'Aubard-Bongo, j'ai reçu une sacrée avalée.
15:43Mais idiot ! Mais pourquoi t'es pas rentré le premier ?
15:46Papa, je ne pouvais pas, il faut quand même respecter le protocole.
15:49Mais t'es qu'un couillon ! Il fallait rentrer avant lui.
15:51Du coup, la part des Sinajac, c'est lui qui l'a prise.
15:54Maintenant, ce que je vais donner à Chirac est d'une moitié.
15:57Pardonnez-moi papa, mais pouvez-vous avertir M. Chirac ? »
16:01C'était fabuleux. Dans un film, on ne pourrait pas le faire, ça Robert Bourgie.
16:05Et il l'a appelé, Aubard-Bongo à Chirac, pour lui dire ne pas s'inquiéter
16:08et que lui suffirait de me faire revenir à Libreville dans la même semaine.
16:12Et là, il va retrouver son équilibre financier.
16:15C'est fabuleux, quand même. C'est fabuleux.
16:17Alors, c'est quoi ? C'est-à-dire en disant voilà,
16:19bon écoutez, la politique, on a besoin d'argent, donc on compte sur vous ?
16:23Absolument.
16:24C'est ça ?
16:25Absolument. J'étais conseiller politique du ministre de la Coopération à l'époque,
16:29mon seul poste officiel deux ans et demi, la première cohabitation.
16:33M. Chirac me fait venir à la mairie de Paris.
16:36Il était resté maire de Paris.
16:38Comme vous le savez, M. Bercoff, c'est le soir.
16:41Il m'offre sa bière. Il m'en propose une.
16:44Je lui dis, mais M. le maire, je vous ai toujours dit,
16:47jamais appelez M. le Premier ministre.
16:49J'aime pas la bière. J'aime pas la bière.
16:51Il me dit, écoutez, vous contentez de ça.
16:54Il n'a pas de whisky et un peu de bon vin ?
16:56Non, non. Vous savez que j'aime le whisky, mais lui, non.
17:00Et il me dit, voilà, il va falloir aller voir le président Bongo.
17:07Vous savez, j'ai besoin d'argent, j'ai besoin de financement.
17:12La campagne coûte cher.
17:14Nous sommes en face du président et tout.
17:17Il n'y a pas de problème.
17:18Et voilà que je pars à Libreville,
17:20précédé du coup de fil de M. Chirac à M. Bongo.
17:25Bongo me fait venir, d'abord.
17:28Il me reçoit et tout. Comment ça se passe ?
17:30Quels sont les pronostics ?
17:33Comment vois-tu les choses ?
17:35Il vient me voir demain soir.
17:38D'accord.
17:40Le lendemain, l'aide de camp.
17:43Je cite même son nom, le capitaine Simba,
17:48que les Gabonais sachent qui est venu me chercher.
17:53Il me dit, voilà, papa, t'attends.
17:56On est allés. Je m'installe dans la salle d'attente.
18:00Il me dit, ça va, toi ?
18:02Il me dit, ça va.
18:04Pour M. Chirac, ça va ? Je lui dis oui.
18:07On va voir comment ça va se passer.
18:10Et à ce moment-là, la porte s'ouvre
18:14et je vois entrer Roland Dumas.
18:17J'ai dit, mais c'est pas possible.
18:19Et je me lève.
18:20D'abord, la courtoisie que nous connaissons.
18:23Je me lève.
18:24Mes respects, M. le ministre.
18:26Il me dit, ah, Bourgi,
18:28je crois que nous venons pour la même chose.
18:31Je n'ai rien dit, je n'ai pas répondu, moi.
18:33Et il s'installe.
18:35Et à ce moment-là, j'ai écrit la lampe rouge.
18:39Le verre s'est allumé, la lampe verte.
18:41Et Simba, le capitaine Simba me dit,
18:44c'est à toi, c'est à vous, M. Bourgi.
18:48Je dis, Simba, pardon.
18:50M. Dumas doit passer avant moi.
18:53Il me dit, ah non, le président dit que c'était toi.
18:55Je dis non.
18:56Et pourquoi ? Pourquoi vous avez eu cette réaction ?
18:58Franchement.
18:59C'est Roland Dumas.
19:00Que suis-je à côté de Roland Dumas ?
19:02C'est Roland Dumas.
19:03Non, non, je ne suis pas d'accord, M. Bercoff.
19:06Déjà, j'étais perturbé par sa présence.
19:09Il était là.
19:10J'ai dit, mais comment vais-je m'en sortir ?
19:12Enfin, il est rentré.
19:15Et Simba me dit, hé, comme ça,
19:18hé, ça va être chaud pour toi après.
19:23Au bout d'une demi-heure, la porte s'ouvre.
19:27Roland Dumas sort.
19:29Plus lourd qu'il n'y était entré.
19:31– Il avait quoi, franchement ? Une valise, c'est quoi ?
19:33– Il avait un sac.
19:34– Il avait un sac, d'accord.
19:35– Il avait un gros sac.
19:36Et il y avait un autre militaire qui l'attendait dehors.
19:41Et j'ai reconnu le capitaine Anshama.
19:44Il s'appelait Anshama.
19:46C'était les deux aides-de-camp du président à l'époque.
19:49– De Bongo, d'Omar Bongo.
19:50– Du président Bongo, oui.
19:51Et je rentre.
19:54– Il vous a…
19:56– J'ai passé, mais vraiment, une minute très difficile.
20:00Imbécile, couillon, truc.
20:04Bon, enfin, il s'est calmé.
20:06Il me dit, voilà, j'avais préparé comme ça, regardez.
20:09J'avais préparé, regarde, maintenant il ne reste pas grand-chose.
20:12Je lui ai dit, papa, s'il vous plaît, appelez M. Chirac.
20:17Et il a appelé M. Chirac devant moi.
20:20Il dit, bon, mon fiston, il faut que tu me le renvoies la semaine prochaine.
20:24– On va arranger ça.
20:25– Voilà.
20:26Mais la semaine, je suis arrivé…
20:30L'aide-de-camp, l'émissaire arrive à Paris, me contacte,
20:35vient me chercher avec la voiture.
20:37On va à la mairie de Paris, tard le soir,
20:40parce qu'il quittait Matignon vers 20h30, 21h.
20:43Tard le soir, le messager remettait à M. Chirac le cadeau.
20:50Et ensuite, il s'en allait, il m'attendait.
20:54Et on débriefait, quoi.
20:59Il me dit, alors, comment ça s'est passé avec…
21:02Comment il peut vous réunir avec M. Dubin ?
21:05J'ai dit, écoutez, M. le maire, je ne sais pas ce qui se passe.
21:09Je ne sais pas, je me suis retrouvé avec lui.
21:12Et Chirac, de me dire, ce que je n'ai pas écrit,
21:15parce qu'il faut bien un tome 2.
21:17Il me dit, Omar est un malin, Robert.
21:22Je dis, pourquoi ?
21:24Il me dit, il joue sur deux tableaux.
21:26Il me dit, vous ne le connaissez pas, Omar.
21:29Je l'ai connu du temps de M. Pompidou.
21:31Il joue sur deux tableaux.
21:33Il faut que Roland Dumas sache qu'il aide Jacques Chirac.
21:38Il faut que vous, Robert, sachiez qu'il aide aussi le président Mitterrand.
21:44Et le pauvre bourrico que je suis, que voulez-vous ?
21:50Mais alors, la chose intéressante, parce que vous en parlez beaucoup,
21:54Robert Bourget, dans le livre, c'est intéressant,
21:57parce que votre côté oriental aussi joue un rôle très important.
22:01Vous dites, ok, il y a les relations diplomatiques, mais il y a les relations informelles.
22:05Vous, vous jouiez dans l'informel.
22:07Le personnel.
22:08Et c'est très intéressant que chaque fois que vous parlez de conseillers,
22:12vous dites, attention, n'oubliez pas l'anniversaire du fils,
22:15ou le mariage de la fille, etc.
22:18Les liens familiaux et les liens...
22:20Appelez-les tous les jours.
22:22Enfin, appelez un certain nombre de tous les jours.
22:24C'est très intéressant ce que vous racontez.
22:26Mais pour revenir à ces valises et autres,
22:29en fait, vraiment, vous le dites,
22:31et d'ailleurs, Frédéric, Lejal vous pose souvent la question,
22:35vous n'aviez vraiment aucune idée des sommes qui étaient...
22:39Parce que vous le saviez à peu près, vous le citez,
22:41vous dites, c'était jamais moins de 3 millions, de 1 million, etc.
22:44Mais vous n'aviez aucune idée des sommes précises que vous convoyiez ?
22:49À chaque fois que le président Sassou Nguesso,
22:53le président Bongo, ou autre chef d'État,
22:56me chargeaient d'accompagner un émissaire,
23:00je savais exactement quelle était la somme qu'il y avait dedans.
23:04D'accord. Ça vous s'est vu ?
23:06Ah oui.
23:07Normal.
23:08Je savais exactement quelle somme il y avait.
23:11Pourquoi ? Parce qu'un jour, le président Jacques Chirac
23:15pose la question suivante à Bongo.
23:18Il dit, tu m'as envoyé un ambassadeur, Omar.
23:22Comment se fait-il que l'ambassadeur,
23:25qui m'a remis la mallette,
23:29ne puisse pas me donner le code
23:32pour que je puisse ouvrir ?
23:34Il lui dit, Jacques, mais pour qui me prends-tu ?
23:39Moi, je ne fais pas confiance.
23:41Seule Pascaline, ma fille, mon totem,
23:43et Robert connaissent le code qui est le mien.
23:46De la valise.
23:473 x 5.
23:48Et un jour, M. Bercoff, une scène que je n'oublierai jamais,
23:54tant que Dieu me prêtera vie,
23:57l'émissaire arrive,
23:59il met à M. Chirac une belle mallette en croco,
24:05croco noir,
24:07et M. Chirac arrive.
24:09On était dans le bureau de Villepin.
24:11M. Chirac arrive.
24:12Il était secrétaire général à l'époque.
24:14De l'Élysée.
24:15C'est là que ça se passait.
24:16C'était le réceptacle, là.
24:18Et Chirac arrive.
24:20M. l'ambassadeur, mes respects, M. le président et tout.
24:24M. Chirac s'assoit en face.
24:26J'avais l'ambassadeur ici, moi j'étais là.
24:28Et Dominique de Villepin, là.
24:30Et il dit, voilà, M. le président,
24:33M. le président Bongou m'a chargé de vous faire tenir ce message
24:37pour soutenir votre action politique
24:39à la veille de l'élection de 2002.
24:422002, oui.
24:432002.
24:44Comme nous savons que les fonds secrets ont été gelés par M. Jospin,
24:48rappelez-vous, M. Bercoff,
24:50et voilà.
24:51M. Chirac se penche,
24:54et il voit qu'il y a les...
24:56comme nos valises.
24:58Il dit, mais comment vais-je l'ouvrir, M. l'ambassadeur ?
25:02Est-ce que vous avez le code ?
25:04Il dit, non, M. le président, j'ai pas le code.
25:06Comment vais-je l'ouvrir, alors ?
25:08Il dit, non, c'est Robert qui a le code.
25:11Et je vois ce bel homme qui me regarde, qui comprenait pas.
25:16Je lui dis, M. le président, j'ai le code.
25:19Et je me tourne vers Villepin,
25:21je lui dis, Dominique, est-ce que vous pourriez me donner un petit bout de papier
25:24pour que je puisse écrire le code ?
25:26Et j'ai écrit sur un petit bout de papier, 555, plié en quatre,
25:31je me lève respectueusement et je donne au président.
25:34Il l'ouvre, il dit, ah, là, je vais pouvoir l'ouvrir.
25:37Et il l'ouvre.
25:39Selon les habitudes, l'ambassadeur finit sa mission,
25:43il s'en va, le debriefing entre le président, M. Villepin et moi.
25:48Il me dit, qu'est-ce que c'est que ce truc ?
25:51Quand même, il devrait avoir le code.
25:53Je lui dis, M. le président, un jour, M. Chirac, M. Bongo,
25:58le président Bongo vous a parlé de l'évaporation.
26:01Et...
26:03L'évaporation du papier.
26:05Que ça passe par moi, voilà.
26:07Et alors, justement, on va continuer à parler de tout cela
26:11juste après cette petite pause publicitaire.
26:15Mais c'est très intéressant, encore une fois,
26:20parce qu'il y a à la fois cette extraordinaire mécanique
26:24qui s'est mise en place depuis longtemps,
26:26qui s'est mise en place parce que vous parlez de votre père avec Faucard.
26:29C'était déjà en place avec Faucard.
26:31Vous avez continué cela.
26:33Mais on va parler aussi des...
26:35Enfin, de Chirac, de Sarkozy et du reste, enfin.
26:40Et puis, ce que vous avez fait pour faire accéder
26:44la présidente de la République à Fillon.
26:46Là, vous avez beaucoup aidé Fillon, à un moment donné.
26:48Mais ça, c'est la fin.
26:50Le plus intéressant, on va aussi parler des relations,
26:54justement, de cette notion de France-Afrique.
26:56Et aujourd'hui, avec tout ce qui se passe,
26:58je voudrais finir avec ça, avec vous, Robert Bourget,
27:00ce que vous pensez des relations entre la France et l'Afrique
27:02aujourd'hui, en 2024.
27:04Avec votre recul et expérience.
27:13Et avec un personnage que nous avons depuis une demi-heure,
27:16Robert Bourget, conseiller, convoyeur, intermédiaire.
27:23Et c'est absolument...
27:25Et 40 ans, plus de 40 ans d'ailleurs,
27:27puisque tout enfant, effectivement,
27:29il suivait aussi son père.
27:31Quelque part, si je vous dis,
27:33est-ce que c'est pour vous péjoratif ou pas,
27:36que vous ayez été, par exemple,
27:38Jacques Attali d'Omar Bongo ?
27:42– Oui, c'est péjoratif.
27:44– Péjoratif, pourquoi ?
27:47Parce que vous dites, j'ai été le conseiller spécial d'Omar Bongo.
27:51Non mais pourquoi ? Dites-le, c'est pas...
27:54– Moi, Robert Bourget,
27:57à la place privilégiée,
27:59qui était celle de M. Attali,
28:01auprès du président Mitterrand,
28:03je n'aurais jamais écrit les verbatims.
28:06– D'accord.
28:08Ah mais c'est dit, ça.
28:10Oui, c'est-à-dire que vous, vous ne raconteriez...
28:12Jamais vous ne raconteriez...
28:14– Les entretiens et tout, non.
28:16– Oui, d'accord.
28:18Et justement, alors, par rapport à cela,
28:20vous dites quand même,
28:22je voudrais rester sur cette...
28:24votre amitié et tout,
28:26vous avez quelque chose d'assez étonnant.
28:29Robert, on se dit d'abord, mais quand même,
28:31il fait ça pour son intérêt,
28:33mais en même temps,
28:35vous encaissez très bien, par exemple,
28:37quand vous racontez vos disputes avec Villepin,
28:39la manière dont il vous a traité à un moment donné,
28:41ou d'autres d'ailleurs.
28:43C'est intéressant dans votre livre, parce qu'on peut se dire,
28:45mais quoi, il se laisse faire.
28:46Après vous dites, non, c'est pas comme ça que ça se passe.
28:48Vous dites qu'à un moment donné, on monte l'échelle,
28:50on descend l'échelle et on se retrouve.
28:52Vous avez quand même une...
28:53Vous dites, ben, avec Villepin, après on s'est revus,
28:55et ça a été bien, et vous parlez d'autres personnes
28:57en disant, oui, ça a été...
28:59on s'est affrontés,
29:01j'ai été maltraité par eux,
29:03mais on s'est réconciliés.
29:06Vous avez ça, quand même.
29:08– Absolument.
29:10Après notre brouille avec Dominique de Villepin,
29:13une fois qu'il a...
29:15que Nicolas Sarkozy était en charge du...
29:19– Le président de la République.
29:21– Le président de la République,
29:23j'ai retrouvé souvent, j'ai revu souvent Dominique de Villepin,
29:26il m'a dédicacé ses ouvrages,
29:29dont un que j'ai fait figurer dans les annexes et documents,
29:33à mon ami Robert,
29:35en dépit des trous d'air,
29:37le trou d'air c'est...
29:39il continue là, voyez, le cyclone continue ici.
29:42Et je vais vous dire une chose, monsieur Bercoff,
29:48j'ai dit dans les mémoires
29:51qu'il y avait deux hommes que je plaçais au-dessus de tout
29:54dans ma vie politique,
29:56c'est Chirac et Foucart.
29:58Mais juste après,
30:00je mets Villepin et Sarkozy.
30:04Mon seul regret,
30:06c'est que je n'ai pas pu
30:08faire en sorte de les mettre l'un avec l'autre.
30:13Parce que quelle tandem formidable
30:16c'eût été pour la France.
30:18Et j'ai la plus grande,
30:21je le dis haut et fort,
30:24je sais que certaines oreilles ne vont pas l'accepter,
30:27j'ai la plus grande estime
30:29et la plus grande affection pour Dominique de Villepin.
30:32Parce qu'il y a eu des périodes dans sa vie professionnelle
30:36où j'ai découvert l'homme,
30:39le charnel,
30:42ayant du cœur très profond.
30:45Mais il y en a beaucoup, alors en politique,
30:47vous avez quand même côtoyé énormément de gens
30:49de ce côté-ci de la France et du côté de l'Afrique.
30:52Il y a comme toujours des gens formidables
30:55et des gens moins formidables
30:57et de purs salauds, comme dans la vie.
31:00On est bien d'accord.
31:01Et justement, c'est intéressant,
31:03parce que votre position à vous,
31:05ce qui est intéressant,
31:06vous n'étiez pas le pourvoyeur de la main de Céleste,
31:09enfin quand je dis Céleste, on m'entend,
31:11mais vous étiez l'homme qui effectivement
31:14faisait le go-between, comme on dit,
31:17entre...
31:18Et ce qu'il y avait...
31:19Alors vous dites à un moment donné,
31:21et c'est pour ça que c'est intéressant,
31:22on vous pose la question, Fabrique Lejal vous pose la question,
31:25pourquoi ces chefs d'État africains donnaient ?
31:30Et vous dites, à un moment donné,
31:32ils donnaient, oui d'accord,
31:34parce qu'ils voulaient peser,
31:35effectivement, sur la vie politique française,
31:37et c'était à l'époque très important,
31:39mais aussi parce que certains se sentaient
31:41inférieurs ou infériorisés.
31:43Vous en parlez souvent, ça.
31:44C'était le cas ?
31:46Oui.
31:47Combien de fois je disais aux chefs d'État africains,
31:53je les appelais tous par leur prénom,
31:56en dehors d'Omar Bongo,
31:58en dehors d'Omar Bongo.
32:00Tous par leur prénom.
32:01Lui, vous l'appelez papa, on sait, oui.
32:03Un jour il m'a dit, appelle-moi,
32:05un fils appelle le père par son prénom.
32:08Je lui ai dit, papa, je ne vous appellerai jamais
32:10par votre prénom,
32:11je ne vous tutoierai jamais,
32:13c'est mon éducation.
32:15Vous n'y pourrez rien.
32:16Enfin, pas un peu.
32:18Et un jour, j'ai dit,
32:20j'étais réuni chez Bongo,
32:22de temps à autre,
32:23ils réunissaient les chefs d'État,
32:25j'étais là,
32:26je leur dis, mais pourquoi recevez-vous
32:30toujours les ministres,
32:32les secrétaires d'État ou autres,
32:34alors que vos ministres ne sont jamais reçus
32:38par le président de la République française ?
32:40Il faudrait quand même que des deux côtés,
32:44on respecte les grades, les titres.
32:48Il me dit, tu sais, Robert,
32:50mais c'est très dur,
32:52on a besoin de la tutelle de la France.
32:56On a besoin de la tutelle de la France.
32:58Ça, c'est un des côtés déplorables,
33:02tristes de la France Afrique.
33:05Aujourd'hui, on se dirige vers autre chose,
33:08M. Bercoff,
33:10c'est le donnant-donnant.
33:12Tu apportes un, j'apporte un.
33:14Tu enlèves un, j'enlève un.
33:16Est-ce que ce n'est pas mieux que la France Afrique,
33:18justement, le donnant-donnant,
33:20plutôt qu'aller à les dons ?
33:22Absolument. C'est pour cela qu'en septembre 2011,
33:25j'ai fait cette sortie dans le JDD,
33:28et Le Monde, le lendemain,
33:30dit, l'homme qui fait trembler la République,
33:32la République française,
33:34a des bases autrement plus solides
33:36pour qu'un petit Robert Bourgi puisse la faire trembler.
33:38Mais il fallait que ça s'arrête.
33:43Parce que je regardais ce qui se passait dans ces pays-là,
33:48et ça ne servait à rien.
33:50Ça ne servait à rien.
33:52Et pourtant, ça a bien fonctionné pendant des décennies.
33:54Ça a fonctionné, mais il fallait que ça prenne fin.
33:56Et je suis heureux aujourd'hui
33:58que les choses aient tourné différemment.
34:00Alors, Robert Bourgi,
34:02encore une fois, je vous pose une question
34:04que vous a posée Frédéric Lejal.
34:06En aucun cas, vous avez d'ailleurs dit non,
34:08en aucun cas, vous n'avez, vous, personnellement,
34:11touché une quelconque commission
34:13sur ces sommes que vous convoyez.
34:15Monsieur Bercoff.
34:17Appelez-moi Monsieur le Président, ça va très bien.
34:19Vous êtes le Président de mon cœur, oui, certainement.
34:21Monsieur Bercoff,
34:23un jour,
34:25autant tout dire,
34:27j'arrive au grand soir de ma vie.
34:30Un jour, le Président Mongo,
34:32un soir de confidence,
34:34chez lui, à la sablière,
34:36il m'a dit, fiston,
34:38mais tout l'argent que tu donnes,
34:41tout l'argent que tu donnes,
34:43mais est-ce que Jacques,
34:45ou d'autres, que je ne citerai pas,
34:47te remettent quelque chose ?
34:49Je lui ai dit, Papa,
34:51jamais, je n'accepterai
34:53quelques centimes, que ce soit,
34:55de ces gens-là.
34:57Parce que je veux garder ma liberté.
34:59Ma liberté de langage.
35:01Et vous avez assisté,
35:03très souvent,
35:05à mon langage, devant Monsieur Chirac,
35:07devant Villepin, ou autres.
35:10Papa, il vous donne un centime,
35:12vous êtes ligoté.
35:14J'ai toujours voulu
35:16être indépendant financièrement.
35:18Je faisais le métier de lobbyeur,
35:20j'étais bien payé,
35:22mille fois moins payé
35:24que certains cabinets
35:26de relations publiques français,
35:28que vous connaissez, Monsieur Bercoff.
35:30Ou américain.
35:32Ou américain, voilà.
35:34Et vous étiez payé, donc,
35:36par les chefs d'État africains.
35:38Absolument.
35:40Je n'ai jamais
35:42touché un sou
35:44de la République française.
35:46J'ai fait toute cette expédition
35:48pour aller libérer notre jeune
35:50compatriote des géoles iraniennes
35:52du temps d'Ahmadinejad,
35:54aller à Beyrouth,
35:56prendre les avions en première classe,
35:58aller à Damas,
36:00aller à Téhéran, revenir, et tout.
36:02Je n'ai jamais demandé un sou.
36:04Enfin, vous étiez bien...
36:06Bien au contraire.
36:08J'ai eu cette Légion d'honneur
36:10que Nicolas Sarkozy
36:12m'a accrochée,
36:14et le président Macron,
36:16au moment de l'affaire Fillon,
36:18m'a suspendu de la Légion d'honneur
36:205 ans.
36:22En guise de remerciement.
36:24On va parler de tout cela
36:26encore avec Robert Bourgi
36:28et son livre,
36:30vraiment passionnant.
36:32Ils savent que je sais tout.
36:34On va réagir sur notre antenne appelée
36:36au 0826 300 300.
36:38André Bercoff revient tout de suite.
36:42Robert Bourgi,
36:44vous dites à un moment donné dans votre livre
36:46et vous dites
36:48ceci
36:50je travaillais toujours en solo,
36:52c'était ma ligne de conduite.
36:54Je n'ai jamais dévié.
36:56Secret de deux, secret de toujours,
36:58secret de trois,
37:00secret de tous, me répétait tout le temps
37:02Jacques Faucard,
37:04j'en ai fait ma maxime.
37:06Donc, ce que vous racontez ici,
37:08vous dites, on pouvait sortir
37:10tout ce que vous racontez, et c'est énorme,
37:12du sceau et du domaine du secret.
37:14Et pourquoi ?
37:16Ça m'intéresse de savoir pourquoi,
37:18aujourd'hui, vous avez envie,
37:20parce que vous ne donnez pas le secret d'Etat,
37:22il n'y a rien qui va effectivement
37:24provoquer une révolution,
37:26enfin je ne pense pas, mais quand même,
37:28vous racontez énormément de choses,
37:30très intéressantes,
37:32et vous auriez pu dire, oui,
37:34écoutez, moi, j'ai vécu cette vie
37:36formidable, avec effectivement un certain
37:38nombre de gens passionnants,
37:40j'ai fait ce que j'avais à faire,
37:42ce que j'estime que j'avais à faire,
37:44et pourquoi vous écrivez ce livre ?
37:46Quelques temps avant qu'il ne
37:48disparaisse,
37:50au début de l'année 2009,
37:52le président Mbongo,
37:54qui souffrait personnellement
37:56de la maladie
37:58de sa femme,
38:00qui est parti en mars 2009,
38:02lui part en juin 2009,
38:04m'avait fait venir à Libreville.
38:06J'ai trouvé un président
38:08Mbongo là,
38:10fatigué, triste,
38:12et je lui ai dit
38:14« Papa, qu'est-ce qui se passe ? »
38:16« Tu sais que je suis malade, fiston. »
38:18« Papa, j'espère que
38:20vous nous enterrez tous. »
38:22« C'est très dur pour ton papa. »
38:24« Maman est fatiguée,
38:26maman, Edith, sa femme,
38:28elle me dit
38:30« Tu as vu que
38:32depuis deux ans en France,
38:34je n'ai pas le même accueil.
38:36Les gens se détournent plus ou moins de moi.
38:38Je n'arrive plus à voir Jacques
38:40au téléphone.
38:42On me dit à chaque fois qu'il est malade,
38:44et autres. Je sens que
38:46les choses sont différentes
38:48à mon endroit.
38:50Je lui dis « Papa,
38:52c'est pas grave.
38:54Il y aura bientôt les élections.
38:56En 2007, il y aura d'autres élections, d'autres hommes.
38:58Et vous serez là. »
39:00– C'était 2009, là, qu'on voulait dire.
39:02– En 2012, il y a d'autres élections.
39:04Non, ce qu'il me dit,
39:06c'est
39:082009.
39:10– D'accord.
39:12– Et
39:14je le regarde et il me dit
39:16« Je voudrais qu'un jour
39:18tu sois ma mémoire.
39:20Tu sais tout ce que j'ai fait
39:22pour les hommes politiques français
39:24depuis 40 ans.
39:26Depuis Pompidou.
39:28Un jour, tu vas le sortir.
39:30Tu vas tout raconter. »
39:32Voilà pourquoi, M. Bercoff, j'ai tout dévoilé.
39:34– Alors justement, c'est très intéressant
39:36parce que ça va très loin.
39:38Il y a cet épisode formidable
39:40qu'on racontait, d'ailleurs,
39:42où Omar Bongo
39:44donne, je crois que c'était à Chirac,
39:46la liste de son prochain gouvernement.
39:48Racontez-nous parce que c'est formidable.
39:50Attendez, mon cher Jacques,
39:52je vais te dire qui doit prendre comme ministre
39:54pour la France.
39:56– C'était à un moment donné où
39:58on parlait d'un nouveau gouvernement
40:00en France. Le président
40:02Bongo arrive à Paris,
40:04me fait venir à l'hôtel
40:06Meurice, il me dit
40:08« Je viens de parler à Jacques.
40:10Je lui dis alors, papa,
40:12il me dit qu'il fallait que je reçoive
40:14les hommes
40:16qui vont être les hommes
40:18de l'avenir.
40:20Il m'a donné des noms et tout et tout.
40:22Je vais faire une proposition
40:24à Jacques, comme il dit
40:26et on va écrire.
40:28– Il n'y a pas de problème, papa.
40:30– Il se lève,
40:32il va chercher son papier à lettres
40:34que vous avez vu,
40:36il me dit on va écrire.
40:38Et c'est là qu'il a dit,
40:40Premier ministre Sarkozy,
40:42ministre de l'Intérieur,
40:44ministre des Affaires étrangères,
40:46le gouvernement d'ailleurs,
40:48il y avait Michel Barnier
40:50dans le gouvernement,
40:52et il me dit voilà, tu vas porter
40:54la lettre à l'Élysée.
40:56– Il lui donnait ça à titre de conseil, c'est ça ?
40:58Moi je pense que ce serait bien.
41:00Mais il connaissait tellement la politique française,
41:02c'est ça qu'il se trompe de dire, ce chef d'État africain
41:04qui connaissait la politique française comme sa poche.
41:06– Absolument, et il connaissait
41:08toutes les personnes
41:10de chaque formation politique.
41:12Toutes.
41:14Toutes.
41:16Mais il avait des préférés.
41:18Les préférés c'était Dumas et Chirac.
41:20– D'accord.
41:22– Ça sortait pas de là.
41:24Et voilà le bourgi qui va,
41:26qui fait déposer
41:28au secrétaire particulier
41:30du président
41:32la lettre du président Bongo,
41:34et je retourne à l'hôtel Meurisse,
41:36il me dit j'ai eu Jacques.
41:38Il a déjà lu la lettre.
41:40Je lui dis ah bon ?
41:42Il m'a dit qu'il fallait que je reçoive
41:44plusieurs ministres.
41:46Plusieurs futurs ministres.
41:48Je lui dis ah bon ?
41:50Il me dit mais j'ai écrit,
41:52alors là il y avait 7 ou 8 ministres,
41:54même 9.
41:56Il me dit je vais les recevoir.
41:58Je lui dis papa vous n'allez pas recevoir
42:00l'un après l'autre comme ça.
42:02Il me dit non je vais les grouper.
42:04Et voilà que le président Bongo
42:06reçoit dans sa suite de l'hôtel Meurisse
42:08tous les futurs ministres.
42:10Tous les futurs ministres.
42:12Il les a tous reçus.
42:14Fillon, Copé, Bédier
42:16et tant d'autres.
42:18Et moi j'étais assis,
42:20je tenais vous savez le stylo.
42:22Et j'écoutais.
42:24Les gens se reconnaîtront
42:26ceux qui étaient dans cette suite.
42:28S'ils m'entendent ils se reconnaîtront.
42:30Et...
42:32Il me dit maintenant on va
42:34faire une autre lettre,
42:36tu donneras tes impressions
42:38pour donner les impressions à Chirac.
42:40Voilà, voilà, voilà, voilà, voilà.
42:42Et sur tout ce qu'il a reçu,
42:447 ont été promus.
42:46Vous voulez dire
42:487 parmi ce qu'il avait conseillé ?
42:50Parmi les 10 qu'il a reçu,
42:527 ont été promus.
42:54Dont Pierre Bédier.
42:56Mais est-ce que Chirac avait suivi la liste ?
42:58Absolument.
43:00Il avait la liste donnée par Bongo.
43:02Absolument.
43:04En fait c'est intéressant parce que vous parlez
43:06d'une période qui effectivement...
43:08Je peux vous interrompre ? Oui bien sûr.
43:10Deux chefs d'Etat pouvaient se le permettre.
43:12Un c'était Oufouette-Boigny.
43:16Bien avant.
43:18Et Bongo.
43:20Les deux qui pouvaient se permettre d'envoyer un...
43:22Et...
43:24Juste un mot parce qu'on va finir.
43:26Est-ce que ce genre
43:28de relation s'est terminée
43:30aujourd'hui entre la France et l'Afrique ?
43:32Il m'est difficile d'y répondre
43:34puisque depuis 2012
43:36et le départ de Nicolas Sarkozy,
43:38je n'ai été associé
43:40en rien à ce qui touche
43:42à la politique africaine. Depuis 2012 ?
43:44Depuis 2012, si ce n'est
43:46que je garde ce capital inestimable
43:48c'est-à-dire les relations
43:50que j'ai avec
43:52tous les Africains depuis Nouakchott
43:54jusqu'à Kinshasa.
43:56Voilà, la France-Afrique c'était ça,
43:58c'est ça, les bons
44:00et les mauvais côtés. On en a parlé
44:02longuement avec Robert Bourgi.
44:04Merci.
44:06C'est un témoignage
44:08qui vraiment vaut parce qu'il
44:10montre un peu ce qui se passe
44:12en coulisses qu'on ne connaît pas
44:14et montre aussi les témoignages humains
44:16tout aussi intéressants. C'est chez Max Milot.
44:18Voilà, c'est paru
44:20la semaine dernière, c'est bien ça.