Cette bureaucratisation qui nous tue

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Ce mercredi, sur Europe 1, Olivier Babeau s'intéresse au problème de la bureaucratisation en France.
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00:00Et à 7h20 sur Europe en place à l'édito, écho Dimitri Pavlenko.

00:03Bonjour Olivier Vabaud, bonjour Dimitri, bonjour Anissa, bonjour à tous.

00:07Alors Olivier, il y a un chantier prioritaire à vos yeux dont on n'a pas parlé hier, Michel Barnier, dans son discours de politique générale, la lutte contre la bureaucratie.

00:14Au contraire, selon vous, le Premier ministre a annoncé une complexification ?

00:20Dans son discours de politique générale d'hier après-midi, le Premier ministre a quand même annoncé qu'il essaierait de lutter contre les réglementations inutiles.

00:27Il a dénoncé un système de santé, je cite, « malade » de sa complexité et de sa bureaucratie.

00:33Alors, on ne peut qu'approuver, même si ce n'est qu'un timide début, il met le doigt sur un aspect fondamental du mal français.

00:38Et pas seulement français d'ailleurs, car le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité européenne, souvenez-vous, il a tiré la sonnette d'alarme en accusant notamment la bureaucratie.

00:46En quoi la complexité est un problème au-delà du coût des fonctionnaires inutiles ?

00:52Dimitri, souvent on ne voit qu'un bout de la question, c'est-à-dire le personnel public employé a créé cette complexité inutile, mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.

01:00Le coût réel de la complication administrative est souvent ignoré.

01:03Elle représente une charge réelle pour les entreprises, il faut-il y affecter de nombreuses heures de collaborateurs qui auraient pu être consacrés à des choses plus productives ?

01:10Souvent, il faut même recruter des gens spécifiquement. Les évaluations de ces coûts sont rares, mais elles existent.

01:15Dans un article publié dans le Journal of Financial Economics en 2023, deux économistes quantifient le coût de la paperasse et classent sept grands pays européens à partir de l'analyse d'une base de données de 14 000 entreprises industrielles.

01:26Qui gagne le classement ? Je vous le donne en mille.

01:28La France, j'imagine.

01:29Oui, la France est en tête des pertes de PIB causées par la paperasse.

01:32Le coût agrégé par les entreprises est estimé à 4% du PIB, c'est-à-dire environ 120 milliards d'euros.

01:38120 milliards d'euros ?

01:39Un point de PIB, c'est 30 milliards environ, donc c'est environ 120 milliards d'euros.

01:4245% de nos entreprises françaises se disent contraintes par la bureaucratie.

01:45En Espagne, c'est seulement 14%.

01:47En Allemagne, c'est seulement 7%.

01:49Bon, on imagine que le premier effet de la bureaucratisation, Olivier, c'est le manque d'efficacité de l'action publique.

01:55Ah oui, vous voulez un exemple ?

01:57Le député et chef des urgences à l'hôpital Pompidou, Philippe Juvin, a publié il y a quelques semaines sur X une vidéo hilarante sur l'ubuesque complexité de la codification des soins que les médecins doivent remplir pour la sécurité sociale.

02:09Pour chaque patient, il faut indiquer le cas avec une précision totalement folle, ce qui oblige le professionnel de santé à fouiller dans un invraisemblable menu déroulant.

02:17Voici un exemple. Un patient vient vous voir parce qu'il est tombé.

02:20Le médecin est contraint de coder la chose.

02:22L'ordinateur propose « chute dans un escalier et de marche en se reposant, en dormant et en mangeant ».

02:27Ce qui ne sera pas la même chose que « chute dans un escalier et de marche dans un local industriel » ou encore « dans un établissement collectif » ou encore « en participant à un jeu dans des activités de loisirs ».

02:37À quoi sert la distinction pour la sécurité sociale ?

02:39Alors là, mystère absolu.

02:41Ce qui est certain, c'est le temps gâché à ces sottises qui auraient été quand même bien mieux employées face à un malade.

02:45Alors, nous ne mourrons pas seulement des réformes qu'on ne fait pas, nous mourrons aussi des actions inutiles que la machinerie bureaucratique s'oblige à faire et nous oblige à faire.

02:53Alors c'est bien de le dire, on ne peut que encourager le gouvernement et puis Guillaume Kasbarian, qui est le ministre de la fonction publique, de la simplification et la transformation de l'action publique.

03:02Reste toujours cette angoisse, une fois que le diagnostic est formulé, comment un État qui vit et profite de la bureaucratie, un État qui est la bureaucratie elle-même, pourrait décider d'organiser sa propre remise en cause ?

03:12Le problème est toujours le même quand on rêve de réformes.

03:15Demander à l'État de supprimer la bureaucratie, c'est demander à la dinde de préparer Noël.

03:19Signature en pain.

03:21Olivier Babaud, merci beaucoup Olivier.