Eric Woerth : «On a besoin de plus de décentralisation, de collectivités plus responsabilisées»

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Tous les soirs à 20h30, Pierre de Vilno reçoit un invité qui fait l’actualité politique.
Retrouvez "L'invité politique d'Europe 1 Soir" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linvite-politique-deurope-1-soir

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Transcription
00:00Europe 1 Soir, 19h21, Pierre de Villeneuve, accompagné pour cette première heure d'Antonin André, bonsoir Antonin, bonsoir Pierre,
00:07chef du service politique du journal du dimanche, bonsoir Jean-Claude Dassier, bonsoir, chroniqueur politique et nous accueillons
00:13le député EPR de Loise, ancien ministre du budget, bonsoir Eric Wörth, oui bonsoir, merci d'être en ligne de l'Assemblée Nationale où vous avez fait partie
00:22aussi de ceux qui étaient auditionnés par la Commission des Finances et Pierre Moscovici, le premier président de la Cour des Comptes
00:28a salué un budget réaliste, est-ce que c'est le bon terme ?
00:32Je pense que là oui, il est vraiment réaliste parce qu'à la fois sur les tendances qu'on peut prévoir sur les années qui viennent et les efforts qu'il faut réaliser
00:42pour redresser les finances publiques, oui il est réaliste, c'est d'ailleurs, on va d'ailleurs un petit peu plus vite que ce qui nous a été demandé
00:48sur le plan européen en essayant d'expliquer quelle est la stratégie de moyen terme en ce qui concerne les finances publiques et budgétaires,
00:57après le contenu même à la fois des économies à réaliser sur les années qui viennent et le contenu même des augmentations de fiscalité pour cette année
01:07seront révélées demain matin par les ministres ou ce soir plutôt en Conseil des Ministres et demain matin la Commission des Finances,
01:17le vrai travail il va commencer maintenant.
01:19Mais sur le principe ces 20 milliards de hausse d'impôt, vous homme de droite vous les souhaitiez ou c'était absolument impossible de faire autrement ?
01:28Moi je ne les souhaite pas du tout, je pense qu'il faut évidemment tout faire pour tenter d'éviter ça mais il faut admettre que les écarts de prévision sont considérables
01:40par rapport à ce qui était attendu, c'est les écarts de l'effondrement d'un certain nombre de recettes qui visiblement n'avaient pas été prévues par Bercy ont surpris absolument tout le monde.
01:51Et ces écarts ils sont, quand on partait déjà d'un niveau très élevé, les écarts encore plus importants de déficit ne pouvaient pas rester sans une réponse forte.
02:03Et cette réponse forte elle est apportée et elle passe aussi par une partie d'augmentation de la fiscalité, ce qui est en soi difficile à admettre mais qui doit être admis pour une année ou deux années.
02:18En tout cas ça ne peut pas durer plus longtemps parce que de toute manière, toute augmentation du parlement obligatoire elle a abouti, oui je sais bien, je pense que le Premier ministre prendra des engagements très forts.
02:28Et je pense que dans le projet de loi que je viens de recevoir de finances, je vais le regarder à partir de ce soir, je pense que les choses sont à peu près clairement écrites.
02:38En tout cas ça peut être le cas pour une surtaxe d'impôts sur les sociétés modérées, ça peut être le cas pour une contribution disons des plus aisées des français provisoires.
02:50Je n'oublie pas que nos prélèvements obligatoires ils sont quasiment au taquet et que la seule vraie solution c'est à la fois évidemment de ne pas casser la croissance, ce qui peut arriver avec des prélèvements trop forts, on l'a vu dans le passé, mais c'est évidemment la réduction de la dépense publique.
03:05Mais une réduction de dépense publique ça nécessite un changement de politique publique.
03:09Jean-Claude Dessy a une question pour vous Éric Verth.
03:11Monsieur Verth, je sais que vous étiez relativement proche du Président de la République, je voudrais que vous me donniez votre sentiment sur ce dérapage insensé qui fait que nous nous retrouvons aujourd'hui,
03:21et je ne suis pas sûr que les français s'en rendent bien compte encore, face à un trou budgétaire énorme, à la fois les abysses budgétaires et la rapidité du dérapage.
03:31Est-ce que vous en êtes aperçu quelque part ? Est-ce que vous en avez dit un mot ? Sinon à votre entourage, du moins au Président de la République.
03:37En tout cas, non. Moi je ne m'en suis évidemment pas aperçu et je pense que personne ne s'en apercevait en vérité.
03:45C'est parce que notamment sur les rentrées de TVA, elles ont été bien plus faibles que prévues.
03:50Alors est-ce qu'elles avaient été surestimées ? Je ne le pense pas, mais je pense que Bercy va répondre à ces questions de façon bien plus précise.
03:58On n'a quand même pas découvert le poteau rose, là, comme ça, tout d'un coup.
04:02C'est vrai que Jean-Claude a raison, on a l'impression qu'on a vécu plutôt pas mal avec des ministres comme Bruno Le Maire qui nous disaient
04:07« Mais vous voyez, ne vous inquiétez pas, ça va passer, on va miser sur la croissance, on va emprunter de l'argent, ça ne coûte pas cher. »
04:13Et puis là, tout d'un coup, arrive Barrier et dit « la situation est très grave ». C'est quand même assez déroutant.
04:18Non, les ministres l'avaient dit, Bruno Le Maire l'avait annoncé. Je pense qu'il l'a annoncé quand il l'a su, il ne le savait pas lui-même.
04:23C'est une conjonction d'un certain nombre de choses. D'abord, on partait de très haut.
04:29On avait déjà, avant, même sur le prévisionnel, un déficit très élevé.
04:35Cette marche supplémentaire, qui elle, devient insoutenable sur le plan financier,
04:42elle est due à une chute, d'un côté, des chutes de recettes, et de l'autre, une augmentation de dépenses qui ne pouvaient pas être tellement prévues,
04:49puisque c'est notamment des dépenses liées au cycle électoral des collectivités locales.
04:54Ce n'est pas énorme aimant en valeur absolue, mais par rapport à une marge qui était déjà élevée, la surélévation rend les choses très complexes.
05:08À la limite, c'est aussi une prise de conscience encore plus forte. On était quelques-uns, quand même, à le dire depuis plusieurs années.
05:15À un moment donné, les arbres ne grimpent évidemment pas jusqu'au ciel, et l'endettement ne peut pas être une solution durable pour financer des dépenses structurelles.
05:25Il faut réduire nos dépenses de fonctionnement, il faut consolider nos dépenses d'investissement, il faut revenir sur les 3 %,
05:31parce qu'on partage l'euro et parce que nos prêteurs ont besoin d'être rassurés.
05:36C'est ce chemin-là qu'il faut faire, sans dégrader nos services publics.
05:40D'abord une réflexion, je crois que Bruno Le Maire avait alerté dès le mois de mars le Président de la République,
05:46mais que simplement le Président de la République n'avait pas grand-chose à faire des dérapages budgétaires, et que Bruno Le Maire avait le mauvais rôle.
05:53Deux réflexions quand même, M. Woerth. D'abord, la contribution exceptionnelle sur les plus riches.
05:58Il me semble que Nicolas Sarkozy, en son temps, lui-même, en avait mise en place, et qui est toujours en vigueur.
06:05C'est-à-dire qu'en réalité, la temporalité et le fait que ce ne soit pas permanent, d'expérience, on voit que ça ne se passe pas tout à fait comme ça.
06:12Il en a convenu, Eric Woerth.
06:14Par ailleurs, M. Woerth, vous avez récemment été l'auteur d'un rapport sur la décentralisation, dans lequel finalement, la collectivité locale était assez épargnée.
06:24Qu'est-ce que vous dites aujourd'hui ? Vous dites qu'il faut supprimer un échelon, il faut supprimer 100 000 fonctionnaires dans la territoriale.
06:33On a aussi l'impression que de temps en temps, les politiques nationaux que vous êtes, experts, n'ont pas forcément le courage de faire ces propositions assez radicales ?
06:42Peut-être. Si on reconstruisait la France de la décentralisation aujourd'hui, on ne la reconstruirait pas telle qu'elle est, ça c'est sûr.
06:48Mais elle est aujourd'hui ce qu'elle est. Et si on veut déclencher des guerres dont on ne se sortira pas, puisqu'on a déjà essayé, il faut avoir des conclusions qui soient possibles.
06:58Et on peut structurellement réfléchir à l'organisation des pouvoirs. L'organisation des pouvoirs en France, entre le pouvoir national et les pouvoirs locaux, c'est aussi l'organisation de la dépense publique.
07:07Et c'est ça que je dis dans ce rapport assez, le moins qu'on puisse dire, détaillé. Je ne propose pas une suppression de strates parce que ça ne marche pas.
07:14On ne peut pas avoir tant de communes, ou alors on oblige toutes les communes à fusionner. Bon courage à celui qui fera ça. Il ne sera pas vivant pendant très longtemps, et les communes auront peut-être raison.
07:24Donc il y a une strate d'intercommunalité, puisqu'on a beaucoup de communes. C'est juste la différence qu'on a avec les autres pays d'Europe.
07:30Mais on a besoin de plus de décentralisation. Et on a besoin de collectivités aussi plus responsabilisées. Je rentre dans beaucoup de détails dans ce rapport.
07:38Moi je souhaite que le débat entre l'État et les collectivités, il s'apaise sur la base de la confiance. Aujourd'hui tout le monde s'écharpe, et on n'a pas les moyens de s'écharper.
07:47Tout le monde renvoie à l'autre le mystic gris. On a besoin d'avoir un débat responsable. Comment par exemple les départements financent-ils de façon durable l'action sociale, l'aide sociale à l'enfance par exemple ?
08:00On en revient au millefeuille administratif qui est difficile à couper, cher Éric Woerth. Merci beaucoup de nous avoir...
08:10Mais le millefeuille administratif, il doit être mieux organisé. Parce que la dépense publique doit être mieux organisée. Et ça ne demande pas que des mesures d'urgence, ça demande des mesures de fond.
08:18Et là il y a un choc entre l'urgence de la situation dans laquelle nous sommes et la nécessité de ne pas obéir et notre capacité à changer les choses sur le fond.
08:26Merci beaucoup Éric Woerth, ancien ministre du budget député EPR de l'Oise, d'avoir été en direct avec nous de l'Assemblée nationale.

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