Y-aura-t-il un gouvernement dans une semaine ? La question est dans toutes les têtes… Aujourd'hui dans le grand entretien, on analyse la situation avec David Djaïz, essayiste et enseignant à Sciences Po et Pauline de Saint-Rémy, cheffe du service politique de Politico. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-vendredi-29-novembre-2024-3330768
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00:00« France Inter, Alibadou, Marion Lourd, le 6-9 ».
00:07Crise politique ou crise démocratique profonde ? Comment analyser le moment que nous traversons ?
00:13Grand entretien ce matin avec Marion Lourd.
00:16Nous recevons deux invités, une journaliste, elle est chef du service politique de Politico
00:22et elle dirige l'ouvrage « La surprise du chef » chez De Noël.
00:26Et un essayiste, auteur de plusieurs livres qui ausculte à la loupe la crise démocratique,
00:33co-auteur de « La Révolution obligée » aux éditions Alary.
00:36Il dirige aujourd'hui un cabinet de conseil.
00:39Toutes vos questions, chers auditeurs, au 01 45 24 7000 ou sur l'application France Inter.
00:45Nos invités essaieront d'y répondre, Pauline de Saint-Rémy et David Jays.
00:50Bonjour, et bienvenue.
00:52On va démarrer par l'analyse que vous faites de ce moment que nous vivons
00:57puisque dans votre newsletter ce matin, Politico écrit qu'on est face à un grand saut,
01:04Pauline de Saint-Rémy.
01:05Fini la dramatisation ou le renvoi de responsabilité.
01:09Le grand saut, pourquoi ?
01:11Grand saut dans l'inconnu, vous voulez dire que sur ce qui va se passer dans les jours qui viennent,
01:18on commence peut-être à y voir un tout petit peu plus clair,
01:22ne serait-ce que ce qui va se passer à très court terme sur le budget de la Sécurité sociale.
01:27C'est-à-dire qu'on commence à s'orienter vers la possibilité d'un accord qui ne dit pas son nom pour l'instant
01:33entre le gouvernement, entre Michel Barnier et Marine Le Pen.
01:37Rien n'est absolument fait, mais il a consenti à deux gestes en direction du Rassemblement national hier.
01:43Et on va y venir évidemment et dans le détail.
01:46Notamment sur deux de ce que Marine Le Pen appelle ses « lignes rouges »
01:50qui concernaient les tarifs de l'électricité.
01:53Il a aussi consenti à un geste concernant l'AME, l'Aide médicale d'État.
01:58C'était une demande nette du Rassemblement national.
02:02Jusqu'à présent, on ne pouvait pas dire qu'ils étaient dans une négociation.
02:06On pouvait même se poser des questions sur la stratégie de Michel Barnier vis-à-vis du Rassemblement national.
02:11Là, on y est entré. On est en quelque sorte dans le « money time » de cette négociation.
02:16Marine Le Pen a déclaré hier « nous sommes jeudi, il a jusqu'à lundi ».
02:19Donc, elle profite autant qu'elle peut de ce moment où elle met en scène le pouvoir qu'elle a sur la classe politique.
02:26Le « money time », c'est en basketball aux États-Unis, les dernières secondes, les dernières minutes où tout se joue.
02:33La victoire ou la défaite.
02:35David Jays, d'un côté le grand saut, vous, vous voyez plutôt un jour sans fin. Pourquoi ?
02:39Oui, j'ai parlé à propos de la dissolution de l'Assemblée d'un poison lent.
02:44C'est-à-dire, chaque jour, il libère dans l'organisme qu'est la société française de nouvelles toxines.
02:50Et je pense que ce qu'on est en train de vivre n'est que l'épisode 24 d'une série qui va en comporter 3756.
02:583756 ?
03:00Je pense malheureusement que nous avons devant nous encore de longs mois de crise politique.
03:06Vous avez précisé cette métaphore médicale avec le poison lent qui agit sur le corps. De quoi parlez-vous ?
03:12C'est-à-dire que nous sommes, en quelque sorte, dans un marécage politique avec l'eau qui nous arrive à peu près au niveau des genoux.
03:19Dans un état de stase, d'immobilité politique.
03:23Moi, je trouve que la situation ressemble beaucoup à un tableau de Goya qui s'appelle « Le duel aux gourdins »
03:28où on voit deux personnages en train de se fracasser la tronche à coups de gourdins.
03:32Ils s'enfoncent dans les sables mouvants.
03:36Et je trouve que ça ressemble un peu à la situation politique qu'on vit aujourd'hui.
03:40Je ne parlerai pas de crise démocratique à proprement parler, mais plutôt d'une faillite morale de la politique française.
03:46C'est-à-dire que dans la classe politique, il y a très peu de personnalités qui ont réussi à s'élever au-dessus du marécage
03:53et à proposer un chemin de sortie.
03:55Et je parlerai aussi, mais on y reviendra peut-être, d'une crise du contrat social français.
03:59Pauline de Sarémy, juste sur les faits, sur l'URN.
04:03Vous dites Marine Le Pen dit au gouvernement, vous avez jusqu'à lundi,
04:07Jordan Bardella dit qu'il reste encore des lignes rouges.
04:10Et en même temps, dans Politico, vous racontez qu'à l'annonce des concessions faites par Michel Barnier,
04:14les élus URN ont fait des cœurs avec les doigts.
04:17Est-ce que c'est une posture ? Pourquoi cette posture ?
04:20Non, ce n'est pas une posture.
04:22Ils sont contents ou pas contents ?
04:25Ils sont très contents du moment qu'ils vivent, où enfin ils ont le sentiment
04:29que Michel Barnier commence à céder à certaines de leurs demandes.
04:33Et c'est un fait, ils ne sont pas encore au bout de tout ce qu'ils demandent.
04:37En revanche, Marine Le Pen, elle est entre guillemets facile à lire,
04:41dans le sens où ce qu'elle pense, elle le dit.
04:43C'est quelqu'un qui me faisait remarquer ça hier.
04:45Et ce qu'elle veut, c'est non seulement...
04:47Elle a certaines lignes rouges, on pourrait rentrer dans le détail des mesures.
04:50On parlait des tarifs de l'électricité.
04:52Notamment, on pourrait parler des retraites.
04:54Ça, c'est vraiment la prochaine bataille pour elle.
04:56Elle veut que les retraites ne soient plus désindexées,
04:58qu'elles continuent à suivre l'inflation.
05:00Elle veut encore plus que ce que Laurent Wauquiez avait déjà obtenu.
05:03Mais elle veut surtout que Michel Barnier lui donne, symboliquement,
05:07le gain politique.
05:09Dix, c'est parce que le Rassemblement National me l'a demandé
05:13que je renonce à augmenter les taxes sur le coût de l'électricité.
05:17Or, il s'y refuse pour l'instant.
05:19Et ça pose une vraie question.
05:21Quel est l'intérêt de rentrer dans ce petit jeu de négociations
05:23qui, certes, ne donne pas une image très glorieuse de la politique
05:27s'il ne lui donne pas le gain
05:29et s'il, à la fin, continue à courir le risque
05:31à un moment donné, d'être censuré ?
05:33David Jay, c'est le RN qui est aux commandes ?
05:35Je pense que le péché originel, d'une certaine manière,
05:38c'est d'avoir choisi un Premier ministre
05:40qui est sous surveillance du Rassemblement National.
05:44Parce que, comme on n'a pas réussi à former une majorité
05:48qui exclut la France Insoumise et le Rassemblement National,
05:51c'est-à-dire les partis populistes,
05:53on se retrouve, de facto, surveillés par le RN
05:55avec une situation dont on parlait à l'instant
05:58où Marine Le Pen, et comme César en tribune,
06:00le gladiateur Barnier est dans l'arène,
06:02il fait tout pour lui faire plaisir
06:05et puis on ne sait pas encore si elle va avoir le pouce levé vers le haut
06:08ou, au contraire, vers le bas.
06:10C'est une situation qui est épouvantable.
06:12Dans la mesure où on sait très bien que
06:14des partis comme le RN
06:16n'ont pas d'autre objectif aujourd'hui
06:18que la déstabilisation politique.
06:20Donc, on a perdu trois mois, d'une certaine manière.
06:23La conquête du pouvoir !
06:24Ce qui est assez paradoxal, c'est que
06:26vous zappez de vos voeux, et depuis longtemps, David Jay,
06:29l'idée que l'on puisse établir des compromis,
06:32s'entendre entre différentes formations politiques,
06:36voire entre rivaux à l'Assemblée Nationale.
06:39Là, ce n'est pas ce qui est en train de se passer
06:41entre le gouvernement de Michel Barnier, par exemple,
06:43et le RN.
06:45Vous voyez bien que ça se fait avec un pistolet sur la tempe.
06:48Les compromis avec un pistolet sur la tempe,
06:50c'est des compromis soviétiques.
06:52C'est l'image de Patrick Cohen.
06:54Patrick Cohen parlait d'échec du parlementarisme, je crois,
06:57il y a deux jours, dans un édito.
06:59Je crois qu'effectivement, on en est plutôt là.
07:01Et entre Michel Barnier et Marine Le Pen,
07:03ou Michel Barnier et le Rassemblement National,
07:05en réalité, les relations sont très complexes.
07:07Ça n'a pas été linéaire.
07:09Elle commence à céder à certaines de leurs demandes,
07:11mais c'est très récent.
07:13Et on pourrait même dire que ça date à peu près du moment
07:15où Marine Le Pen a vraiment durci le ton.
07:17C'est-à-dire au moment où il y a eu les réquisitions
07:19dans son procès concernant les assistants parlementaires du RN.
07:21Elle s'est retrouvée dans une position de grande faiblesse
07:23à titre personnel.
07:25Elle sera peut-être empêchée d'être...
07:27En tout cas, elle court le risque d'être empêchée
07:29d'être candidate à la présidentielle.
07:31Elle a vraiment durci le ton à ce moment-là.
07:33La question de la censure s'est posée plus sérieusement
07:35pour l'exécutif qui, jusqu'à présent,
07:37pensait qu'elle ne prendrait pas le risque
07:39d'endosser ce rôle de celle
07:41qui met le pays, en quelque sorte,
07:43dans le chaos. Donc, ils ne la prenaient pas au sérieux.
07:45Et ils ont commencé
07:47à céder un petit peu seulement
07:49très récemment. Je reviens à la question
07:51de la méthode de Michel Barnier.
07:53Mais vous, d'après les informations que vous avez,
07:55est-ce que le RN peut renoncer à censurer ?
07:57Parce qu'effectivement, à la fois, la base
07:59semble favorable à la censure
08:01et en même temps, il y a aussi des demandes
08:03de respectabilité.
08:05Il y a cette perspective du chaos
08:07qui est dressée par le gouvernement.
08:09Ils sont tiraillés.
08:11Je lisais récemment une citation de Jordan Bardella
08:13qui, en privé,
08:15aurait livré une analyse
08:17sur la composition de l'électorat
08:19aujourd'hui du RN.
08:21Il considère, et je pense que c'est vrai,
08:23que leur électorat reste majoritairement
08:25contestataire. C'est le terme
08:27qu'il utilisait. Mais
08:29aujourd'hui, le RN a besoin
08:31s'il veut passer un cap, s'il veut pouvoir
08:33remporter la prochaine présidentielle, notamment,
08:35c'est évidemment leur principal objectif,
08:37a besoin d'un autre électorat.
08:39Un électorat qui est plus, disons,
08:41Macron-compatible, en quelque sorte,
08:43pro-business. Un électorat
08:45traditionnel de droite.
08:47Et cet électorat-là pourrait être inquiet
08:49de voir Marie Le Pen précipiter le pays dans le chaos.
08:51David Jayes ?
08:53Si vous voulez, je pense qu'il aurait fallu,
08:55dès la fin de l'été, rechercher une personnalité
08:57capable de réunir autour d'elle
08:59à défaut d'une majorité d'adhésion,
09:01au moins une majorité de non-censure qui exclut
09:03la France Insoumise et le
09:05Rassemblement National, dont on voit bien que...
09:07Pour vous, c'est une question de personne, d'incarnation ?
09:09Si vous voulez, à partir du moment où le sujet, c'est
09:11la désignation d'un Premier ministre capable de
09:13former un gouvernement soutenu par une majorité
09:15à l'Assemblée, encore une fois, que ce soit
09:17l'adhésion à un programme, on voit bien qu'aujourd'hui, c'est pas possible.
09:19L'Assemblée est trop fragmentée.
09:21Donc, par défaut, c'est
09:23une majorité de non-censure.
09:25C'est ce que propose Boris Vallaud pour...
09:27Dans le cas où Michel Barnier tomberait, bien sûr.
09:30Ce qui montre d'ailleurs que le Parti Socialiste a un petit peu
09:32évolué. Parce que je ne voudrais pas non plus exonérer
09:34la gauche de toute responsabilité.
09:36C'est-à-dire qu'à la fin de l'été,
09:38ils étaient encore très
09:40arc-boutés, y compris les socialistes,
09:42sur...
09:44Ils voulaient un gouvernement de nouveau Front Populaire.
09:46Un gouvernement NFP et...
09:48peu enclin à s'ouvrir à d'autres
09:50formations politiques. Et là, on voit bien qu'il y a une évolution
09:52notamment au niveau du Parti Socialiste, du discours.
09:54On va filer au standard dans un instant
09:56puisqu'il y a de nombreuses questions d'auditeurs
09:58qui aussi essayent de comprendre.
10:00Mais un mot, David Jaïs, puisque vous disiez que
10:02ce que nous vivions en ce moment était le
10:04signe d'une crise du modèle
10:06social français. Pourquoi ?
10:08Si vous voulez, le vrai sujet, c'est que
10:10le contrat social français est pété.
10:12Il est en train d'exploser de toutes parts.
10:14Vous avez depuis 2018 quatre
10:16mouvements sociaux très importants. Les Gilets Jaunes,
10:18qui étaient plutôt les salariés et les
10:20indépendants du périurbain. Vous avez eu
10:22le mouvement social contre les retraites.
10:24On a vu que les villes moyennes, notamment les fonctionnaires,
10:26se sont beaucoup mobilisées. Vous avez eu les émeutes
10:28urbaines dont plus personne ne parle. On avait
10:30dit qu'on allait en tirer les leçons. On n'en a plus
10:32jamais entendu parler. Et puis le mouvement des agriculteurs
10:34qui revient cet automne après une première
10:36salve au mois de mars.
10:38Parce que les mesures ne sont toujours pas appliquées à cause de
10:40des blocages au niveau du gouvernement.
10:42Vous voyez bien que vous avez des pans entiers de la population
10:44française, de la population active
10:46qui se soulèvent. Ça veut dire quoi ?
10:48Ça veut dire que les grands équilibres de notre
10:50contrat social, par exemple, entre actifs
10:52cotisants et retraités
10:54ou entre grandes métropoles et petites
10:56villes ruralités sont en train
10:58d'exploser. Donc on a un sujet
11:00majeur qui est comment est-ce qu'on redéfinit
11:02un système de solidarité
11:04et un contrat social. Mais ça c'est pas
11:06un sujet qui peut être porté dans le cadre d'un gouvernement
11:08provisoire ou
11:10temporaire au milieu d'une
11:12crise politique. C'est un sujet d'élection présidentielle.
11:14Donc à mon avis, il faut faire les choses
11:16en deux temps. Il faut, à l'issue de cette crise politique,
11:18trouver une personnalité
11:20capable de rassembler
11:22derrière elle une majorité de non-censure
11:24à l'exclusion des partis populistes
11:26pour prendre des mesures de
11:28stabilisation. La voiture en fait
11:30est en train de déraper sur le verglas.
11:32Si on veut éviter qu'elle se mette à faire des tonneaux
11:34il faut activer le freinage d'urgence.
11:36On va voir comment on peut essayer de penser
11:38l'après alors que la crise n'est
11:40pas terminée. On file au standard
11:42Bonjour Patrick et bienvenue sur Inter
11:44Bonjour
11:46Ravi de... Bonjour à tous d'ailleurs
11:48et puis ravi de pouvoir poser ma question
11:50Alors je vous parlais d'un contrat
11:52social qui se délite
11:54mais je me demande si les politiques
11:56se mesurent
11:58effectivement l'écœurement
12:00face à leur attitude actuelle
12:02c'est-à-dire leur incapacité de trouver le moindre
12:04compromis à penser
12:06uniquement à leur intérêt partisan
12:08voire à leur intérêt personnel.
12:10Merci pour votre question
12:12qui veut répondre...
12:14Il y a au moins les sondages qui devraient les rappeler
12:16un petit peu à la réalité parce que
12:18depuis la rentrée à peu près
12:20à quelques rares exceptions près
12:22toutes les personnalités politiques baissent très fortement
12:24dans les sondages
12:26ce qui témoigne d'ailleurs sans doute
12:28d'un dégoût assez généralisé
12:30de la classe politique, de tout ce qui se passe
12:32et on pourrait revenir sur
12:34le péché
12:36originel qui est cette décision
12:38de dissoudre d'Emmanuel Macron
12:40qui avait précisément l'objectif
12:42inverse. Il avait parlé non seulement de
12:44clarification, on ne peut pas dire qu'on soit vraiment dans une situation
12:46beaucoup plus claire et l'idée c'était aussi
12:48de réconcilier un peu les français
12:50avec la chose politique. On ne peut pas dire que
12:52ce soit ce qui se produit
12:54mais objectivement il est difficile
12:56de répondre autre chose à cet auditeur que
12:58non, ils ne sont pas concentrés là-dessus
13:00je ne dis pas qu'ils n'en ont pas conscience mais il est bien évident
13:02que pour l'instant, quels que soient
13:04les partis politiques, ils sont obnubilés
13:06par l'élection présidentielle
13:08et que tout se décide à cette haune.
13:10Ou même par la semaine prochaine puisque
13:12les choses vont commencer à changer dans quelques jours.
13:14Ce qu'il faut dire c'est que dans les semaines
13:16que vous parliez du choix de
13:18la prochaine personnalité qui remplacerait
13:20éventuellement Michel Barnier si il était
13:22renversé, il faut quand même dire une chose très concrète
13:24c'est que cette fois-ci, s'il est censuré, si ça arrive
13:26s'il est renversé, Emmanuel Macron n'aura pas
13:28des semaines et des semaines pour se
13:30décider, pour permettre aux formations
13:32politiques de discuter entre elles et ce qu'ils ont
13:34échoué à faire en plusieurs semaines en septembre
13:36je ne vois pas comment ils réussiraient à le faire là en quelques jours
13:38dans l'urgence quand il faudra faire adopter
13:40enfin un vrai budget avec la même majorité jusqu'en juin.
13:42Je crois que Patrick a dit le mot
13:44c'est écoeurement
13:46c'est un sentiment qui domine aujourd'hui très largement
13:48Patrick Cohen ? Non, l'auditeur
13:50L'auditeur !
13:52C'est un sentiment
13:54qui domine largement dans l'opinion
13:56française. Je pense que si vous voulez
13:58on a l'impression d'être dans le brouillard
14:00on ne voit pas où on va, c'est pour ça que
14:02je parlais de Stas tout à l'heure, on est vraiment
14:04dans un état d'immobilité
14:06politique complet. Il manque deux choses
14:08il manque des idées
14:11le contrat social est pété, qu'est-ce qu'on fait
14:13pour le réparer ? Il faut une lumière
14:15au bout du tunnel, il faut des perspectives
14:17de sortie et aujourd'hui la classe politique
14:19dans son ensemble
14:21n'est pas capable de fournir
14:23des idées fortes pour sortir
14:25le pays de cet état de Stas
14:27et il manque aussi de la tenue morale
14:29c'est-à-dire que
14:31regardez en 1958, vous savez
14:33la situation de la France en 1958
14:35elle est bien pire qu'aujourd'hui, elle est embourbée
14:37dans la guerre d'Algérie, elle est déconsidérée
14:39dans l'opinion internationale
14:41parce qu'elle mène une guerre
14:43coloniale, elle est
14:45criblée de déficit
14:47le commerce extérieur se dégrade, la compétitivité
14:49baisse, le plan Marshall
14:51s'est retiré quelques mois avant
14:53et vous avez une équipe qui arrive au pouvoir
14:55je dis bien une équipe, parce que c'est pas juste le Général De Gaulle
14:57et l'homme providentiel, avec des politiques
14:59comme Pompidou, Pinet,
15:01des hauts fonctionnaires comme Bloch-Lenay
15:03des économistes comme Rueff, Armand
15:05et ces gens-là en fait, en six mois
15:07ils mettent en oeuvre un plan de
15:09freinage, de stabilisation, de redressement
15:11extrêmement. Vous imaginez
15:13le bilan de cette équipe ? Donc il est possible
15:15de sortir de cet état de stase
15:17mais il faut des idées et
15:19de la hauteur morale et c'est ça qui nous manque le plus aujourd'hui
15:21Et dans l'immédiat alors Pauline de Saint-Rémy
15:23puisque si on change de Premier Ministre
15:25il aura toujours la même Assemblée
15:27donc possiblement les mêmes problèmes
15:29Jean-Luc Mélenchon par exemple ou Charles de Courson
15:31du groupe Lyot évoquent une démission
15:33d'Emmanuel Macron, ça serait une issue ça ?
15:35Alors oui, Jean-Luc Mélenchon
15:37on n'est pas surpris, c'est vrai que Charles de Courson ça a un peu
15:39plus étonné, il y a eu même, et ça ça a été vraiment
15:41pris comme un signal faible dans
15:43l'ex-majorité chez les macronistes
15:45Jean-François Copé
15:47qui est une figure des Républicains
15:49qui a toujours été très
15:51Macron compatible si je peux dire, qui a toujours plutôt
15:53prenait un rapprochement entre la droite et la
15:55Macronie. Le fait que lui
15:57appelle en quelque sorte à la démission
15:59d'Emmanuel Macron ou en tout cas il a expliqué qu'il y serait
16:01sans doute contraint
16:03dans le cas de censure, ça a été le signal
16:05disons du très grand affaiblissement
16:07d'Emmanuel Macron et du niveau de difficulté
16:09dans lequel il va probablement se retrouver
16:11la pression politique risque d'être
16:13forte sur ses épaules, après il y a différentes
16:15façons de faire, Jean-Luc Mélenchon appelle à
16:17une destitution d'Emmanuel Macron, c'est pas la même
16:19chose que de faire l'analyse, de dire
16:21qu'il y sera sans doute contraint ou au moins
16:23contraint de se poser la question pour des raisons
16:25politiques. David Jays vous avez été conseiller
16:27pendant un temps à l'Elysée, est-ce que c'est
16:29le genre d'Emmanuel Macron de quitter
16:31le pouvoir pour essayer de mettre fin à cette crise ?
16:33En tout cas je pense pas que la démission d'Emmanuel Macron
16:35mettrait fin à cette crise, au contraire
16:37elle ouvrirait un nouveau chapitre
16:39Parce qu'on garderait la même assemblée jusqu'au mois
16:41j'ai dit juin tout à l'heure, c'est plutôt jusqu'au mois de septembre
16:43réellement, le temps que les élections soient organisées
16:45quoi qu'il arrive on aura la même
16:47assemblée. Je pense qu'aujourd'hui le seul sujet c'est
16:49de trouver un gouvernement qui soit soutenu
16:51au moins négativement par une
16:53majorité de députés à l'exclusion des formations
16:55populistes, c'est comme ça qu'il aurait fallu poser
16:57la question dès la fin de l'été.
16:59Bonjour Brigitte ! Oui bonjour !
17:01Bienvenue sur Inter !
17:03Bah écoutez je vous remercie là pour prendre l'appel
17:05Donc moi il y a eu
17:07des élections au mois de juin
17:09avec quand même
17:11des citoyens qui ont voté en toute
17:13démocratie et je vois qu'avec
17:15ce qu'a mis en place
17:17le président Macron
17:19qui n'est pas anodin, que je trouve
17:21on tombe vraiment dans de la perversité
17:23où on met les gens, les
17:25différents corps de métier, les gens les uns contre
17:27les autres, voilà. Et du coup
17:29moi je me posais quand même la question quand est-ce
17:31qu'en tant que citoyen on va sortir quand même
17:33la tête de nos mangeoires pour
17:35réagir qu'on est tous des
17:37humains et que là
17:39tout ce qui se passe nous dépasse
17:41Moi j'ai 66 ans, c'est la
17:43première fois de ma vie où je me dis
17:45s'il y avait un vote je n'irais plus voter
17:47David Jays !
17:49Oui on parlait d'écoeurement
17:51je pense aussi que le sentiment
17:53d'être dépassé est très courant
17:55on comprend plus rien, donc on baisse les bras
17:57on s'y désintéresse, j'aime bien l'image de la
17:59mangeoire parce qu'en fait on
18:01reste le nez dans le guidon de sa vie quotidienne
18:03et je pense qu'il faut qu'on
18:05reconquière
18:07la prise sur nos vies et la politique
18:09ça fait partie de nos vies parce que c'est l'organisation de notre vie
18:11collective. Il y a une belle définition de la démocratie
18:13qui était donnée par le philosophe Dewey
18:15il disait la démocratie c'est l'enquête
18:17collective. Il faut qu'on se remette à
18:19enquêter sur nos vies et sur l'organisation
18:21de nos vies.
18:23Ça peut prendre un peu de temps quand même.
18:25C'est pour ça que là on est sur des sujets de contrat social
18:27moi je pense qu'il faut faire un énorme
18:29choc de décentralisation, pas
18:31technocratique, c'est pas transférer des compétences à des
18:33collectivités, c'est se dire qu'il y a plein
18:35de sujets du quotidien, l'école, la santé
18:37le logement, les transports
18:39s'occuper des personnes âgées, la petite
18:41enfance, qui peuvent être gérés au niveau local
18:43et il faut que les citoyens prennent toute leur
18:45part dans l'organisation de ces affaires là
18:47Pauline de Saint-Rémy, est-ce que vous avez le sentiment
18:49qu'il est temps d'aborder des questions de fond
18:52ou qu'il est impossible de le faire
18:54dans un climat comme celui
18:56qu'on connaît ? Vous voulez dire qu'il est temps
18:58que la classe politique s'en parle plus des questions de fond ?
19:00Evidemment !
19:02L'intervention de cette auditrice était
19:04très parlante, le dégoût qu'on ressent
19:06et elle est
19:08évidemment pas la seule à le ressentir
19:10Brigitte, elle a le sentiment d'être dépassée également ?
19:12Oui, moi ça me renvoie encore une fois
19:14à cette décision d'Emmanuel Macron de
19:16dissoudre en juin, il le fait
19:18au soir des élections européennes, il faut
19:20rappeler, non pas
19:22faisant fi du résultat des élections
19:24mais avec l'intention évidente
19:26de faire oublier que
19:2845% des français ce jour-là
19:30avaient voté pour ce
19:32que lui appelaient des partis populistes
19:34en l'occurrence il incluait
19:36la France insoumise dedans, il comptait le rassemblement
19:38national et les émouristes
19:40qu'est-ce qu'il fait ? Il les rappelle aux urnes
19:42immédiatement dans la foulée
19:44il me paraît évident que ça a créé
19:46un sentiment de dégoût et Dieu seul
19:48sait ce qui se passerait s'il devait les
19:50rappeler aux urnes d'ici quelques mois
19:52Oui mais est-ce que c'est un problème institutionnel ?
19:54Puisqu'il a été question de
19:56ouvrir une dose de proportionnel, il a été question
19:58de remettre
20:00sur le métier les
20:02institutions, les textes même de la constitution
20:04de David Jason
20:06J'ai parlé de faillite morale parce que je pense que c'est pas une faillite
20:08institutionnelle, la 5ème république elle est
20:10incroyable, c'était une république qui était
20:12parlementaire au départ, ensuite elle s'est
20:14présidentialisée, elle était taillée sur
20:16pièces pour un homme, Providentiel Général
20:18de Gaulle, elle a absorbé l'alternance
20:20avec l'élection de François Mitterrand
20:22en 1980, donc elle est d'une plasticité
20:24incroyable, il est vrai qu'il y a une perversion
20:26depuis 2002, c'est-à-dire l'introduction du
20:28quinquennat, le fait que les élections législatives
20:30soient dans la foulée du quinquennat, le
20:32non-cumul des mandats qui n'a pas été une grande réussite
20:34parce que ça a hyper
20:36présidentialisé le régime
20:38mais vous voyez que même face à cette situation totalement
20:40inédite, la 5ème république elle résiste
20:42le problème c'est les mœurs, c'est la
20:44façon dont les hommes et les femmes politiques se comportent
20:46dans cet écrin institutionnel
20:48il aurait été possible de dire
20:50je donne un mandat exploratoire
20:52à une personnalité pour former un gouvernement
20:54Qu'est-ce que ça veut dire un mandat exploratoire ?
20:56ça existe en Italie par exemple ? Exactement, c'est-à-dire
20:58je choisis une personnalité que j'estime
21:00capable de former une majorité
21:02je lui donne le mandat d'explorer
21:04pendant deux semaines, trois semaines
21:06la formation d'un gouvernement
21:08qui serait soutenu par une majorité à l'Assemblée
21:10c'est des petites innovations mais qui ne nécessitent pas
21:12de changer la constitution sur la proportionnelle
21:14en revanche, j'y suis favorable parce que
21:16le problème du système majoritaire c'est que ça oblige
21:18certains partis à faire des alliances
21:20contre nature, dès le premier tour
21:22on l'a vu avec les socialistes qui se retrouvent prisonniers
21:24d'une alliance idéologique et politique
21:26dans laquelle ils ne croient pas une seconde
21:28et ça, ça produit de l'insincérité politique
21:30en quantité industrielle. Alors Pauline de Saramy
21:32puisqu'on parle des socialistes, le président
21:34du groupe PS proposait donc dimanche sur Inter
21:36une non-censure, alors on en a parlé
21:38un petit peu, qui consisterait
21:40à ne pas censurer le successeur
21:42du gouvernement Barnier en trouvant
21:44un programme commun qui permettrait de tenir
21:46jusqu'à une prochaine dissolution
21:48ça met en colère Jean-Luc Mélenchon
21:50est-ce que c'est l'explosion du Nouveau Front Populaire ?
21:52En fait c'est paradoxal
21:54parce qu'on est constamment en train
21:56d'annoncer l'implosion du Nouveau Front Populaire
21:58qui finalement n'arrive pas, preuve en est
22:00les socialistes
22:02ont évidemment l'intention
22:04de censurer le gouvernement Barnier
22:06dès qu'ils en auront l'occasion et à mon sens
22:08ils ne se sont même jamais posé la question
22:10de ne pas le faire. Non, c'est sur l'après qu'ils se divisent
22:12Oui, mais ce que je voulais dire
22:14c'est qu'à mon avis quand Boris Vallaud
22:16expose cette nouvelle ligne
22:18entre guillemets du parti socialiste
22:20sur France Inter, il expose avant tout
22:22une méthode, c'est-à-dire qu'il dit ce qu'il faudra
22:24faire c'est aller parler à tous les
22:26présidents de groupe, à tous les responsables politiques
22:28de tous ceux qui composent selon lui
22:30l'arc républicain, précisant que
22:32ça va jusqu'à LR
22:34Boris Vallaud sait très bien aujourd'hui
22:36qu'il n'y aura pas d'alliance entre
22:38le parti socialiste et les républicains
22:40qui sont déjà embarqués dans une alliance
22:42qu'ils n'assument pas vraiment avec les macronistes
22:44Je vois David Jaïz
22:46Là, à court terme en tout cas, à mon avis
22:48il avait l'intention surtout d'exposer
22:50une nouvelle méthode qui divergeait
22:52de ce dont on parlait tout à l'heure, à savoir cet été
22:54où le parti socialiste
22:56comme ses alliés du Nouveau Front Populaire étaient
22:58cramponnés à la candidature de Lucie Castex
23:00et exigeait avant toute chose
23:02la composition, la nomination d'un gouvernement
23:04du Nouveau Front Populaire avant peut-être
23:06d'élargir sa base, là il inverse la méthode
23:08et il sait pertinemment que ça le
23:10distingue des insoumis et de
23:12Jean-Luc Mélenchon qui lui cherche à se distinguer
23:14par sa radicalité dans un rapport
23:16de force évidemment interne
23:18aux forces de gauche et on revient
23:20au fait que Jean-Luc Mélenchon lui demande la destitution
23:22carrément d'Emmanuel Macron
23:24En fait je déteste l'expression majorité relative
23:26parce que ça veut rien dire, une majorité c'est une majorité
23:28sinon c'est une minorité
23:30Je vous assure que ça fait quand même une vraie différence à l'Assemblée Nationale
23:33Justement je vais vous dire ce que je pense
23:35soit vous avez une majorité
23:37qui soutient un projet politique
23:39positive
23:41soit vous avez une majorité contre vous
23:43elle censure, soit vous avez
23:45une majorité qui se met d'accord
23:47sur quelques points pour quelques mois
23:49et qui accepte de ne pas
23:51censurer, ça c'est ce que j'appelle une majorité
23:53par défaut, une majorité négative et dans cette
23:55configuration là vous pouvez très bien avoir un arc
23:57qui va des Verts et des Socialistes
23:59jusqu'aux Républicains, l'intérêt de la France
24:01Dans l'idée de Boris Vallaud ce sera
24:03évidemment avec un Premier Ministre Socialiste
24:05et aujourd'hui si on est réaliste les Républicains
24:07n'adhéreront pas à ce projet
24:09On va en rester là, la censure c'est un mot qui vous fait peur
24:11Pauline de Saint-Rémy, David Jays
24:13Disons que là en tout cas il me semble qu'on peut
24:15je sais pas si la cinquième est au bout
24:17mais ce qui est sûr c'est qu'il y a un vrai risque
24:19qu'on soit bloqué
24:21jusqu'au moins juin et septembre et plus
24:23Même question David Jays
24:25Non ce qui me fait peur c'est plutôt la stase politique
24:27dans laquelle nous sommes
24:29Merci infiniment en tout cas à tous les deux d'avoir été les invités
24:31du grand entretien et de nous avoir aidé
24:33à comprendre cette situation
24:35que certains qualifient d'affolante
24:37mais qui n'a pas l'air de vous affoler
24:39donc merci quand même
24:41de nous avoir aidé à y voir plus clair