Vendredi 7 juin 2024, SMART BOURSE reçoit Marc Effgen (Gérant, Clartan)
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00:00C'est le dernier quart d'heure de Smart Bourse, le quart d'heure thématique, et chaque mois nous avons rendez-vous avec les équipes de Clartemps Associés
00:16pour un exercice d'analyse fondamentale. C'est Marc Evgen qui est à mes côtés ce soir en plateau, gérant chez Clartemps Associés. Bonsoir Marc.
00:23Ravi de vous retrouver. Le cas d'investissement que vous nous proposez, c'est un cas pratique qui tourne autour d'un produit, j'ai appelé ça un produit du quotidien,
00:32ou en tout cas un produit d'usage quotidien, puisqu'on parle avec vous de la société Suisse. Vous êtes localisé en Suisse, Marc, la société s'appelle Geberit,
00:41et c'est donc un des grands spécialistes mondiaux des systèmes de plomberie et de produits sanitaires. C'est une entreprise qui a 150 ans d'histoire, Marc, c'est vous qui me l'avez appris,
00:50et qui en 150 ans d'histoire n'a eu que 5 CEOs, 5 directeurs généraux. Je crois que cette information nous dit déjà quelque chose de la culture d'entreprise chez Geberit.
01:00Vous avez déjà plus ou moins tout résumé le cas. C'est vraiment une pépite helvétique. Ils sont basés à Rapperswil, Jona, qui est à peu près à 40 kilomètres de Zurich.
01:14Et c'est effectivement le leader européen de tout ce qui est installation sanitaire, technologie sanitaire. Maintenant, tout le monde connaît les toilettes ou la petite chasse d'eau.
01:27– C'est la partie visible. – La partie visible, mais c'est seulement 30% de leur revenu, donc la partie de salle de bain, finalement, alors que 70% de leur revenu, ça vient de behind the wall,
01:40donc ce qu'on ne voit pas. D'une partie, tout ce qui est chasse d'eau, c'est environ 37% de leur revenu. Et ensuite, tout ce qui est piping, donc les tubes qui relient les eaux usées
01:54et également l'eau potable. Et c'est une success story absolument incroyable parce qu'il y a 150 ans, ils n'ont pas été les précurseurs dans tout ce qui est chasse d'eau
02:09vu que les chasses d'eau ont été inventées au XVIIIe siècle par un horloger anglais, donc il y a quand même un petit côté helvétique à l'horlogerie.
02:17Et c'est effectivement une valeur qui, petit à petit, a fait son nid en venant en bourse il y a 25 ans. Alors c'est une société à la base familiale.
02:29La famille est sortie du capital en 97, rentrée en bourse en 99. Et aujourd'hui, c'est une société qui fait à peu près 18 milliards de capitalisation boursière
02:45pour des ventes d'environ 3 milliards avec une grosse exposition européenne quand même. 90% des revenus sont en Europe et il y a une petite exposition US
02:57donc c'est une petite exposition émergente.
02:59Le gros du marché est européen. Mais je reviens sur cette histoire de culture d'entreprise parce que quand on fait de l'analyse fondamentale,
03:05alors il y a effectivement la partie financière. On donnera quelques indicateurs financiers de la santé, de la croissance, du développement de Geberit.
03:13Mais il y a aussi ce qui est difficile à mesurer, cette culture d'entreprise. Là, je disais 5 CEOs en 150 ans d'histoire.
03:20Qu'est-ce que ça nous dit et comment vous caractérisez cette culture d'entreprise chez Geberit ?
03:25Typiquement, leur devise opérationnelle, c'est flexibilité opérationnelle et stabilité managériale ou stratégique.
03:36Ils ont prouvé cette devise notamment lors du Covid. Lors du Covid, plutôt que d'utiliser les temps partiels, le chômage partiel, etc.,
03:47ils ont gardé tout le monde à bord. Ils ont renettoyé l'ensemble de leurs usines, de leurs CRM pour pouvoir sortir du Covid encore plus fort.
03:56Et ça, c'est un des exemples. L'autre exemple, c'est lorsque vous regardez les valeurs qu'ils mettent en avant. Les deux premières valeurs,
04:04c'est intégrité et modestie. Et cette modestie, elle se reflète dans leur façon de gérer la société. Il y a 12 000 employés aujourd'hui
04:14avec un département DRH qui est absolument monstrueux. Il y a 6 personnes. À l'inverse, les managers, donc le CEO, ils vivent ça de manière quotidienne.
04:26Lorsqu'il vient voir des investisseurs à Paris, il n'y a pas de limousine. C'est le métro. Il vient tout seul sans recharger d'investisseurs.
04:35C'est vraiment une stratégie qui est vécue de la tête de l'entreprise jusqu'au dernier...
04:42— Et c'est des signaux faibles qui comptent pour vous en tant qu'analyste, gérant, investisseur, Marc ? Ça dit quelque chose d'une entreprise
04:49quand le patron vient tout seul effectivement rencontrer les investisseurs et qu'il n'a pas une cohorte de 10 personnes autour de lui ?
04:55— C'est toujours mieux. Mais c'est encore mieux quand ça se reflète dans les chiffres. Et c'est une société. Alors si on veut être très simpliste,
05:01ils font des toilettes, mais ils font 30% de marge EBITDA et 20% de marge de cash flow. Et ça, ça ne ment pas. Et comme je vous disais
05:12auparavant, ils font tant les tubes que les toilettes. C'est des marges. Donc marge de free cash flow de 20%. Si vous prenez les compétiteurs,
05:24que ce soit dans le tube des Uponor ou dans la céramique des Villereuil et Bosch, on est plutôt à du 5-3%.
05:32— Waouh ! Ah oui, c'est un écart. Mais ça veut dire que là, on parle de produits à haute valeur ajoutée. C'est ça, Marc ? À la fois entre
05:40ce qui se voit – la cuvette de toilette, pour parler trivialement – et tout ce qui ne se voit pas mais qui a une importance considérable.
05:47— C'est ça qui est intéressant, en fait. C'est que ce qui est derrière le mur, ça ne représente que 10% du budget lorsque vous rénovez
05:55une salle de bain. Et la dernière chose que vous voulez lorsque vous rénovez votre salle de bain, c'est qu'il y ait un souci dans les tubes.
06:02— Et être obligé de tout casser pour tout changer. — Ça parle de quoi ? Ça parle de... On veut de la qualité. Ensuite, leurs clients,
06:10c'est les installateurs, les plombiers, etc., eux, qu'est-ce qu'ils veulent ? Ils veulent de la simplicité. Donc Geberit a été très fort dans tout ce qui est
06:17innovation pour simplifier les processus. C'est des sortes de tubes un peu comme des mécanos. Et du coup, ça simplifie leur travail.
06:26Et ce qui est très très intelligent, finalement, c'est que Geberit a créé des académies pour des plombiers. Ils ont 30 centres de formation.
06:37Et l'année dernière, ils ont eu 78 000 professionnels qui sont venus se former chez Geberit. — Mais la force du truc, c'est que de toute façon,
06:44si vous faites venir un jour un plombier chez vous pour changer vos toilettes, il y a peut-être 99 chances sur 100 qu'il vous laisse pas le choix
06:53et qu'il installe du Geberit. — Oui, parce qu'il veut pas de problèmes. — Oui. Ben oui, parce que le client et le plombier ne veulent pas de problèmes.
06:59Oui, ça, c'est sûr. — Et ensuite, il faut bien voir... — Mais c'est la force de la prescription, quoi. — La force de la prescription d'une part.
07:04D'autre part, la force de la R&D. — Eh oui, de la qualité. — 150 patentes sur 4 ans. Et on parle beaucoup ces temps... La valeur de l'eau.
07:17Il faut pas gaspiller de l'eau. Il faut bien voir qu'entre 1950 et aujourd'hui, on est passé de 14 litres à 4 litres de...
07:25— Pour une chasse d'eau ? Ah ouais. — 2,6 si vous prenez le petit. — Oui, bien sûr. Bien sûr. — Et ça, c'est... Dans un ménage, l'utilisation des toilettes,
07:35ça représente le plus grand poste en termes d'utilisation d'eau par jour, 29%. — Ah ouais. Non, non, mais c'est un argument fort aujourd'hui, effectivement.
07:46— Qu'est-ce qui drive leur croissance aujourd'hui ? Vous disiez donc que c'est quand même une exposition très européenne. C'est donc des marchés de construction,
07:56c'est du neuf, c'est de la rénovation. — Alors 65% de leur business, c'est du résidentiel. — Ouais. — Et 60%, c'est de la rénovation. — D'accord.
08:05— Alors parler de croissance, 2023, ça a pas été une année de croissance. Ils ont vu leur revenu se réduire de 9%. Il y a eu plusieurs phénomènes.
08:22D'une part, tout ce qui est nouvelles constructions, c'est –20% sur les nouvelles constructions. — Bien sûr. La Oseto a détruit la dynamique de construction
08:34partout à travers l'Europe. Oui, oui. — La hausse des matières premières a fait qu'ils ont annoncé des augmentations de prix. Donc les stockistes ont stocké, stocké, stocké.
08:43Là, on a eu 5 trimestres de déstockage. — De déstockage, d'accord. — Et au premier trimestre de cette année, c'est le premier trimestre où on a eu du restockage.
08:52— Ah. — Donc il y a un petit peu de lumière au bout du tunnel. — J'entends. — Mais il y a des drivers vraiment à long terme. Quand vous voyez que l'Allemagne,
09:00qui représente 29% de leurs ventes, donc le plus gros marché l'année dernière, ils auraient dû construire 450 000 logements. Ils en ont construit 150 000.
09:10Ce besoin, il reste grossi. Et pendant très longtemps, finalement, la limitation de leur croissance, c'était avoir accès aux plombiers, parce qu'il n'y avait pas assez de plombiers.
09:24Maintenant, avec la crise énergétique, les plombiers se sont en plus... — Devenus chauvagistes, oui. C'est ça ? — Devenus chauvagistes.
09:31Donc les pompes à chaleur, c'était le sac Hermès du plombier. Et là, on revient dans un environnement un petit peu plus, je dirais, plus neutre.
09:44Alors cette année, ça va être encore un peu plus difficile, parce que c'est pas une petite baisse de taux de 25 bips qui va faire que vous allez changer votre salle de bain.
09:54Mais néanmoins, ils arrivent, malgré cette baisse de 9% des ventes, à augmenter leur marge évidente de 3%.
10:02— Ouais, ouais. Bon, j'ai vu... C'est vrai que le cours de bourse, alors, a connu l'envolée Covid. C'est au moment où tout le monde a refait ses toilettes, j'imagine.
10:07On refaisait sa cuisine, ses toilettes, etc. Et puis il y a eu un pic 2021, je crois, pour le titre en bourse. Il y a eu une grande, grande descente, effectivement.
10:16— Et là, comment est-ce que vous gérez la position chez Clartemps ? Est-ce que là, justement, même tactiquement, il y a un moment intéressant pour se repositionner sur ce titre ?
10:25— Bah typiquement, nous, on était investis pré-Covid. — Ouais. — Pendant le Covid, on a vendu, lorsque il y a eu cette envolée 780.
10:34Ensuite, se sont accumulés, justement, tous ces phénomènes. Et on a commencé à remettre une position dans différents fonds fin de l'année dernière,
10:44quand finalement, on sentait que... — La fin du déstockage, quoi. C'est ça. — Alors il y avait tellement de nouvelles négatives sur le marché allemand.
10:53Et c'est un proxy un petit peu pour la construction allemande, que tout a un prix. Et la valorisation était intéressante.
11:02Donc je pense qu'à ces niveaux, c'est plutôt intéressant. Ça reste très cher, mais c'est de la qualité.
11:09— Oui, c'est ça. Bah oui, mais c'est le problème de la qualité. C'est que la qualité, c'est toujours un peu cher.
11:13— Il est routé à 30%. — Ouais, c'est ce que vous disiez. Oui, oui. Retour sur capitaux employés, le free cash flow, etc.
11:20Tout ça fait que c'est une entreprise de grande qualité qui, effectivement, peut pas descendre tellement en certains multiples aujourd'hui.
11:27— Elle est quand même 40% en dessous de ses plus hauts aujourd'hui. — Ah oui, par rapport au sommet 2021. Oui, oui, bien sûr.
11:33— Oui, effectivement, de ce point de vue-là. — Merci beaucoup, Marc, de nous avoir fait découvrir ou redécouvrir le cas Geberit.
11:39150 ans d'histoire. Alors moins en bourse, évidemment. Ça fait un quart de siècle qu'ils sont cotés.
11:44Mais oui, c'est une entreprise bien identifiée par ceux qui cherchent de la qualité sur les marchés européens.
11:49Marc Evgen, gérant chez Clartemps Associés, était avec nous l'invité de ce dernier quart d'heure de Smart Bourse ce soir.