• il y a 2 mois
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Dans son émission média, Thomas Isle et sa bande reçoivent chaque jour un invité. Aujourd'hui, Frédéric Berna et Stéphane Burgatt, pour parler de la couverture médiatique du procès des viols de Mazan.

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Transcription
00:00Vous écoutez Culture Média sur Europe 1 jusqu'à 11h avec Thomas Hill et vos invités ce matin, Thomas.
00:05Oui, je reçois ce matin maître Frédéric Bernat. Bonjour, vous êtes avocat, pénaliste, vous avez travaillé sur des affaires fortement médiatisées
00:13comme celle de l'affaire Grégory où vous avez défendu Jacqueline Jacob ou encore l'affaire de l'anesthésiste de Besançon, Frédéric Péchier.
00:20Et donc votre regard est intéressant sur cette affaire qui passionne en ce moment les médias, le procès de Dominique Pellicot.
00:27Et nous sommes aussi en ligne depuis Avignon avec le reporter d'Europe 1 Stéphane Burgatte. Bonjour Stéphane.
00:33Bonjour Thomas, bonjour à tous.
00:35Merci d'être avec nous. Alors une affaire Stéphane, je le disais, qui passionne, qui passionne en France, dans le monde aussi.
00:41Combien de journalistes sont avec vous pour couvrir ce procès ?
00:44Alors au départ, le parquet avait communiqué sur 36 médias représentés. C'était avant un peu l'explosion des demandes qui a eu lieu après la deadline.
00:54Personne ne pensait que ce procès aurait un tel retentissement. Pas qu'on n'ait pas pris conscience de la gravité des actes, mais tout simplement parce que ça devait se tenir,
01:01on pensait que ça allait se tenir sous le seau du huis clos. Ça n'a pas été le cas, c'était la surprise pour tout le monde.
01:06Donc il y a eu un énorme nombre de demandes d'accréditation qui a été fait après la deadline. Je peux vous dire qu'on est assez nombreux sur certaines séquences.
01:14Et alors ce procès, effectivement, il est particulier, vous l'avez dit, notamment parce que la victime, Gisèle Pellicot, a refusé qu'il se tienne à huis clos.
01:22Est-ce que ça change beaucoup de choses pour les médias, ça, Frédéric Bernat ?
01:25Oui, forcément. Il est clair que ce type de dossier, on a pour habitude de les avoir à huis clos, à la demande d'ailleurs des parties civiles,
01:33étant noté que la partie civile dans ce type de dossier a le droit d'exiger le huis clos. On ne peut pas lui refuser, mais elle a le droit d'exiger la publicité.
01:39On ne peut pas lui refuser non plus, elle a tous les droits à ce niveau. Et c'est vrai que du coup, le dossier a une telle ampleur, il y a un déferlement assez médiatique,
01:46c'est d'autant que les médias n'ont pas l'habitude de pouvoir traiter ce type de procès.
01:50Parce que jusque là, par exemple, on parlait de Dominique Paye en anonymisant le principal accusé.
01:56Le fait que Gisèle Pellicot accepte que l'on donne son nom, ça a complètement changé la donne et c'est devenu le procès Pellicot.
02:03Mais en revanche, l'anonymat des 50 co-accusés, il est respecté par les médias. Leur nom entier n'est jamais donné.
02:11Qu'est-ce que dit la loi là-dessus, Frédéric Bernat ? Est-ce qu'il y a une règle qui est fixée ?
02:15Elle dit rien, la loi. C'est-à-dire qu'en réalité, alors je sais que les journalistes, notamment les chroniqueurs locaux, par exemple, en région,
02:23ils ont des règles au-delà desquelles ils ne donnent pas les noms. C'est un principe qui s'auto-implique.
02:27En fonction des peines ou de la gravité des peines prononcées, ils ne donnent pas en dessous de certaines peines.
02:31Mais en réalité, rien ne s'oppose à ce que les médias donnent l'intégralité des noms. Rien ne s'y oppose.
02:35Ce sont les journalistes qui décident ça eux-mêmes ?
02:38Absolument. C'est les journalistes qui, selon leur éthique ou pour des principes qui leur sont propres, qui décident d'eux ne pas le faire.
02:43Ça peut être sain parce que ça peut éviter aussi d'ailleurs parfois que ça déclenche des lynchages ou des chocs comme ça.
02:49Il y a certains journaux comme West France, par exemple, qui ont mentionné les co-accusés par leur prénom et l'initial de leur patronyme.
02:55Vous, Stéphane Burgatte, pour Europe 1, vous vous êtes interrogé sur l'hypothèse de donner les noms des co-accusés ?
03:00Oui, tout à fait. West France, il y a d'ailleurs même une charte, tout simplement, depuis plus de 30 ans sur cette question.
03:05La question, bien sûr, on se la pose, on en parle entre confrères, on a un WhatsApp, on échange sur tout un tas de questions.
03:12On ne les a pas donnés, alors à une exception près, c'est celui du cas de celui qui a été présenté comme le disciple,
03:18tout simplement puisqu'en intervuvant son avocat, il l'a cité, il a donné son nom, il lui a fait préciser, maître, vous donnez son nom.
03:25Oui, il n'y a pas de problème, c'est quelqu'un qui reconnaît les faits, donc voilà, on a donné son nom.
03:30Personnellement, je ne donne que le prénom. Alors pourquoi ?
03:33Tout simplement parce qu'il y a déjà des risques d'homonymie.
03:38On sait que les noms ont été diffusés sur les réseaux sociaux ainsi que des images.
03:42Les avocats de la Défense ont pris la parole pour alerter puisqu'il y a eu des faits d'insultes, de menaces, de tentatives d'intrusion sur des domiciles
03:51de ces personnes en tout début de procès. Donc on essaie de faire attention à ça, tout simplement.
03:56Donc on reste sur le prénom. Attention aussi, si on devait tout anonymiser, ne pas donner le moindre prénom, rien.
04:02On peut alimenter aussi d'un autre côté une certaine machine à fantasmes, exactement, sur les réseaux sociaux
04:08et ces profils types de violeurs qui pourraient exister, alors que ce n'est pas du tout le cas.
04:11On s'en rend compte quand on voit l'âge, le profil, les parcours socio-professionnels de tous ces accusés.
04:17Donc c'est pour cette raison que je reste, par exemple, sur le prénom, l'âge et la profession
04:22pour essayer quand même de dresser un certain portrait de ces accusés.
04:26On a reçu une question sur Twitter, Anissa.
04:28Oui, sur les co-accusés, justement, une question d'Étienne sur Twitter.
04:32C'est pour vous, Maître Bernard. On a vu plusieurs co-accusés réagir et témoigner dans les médias, à la télévision et à la radio.
04:39Est-ce que c'est légal ?
04:40Alors oui, c'est parfaitement légal. Ils ont parfaitement le droit de s'exprimer.
04:43Après, je vais vous dire mon sentiment. En tout cas, moi, mes clients, la consigne, c'est de ne surtout pas le faire.
04:49Il n'y a rien de pire. C'est très difficile l'exercice médiatique, déjà pour des professionnels,
04:53mais alors pour des accusés qui sont en plus sous le feu de la justice,
04:57c'est catastrophique en règle générale. Mais ça n'est pas illégal. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent.
05:01Vous me racontiez hors antenne que même pour un avocat chevronné comme vous,
05:05c'est très compliqué de vous retrouver devant un mur médiatique, parfois, quand vous sortez de vos plaidoiries.
05:11Ça m'est arrivé lorsque je défendais le frère de Rachida Dati à l'époque où elle était ministre
05:15et qu'il avait été jugé et que je l'avais défendu.
05:17Je sors de la salle d'audience, on a un mur médiatique et ça vous happe.
05:20Surtout que ce n'est pas notre métier. Moi, plaider devant une cour d'assises,
05:23je sais le faire, c'est très très impressionnant, mais c'est notre métier.
05:26Les journalistes, on n'a pas forcément formé à ça et le feu des questions,
05:30l'envie parfois de répondre, fait que parfois on se laisse partir
05:34et puis la moindre erreur ou la moindre maladresse, avec les chaînes d'information continue,
05:38aujourd'hui c'est fini, vous ne pouvez plus rien faire.
05:40Ça peut être isolé, ça peut être absolument ravageur.
05:42Et ça peut être sorti du contexte, ça peut être très ravageur.
05:44Et alors vous Stéphane Burgatte, vous avez accès à quoi exactement dans ce procès ?
05:49Quelles sont les limites qu'on vous donne dans la couverture du procès ?
05:52Alors nous, on a accès bien sûr à tous les débats ou presque, on va en reparler.
05:57Voilà la salle d'audience, une salle annexe puisque parfois on est trop nombreux,
06:01il n'y a pas assez de place pour tout le monde.
06:04Après, pour ce qui est bien sûr de tout enregistrement audio-vidéo,
06:07bien sûr tout est interdit pendant la tenue des débats.
06:11Et alors le président de la Cour a décidé que la diffusion des vidéos des viols
06:16se ferait sans public et sans presse.
06:18Gisèle Pellicot, elle, s'oppose à cette décision,
06:21comme d'ailleurs l'association de la presse judiciaire.
06:23Une décision sur cette question normalement devrait être prise demain,
06:27mais qu'est-ce que vous en pensez vous Stéphane Burgatte ?
06:29Est-ce que vous pensez que c'est utile que la presse ait accès à ces images ?
06:32Alors c'est très utile, ça sera finalement débattu vendredi.
06:37Le planning est une question assez sensible sur ce débat, c'est assez émouvant.
06:41C'est utile, c'est très utile, pourquoi ?
06:44Il y a les images et il y a les débats qui suivent.
06:46Il y a une ligne de défense qui est tenue par une majorité des accusés
06:50de dire qu'ils ont été piégés par Dominique Pellicot,
06:53qu'on leur avait vendu le scénario d'une épouse endormie,
06:56mais qui devait se réveiller au cours de l'acte pour devenir une tigresse
07:00et le jeu sexuel commençait là.
07:02Et sur les interrogatoires, ce que leur renvoient en face
07:06notamment les avocats de la partie civile et l'avocate générale,
07:10se dire très bien, si vous pensez que ce jeu était celui-là,
07:14pourquoi est-ce que vous chuchotez ?
07:16Pourquoi est-ce que vous sortez de la chambre au moindre fait et geste,
07:20au moindre mouvement de Gisèle Pellicot ?
07:22Pourquoi vous faites tout au final pour ne pas la réveiller ?
07:24On voit que c'est un élément de preuve qui est montré, qui est débattu.
07:28Ce qui pose problème à la presse, c'est de ne pas voir ces images
07:30et puis surtout, comme c'était le cas jeudi dernier ou jeudi après-midi,
07:34où tous les films qui devaient être revus ont été joués à la suite,
07:38la presse n'a pas pu voir ces films et la presse n'a pas pu assister
07:42au débat derrière où justement on a pu pointer ces contradictions
07:44et ce qu'ont pu répondre les accusés. Voilà ce qui pose problème.
07:48Vous n'avez pas l'air d'être d'accord, F.Bernat.
07:50Pour vous, ce n'est pas utile que la presse voie ces images rapidement ?
07:52Je suis très sceptique. En réalité d'ailleurs,
07:54ce sont de ces moyens modernes.
07:56Les cours d'assises, souvent quand vous passez les albums photographiques dans les dossiers,
08:00les photos d'autopsies, les choses comme ça, les photos un peu sensibles,
08:03on ne les diffuse pas au public. On ne les montre pas.
08:05Maintenant, le problème, c'est que tout est vidéo.
08:07Je ne sais pas. Une décision va être prise.
08:10J'avoue que je me pose la question de savoir si Gisèle Pellicot,
08:12comme je l'expliquais tout à l'heure, n'a pas le pouvoir d'obliger à la diffusion publique.
08:18Je serais très curieux de la décision de la cour.
08:20Après, j'avoue que je n'ai pas forcément d'avis aujourd'hui.
08:22Ça risque de faire du sensationnalisme aussi.
08:25Ça va dépendre beaucoup de l'éthique des journalistes par rapport à ça.
08:28En tout cas, ça montre que ce procès Pellicot soulève des questions autour des médias.
08:34Très importante et on va continuer à poursuivre cette discussion.
08:36Dans un instant, restez avec nous.
08:38On va d'abord faire un point sur l'actualité dans un instant avec Emilie.
08:45Merci beaucoup d'être avec nous pour la suite de Culture Média.
08:47Dans un instant, nous recevrons l'écrivain américain Douglas Kennedy.
08:52On est toujours avec maître Frédéric Bernat, avocat pénaliste et le reporter d'Europe 1, Stéphane Burgatte,
08:58en direct d'Avignon parce qu'on s'intéresse ce matin à la couverture médiatique hors norme du procès Pellicot
09:04qui soulève de très nombreuses questions.
09:06Et il y en a une, c'est est-ce que ce procès est filmé ?
09:09Parce que la loi du Pont Moretti a permis d'ouvrir la porte des tribunaux aux caméras dans certaines conditions.
09:15Est-ce que ça veut dire qu'il y a en ce moment des caméras qui filment le procès Pellicot, Stéphane Burgatte ?
09:20Est-ce que vous avez vu des caméras à vous ?
09:22Alors, les caméras, elles ont pu rentrer dans la salle au premier jour d'audience avant le début de l'audience
09:28avec bien sûr interdiction de filmer puisqu'il y a la cour, etc.
09:31Mais on a pu filmer le public.
09:33On a pu voir à ce moment-là que les accusés qui compressible ont été surpris
09:36puisque certains ont vu arriver les caméras et ont essayé de se masquer, se cacher un peu comme ils pouvaient.
09:41Les caméras, maintenant, on ne filme, on n'a pas le droit de faire et on nous le répète assez souvent,
09:46le moindre enregistrement vidéo ou sonore.
09:48Les caméras sont à l'entrée de la salle d'audience et elles y restent.
09:53Et est-ce que même pour l'histoire, il n'y a pas une caméra qui est là,
09:56il n'y a pas un enregistrement sonore sur place, même pour être diffusé beaucoup plus tard ?
10:00Pour les médias, non. On a juste la retransmission qui est faite sur cette salle pour le public
10:04et les journalistes qui n'ont pas de place.
10:07Mais nous, on n'a pas d'enregistrement.
10:09Donc ça veut dire, Frédéric Bernat, que peut-être la loi Dupont-Moretti ne s'applique pas dans ce cas-là.
10:15Sous quelles conditions théoriquement on peut filmer ce genre de procès ?
10:18Alors, ce que ça veut dire certainement, c'est qu'aucun média n'a fait une demande préalable d'autorisation de filmer.
10:24Parce que ce que dit votre correspondant est parfaitement exact,
10:27il est interdit d'enregistrer, de capter, que ce soit le son ou l'image d'un procès en cours.
10:32Sauf dans le cadre de la loi du 22 décembre 2021,
10:35dite loi Dupont-Moretti pour la confiance dans la justice,
10:37où là, certains médias peuvent se faire accréditer.
10:40Alors, il y a tout un processus pour se faire accréditer
10:43et ensuite, les images ne peuvent être diffusées que dans des conditions...
10:46Là, ce serait très long à déterminer.
10:48À l'issue du procès, évidemment.
10:49Mais quand l'affaire est définitivement juste,
10:51c'est-à-dire que toutes les voies de recours sont exercées.
10:53Et il faut qu'il y ait une vocation pédagogique à ce procès.
10:57Enfin, c'est vraiment très encadré et une contrainte.
11:01Et si vous voulez, je pense que peut-être aucun média n'a eu l'idée sur ce procès avant,
11:05parce qu'ils n'ont pas envisagé.
11:07S'il y a un appel, peut-être qu'il y en a qui le feront.
11:09Mais en tout cas, personne n'a dû le faire avant.
11:11Et puis peut-être aussi que ce procès, il a certainement des vertus pédagogiques,
11:15en tout cas, il fait beaucoup débattre.
11:16Mais il ne faudrait pas non plus que ça tourne dans un sensationalisme de bas étage.
11:20C'est un peu de risque, parce que la justice a quand même besoin d'un peu de recul et d'un peu de sérénité.
11:23Mais est-ce que vous pensez que le sens de l'histoire en France,
11:26c'est qu'on assiste à des procès à la télé, comme on peut le voir aux États-Unis,
11:29avec les affaires au Jim Simpson ou avec Johnny Depp et Amber Heard ?
11:33Est-ce que c'est des choses qui peuvent arriver demain, Frédéric Bernat ?
11:36Vous pensez, en France ?
11:37Ça peut toujours arriver.
11:38Le problème, c'est que retranscrire un dossier par la voie médiatique,
11:43à travers d'un écran, à mon avis, c'est très dangereux.
11:45Parce que suivre en direct un procès, quand on va dans une salle d'audience,
11:48les procès sont publics, les gens ne vont pas dans les tribunaux,
11:50ou alors vraiment sur les grosses affaires, quand on est public.
11:53Mais il faut aller dans les tribunaux, parce que le voir derrière un écran,
11:56c'est forcément tronqué.
11:57Il faut ressentir toute l'ambiance d'une salle d'assises,
12:00dans le cadre d'un procès, pour vraiment se rendre compte.
12:02Moi, j'invite les gens, plutôt que de bavasser sur les réseaux sociaux,
12:05à dire n'importe quoi, à aller dans les tribunaux, c'est public.
12:08Il y a beaucoup de classes qui viennent.
12:09Moi, je plaide souvent devant des classes entières.
12:13C'est hyper intéressant, et les gens se rendront compte
12:15que la justice n'est pas rendue n'importe comment.
12:16Mais est-ce que vous pensez aussi que ça pourrait perturber
12:18le travail des magistrats, des avocats,
12:20que des procès arrivent comme ça à la télévision,
12:22et soient suivis en direct par le grand public ?
12:25C'est déjà arrivé, parce qu'avant la loi du Pomoretti,
12:27dans certains cas, des procès pouvaient être filmés
12:29avec des autorisations, etc.
12:30Moi, ça m'est arrivé.
12:32C'est vrai que, malgré tout, les caméras dans les salles d'audience,
12:35moi, ce que je crains aussi, c'est que ça perturbe
12:37le comportement des acteurs judiciaires,
12:40qu'ils soient avocats, éventuellement magistrats,
12:43ou surtout prévenus ou victimes.
12:45Et ça peut, à mon avis, tronquer la situation.
12:48S'il y a une caméra, les gens risquent de ne pas se comporter
12:50de la même façon.
12:51Et moi, je crains que ça soit un peu dangereux.
12:53Est-ce que, sur un plan plus personnel peut-être,
12:56Stéphane Burgat, comment vous, vous vivez la couverture
12:59de ce procès ?
13:00Est-ce que c'est difficile pour vous à suivre ?
13:03Est-ce que vous arrivez à bien dormir le soir,
13:06après avoir vu aussi les images qu'on vous présente ?
13:10Alors, les images, finalement, on en a vu assez peu.
13:13Il n'y a eu qu'une diffusion avec les journalistes.
13:16On est obligé de prendre, effectivement, un peu de recul.
13:18Même s'il n'y a pas les images, il y a tout le contexte,
13:22tout le flot d'informations qui nous arrive
13:24tout au long de la journée.
13:25C'est des journées qui sont assez denses.
13:27On est parfois dans des explications, dans du glauque,
13:31des choses comme ça.
13:32Ça peut, effectivement, parfois être assez compliqué.
13:35Il y a, bien sûr, un recul qui est nécessaire
13:37pour arriver à traiter, sur la longueur,
13:39ce genre de procès.
13:40Et alors, autre élément aujourd'hui, c'est la force
13:42des réseaux sociaux.
13:43Parce qu'on peut suivre désormais des journalistes
13:45qui font des comptes-rendus, minute par minute,
13:47du déroulement du procès.
13:48Et puis, on peut suivre aussi les avocats,
13:50les avocats qui communiquent aussi à leur manière.
13:52On a vu notamment ces postes de Nadia Elbouroumi,
13:55avocate de deux des hommes accusés,
13:57qui a posté une vidéo où elle danse sur la musique
14:00« Wake me up before you go go »,
14:02donc « Réveille-moi avant de partir », en français.
14:04Beaucoup y ont vu une référence au sommeil
14:06dans lequel Gisèle Pellicot était plongée
14:08lors des viols.
14:09Est-ce que, Frédéric Bernat, les avocats
14:11ne sont pas tenus à une certaine retenue,
14:14une certaine discrétion sur les réseaux sociaux ?
14:16Alors, le problème, c'est que les avocats
14:19sont tenus en principe, notamment par leur serment,
14:22à respecter la dignité et la modération.
14:25Bon.
14:26Après, le problème aussi, c'est que l'avocat,
14:29il ne faut jamais oublier que ça reste
14:31un pilier de la démocratie, si vous voulez.
14:34Il faut que les avocats puissent s'exprimer librement.
14:36Pourquoi serait-il privé de s'exprimer
14:38sur les réseaux sociaux ?
14:39Moi, je m'exprime sur les réseaux sociaux,
14:41je m'exprime non-anonymement,
14:43donc il faut aussi que j'assume.
14:45J'ai déjà eu à rendre des comptes, d'ailleurs,
14:47de certaines positions que j'ai pu prendre
14:49à mon bâtonnier à l'époque où ce n'était pas moi.
14:51Mais il y a de s'exprimer et de plaisanter
14:53sur une affaire en cours, c'est un peu plus délicat.
14:55Là, vous citez un cas précis, je vais vous dire une chose.
14:57Moi, je suis, personnellement, extrêmement choqué.
15:00Je trouve que ça donne une image assez déplorable
15:02de ma profession,
15:04de certains débordements que nous avons pu voir
15:06et ceux que vous citiez, notamment, récemment
15:08dans ce dossier. Maintenant, la vraie problématique,
15:10si vous me permettez,
15:12c'est à quel moment et à quel niveau
15:14on met un curseur et qui décide
15:16de ce qu'un avocat a le droit de dire
15:18ou pas pour assurer la défense. Il est là, le problème.
15:20Et je donnais l'exemple tout à l'heure,
15:22alors il va peut-être faire bondir,
15:24mais à l'époque où Gisèle Halimi défendait
15:26les femmes avortées et avorteuses,
15:28ou défendait les victimes de viol,
15:30justement, elle se faisait cracher dessus.
15:32Elle a eu un blâme du conseil de l'ordre
15:34des avocats de Paris à l'époque.
15:36À l'époque, Gisèle Halimi,
15:38elle était considérée comme vraiment
15:40quelqu'un qui ne méritait pas de porter la robe d'avocat.
15:42Heureusement qu'elle a pu mener ses combats
15:44et que, finalement, à un moment,
15:46elle a pu dire ce qu'elle voulait.
15:48Mais ça, c'est le droit de défense, c'est pas faire des tic-tocs,
15:50vous voyez la différence ?
15:52On est bien d'accord.
15:54Et toute la problématique va se poser,
15:56mais elle ne pourra se poser qu'après le procès,
15:58si, éventuellement,
16:00un bâtonnier, enfin le bâtonnier,
16:02en tout cas, dont dépense
16:04cette avocate, ou le procureur général,
16:06saisit le conseil de discipline.
16:08Là, il faudra voir ce que dit le conseil de discipline,
16:10mais c'est vrai qu'avec Larrey Maurice, notamment,
16:12dans le cadre d'un procès,
16:14la liberté d'expression de l'avocat est assez totale,
16:16mais c'est vrai qu'à titre personnel, je trouve que c'est déplorable
16:18de mal gérer ce genre de situation.
16:20En tout cas, la couverture médiatique
16:22de ce procès a un impact, on le voit,
16:24très fort sur le public.
16:26C'est un sujet qui est en train de faire évoluer la société,
16:28peut-être la justice, eux-mêmes.
16:30Vous le ressentez, tous les deux ?
16:32Stéphane Burgat, d'abord, peut-être ?
16:34Oui, déjà, quand on voit l'ambiance
16:36sur place, l'affluence
16:38du public, il y a une file d'attente
16:40qui est organisée vers cette salle des retransmissions,
16:42il n'y a jamais assez de place pour tout le monde.
16:44L'ambiance aussi, quand on a
16:46la sortie de Gisèle Pelliclot, avec ses donneurs
16:48qui sont faits à chaque fois, ces applaudissements,
16:50c'est du jamais vu pour moi,
16:52où on a eu aussi les huées,
16:54les tensions entre le public
16:56qui est présent, dont des militants
16:58féministes, et les accusés,
17:00ce qui a abouti à un renforcement de la présence
17:02policière sur place, donc on a une ambiance très particulière.
17:04On sent effectivement qu'il se passe
17:06quelque chose, on comprend aussi qu'il y a un besoin
17:08quand on entend les arguments
17:10lors du procès, de la méconnaissance
17:12du consentement,
17:14quand on entend des arguments comme, à l'époque,
17:16des faits, moi je ne savais pas tout simplement ce qu'était
17:18la reconnaissance,
17:20le consentement.
17:22Peut-être qu'au niveau de la justice aussi, on ne peut pas s'empêcher
17:24de penser à l'exemple espagnol,
17:26l'affaire de Lameut, je me sens que c'était en 2016,
17:28qui aboutit à la loi Solusti
17:30SI sur le consentement
17:32des femmes sur le rapport sexuel.
17:34C'est une histoire, un procès,
17:36qui fera date ?
17:38Forcément, il le fait déjà,
17:40puisqu'il a pris une ampleur qui est
17:42incroyable. Alors après, vous savez,
17:44de mon point de vue, il y a certainement
17:46du bon et du mauvais, comme en tout.
17:48Le bon, c'est que ça attire l'attention
17:50du public sur le fonctionnement de la justice,
17:52sur des situations
17:54particulières,
17:56là c'est particulièrement grave, c'est une chose.
17:58Le problème, c'est que, malheureusement,
18:00le média,
18:02parfois, déchaîne
18:04un peu toutes les passions,
18:06et parfois, elle met en échec la justice.
18:08Vous parliez de l'affaire Grégory au début,
18:10l'affaire Grégory, c'est un exemple type,
18:12et pourtant, c'était il y a 40 ans.
18:14Le média, je crois que l'éthique des journalistes
18:16est très très importante dans le traitement
18:18judiciaire. Ils ont un rôle absolument
18:20indispensable à jouer, les journalistes,
18:22là-dedans. Les acteurs judiciaires aussi,
18:24les avocats aussi, doivent se comporter correctement.
18:26Et il faut que les gens fassent pas
18:28n'importe quoi, et qu'on s'intéresse à la justice
18:30pour ce qu'elle a de positif, parce qu'elle
18:32fonctionne pas si mal.
18:33Merci beaucoup, Maître Frédéric Bernat,
18:35d'être venu ce matin au micro d'Europe 1,
18:37et merci à Stéphane Burgâtre,
18:39le correspondant d'Europe 1,
18:41sur place. Merci d'avoir été avec nous, Stéphane.

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