Le géohistorien Christian Grataloup, directeur de la collection des “Atlas historiques” (Les Arènes), présente “L’Atlas historique du ciel”, qu'il a co-dirigé avec Pierre Léna.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00Le grand entretien ce dimanche matin, j'ai le bonheur de recevoir le plus historien de
00:05nos géographes, chacun de ses atlases historiques font événement.
00:09Le dernier en date vient de paraître, c'est un atlas historique du ciel qu'il a co-dirigé
00:15avec l'astrophysicien Pierre Léna.
00:18Regardez le ciel, c'est aussi une histoire, une manière de raconter l'histoire de l'humanité,
00:25la place de nos sociétés dans l'univers.
00:27Il y a des portraits, des illustrations, des cartes bien sûr, et c'est assez formidable
00:32de découvrir les différentes manières dont on a pensé la place des hommes dans l'univers.
00:39Chers auditeurs, n'hésitez pas à intervenir au 01 45 24 7000, on attend vos questions,
00:45ou sur l'application France Inter.
00:48Bonjour Christian Grattaloup, et bienvenue, on est toujours heureux de vous recevoir.
00:53Un nouvel atlas historique, celui-ci concerne le ciel, ça vient de paraître aux éditions
00:59Les Arènes, Sciences et Avenir.
01:01On va rentrer dans ce livre qui est absolument fascinant.
01:05Mais un mot d'abord sur votre démarche, et pour nous rappeler pourquoi vous êtes
01:10géohistorien.
01:11Quand on est au collège ou au lycée, on fait de l'histoire géo.
01:16Là en l'occurrence, vous, vous êtes géohistorien, qu'est-ce que ça veut dire ?
01:21Le mot qui est inventé par Braudel, il y a déjà bien longtemps, signifiait simplement
01:26le rôle géographique dans l'histoire, comment la position des sociétés les unes par rapport
01:31aux autres, et par rapport à la surface de la Terre, c'est important pour comprendre
01:35les processus historiques.
01:36L'essentiel, c'est bien de savoir si les sociétés sont proches ou lointaines, les
01:39unes des autres.
01:40Peuvent s'influencer, s'envoyer des microbes éventuellement, mais aussi par exemple des
01:45connaissances scientifiques, qui est circulation, c'est la collection, ou la déconnexion.
01:50Donc vous avez là quelque chose qui est absolument essentiel pour comprendre, et c'est ce qui
01:54permet d'ailleurs de comprendre comment des sociétés ont petit à petit accédé à
01:58une connaissance de plus en plus complexe du ciel.
02:00Et pourtant, ils ont perdu aussi les hommes avec le progrès des connaissances, un rapport
02:05intime ou un rapport très particulier et charnel avec le ciel.
02:10On va y venir dans un instant Christian Grattaloup, mais pour décrire ce livre à nos auditeurs
02:15Atlas Historique du Ciel, au fond, c'est le ciel des hommes, c'est comme ça que commence
02:21l'introduction.
02:22Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ?
02:24Oui, le ciel des humains, c'est vraiment quelque chose d'essentiel puisque c'est
02:27ce regard qui est l'objet du livre, ce regard permet de comprendre de mieux en mieux le
02:33ciel et d'aller le plus loin possible, et de comprendre que le ciel a une histoire
02:36lui-même.
02:37C'est ça le point d'aboutissement.
02:38Le ciel a une histoire, mais on est habitué en général à ce qu'on nous raconte, une
02:42histoire au temps long, très long, qu'on compte en années-lumière, qu'on remonte
02:46au Big Bang.
02:47Là, c'est une histoire qui est profondément liée à l'histoire des hommes.
02:51Tout à fait, et d'abord au type de regard, mais n'oublions pas d'abord une chose qui
02:55est importante pour nos contemporains, pour pratiquement tous ceux qui nous écoutent,
02:59le ciel, nous ne le voyons presque plus.
03:01Alors que ce fut un spectacle familier, une interrogation quotidienne pour pratiquement
03:07tous les hommes, jusqu'à une période très récente, nous qui vivons dans des villes
03:11illuminées, on ne voit plus le ciel.
03:13Cet Atlas a eu ce...
03:15C'est un paradoxe.
03:16Absolument.
03:17Cet Atlas a eu une chose extraordinaire, il est paru au moment où notre ciel était
03:24illuminé par une comète qui s'appelle, pour son nom occidental, Atlas.
03:27Atlas.
03:28Oui, c'est un acronyme, mais il se trouve que c'est un pur hasard, nous n'avions pas
03:34prévu de publier, d'ailleurs il n'y a pas si longtemps que ça qu'on connaît le passage
03:38de cette comète.
03:39Mais cette comète, la plupart des gens ne l'ont tout simplement pas vue directement.
03:44Ils l'ont vue, mais sur des écrans.
03:45Le pari éditorial, c'est de conjuguer, je le disais, l'histoire des humains et celle
03:50de l'univers dont ils découvrent l'immensité, mais aussi l'histoire du ciel, elle est écrite
03:57par des hommes et des femmes.
03:59On va parler de ces très grandes figures qui nous ont permis de comprendre ce qui tombe
04:06sous nos yeux lorsqu'on lève les yeux vers le ciel et qu'on n'est pas pollué par la
04:10lumière nocturne.
04:12Ça fait combien de temps que les hommes cherchent à cartographier le ciel ? C'est assez curieux,
04:17on peut se dire que l'urgence c'est d'abord de cartographier la Terre et pourtant, cartographier,
04:24comprendre, décrire le ciel, c'est aussi vieux que l'histoire qu'on écrit.
04:30Oui, parce qu'on ne cartographie pas la Terre sans cartographier le ciel et réciproquement.
04:35Pour se repérer dans le ciel, on met un équateur, on place les pôles et bien sûr, on projette
04:41ce qui est sur la Terre.
04:42Mais pour comprendre ce qui est sur la Terre, pour tracer un équateur, on a besoin des
04:44étoiles.
04:45Donc, on est constamment dans ce regard, d'ailleurs, jusqu'au 18ème siècle, quand on faisait
04:49un globe terrestre, une carte en volume, on faisait simultanément un globe céleste.
04:55Réciproquement, d'ailleurs.
04:56Vous connaissez le globe de Coroneli, de la Bibliothèque Nationale, ils sont extraordinaires.
05:00C'est quelque chose qui était… Et ça, c'est un peu ce qu'on a oublié.
05:04C'est pour ça que dans cet atlas, il y a autant de cartes terrestres que de cartes
05:08célestes.
05:09Il y a donc des hommes qu'on croise, Erat Osten de Cyrènes, c'est lui qui cartographie
05:16la Terre et il va réussir à mesurer sa circonférence avec une précision qui est extrêmement proche
05:21de la valeur qu'on connaît aujourd'hui.
05:24Pourquoi cet homme-là est-il important dans l'histoire de la compréhension du ciel ?
05:29Ce directeur de la Bibliothèque d'Alexandrie, c'est quelqu'un qui, justement, voulait
05:34mesurer la circonférence terrestre.
05:35On peut mesurer facilement la latitude, la longitude c'est bien plus compliqué.
05:39Mais la latitude, il partait d'un constat très empirique, très simple, c'est qu'à
05:45Sienne, c'est-à-dire à Souan aujourd'hui, au sud de l'Egypte, vers le 21 juin, les
05:51rayons du soleil tombaient au fond des puits.
05:53Il n'y avait pas d'ombre parce qu'on est exactement sur ce que les Grecs ont
05:58appelé le tropique, le tropique du cancer en l'occurrence.
06:00Et lui, il était à Alexandrie.
06:02Donc si on regardait l'ombre au même moment à midi à Alexandrie, l'angle de l'ombre
06:09permettait de mesurer la courbure de la Terre à une condition et c'est ça qui était
06:13le plus difficile, c'était de connaître la distance exacte entre Alexandrie et Sienne
06:16qu'il a fait mesurer de différentes façons mais on ne sait pas forcément trop bien comment.
06:20Et il ne s'est pas beaucoup trompé.
06:2139.400 kilomètres, la mesure d'aujourd'hui est de 40.000.
06:27La Terre au centre, vous écrivez que le ciel est source de savoir mais il est aussi source
06:32de pouvoir et ça fait au moins 6.000 ans que ça dure.
06:35Expliquez-nous ça.
06:36On vient déjà de voir qu'il y a des aspects strictement pratiques et qui est la maîtrise
06:40de l'espace.
06:41Mais il y a un tout autre aspect pratique lui aussi qui est extrêmement important, c'est
06:44que le ciel c'est la maîtrise du temps puisque c'est le calendrier.
06:47Un calendrier impossible à véritablement réaliser d'une manière totalement satisfaisante
06:51puisque les journées ne s'emboîtent pas dans les années, les lunaisons ne s'emboîtent
06:56pas non plus.
06:57Mais toutes les sociétés ont organisé des calendriers à partir de la Lune, du Soleil,
07:03éventuellement de Vénus et quelques autres phénomènes astronomiques.
07:06Mais vous avez là quelque chose qui est une source de pouvoir puisque c'est ce qui va
07:10déterminer par exemple le moment des semailles dans bien des sociétés.
07:13Donc lorsque le Fils du Ciel, c'est-à-dire l'Empereur de Chine, va tracer le premier
07:17labour, lorsque l'Inca va lui aussi faire le premier coup de bêche pour planter le
07:22premier maïs, c'est lié à des phénomènes astronomiques qui lui donnent le moment.
07:26Il y a un exemple bien connu, c'est la crue d'une île qui correspond à l'émergence
07:32d'une étoile et qui correspond au moment où, comme c'est dans la constellation du
07:36Petit Chien, on dit le caniculus, le Petit Chien, c'est la canicule, c'est le moment
07:40où commence l'été et où il fait chaud.
07:41Christian Grattalou, il y a donc des cartes qui montrent comment les Chinois, dans l'ancien
07:47temps, regardaient le ciel, comment en Mésopotamie on regardait aussi le ciel, comment les arabes
07:53le faisaient.
07:54Et puis il y a quelque chose qui ne relève peut-être moins que de la science, mais de
07:58la foi, le ciel c'est aussi le lieu du paradis, c'est le lieu du pouvoir divin, ce qui est
08:03totalement séparé de nous.
08:05Pourquoi est-ce que c'est important de vous arrêter sur le paradis céleste ?
08:09Toutes les sociétés utilisent le ciel dans leur cosmogonie, mais pas forcément pour
08:13y placer le séjour des bienheureux après la mort, ce qui est le cas en particulier
08:18du christianisme.
08:19C'est un peu plus compliqué pour les autres religions du livre.
08:22Donc, on ne pouvait pas ne pas tenir compte du fait que beaucoup de gens disent « notre
08:27Père qui es aux cieux ». Et donc, à ce moment-là, se voir comment…
08:31Le ciel, le royaume de Dieu.
08:32Voilà.
08:33Donc, la première chose, c'est une distinction très nette entre le ciel terrestre, si on
08:37peut dire, c'est l'atmosphère dans laquelle on vit, dont étaient à peu près conscients
08:41évidemment les théologiens du Moyen-Âge, et puis le ciel céleste, celui de Dieu.
08:45Ce que montre très bien, c'est pour ça qu'on a reproduit une assumption du Titien,
08:51il y a généralement une limite marquée par des nuages, des anges, etc.
08:55Et puis, il y a deux cieux, le ciel terrestre et au-dessus, le ciel céleste avec Dieu.
08:59Le paradis.
09:01Dans lequel il y a le paradis céleste, puisqu'il y a eu un paradis terrestre, évidemment.
09:06Il y a aussi le lieu où vivent les anges.
09:09Ça fait combien de temps qu'on pense que la Terre est au centre, Christian Grattaloup ?
09:13Combien de temps, je ne sais pas, parce qu'on a peu de…
09:16Elle ne l'est pas.
09:17Mais à partir de quel moment on a imaginé que la Terre était au centre de l'univers ?
09:21Il n'y a pas de centre, d'ailleurs.
09:22L'univers n'a pas de centre.
09:23Donc, de toute façon, la Terre n'y est pas.
09:26Mais c'était difficile de ne pas se penser à partir de nous.
09:29Tout est construit à partir de nous.
09:30Donc, qu'on se place au centre n'est pas absurde et je pense que c'est très très
09:33ancien.
09:34Mais ça a été débattu déjà à l'époque des Grecs, de la science grecque et peut-être
09:38avant.
09:39Mais en tout cas, on en est sûr.
09:40Parce que là, on a des témoignages.
09:41Est-ce que c'est le soleil ou est-ce que c'est la Terre ?
09:42Ça a été le grand débat jusqu'au 17e siècle.
09:46Et justement, il y a eu une révolution qu'il faut que vous nous racontiez parce qu'il
09:50y a des moments de rupture dans la manière dont on comprend le ciel et dont on cartographie
09:55la révolution de Copernic.
09:58Qu'a-t-il apporté à l'humanité ?
10:00Copernic, c'est justement dans ce grand débat que l'on vient de voir, Copernic c'est
10:05celui qui dit non, il faut mettre le soleil au centre.
10:07Mais il n'est pas le premier, mais c'est le premier à le faire d'une manière suffisamment
10:11systématique pour permettre de résoudre la circulation générale des planètes, ce
10:15qu'on appellera à partir du 18e la mécanique céleste.
10:17Tout ce qui nous permet aujourd'hui de faire dans l'atlas des cartes de chaque date.
10:21Précisément, quand on a montré Galilée, c'est les dates du ciel que Galilée a vues.
10:26On montre même la carte du 6 avant notre ère où il y a une conjonction de planètes
10:30qu'on a pu interpréter comme l'étoile des mages.
10:32Donc, vous avez Galilée et Copernic, qui représentent effectivement cette rupture
10:39du 16e siècle, ce moment de l'humanisme, de la construction de ce qui est notre science
10:44contemporaine.
10:45Donc là, oui, il y a un saut qui correspond exactement, ça c'est une démystification
10:49de géohistoire, au moment où les Européens vont concentrer des routes qui vont construire
10:54le monde.
10:55Les navigations, d'ailleurs, sont un élément essentiel de connaissance du ciel et de construction
10:59de son interprétation.
11:02Et réciproquement, sans cette connaissance du ciel, il n'y aurait pas eu possibilité
11:06de navigation lointaine.
11:07Parlons de Galilée, vous l'avez évoqué, c'est lui qui a rempli le ciel.
11:12Christian Grattaloup, expliquez-nous ça également parce que c'est comme si cet homme-là,
11:17à l'époque de la Renaissance, avait totalement transformé la manière dont on concevait
11:23ce qu'il y a au-dessus de nous.
11:26Techniquement, le point essentiel, c'est l'apparition de la lunette astronomique.
11:30C'est la première fois qu'un homme scrute le ciel avec un instrument.
11:34Voilà, nous sommes en 1610 et à ce moment-là, il s'aperçoit qu'il y a beaucoup plus
11:38de choses que ce que l'on voyait, y compris, d'ailleurs, pour des choses bien connues,
11:42les lunes de Jupiter, par exemple, que personne n'avait jamais vues.
11:45La voie lactée, le soleil et Saturne.
11:48Le Nord qui est composé d'étoiles, etc.
11:50Donc, il voit une foule de choses nouvelles et, évidemment, à mesure que les lunettes
11:54devaient cesser de s'améliorer, à mesure qu'avec Newton, on invente le télescope,
11:58on a, à ce moment-là, un ciel qui se remplit de plus en plus et il ne cesse, aujourd'hui,
12:03de se remplir de manière considérable.
12:04On peut faire des zooms, on en a montré pour voir que là où on voyait que trois, quatre
12:09étoiles, maintenant, il y en a des milliers.
12:10Toujours avec des télescopes, par exemple, on pense à Hubble, on pense à James Webb,
12:14on pense à ces images incroyables.
12:17Vous avez cette phrase mystérieuse, Christian Grattalou, avant de rejoindre les auditeurs
12:21d'Inter qui sont nombreux à vous poser des questions.
12:25« L'univers se fait histoire ». Qu'est-ce que ça veut dire ?
12:29On a vu qu'il y avait un saut important au début du XVIIe siècle avec le ciel qui
12:34se remplit mais qui va prendre de la distance petit à petit.
12:37On va s'apercevoir que les étoiles ne sont pas toutes collées sur une sphère qui était
12:42la limite de l'univers tel qu'en pensaient les anciens et qu'on a pensé pratiquement
12:45jusqu'au XVIIe.
12:47La sphère céleste, emboîtée dans des sphères dans lesquelles y avaient les planètes.
12:50Et à partir du XIXe, on s'aperçoit que ces distances sont très lointaines et posent
12:55des questions historiques.
12:56Et au début du XXe, entre autres à cause d'Einstein, on va s'apercevoir que les
13:00lumières que l'on voit, les informations que l'on voit, qui sont des lumières y compris
13:04dans ce que l'œil ne voit pas, les lumières sont des informations qui viennent à des
13:10dates différentes.
13:11C'est un document historique, au fond, le ciel que l'on voit, un palimpseste presque
13:14dirait l'historien.
13:15Un palimpseste, c'est-à-dire des textes qui se recouvrent de textes, qui se recouvrent
13:19de textes et à l'infini.
13:20On a des informations qui remontent à 300 000 ans après le Big Bang, si vous voulez,
13:25et on a des informations qui sont quasi immédiates puisque c'est dans notre système solaire.
13:29Et vous racontez donc à la fois l'histoire de cette conquête du ciel par la connaissance,
13:37mais une conquête qui devient très concrète pour le coup, c'est la fin de ce livre et
13:42de cette atlas historique.
13:44L'univers s'est agrandi et nous sommes entrés justement avec la conquête spatiale
13:51dans la géographie.
13:52D'abord, la géographie de l'univers, c'est une géographie qui est une géohistoire
13:58d'ailleurs, puisqu'il y a les autres planètes, c'est des éléments qu'on découvre,
14:04ça fait 30 ans maintenant à peine qu'on découvre d'autres planètes.
14:08On a effectivement toute une connaissance, y compris traditionnelle, de la géographie,
14:12de la géologie, pour le moment c'est plutôt assez proche de Mars, mais on s'intéresse
14:16à la géologie de planètes lointaines et on s'intéresse globalement à cette prise
14:21en main que les Européens qui commencent de nouveaux grands voyages pour découvrir
14:27l'univers.
14:28Pour le moment, c'est plutôt des messages qu'on envoie de manière lointaine et on
14:30explore notre banlieue, la Lune bien sûr, Mars évidemment, mais de manière générale
14:35le système solaire.
14:36Bonjour Nicolas et merci d'être avec nous sur France Inter ce matin.
14:40Oui, bonjour, alors je voulais poser une question qui a trait à l'immensité, comment
14:46est-ce qu'on fait quand on étudie le ciel pour intégrer l'immensité, c'est-à-dire
14:51qu'il n'y a jamais de fin, alors que dans tout le reste des travaux des êtres humains
14:58il y a un début et une fin, donc quand on étudie le ciel, il n'y a jamais de fin,
15:03alors comment est-ce qu'on est sûr de ce qu'on trouve ?
15:06Merci Nicolas, réponse Christian Grattalou ?
15:08D'abord parce que vous avez bien dit des humains, c'est-à-dire qu'on ne peut penser
15:14qu'avec nos propres catégories qui sont déconnectées progressivement de l'expérience quotidienne
15:19par la science.
15:20Et donc l'idée que derrière quelque chose il y a encore quelque chose, que donc il
15:24n'y a pas de fin, que c'est immense, c'est quelque chose qui correspond à notre expérience
15:27mais qui ne correspond pas au modèle de l'univers que peuvent construire les astrophysiciens.
15:32Donc pour nous c'est tout simplement de l'impensable.
15:35C'est-à-dire que pour la vie quotidienne, ça ne correspond pas, le fait que l'on pense
15:40en quatre dimensions par exemple et non pas en trois, ça ne correspond pas du tout à
15:43notre vie quotidienne.
15:44Donc il faut effectivement se mettre à penser dans des modèles qui sont déconnectés de
15:52cet immédiat.
15:53Par exemple, qu'est-ce qu'il y a avant le début du temps ? Qu'est-ce qu'il y a au-delà
15:56de l'espace ? C'est des choses qui n'ont tout simplement pas de sens sur le plan physique.
16:00Alors ça raconte aussi la place que les hommes se font de leur situation dans l'univers
16:07mais on veut remonter, en tout cas de nombreux auditeurs veulent remonter encore avant.
16:11Les humains du paléolithique n'ont pas représenté le soleil, la lune ou les étoiles dans leur
16:16peinture ou leur gravure, vous écrit Koch.
16:19Comment peut-on expliquer cette absence étonnante ?
16:22Alors je serai plus que prudent sur toute interprétation des peintures et des gravures
16:27du paléolithique.
16:28On peut constater qu'effectivement ils ont beaucoup représenté des animaux et des humains
16:33et donc du vivant et pas tellement d'autres éléments, d'autant plus qu'on était souvent
16:38dans des grottes mais c'est parce que c'est là aussi où ça subsiste et donc que peut-être
16:44il y avait des interprétations des étoiles qu'on n'a pas.
16:47On peut remonter relativement loin dans bien des sociétés pour constater qu'il y a des
16:52représentations d'étoiles.
16:53On en avait une de l'île de Pâques, alors c'est beaucoup plus récent évidemment même
16:55si c'était des chasseurs-cueilleurs.
16:57Donc vous avez là quelque chose qui pour nous est tout à fait mystérieux mais dont
17:05on n'aura sans doute jamais la réponse.
17:07Quelles étaient les conceptions astronomiques de nos ancêtres du paléolithique ?
17:11Ça c'est très compliqué.
17:12En revanche on peut le savoir très précisément justement à partir de 6000 avant Jésus-Christ.
17:18Ah oui, ça dépend où.
17:21Mais dans l'axe de l'Ancien Monde, là où vous avez les trois quarts des humains qui
17:26sont reliés les uns aux autres, nous avons des témoignages y compris d'ailleurs des
17:30témoignages écrits parce qu'en 4000 avant notre ère, c'est le moment où commence
17:33à apparaître l'écriture, nous avons des éléments qui nous permettent de voir entre
17:37autres des comptabilités.
17:38Si les Grecs ont pu faire des travaux de la longue durée, c'est grâce aux scribes
17:45babyloniens et sumériens avant eux qui ont comptabilisé tous les événements astronomiques,
17:50toutes les régularités astronomiques qui évoluent et changent d'une année sur l'autre
17:53pour vraiment permettre d'avoir de gigantesques tables.
17:55Ça a vraiment été la base de ce travail et c'est à partir de là qu'on a pu construire
18:01des hypothèses justement sur le fonctionnement par exemple ce qu'on appelle la précession
18:06des équinoxes, c'est-à-dire le fait que l'axe de rotation de la Terre, la toupie
18:11si vous voulez qu'est la Terre, n'est pas parfaitement immobile par rapport à l'axe
18:15lui-même.
18:16Et donc il est comme toute toupie, il est affecté d'une légère rotation et donc
18:21vous voyez l'étoile polaire est actuellement le pôle nord dans le ciel mais ça ne va
18:27pas durer.
18:28Cartographier le ciel, mais c'est aussi pas seulement pour le connaître, pas seulement
18:33pour maîtriser les hommes et les sociétés, donc l'enjeu de pouvoir dont on parlait,
18:39mais ça a aussi trait à l'astrologie, l'astrologie toutes les sociétés ont tenté
18:43de deviner l'avenir, pourquoi regarder le ciel pour essayer d'imaginer ce qui va
18:48nous arriver ?
18:49Alors oui, toutes les sociétés ont d'une manière ou d'une autre essayé d'anticiper,
18:54mais pas forcément avec les astres, mais en tout cas certaines, beaucoup même l'ont
18:58fait avec les astres et entre autres dans l'axe de l'Ancien Monde c'est le cas des
19:02Mésopotamiens et c'est le cas des Chinois.
19:04Donc on a eu toute une dimension de prédiction, au départ pour le pouvoir, c'est pour ça
19:11que quand on évoquait le rôle du pouvoir, il y avait évidemment des aspects pratiques
19:15que j'ai évoqués, mais il y a aussi ces aspects qui étaient l'idée d'anticiper
19:18et la plupart d'entre autres des souverains français jusqu'au XVIIe siècle ont eu
19:22leurs astrologues pour essayer de voir qu'est-ce qu'il fallait faire ou pas faire.
19:25Donc vous avez l'idée qui vient justement des Mésopotamiens et qui a été reprise
19:33par les Grecs à partir des conquêtes d'Alexandre, qu'on pouvait associer certains des éléments
19:38célestes au corps, le macroscope au microscope, et donc l'idée que de ce fait on pouvait
19:45connaître, en particulier par une technique qui est le Zodiac, le fait qu'on va diviser
19:50le ciel, la bande du ciel, la bande du Zodiac en douze éléments, ça c'est la numérologie
19:56des Babyloniens auxquelles on doit toujours nos 60 minutes, 60 secondes, nos 7 jours par
20:01semaine, nous sommes très directement irrités de ces calculs, et donc vous avez là quelque
20:07chose qui permettait d'essayer d'anticiper.
20:09Alors techniquement c'était complexe, mais en même temps c'est totalement farvelu,
20:15c'est-à-dire qu'il n'y a aucun fondement scientifique, aucune vérification, ce qui
20:18ne veut pas dire que ça ne marche pas toujours avec l'idée qu'on a une certaine détermination
20:22qui nous serait donnée par notre position astrale.
20:25Je ne veux pas choquer les gens qui y croient encore, personnellement je n'y crois pas
20:28du tout, mais c'est quelque chose qui est relève de la croyance et non pas de la démarche
20:33scientifique.
20:34Et ce qui est assez génial d'ailleurs, c'est qu'il y a donc énormément de cartes,
20:37il y a aussi des planches d'anatomie justement, pour essayer de voir comment le corps humain
20:41résonne avec la carte du ciel quand on croit à l'astrologie.
20:45Vous avez une planche d'anatomie effectivement astrologique, mais à l'autre bout vous avez
20:48une planche d'anatomie sur le cosmonaute qui lui au contraire est affecté par sa véritable
20:53concrète vie biologique dans le ciel et subit un certain nombre de choses.
20:57Vous posez une question qui est l'évocation d'un film qui est un chef-d'oeuvre, est-ce
21:02que le ciel peut attendre ?
21:03Alors c'est effectivement notre phrase de conclusion, et que le ciel ne peut pas attendre.
21:09Parce qu'aujourd'hui nous sommes en train d'envoyer des messages, d'envoyer surtout
21:12du matériel, des objets, alors énormément à proximité de la Terre, il y a l'image
21:17de la poubelle qui est au-dessus de nos têtes avec tous ces satellites, au point même que
21:22les astrophysiciens eux-mêmes s'inquiètent de ne plus pouvoir voir le ciel à partir
21:26de la Terre, masqué par les pléiades de satellites d'Elon Musk.
21:31Donc vous avez là une responsabilité environnementale, on peut dire au sens littéral du terme, une
21:38responsabilité vis-à-vis des interlocuteurs qu'on peut avoir, les messages que l'on
21:42envoie.
21:43Il est urgent d'avoir une vision du ciel, comme on l'a de l'Antarctique, d'une vision
21:48internationale, gérée du ciel et au-delà de 100 km, c'est le Far West.
21:52Merci infiniment Christian Grattalou d'avoir été l'invité du Grand Entretien d'Inter.
21:57Je rappelle donc cet atlas historique du ciel et publié aux éditions Les Arènes, c'est
22:03absolument passionnant.
22:05Merci de nous avoir donné un aperçu de ce travail et de notre place dans l'immensité
22:11de l'univers.
22:12Je vous souhaite une excellente journée.