Kelly Rivière, comédienne, pour le spectacle “An Irish Story", à partir du 15 octobre et “Si tu t’en vas” à partir du 4 novembre, à La Scala à Paris est l'invitée Nouvelle Tête de Mathilde Serrell. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes/nouvelles-tetes-du-mercredi-16-octobre-2024-8569592
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00:00Les Nouvelles Têtes, Mathilde Serrell, ce matin, votre invitée est une détective du passé.
00:05L'actrice, autrice et traductrice Kelly Rivière est dans notre studio.
00:10« Bonjour Kelly Rivière ! Non, ce n'est pas Kelly de la série Beverly Hills dont on vient d'entendre le générique,
00:21ni Kelly de Santa Barbara, mais Kelly la franco-irlandaise ! Vous justifiez souvent sur votre prénom ? »
00:28Moi, maintenant, mais quand j'étais petite, systématiquement, quand je disais « je m'appelle Kelly »,
00:32on me disait « tes parents, ils regardent des séries américaines, c'est quoi le délire autour du prénom ? »
00:37Et je disais « non, ma mère est irlandaise et c'est un prénom irlandais, donc ça me permettait de justifier mes origines. »
00:43On en reparlera plus tard, ça vous a aussi permis de pécho.
00:45Vos origines irlandaises, c'est la matière, ou plutôt le mystère de votre spectacle,
00:52« Every Story », qui a un succès de dingue, qui vient de reprendre à la Scala à Paris jusqu'en juin,
00:56et c'est déjà quasi complet. Sur scène, il y a vous, et rien que vous, avec quelques photos.
01:01Mais vous êtes une infinité de personnages qui participent à cette quête généalogique, votre grand-père.
01:05Peter a disparu un jour, il est retourné en Angleterre en 1949, accompagné de sa femme enceinte.
01:11Et puis, plus de traces de Peter, après la naissance de cinq autres enfants.
01:14Ben oui, c'est des catholiques. Vous voulez comprendre pourquoi ça a été le vrai point de départ de ce spectacle,
01:20et aussi dans votre vie ?
01:21Oui, complètement. C'est l'histoire de mon grand-père, qui est né dans les années 30,
01:26dans un petit village en Irlande du Sud, qui est arrivé dans les années 50, comme vous disiez, à Londres,
01:30et qui a disparu dans les années 70. Et moi, j'ai grandi avec ma mère, qui me disait,
01:34« j'ai pas connu mon père, tu sais pas ce que c'est que de pas connaître... »
01:36Elle pleurait ?
01:37Elle pleurait, je voyais que ça la rendait malheureuse. Quand j'étais petite, tout ça vous passe un peu au-dessus de la tête.
01:43Adolescente, j'ai commencé à poser des questions, je voyais qu'il ne fallait pas aller vers ce sujet-là.
01:47Et puis, jeune adulte, j'ai commencé à mener l'enquête, j'ai vraiment interrogé ma famille,
01:51puis j'ai dit à ma mère, « viens, on va aller en Irlande, on va voir si dans le village où il est né,
01:55il n'y a pas des gens qui savent ce qu'il est devenu. »
01:57Et voilà. Bon, je ne vais pas spoiler le spectacle, mais n'ayant pas vraiment trouvé de réponse,
02:02je me suis dit, je fais du théâtre. Je voyais bien que quand j'en parlais autour de moi,
02:05les gens me disaient, « ah ouais, mais il a disparu, mais attends, c'est quoi cette histoire ? »
02:08Et j'en ai fait une pièce, et voilà.
02:10Alors, quand je dis que ça vous a permis de pécho, au départ, dans votre quête,
02:12vous lui inventez pas mal de vies à votre grand-père, en fonction du mec que vous avez envie de séduire en face.
02:18Alors, quand il a 16 ans et que c'est un surfeur sponsorisé, comme vous le dites,
02:22vous l'emballez avec une histoire de grand-père qui part en mer, les vagues, tout ça, ça va marcher.
02:27Quand il a 18 ans, le mec que vous voulez pécho et que c'est un réfugié palestinien,
02:30vous dites que le grand-père, il était dans l'IRA, le groupe terroriste de défense indépendantiste
02:35des catholiques d'Irlande.
02:37Et ça a marché à chaque fois.
02:39C'est vrai que toutes les vies que vous avez inventées à votre grand-père, ça vous a permis de pécho beaucoup.
02:43Kelly Rivière, enfin, vous vous appelez Kelly Ruisseau.
02:45Plus ou moins, mais je crois que j'étais...
02:47Ouais, Kelly Ruisseau, c'est mon pseudo.
02:49Je crois que j'étais un peu... Non, j'étais assez renfermée, assez timide et tout.
02:53Et c'est vrai que ce prénom et ce mystère autour de mon grand-père, ça me permettait de me rendre intéressante.
02:59Et d'engager la conversation.
03:01Alors, vous avez ensuite rencontré l'apprenti comédien, ça arrive dans une vie au cours Florent,
03:05qui vous dit « ne joue pas la colère, le moteur du personnage, c'est la perte ».
03:09C'est aussi ce que vous vous êtes dit pour construire le spectacle, c'est-à-dire ne pas être en colère
03:13contre cette absence d'information, mais travailler sur la perte.
03:17C'est-à-dire qu'il y avait beaucoup de tristesse autour de cette histoire.
03:20En vérité, ma mère, ça l'a beaucoup impacté, cette absence de père.
03:25Ça a créé beaucoup de non-dits, beaucoup de secrets, de lourdeur familiale et tout.
03:31Et je ne savais pas du tout ce que ça allait donner.
03:35Je me suis jetée dans cette histoire sans trop savoir ce que ça allait donner.
03:38Mais je ne voulais pas que ce soit un truc larmoyant, qu'il y ait du pathos et tout.
03:42Donc je voulais de l'humour, ça je le savais.
03:44Et je crois que l'humour est arrivé par le fait de fictionner.
03:47Je mélange des faits réels et des faits inventés, des fantasmes aussi que j'ai.
03:52On va écouter un petit truc qui vous plaît beaucoup.
03:55I love to laugh, loud and long and clear.
04:02Ça c'est Mary Poppins, vous écoutez beaucoup.
04:06C'est mon enfance.
04:07C'est votre enfance.
04:08Ce passage-là, en fait, vous faites de la magie dans le spectacle.
04:11C'est vraiment de la prestidigitation.
04:13Vous êtes en train de conduire une voiture, vous traversez évidemment la Manche.
04:18Vous êtes tellement de personnages, tellement de langues aussi en même temps
04:22que la presse, c'était dithyrambique, on parle de tour de passe-passe.
04:25Vous avez vraiment cette capacité de faire une sorte de tour de magie sur scène.
04:30C'était un peu ça, j'ai l'impression.
04:31Le principe du théâtre pour vous, c'est de faire de la magie.
04:34Moi, je ne m'en rendais pas compte parce que je suis dedans, je ne peux pas me voir.
04:37Je suis effectivement seule à faire 25 personnages.
04:39Mais je suis partie sans rien.
04:41Y compris la grand-mère que vous manquez d'assassiner, qui vous poursuit en fauteuil roulant.
04:44Ça, c'est un grand moment du spectacle.
04:46Un moment d'action.
04:47Mais l'idée, c'était de faire beaucoup avec rien.
04:51En réalité, je n'avais rien.
04:52Je n'avais pas de production, je n'avais rien.
04:54Et puis j'aime l'idée que le théâtre, du moment qu'on dit « je bois un verre »,
04:58il n'y a pas de verre.
04:59Mais le fait que je le dise, le verre apparaisse.
05:01Ce grand-père, je ne l'ai jamais connu, comme c'est un fantôme dans ma famille.
05:06Tout d'un coup, je peux l'incarner.
05:08Et il est là, sous les yeux.
05:09Et ça, c'est la magie du théâtre.
05:11Il n'y a besoin de rien, en fait.
05:13Il n'y a besoin de rien et on vous suit comme ça pendant plus d'une heure et demie avec rien.
05:17Juste vous, les spectateurs sont au rendez-vous.
05:19La salle est pleine depuis que vous avez créé le spectacle.
05:22Tout ça ne serait jamais arrivé si vous n'aviez pas eu des jambes de la mauvaise taille.
05:26Ah oui.
05:27Parce qu'au départ, je voulais être danseuse.
05:30Et malheureusement, je suis trop petite et trop trapue.
05:32Et on m'a assez vite dit…
05:34J'ai fait de la danse de 7 ans à 13 ans.
05:36Et à 13 ans, quand j'ai passé le conservateur supérieur,
05:38parce que ça se passe tôt, les épreuves de danse.
05:41Vous avez 10 ans là et 12-13 ans.
05:4312-13 ans et on m'a dit…
05:45Ça m'a coupé les ailes pendant 10 ans.
05:47Je n'ai plus rien fait d'artistique.
05:49Je me suis dit que ce n'était pas pour moi l'artistique.
05:51On m'avait dit non.
05:52Donc je n'avais pas le droit.
05:54Et à 23 ans, je me suis mise au café-théâtre.
05:56Et là, ça m'a libérée.
05:57Parce qu'il n'y a pas besoin d'être grand, petit.
05:59On peut tout être.
06:01De nouveau, le théâtre qui permet de tout être.
06:03Et là, elle a pécho.
06:05Elle a enchaîné les mecs.
06:07Je ne peux pas vous dire qui déroule.
06:09Il y a aussi un nouveau spectacle que vous êtes en train de créer.
06:12On peut en dire un tout petit mot.
06:14Vous êtes sur scène.
06:16Et vous êtes dans un seul en scène.
06:18Vous devez convaincre un élève de ne pas faire une fugue.
06:20Oui, on est deux en scène.
06:22C'est une pièce entre une prof et un élève.
06:26Un élève qui décide de quitter le lycée
06:28parce qu'il a un petit business de revente de baskets sur internet
06:30qui marche très bien.
06:32Et la prof va essayer de le retenir.
06:34Ça s'appelle « Si tu t'en vas » à partir du 4 novembre.
06:36Toujours à la Scala à Paris.
06:38Contra Irish Story.
06:40Et c'est un phénomène.
06:42Bonne route.