Le procès des viols de Mazan rentre dans sa dernière ligne droite. Au-delà des murs d'Avignon, Gisèle Pélicot est devenue un véritable symbole national. Son combat pour que "la honte change de camp" résonne résonne chez de nombreux Français bien que le chemin reste encore long.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Le procès des viols de Mazan entre ce matin dans sa dernière ligne droite avec les réquisitoires du parquet qui vont donc concerner les 51 co-accusés,
00:08dont le principal accusé, Dominique Pellicot. Il y a une phrase qu'on a beaucoup entendue depuis le début de ces 12 semaines de procès, c'est « la honte doit changer de camp ».
00:18Tu voulais nous en parler ce matin, mais d'abord sur cette notion de honte qui doit changer de camp. Pourquoi ? Est-ce qu'on a présenté les choses sous cet angle-là ?
00:26Déjà, on a présenté les choses sous cet angle-là parce que c'est Gisèle Pellicot qui l'a dit ouvertement. Cette honte, elle doit changer de camp parce qu'elle met en lumière
00:34que depuis des décennies, voire des siècles, les femmes victimes de violences sexuelles et de viols sont invisibilisées. Les viols, c'est 95 000 femmes par an.
00:43Et ça, il y a sans doute un chiffre noir. C'est-à-dire que tout le monde ne va pas jusqu'au dépôt de plainte, jusqu'à parler parce que pendant des siècles, les femmes
00:50peuvent se cacher parce que pendant des siècles et encore aujourd'hui, les proches des agresseurs et des prédateurs continuent de défendre les bourreaux.
00:58Et on demande toujours aux femmes de se taire, de se prendre en charge seule et de ne pas parler de ce qu'elles ont vécu. Et parce que parler quand on a été victime de viol,
01:06ça fait extrêmement peur. On se sent en danger. On est très vulnérables. Et dans l'imaginaire collectif, un viol, c'est dans un parking avec une arme et qu'on peine encore à imaginer
01:16qu'un viol peut parfois ne pas laisser de traces ou se faire sous soumission chimique.
01:20Et pour que la honte change de camp, Gisèle Pellicot a exigé que ce procès ne se déroule pas à huis clos, mais soit public. Et ça, ça a beaucoup pesé, évidemment.
01:30Complètement. Et c'est là qu'on a vu toute la grandeur de cette femme qui devient une figure de proue. Et un exemple, quand elle a décidé de lever le huis clos, il y a comme une flambée,
01:38comme une voie qui s'est ouverte pour toutes les femmes et pour toutes les femmes victimes de violences. La levée du huis clos, elle a permis ça. Elle a permis une libération de la parole.
01:46On a parlé du continuum des violences faites aux femmes. Comme je vous le disais, ce n'est pas forcément des viols faits avec violence dans un endroit obscur.
01:56On a parlé de toutes les violences qui pouvaient être faites.
01:58Mais c'était la notion de culture de viol qu'on a beaucoup entendu aussi au cours du procès.
02:02La culture du viol, du fait qu'il n'y a pas de profil type d'agresseur, du fait qu'une femme peut être agressée jeune, moins jeune, que ce n'est pas forcément quelqu'un qu'elle ne connaît pas.
02:11Ça peut être dans un huis clos familial. Et puis enfin, il y a eu ce soutien populaire, c'est-à-dire toutes les femmes qui ont parlé grâce à Gisèle Pellicot, toutes ces femmes qui l'ont soutenue.
02:21Il y a eu des hommes aussi qui ont arrêté de, par solidarité, garder une espèce de silence pour montrer fièrement que cette femme porte une parole et qu'ils seront désormais aux côtés des victimes.
02:32Cette prise de conscience est remontée jusqu'au plus haut sommet de l'État puisque Michel Barnier, le Premier ministre, va présenter aujourd'hui des mesures contre les violences sexistes et sexuelles,
02:43notamment sur le dépôt de plaintes à l'hôpital par exemple, notamment sur la formation des policiers mieux formés à écouter les victimes.
02:51Mais comment faire en sorte que cette prise de conscience, elle se poursuive après le procès ?
02:57Mais complètement, c'est la question essentielle. Les choses ne doivent pas s'arrêter à la suite de ce procès.
03:03Pour moi, il y a le recueil de la parole des victimes, que ce soit à l'hôpital ou que ce soit en commissariat de police.
03:08Il faut absolument que les spécialistes soient formés à l'écoute.
03:12Vous savez, quand on est traumatisé, on ne parle que lorsqu'on a la certitude qu'on va être entendu.
03:17Si en face de soi, on a un officier de police judiciaire ou un médecin qui n'est pas capable d'entendre toutes ces violences, c'est impossible de se confier.
03:25Moi, je dis souvent aux victimes, elles ont subi, nous, on doit avoir le courage d'entendre.
03:30Donc, il y a un vrai travail de formation à faire.
03:32Il y a aussi un travail de reconnaissance des violences liées aux images à caractère pornographique et à la dangerosité des réseaux sociaux.
03:38Et selon moi, l'éducation doit se faire vraiment le plus jeune possible, vraiment en préadolescence, 10, 12 ans.
03:44Alerter nos adolescents sur les dangers du porno et des réseaux sociaux.
03:49La prise en charge des victimes sur le long cours.
03:51Vous savez que la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles fait aux enfants, notamment,
03:55chiffrer à 9 milliards d'euros le coût des prises en charge des violences sexuelles à l'âge adulte avec des troubles du sommeil,
04:01des troubles du comportement alimentaire, des comportements à risque, des dépressions, des symptômes anxieux.
04:06Les conséquences sont dramatiques.
04:08Et enfin, la prise en charge lors du procès, ce qu'on appelle les violences secondaires,
04:13c'est-à-dire les nouvelles violences imposées aux victimes lors des procès,
04:17c'est-à-dire toutes les questions des avocats de la défense, la façon dont les victimes sont exposées.
04:22C'est d'une extrême violence.
04:23C'est-à-dire que jusqu'au procès, quand on a passé toutes les étapes, c'est encore extrêmement dangereux de s'exposer.
04:29Joanna, est-ce que dans l'intimité d'une consultation, les femmes vous parlent du procès et ont été touchées, bouleversées ?
04:36Est-ce que ça libère davantage leur parole ou pas ?
04:39Alors complètement, Christophe, oui.
04:40On en parle beaucoup, notamment chez les femmes qui ont été victimes et qui n'ont pas osé parler.
04:44Elles se posent de nouveau la question de savoir si, enfin, il faut saisir la justice.
04:48Enfin, elles doivent prendre la parole.
04:49Donc, je dis oui.
04:50Je demande aux victimes de se faire aider, de parler.
04:53Et surtout, pour les proches des agresseurs, arrêtez de défendre les agresseurs.
04:58Protégez les victimes.
04:59Merci, Joanna.