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Addiction aux paris sportifs quand les jeunes commettent l’irréparable - Docume

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00:00Chaumont-en-Vexin, dans le département de l'Oise.
00:05Une petite ville paisible de 3000 habitants.
00:09Pourtant ici, personne n'a oublié le drame qui a endeuillé la commune il y a plus d'un an.
00:16Benjamin Cavallon, tout le monde le connaissait.
00:20Mais peu de gens avaient conscience de sa passion pour les jeux d'argent.
00:24Benjamin en était accro et un jour, il a commis l'irréparable.
00:32Nous sommes le 24 mai 2012.
00:35Benjamin, 20 ans, roule en direction de Paris.
00:39Le jeune homme arrête son véhicule sur la bande d'arrêt d'urgence du pont de Gennevilliers.
00:45Il enjambe la balustrade et se jette dans le vide.
00:51Mourir pour le jeu.
00:53En un mois, Benjamin aura misé près de 200 000 euros en pari sportif.
00:58Une somme hallucinante.
01:00Comment tout cela a-t-il été possible ?
01:03Comment Benjamin est-il rentré dans cette spirale infernale ?
01:07Comment un simple divertissement peut-il se transformer en addiction ?
01:13En France, on estime que sur 25 millions de joueurs, 200 000 d'entre eux auraient un comportement addictif.
01:21Aux conséquences parfois fatales.
01:28Plus d'un an après sa disparition, le père de Benjamin cherche encore à comprendre l'engrenage qui a conduit son fils au suicide.
01:37Divorcé depuis plusieurs années, c'est seul qu'il vient ici se recueillir sur sa tombe.
01:48Je suis là pratiquement tous les jours.
01:52C'est horrible. Horrible.
01:56C'est comme un aimant. Il ne se passe pas un jour sans que je vienne le voir et lui parler.
02:01C'est terrible.
02:04Un gamin de 20 ans qui avait toute la vie devant lui.
02:09Et mourir pour de l'argent, pour du jeu.
02:16Eh oui.
02:18Pour Benjamin, le jeu était devenu obsessionnel, maladif.
02:24Une dépendance comparable à celle des toxicomanes.
02:29Avant son suicide, il a laissé une lettre d'adieu avec quelques lignes d'explication.
02:35Alors Benjamin nous écrit.
02:37Voilà. Papa, désolé.
02:40Mais j'en avais besoin.
02:42Ça va coûter un peu cher, mais enfin, après, il n'y aura plus de dépenses.
02:47Bisous à toute la famille. Tenez bon et restez fort.
02:50Papa, je t'aime.
02:54Les proches de Benjamin connaissaient son penchant pour le jeu.
03:00Un an avant sa mort, il avait souhaité se faire aider par un médecin addictologue.
03:05Un suivi qu'il a fini par abandonner.
03:09Aujourd'hui, derrière la douleur, ses parents ont un sentiment de culpabilité.
03:14Il est vrai que je suis passé complètement à côté de mon fils.
03:20J'ai pas vu et on s'est pas rendu compte qu'il jouait des sommes extravagantes.
03:26En un mois et demi, il a dépensé plus de 180 000 euros.
03:30Des sommes pareilles, ça dépasse l'esprit.
03:33Je m'attendais pas à ça du tout. Je veux dire, on s'en est rendu compte bien après.
03:39L'histoire de Benjamin, c'est celle d'un enfant brillant qui suivra sa scolarité avec un an d'avance.
03:49Un gamin qui se passionne très tôt pour les jeux.
03:52A commencer par ce qu'il entend à la radio.
03:57Vous pouvez apercevoir notamment ce qu'il gagnait relativement fréquemment.
04:01Des écrans, des téléviseurs, une petite chaîne IFi.
04:05En fait, en vacances, on donnait un petit peu d'argent de poche aux gamins.
04:09Lui, il achetait un jeu à gratter.
04:11Alors que les frères et sœurs achetaient une glace, un Eskimo ou une petite babiole pour jouer sur la plage.
04:16Lui, c'était le jeu à gratter.
04:19A 17 ans, Benjamin obtient son baccalauréat.
04:23Il décroche une place dans une école de commerce à La Rochelle.
04:27A 500 km de chez eux, Benjamin s'installe seul dans un petit studio payé par ses parents.
04:34Quand il était à La Rochelle, j'allais le voir de temps en temps.
04:37Et quand on s'est aperçu que le frigo était vide peut-être à la moitié du mois,
04:41on s'est dit c'est quand même bizarre.
04:43Qu'est-ce qu'il mange ? Comment il fait ?
04:45En fait, le jour de ses 18 ans, il est allé jouer au casino pour fêter ses 18 ans.
04:51Et après, c'était l'engrenage des sommes d'argent.
04:53Au lieu d'aller dans la nourriture, il partait dans les jeux de casino.
04:58Ses parents, alors divorcés, prennent conscience que leur fils sombre dans l'addiction.
05:02En urgence, ils lui font arrêter l'école de commerce.
05:05Et Benjamin revient vivre chez son père qui lui trouve une place de réceptionniste dans un hôtel.
05:11Benjamin a 18 ans. Lucide sur sa dépendance, il se fait interdire de casino.
05:18L'histoire aurait pu s'arrêter là.
05:21Mais c'est vers Internet qu'il se tourne pour jouer au poker en cachette.
05:24Et ses gains s'accumulent jusqu'à 40 000 euros.
05:27Il touche aussi au pari sportif qu'il se procure chez les Buralistes.
05:31Et depuis quelques temps, il se rend à Trichateau, à quelques kilomètres de chez lui, au bar tabac Le Chiquito.
05:38C'est là, en 5 semaines, que les choses s'accélèrent.
05:42De cette époque, son père a retrouvé une partie des tickets.
05:47Là, ce sont uniquement quelques paris sportifs du dernier jour avant son décès, en fait, fin mai.
05:53Donc vous pouvez voir l'importance et l'épaisseur des paquets.
05:58Ça ne représente que quelques jours.
06:00Là, par exemple, vous avez le 8 mai.
06:04Vous avez 81 paris sportifs uniquement de la journée du 8 mai.
06:09Ce sont des sommes de 50 euros à chaque fois.
06:12Là, vous avez 78 paris sportifs.
06:15C'est le 12 mai.
06:17C'est 100 euros par ticket.
06:19Je ne sais pas si vous voyez l'épaisseur.
06:21Vous avez 100 euros par ticket, multiplié par 78 tickets.
06:2678 tickets à 100 euros ?
06:28Oui, bien sûr, oui.
06:29Là, vous avez le 11 mai, par exemple.
06:31Donc 11 mai, 12 mai, 19 mai.
06:34A cette époque, Benjamin dispose de 40 000 euros qu'il a gagnés
06:38et qu'il répartit sur 2 comptes bancaires.
06:41Avec des retraits d'espèces, mais surtout des chèques de banque,
06:44à l'ordre du bar tabac Le Chiquito.
06:47Il commence à parier sur des matchs de football, de rugby.
06:51Dans ce bar tabac, Michel Chomin, le patron du Chiquito,
06:55se souvient très bien de Benjamin, dont les paris donnent le vertige.
07:00Benjamin est arrivé pour jouer.
07:03Donc, son lieu de prédilection, c'était ici.
07:06Il prenait un ticket comme celui-ci,
07:09sur lequel il cochait le numéro du match concerné.
07:13Il cochait la mise.
07:15Et en fonction du montant qu'il voulait jouer,
07:18on passait le bulletin plusieurs fois.
07:21Il cochait, par exemple, ici, c'est la mise à 100 euros.
07:23Si vous voulez jouer 10 000 euros, on passait 100 fois le ticket.
07:27Pour augmenter ses gains,
07:29Benjamin joue les mêmes combinaisons des dizaines de fois.
07:33Personne ne semble s'étonner des montants vertigineux
07:36que joue ce jeune homme de 20 ans, 2 fois par semaine.
07:40Benjamin mise gros, mais il va rapidement gagner des sommes importantes
07:43entreversées par la Française des Jeux,
07:45des milliers d'euros qu'il rejoue à chaque fois.
07:49Pourtant, dès les premiers paris,
07:52le terminal informatique se bloque et signale une situation anormale.
07:57À 2 reprises, Benjamin avait explosé les compteurs,
08:01puisque le terminal s'était retrouvé bloqué
08:05à cause des grosses prises de jeux.
08:08La Française des Jeux vous avait appelé ?
08:10La Française des Jeux nous appelle en nous demandant ce qui se passait.
08:13On leur explique qu'il y a des grosses prises de jeux.
08:16Ils nous demandent le règlement, donc chèque de banque.
08:19Pour eux, pas d'inquiétude, chèque de banque, il n'y a pas de souci.
08:23Ils vont mettre la machine en marche ?
08:25Ce jour-là, de toute façon, ils débloquent la machine quasiment aussitôt.
08:28La seule chose, c'est que si quelqu'un veut rejouer sur ces matchs-là,
08:31ce n'est plus possible, mais sur d'autres choses, oui.
08:34Contrairement aux casinos, face à l'addiction,
08:37la Française des Jeux et les Buralistes n'ont pas l'obligation de refuser les paris.
08:42Ils ont cependant un devoir de conseil.
08:45Benjamin est adulte,
08:47rien ne l'empêche donc de jouer toutes ses économies.
08:50Pourtant, ce n'est pas un flambeur.
08:53Pas de voiture de luxe ni de vêtements de marque.
08:56Dans le jeu, c'est l'adrénaline qu'il recherche.
08:59Tout ce qu'il gagne, il le rejoue.
09:02En 5 semaines, il aura misé près de 200 000 euros
09:05avec l'aval de ses banquiers puisque ses comptes sont encore créditeurs.
09:11Mais au bout d'un mois, la chance l'a quitté.
09:15Il ne gagne plus et les pertes s'accumulent.
09:18Deux jours avant sa mort, ses comptes sont presque vides.
09:22Il ne peut plus miser.
09:24Benjamin vole un chèque à son père
09:27et convainc un collègue de travail de lui en prêter un autre.
09:30Deux chèques de 16 et 53 000 euros
09:33qu'il aurait lui-même remplis et joué pour se refaire.
09:37Je fais un peu de difficulté pour le prendre
09:40parce que là, c'est quand même gros.
09:42Il me dit de toute façon ne vous inquiétez pas, vous me connaissez,
09:45il n'y a pas de soucis et je vous assure qu'il n'y aura pas de problème.
09:48On peut l'encaisser.
09:50On peut l'encaisser, bien sûr, tout à fait.
09:52Il n'était pas question de quoi que ce soit.
09:54Il m'avait bien dit c'est OK, c'est bon.
09:56Elle me dit je ne me miserai pas à ça.
09:58Mais ses derniers paris sont encore une fois perdants.
10:01Benjamin est au pied du mur
10:03car cette fois-ci, c'est l'argent des autres qu'il a joué.
10:06Deux jours après, il met fin à ses jours.
10:12Son père contacte alors la Française des Jeux
10:15et demande des explications.
10:18Une enquête interne est déligentée.
10:21En acceptant les chèques de Benjamin,
10:23qui n'étaient pas à son nom,
10:25les buralistes sont accusés d'avoir enfreint le règlement.
10:28Ils perdent alors l'agrément de la Française des Jeux
10:31et le terminal est débranché.
10:35Silence radio.
10:37Depuis la fermeture du terminal,
10:39le Chiquito aurait perdu 30% de son chiffre d'affaires.
10:42De son côté,
10:44Michel Chaumain affirme n'avoir fait que son travail
10:47en acceptant les paris de Benjamin.
10:49Et malgré ce drame,
10:51il estime avoir respecté les règles.
10:55Les débitants ont pour consigne
10:57de tenter de rentrer en contact avec le joueur sans le brusquer.
11:00De lui fournir une documentation de sensibilisation,
11:03ça c'est le truc qui va sauver tout le monde.
11:05Mais de ne pas refuser les paris
11:07est en phase de jeu afin d'éviter de contrailler le joueur
11:10et de produire des effets inverses à se rechercher.
11:13Donc en clair, vous auriez quand même dû continuer à prendre ces paris ?
11:16En clair, on fait quoi ?
11:18On refuse.
11:20C'est pire que si on l'avait accepté.
11:22Si on l'accepte, on se retrouve bientôt en correctionnel
11:25parce qu'on a accepté.
11:27Là, il faudrait savoir.
11:29On fait quoi, là ?
11:31Un point en avant, un point en arrière.
11:34Alors, qui est vraiment responsable de ce drame ?
11:38Ses parents qui ont sous-estimé l'addiction de leur fils ?
11:42Les banquiers qui ont failli à leur devoir de conseil ?
11:46La Française des jeux qui a rouvert le terminal et encaisse les paris ?
11:50Ou le buraliste qui perçoit 5% des sommes jouées ?
11:55Tout le monde est responsable.
11:57Du début jusqu'à la fin.
11:59Mais là, aujourd'hui, il n'y a que moi.
12:01Il n'y a que moi qui suis responsable.
12:03Responsable de quoi ?
12:04D'avoir accepté les jeux à Benjamin ?
12:06Beaucoup m'ont dit qu'il aurait été joyeux.
12:09Légalement, la seule chose qu'on lui reproche aujourd'hui,
12:13c'est d'avoir accepté les 2 chèques qui n'étaient pas au nom de Benjamin.
12:16Pour cela, il va comparaître devant un tribunal dans quelques jours.
12:22Car désormais, l'affaire se règle ici, devant la justice.
12:32Unis dans la douleur, un an après le drame,
12:36frères et sœurs se sont retrouvés autour des parents de Benjamin.
12:40La famille et les patrons du bar ne se sont jamais rencontrés.
12:46A quelques mètres l'un de l'autre, ils n'ont pas un mot, pas un regard.
12:51Je commence à avoir du mal à me maîtriser.
12:56J'ai mes enfants qui sont là pour...
13:00Peut-être pas pour mettre une barrière, mais pour me soutenir.
13:06Pour que j'aie le moral.
13:09Il a accepté ses chèques, il n'aurait pas dû le faire.
13:12On n'en demande pas plus.
13:14La famille est là, une simple reconnaissance, c'est tout.
13:18Ce que souhaite le papa de Benjamin, c'est une condamnation symbolique
13:22pour que ce drame ait un sens.
13:25Faire qu'aucun détaillant n'accepte de parer sans s'interroger.
13:30Alors que le procès va commencer, le buraliste passe derrière lui
13:34sans que leurs yeux ne se croisent.
13:37Son avocat reste sur la même ligne de défense.
13:41Il assure que son client n'a fait que son métier.
13:45Les responsabilités sont à l'évidence partagées.
13:48Le buraliste, une fois qu'il a dit
13:51jouer peut être nocif si vous jouez exagérément
13:55par rapport à vos moyens financiers.
13:58Boire peut être très dangereux si vous buvez trop.
14:01Et fumer, tuer également.
14:03Une fois qu'il a dit tout ça, il est quand même payé
14:06pour vendre des jeux, de l'alcool et du tabac.
14:11Le jugement de l'affaire, des 2 chèques acceptés par le buraliste
14:15a été mis en délibéré.
14:17Il encourt 2 mois de prison avec sursis.
14:21Mais au-delà, aux yeux de la loi,
14:24personne n'est responsable du suicide de Benjamin.

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