Mercredi 6 novembre 2024, SMART BOURSE reçoit Guillaume Arditti (Fondateur, Belvedere Advisory et chercheur associé à l’Institut Jacques Delors)
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00:00Le dernier quart d'heure de Smartboard, chaque soir c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir c'est évidemment l'impact de la vague rouge américaine sur le reste
00:20du monde et spécifiquement pour la sphère émergente et encore plus spécifiquement
00:25pour le territoire africain.
00:28Nous en parlons avec un spécialiste de ces questions, spécialiste notamment de l'investissement
00:32en Afrique.
00:33Guillaume Arditi qui est à nos côtés, fondateur de Belvedere Advisory et chercheur associé
00:37également à l'Institut Jacques Delors.
00:39Bonsoir Guillaume.
00:40Bonsoir.
00:41Vos premières commentaires, réactions, vos premiers commentaires à chaud sur l'implication
00:49des résultats de l'élection américaine pour la sphère émergente en général et
00:53l'Afrique en particulier.
00:54Merci Grégoire.
00:55Je pense qu'il faut remettre un petit peu du contexte sur la politique étrangère
01:00américaine qui est moins fragmentée que la politique intérieure.
01:03Il y a quand même un accord bipartisan aux Etats-Unis sur deux points essentiels.
01:11Le premier c'est sur le leadership américain.
01:15Il y a une volonté qui traverse tout le spectre politique américain de maintenir le leadership
01:21américain dans les affaires du monde.
01:23Le deuxième c'est également une animité sur le fait que depuis des années le centre
01:32névralgique pour les Etats-Unis s'est déplacé de l'Europe vers l'Asie.
01:37Donc finalement en termes de politique étrangère et de conséquences sur les différentes régions,
01:45le changement d'administration ne va probablement pas marquer une fracture monumentale sur les
01:51pays émergents.
01:52Ce que ça va probablement plus impacter c'est la relation transatlantique.
01:56Mais en revanche du point de vue des pays émergents, ce à quoi on peut s'attendre
02:00c'est plutôt un renforcement de leur poids dans un contexte où l'ordre unipolaire post-guerre
02:07froide est de plus en plus remis en question.
02:09Donc là il y a une fenêtre d'ouverture pour les émergents qui s'agrandit encore
02:15un petit peu plus avec le retour de Trump et d'une administration républicaine et
02:23potentiellement d'un congrès républicain.
02:25Je pense qu'en fait c'est l'environnement géopolitique global qui est en train de pousser
02:29les pays émergents à nouveau sur le devant de la scène.
02:33Quand on regarde la situation des Etats-Unis, actuellement ils sont challengés sur toute
02:39leur zone d'influence historique et quasi vitale.
02:45C'est d'abord en Asie avec les problématiques avec Taïwan, en Europe la guerre russo-ukrainienne
02:55et avec un crantage qui vient de s'effectuer puisque maintenant il y a des troupes nord-coréennes.
02:59Donc on peut s'interroger si ça aurait pu être fait sans un accord au moins tacite de la Chine.
03:04C'est quand même assez étonnant.
03:06Au Moyen-Orient, l'irrésolution du conflit israélo-palestinien qui dure depuis des décennies
03:13et qui s'ajoute à des catastrophes relativement récentes en Afghanistan et en Irak.
03:19Et on va jusqu'en Amérique latine où un des exemples assez criants c'est la position
03:25du Brésil qui, avec le président actuel, s'affiche de plus en plus auprès de Poutine
03:30et chez Jinping à travers les BRICS, qui eux-mêmes se présentent comme une alternative
03:36à l'ordre établi américain.
03:38Et donc c'est le renforcement du Global South ce qu'il faut imaginer là ?
03:44Là ce qu'on peut imaginer c'est qu'il y a une évolution structurelle qui les pousse vers l'avant
03:52parce que maintenant les enjeux fondamentaux dans la lutte d'influence,
03:58les vecteurs se retrouvent dans les pays émergents.
04:01Et on revient un petit peu sur les problématiques un peu classiques,
04:04influence, matières premières, etc.
04:07Sauf que là ça se précise d'une part évidemment sur l'énergie, comme toujours, mais c'est le retour.
04:13Deuxièmement sur tout ce qui est météocritique dans le cadre de la transition énergétique.
04:19Et puis troisièmement, et là c'est quand même la nouveauté qu'il y a depuis quelques années,
04:23c'est l'autonomisation des chaînes de valeur par rapport à la Chine.
04:28Donc cette autonomisation-là qu'est-ce qu'elle a comme conséquence ?
04:30C'est qu'on ne va pas pouvoir réindustrialiser tous les secteurs
04:35dans des pays comme les Etats-Unis ou comme l'Europe pour des problématiques de coûts.
04:39Donc la question c'est plus le on-shoring, c'est le french-shoring.
04:43Et donc dans le french-shoring, pour avoir des coûts qui soient encore...
04:47Ce qui compte c'est la maîtrise des chaînes de valeur,
04:49ce n'est pas forcément la localisation des chaînes de valeur en tant que telle.
04:52Exactement. Par exemple tout le raffinage météocritique quasiment géré par la Chine,
04:5870-80% je crois de mémoire,
05:00qu'on considère sur même d'autres industries, sur les véhicules électriques, etc.
05:05La question c'est pouvoir rapatrier une partie des chaînes de valeur
05:09sur les territoires type Etats-Unis, Europe,
05:12et quand ce n'est pas le cas pour des problématiques de coûts,
05:15avoir des voisins bienveillants et amis avec lesquels le faire.
05:19Je ne sais pas si Trump s'est beaucoup étendu sur l'enjeu stratégique américain
05:27vis-à-vis de l'Afrique pendant sa campagne électorale, Guillaume,
05:31mais dans le logiciel républicain ou dans le logiciel du leadership trumpiste
05:37aujourd'hui aux Etats-Unis, que peut représenter justement ce continent africain ?
05:42Vous en êtes un spécialiste, c'est pour ça qu'on en parle aussi avec vous aujourd'hui, Guillaume.
05:46L'Afrique va avoir une spécificité, c'est que ça reste la seule zone où le jeu est encore ouvert.
05:52D'accord.
05:53Quand on parle de l'Asie ou de l'Amérique latine, on est vraiment sur du défensif.
05:57L'Amérique latine en particulier, même si, par exemple, les Chinois viennent de lancer un projet
06:03pour un port en eau profonde au Pérou, donc vraiment dans une zone qui a traditionnellement
06:08une influence forte et très dominante américaine.
06:12Donc même si on voit ce type d'incursion, l'Amérique latine, ça reste une zone
06:16qui est très largement influencée par les Etats-Unis.
06:19En revanche, l'Afrique, on se retrouve avec un continent où il y a une multiplication
06:24des acteurs qui s'y présentent.
06:27Évidemment, la Chine, dont on parle depuis déjà longtemps.
06:30Russie.
06:31La Russie, avec sa position toxique dans le Sahel à travers Wagner.
06:37L'Inde, la Turquie, et puis là, très récemment, l'Arabie saoudite
06:43qui annonce 40 milliards de dollars d'investissement sur l'Afrique.
06:47Donc là, il y a une vraie bataille géopolitique qui est beaucoup plus ouverte,
06:54comme vous dites, que les positions qui sont défendues par les uns en Asie
06:59ou en Amérique latine par les autres.
07:01Oui, parce que là, pour l'instant, les positions ne sont pas figées.
07:05Il y a aussi d'ailleurs une forme de push-back par rapport à la présence chinoise en Afrique
07:11qui est, dans certains cas, décriée en particulier sur les problématiques d'endettement.
07:16Ce qui, d'ailleurs, joue très largement en faveur des pays africains
07:20qui, eux, voient leur position de négociation se transformer.
07:23Bien sûr !
07:24Et ils se retrouvent avec des problématiques qui répondent aux attentes fondamentales
07:28qui sont les métaux critiques et puis, là aussi, la position de la présidente de repositionner les Chinois.
07:34Et pour les Etats-Unis, dans ce jeu-là ?
07:37Il y a un mouvement aussi des Etats-Unis sur ce territoire africain
07:43à travers des entreprises ? Ils jouent aussi ce jeu-là ?
07:48Absolument, je pense qu'il va se renforcer.
07:50Ça avait commencé, d'ailleurs, il y avait eu un peu un push sous l'administration Trump
07:55qui s'est prolongé sous l'administration Biden.
07:59Donc là aussi, une continuité d'une administration à l'autre ?
08:02D'une administration à l'autre.
08:03Et ce qu'on peut anticiper, c'est que ça ne va faire que se renforcer
08:06parce que l'intensification du conflit, mais en tout cas de l'opposition entre la Chine et les Etats-Unis,
08:16elle-même est en train de s'intensifier.
08:18Donc là, on voit, d'ailleurs, il y a des exemples qui sont, je pense, parlants et symboliques.
08:22C'est que, par exemple, il y a au Ghana un projet de réacteur nucléaire modulaire, de petite taille,
08:28c'est toute nouvelle technologie.
08:30Il y a le développement d'un corridor ferroviaire entre la République démocratique du Congo
08:35et l'Angola qui est une sortie sur l'Atlantique.
08:38Donc là, c'est pour relier les bassins miniers avec les métaux critiques sur la côte atlantique
08:43avec une sortie sur les Etats-Unis.
08:45Et troisième point qui est très récent, troisième exemple,
08:49c'est l'annonce qui a été faite par JP Morgan et Jamie Dimon il y a quelques jours
08:54sur l'ouverture de JP Morgan Chase en Côte d'Ivoire et au Kenya avec un plan de développement.
09:03Et ça, ça marque vraiment une rupture par rapport à la crise de 2008 et au retrait.
09:08Qui avait vu le retrait justement des grandes banques, on avait parlé de ça pour l'Europe,
09:12mais des grandes banques américaines également.
09:14Bon, et l'Europe dans tout ça ?
09:17Enfin, je veux dire, sur ces enjeux africains ou ces opportunités africaines, Guillaume,
09:24on regarde le train passer ou est-ce qu'on a vu quand même l'enjeu et les opportunités
09:30que ça pouvait représenter ?
09:31Alors l'Europe ça va être une grande question parce qu'en fait l'Europe fait face actuellement
09:36à des problématiques qui ne font que s'intensifier avec l'arrivée de Trump
09:41qui sont des problématiques de souveraineté, qui sont des problématiques de souveraineté énergétique.
09:46Aujourd'hui on a remplacé finalement le gaz russe par du gaz américain
09:51qui soit dit en passant est du gaz de schiste.
09:53Voilà, pointillé sur les problèmes de transition énergétique.
09:57Deuxièmement, pareil sur les problèmes de transition climatique.
10:02Troisièmement, souveraineté industrielle également avec l'autonomisation des chaînes de valeur.
10:07Et ce qu'on peut ajouter, et là c'est un sujet qui va s'augmenter, la défense.
10:12Donc sur les trois premiers, on a le continent africain
10:18qui offre toutes les possibilités de partenariat possible.
10:21Il y a des réponses en Afrique pour les problèmes de l'Europe ?
10:24Il y a des réponses en Afrique pour les problèmes de l'Europe.
10:26Ce qui se pose aujourd'hui, c'est est-ce que l'Europe va continuer à garder l'Afrique ?
10:31Il y a eu deux dimensions en fait.
10:33Il y a eu la première, c'était la dimension aide au développement.
10:36Ensuite il y a une deuxième dimension, ça a été Afrique, potentiel, opportunité.
10:41L'opportunité c'est une option qu'on exerce ou pas.
10:44Visiblement en Europe, on a quand même décidé de ne pas trop exercer l'option.
10:49Maintenant il y a peut-être la troisième option, la troisième dimension qui est le bon sens.
10:53On a un continent de 1,5 milliard d'habitants demain qui est notre voisin.
10:57Pragmatisme.
10:58Je trouve que, là je relisais le rapport de Raggy,
11:03il y a une phrase que j'ai trouvé particulièrement marquante
11:05et qui à mon sens résume bien la situation.
11:07En substance, ça disait quelque chose comme
11:10il faut abandonner l'illusion selon laquelle la procrastination permet de préserver le consensus.
11:17Le statu quo n'est plus une option possible.
11:21Le statu quo qui se transforme d'ailleurs en paralysie de plus en plus de l'Europe.
11:25Certains ont essayé la sortie de l'Europe, ça a été un désastre.
11:30Aujourd'hui on passe du statu quo à la paralysie.
11:33Ça ne semble pas être une option soutenable à terme.
11:36Donc reste l'option d'une vision stratégique et d'une intégration.
11:41Et d'un passage à l'action.
11:42Et d'un passage à l'action.
11:43On restera sur ces paroles.
11:44Merci beaucoup Guillaume.
11:45Guillaume Arditi, fondateur de Bellevue de Red Vézory
11:47et chercheur associé à l'Institut Jacques Delors
11:49qui est avec nous l'invité de ce quart d'heure thématique de SmartBourse.