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Alors que nous nous apprêtons à vivre la semaine prochaine un événement très attendu : la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, l'historienne Amelie de Bourbon Parme est venue nous aider à mieux comprendre cette relation parfois complexe entre le politique et le religieux. Ce sujet est au cœur de ses deux derniers romans qui appartiennent à la trilogie : "Les trafiquants d'éternité".

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Transcription
00:00Retrouvons à présent notre invité au cœur de l'info.
00:02Nous sommes à huit jours de la réouverture de Notre-Dame de Paris.
00:05C'est un événement international à la hauteur de l'émoi
00:08qu'a suscité l'incendie de 2019.
00:10Un événement qui mêle religieux aux politiques
00:13dans un pays qui a choisi de séparer l'Église et l'État.
00:16Alors peut-on parler de cohabitation ou de rapport de force ?
00:19Que reste-t-il du patrimoine politique de l'Église ?
00:22Et puis le pape François, pourquoi a-t-il choisi
00:24de ne pas assister à cet événement,
00:25mais de se rendre tout de même en France, en Corse,
00:28le week-end prochain, le week-end suivant cette réouverture ?
00:31Eh bien, l'historienne Amélie de Bourbon-Parmes
00:34vient nous offrir des clés de compréhension
00:37avant ce grand rendez-vous pour lequel je vous retrouverai
00:40dès 18h, samedi 7 décembre.
00:43Il y aura trois heures de direct
00:45pour suivre pas à pas la réouverture des portes de la cathédrale
00:49et découvrir donc ensemble la majesté retrouvée de Notre-Dame.
00:54Amélie de Bourbon-Parmes, bonsoir.
00:56Merci beaucoup d'être avec nous.
00:58Nous avoir rejoint pour nous offrir votre éclairage.
01:00Alors, cette réouverture se fait en deux temps,
01:03politique et religieux.
01:04Chacun son espace, en principe, même si on va l'évoquer,
01:08Emmanuel Macron a voulu tenter d'occuper celui du liturgique.
01:13Mais que nous dit tout d'abord, avant d'en parler,
01:15cette réouverture de la relation du politique et du religieux
01:21aujourd'hui ? Quelle est-elle ?
01:22Alors, c'est vrai qu'à travers l'histoire
01:24et notamment l'histoire de France,
01:27on s'aperçoit à quel point ces deux aspects de notre vie
01:31de société sont liés.
01:33Et c'est vrai que vous parlez de la loi de séparation
01:36de l'Église et de l'État.
01:38Elle est évidemment assez claire,
01:41mais en même temps, elle laisse des marges,
01:44évidemment, de flottement.
01:45Et on le voit.
01:46L'État reste propriétaire des murs de Notre-Dame.
01:49Et aujourd'hui, quand le président et sa femme vont visiter
01:53pour la première fois Notre-Dame restaurée,
01:56il y passe deux heures.
01:57Et ce temps passé, avec la convocation,
01:59évidemment, des journalistes et cette espèce de,
02:02quand même, une certaine mise en scène de ces retrouvailles
02:06entre ce président qui a vécu quelque chose de dramatique,
02:10qui est l'incendie de Notre-Dame, illustre ce lien assez émotionnel
02:15entre l'histoire de notre Église, de l'Église, de l'institution,
02:19des lieux de culte et du pouvoir politique.
02:21C'est l'alliance du trône et de l'autel.
02:23Comme vous le savez, dans l'histoire de France,
02:25ça a marqué et jalonné, depuis des siècles,
02:28la construction du royaume de France et de la France.
02:30Oui, à un moment donné, on a décidé d'y mettre un terme.
02:32Oui, tout à fait, on y a mis un terme.
02:34Mais émotionnellement, ce n'est pas possible de rompre.
02:38Et heureusement, d'ailleurs, on a vu à quel point
02:39ça a suscité une ferveur absolument incroyable.
02:42Et c'est vrai que l'histoire de l'Église et du religieux
02:45est complètement connectée à l'histoire de notre société.
02:49Aujourd'hui, on ne l'a pas oublié,
02:50mais c'est vrai que toute la sécularisation de notre société
02:54fait que c'est passé totalement au second plan,
02:56puisque aujourd'hui, l'État pourvoie à tout.
02:58Mais il y a encore quelques années, l'Église était surtout
03:03aux commandes pour tout ce qui était l'éducation des enfants.
03:06Elle reste, par certains aspects, encore présente.
03:09C'étaient les hospices, c'étaient les hôpitaux,
03:11l'hôtel Dieu qui est sur l'île de la Cité.
03:12Enfin, voilà, elle faisait partie entièrement de notre vie.
03:15C'était un maillage social.
03:16Exactement. Et donc, aujourd'hui,
03:19ça reste quand même présent dans les esprits,
03:21même s'il y a une perte, évidemment, de cette influence
03:24et de ces réflexes religieux dans la vie de chacun de nous.
03:28Notre-Dame de Paris est un centre religieux depuis le 13e siècle.
03:31Quand la cathédrale est-elle devenue plus que ça ?
03:33Vous venez d'évoquer l'hôtel Dieu, ce maillage social.
03:36Exactement. Elle est devenue plus que ça
03:39au moment où Paris s'est affirmée vraiment comme la capitale du royaume.
03:43C'est vrai que Paris a monté en puissance de façon un peu
03:47en même temps, finalement, que l'affirmation du pouvoir des monarques
03:51et le fait que la cour s'installe à Paris, au Louvre notamment,
03:55avec les Valois qui ont vraiment se sont installés sur place.
03:58Et c'est vrai que Notre-Dame a pris cette importance
04:01au moment notamment où Louis XIII a décidé
04:05d'en faire, de faire de la Vierge
04:08la protectrice du royaume de France.
04:10Et ce geste-là qui a vraiment sanctuarisé Notre-Dame
04:15comme l'église vraiment du royaume a été un moment très important.
04:19Et d'ailleurs, Louis XIV va construire,
04:22faire construire un maître-hôtel dans la cathédrale.
04:26Et ces actes-là vont vraiment poser Notre-Dame
04:29comme un lieu presque de fécondité, puisque c'était Notre-Dame,
04:32la Vierge qui avait été invoquée notamment par Louis XIII
04:36au moment où il n'arrivait pas à avoir d'enfant avec sa femme.
04:38Pour une grossesse. Voilà.
04:39Et donc, c'est un moment important et elle est liée à tout ça,
04:43à ces symboles.
04:44Et ça, c'est vrai que c'est un aspect peut-être qu'on n'évoque pas très souvent.
04:48Amélie, vos deux derniers romans par Richard Gallimard
04:50s'attachent à la figure d'un pape au XVIe siècle.
04:53C'est Paul III, à son accession à cette fonction suprême.
04:57Donc, vous le suivez.
04:59Il y a d'abord l'ambition de devenir éventuellement pape,
05:03ensuite l'ascension et puis il y aura la suite.
05:05Il y aura ensuite son mandat, si je puis dire.
05:08Dans l'ambition, il dit je n'ai renoncé à rien.
05:11Donc là, c'est le pape qui s'exprime.
05:12220e pape de l'Église catholique.
05:15Je n'ai renoncé à rien, ni au pouvoir, ni à la richesse,
05:18ni au savoir, ni à la beauté, ni à l'amour, ni à ma charge.
05:21J'ai laissé à d'autres le soin d'être irréprochable et la folie des regrets.
05:26C'est vrai qu'à l'époque, le politique, le religieux, le sacré,
05:29en fait, tout est mélangé.
05:30Tout ça est complètement connecté et l'un ne va pas sans l'autre.
05:33C'est-à-dire que le magistère de l'Église,
05:36depuis qu'elle s'est constituée grâce à l'apôtre Paul, Pierre, pardon.
05:41Évidemment, je confonds avec Paul III, celui qui va devenir pape
05:44et qui est le héros de mon livre.
05:46Eh bien, l'Église s'est construite comme une puissance politique
05:49qui a vraiment structuré l'histoire de notre continent, de Rome,
05:51évidemment, au départ, puisqu'elle a continué, finalement,
05:55ce pouvoir qui était installé à Rome, qui était celui des empereurs.
05:58Et elle est devenue, finalement, cette puissance tutélaire
06:02qui a essayé de consolider sa puissance politique sur l'Italie.
06:06Et cette puissance politique, évidemment, elle est entrée en conflit
06:09avec d'autres puissances qui sont celles de l'empereur,
06:11Saint-Empire romain germanique, et celles du roi de France,
06:14qui aussi voulaient préserver son magistère aussi sur les âmes,
06:19d'une certaine façon, sur l'esprit de ces sujets.
06:22Donc, ça a été vraiment aussi une des raisons
06:25pour lesquelles il y a eu ces conflits qui se sont déclenchés.
06:28Et l'Église a un peu perdu,
06:31en essayant de défendre son magistère politique,
06:34également, elle a perdu son magistère spirituel.
06:36Et c'est là où les deux sont vraiment connectés et permettent de comprendre
06:40comment, justement, pendant toute la période que je raconte dans mon roman,
06:44comment, finalement, les hommes d'Église étaient à la fois des hommes politiques,
06:49évidemment, et des religieux qui étaient fragiles
06:52du point de vue de leur conduite morale et personnelle.
06:57Et donc, ça va déclencher, évidemment, des mouvements d'opposition extrêmement forts,
07:02et notamment celui de la réforme protestante, qui va contester, justement,
07:06finalement, cette ambiguïté de l'Église qui a été un petit peu trop présente
07:10sur le plan temporel.
07:12On a vu, on le disait tout à l'heure, le politique qui, aujourd'hui, est profane,
07:16s'approprier le caractère sacré de cette réouverture.
07:19Il y a eu plusieurs gestes posés par Emmanuel Macron.
07:21On sait que, par exemple, il a voulu, pour cette grande journée du 7...
07:23Oui, faire son discours à l'intérieur de la cathédrale.
07:26Finalement, il est sur le parvis.
07:28Évidemment.
07:28Finalement, c'est en deux temps.
07:29Bon, malgré tout, aujourd'hui, il a quand même réussi à faire une petite allocution.
07:32Oui, on le sent très attiré.
07:35Même, ça s'est menti.
07:36Dans son lexical, il parle d'espérance, d'un choc d'espérance
07:38qu'avait évoqué déjà l'archevêque.
07:40Oui, il y a quand même une tentative, évidemment, toujours...
07:43Pourquoi est-ce qu'il a besoin de s'approprier le religieux ?
07:46Mais alors, à sa décharge, et comme vous le souvenez sans doute,
07:49au moment où il a été élu pour son premier mandat,
07:53il a fait son premier discours dans le cours du Louvre.
07:57Et c'est vrai que ça a été interprété de plein de façons.
07:59Il y avait une référence, quand même, à l'histoire royale de la France,
08:03parce que c'était le lieu, vraiment, le palais royal, par excellence.
08:06Là, on pense à Bonaparte, du coup, quand il est autant...
08:09Oui.
08:10Et qu'il demande autant au pape de venir, d'assister à cette cérémonie.
08:13D'assister à cette cérémonie, et puis que le pape refuse.
08:15Enfin, vraiment, c'est tout ce petit psychodrame fascinant.
08:19Et donc, bon, il y a quand même cette volonté aussi de s'inscrire
08:22dans les symboles qui ont porté la France à une forme de...
08:28Pas forcément de supériorité, mais quand même une sorte de...
08:31De rayonnement.
08:32De rayonnement à travers l'Europe et au niveau politique.
08:36Donc, oui, il tente de récupérer un petit peu ce feu sacré,
08:41peut-être, qui est tendance à lui échapper un peu en ce moment.
08:44À un moment où il est très, très déstabilisé,
08:47qu'il a besoin d'un socle solide et qu'il a besoin d'images fortes.
08:50On l'a vu, là, aujourd'hui, il était au cœur.
08:51On voyait tous ces artisans autour de lui, ces donateurs.
08:53Mais oui, tout à fait.
08:54Mais alors, après, il ne l'aurait pas fait.
08:56On aurait trouvé qu'il n'en faisait pas assez.
08:59Je trouve qu'il est plutôt dans un rôle assez...
09:04Qui a quand même du sens, notamment parce que c'est vrai
09:07qu'il a annoncé au moment où il y a eu ce dramatique incendie,
09:11qui a vraiment bouleversé au-delà, évidemment, de nos frontières,
09:14dans le monde entier.
09:15Et cette fumée qui s'est échappée de l'île de la Cité.
09:19Et je trouve qu'il a quand même réussi à tenir,
09:22finalement, ses engagements, cinq ans.
09:24Et voilà, finalement, les travaux sont terminés.
09:26Évidemment, ce n'est pas lui qui les a faits.
09:27Mais quand même, c'est assez fort d'avoir mené à son terme cet objectif-là.
09:33Cette promesse, on parlait donc du politique, du religieux,
09:37du pape François, notamment.
09:40Donc, finalement, il va venir.
09:41Il a refusé de venir à cette cérémonie.
09:44Il sera là en France, pourtant, en France et en Corse, une semaine plus tard.
09:50C'est vrai qu'on a du mal à comprendre son positionnement.
09:52Ce n'était pas sa place, Paris ?
09:54Alors, moi, j'ai deux réactions par rapport à ça.
09:59Alors, c'est vrai que je renvoie aussi un peu à mon livre,
10:01puisqu'au fond, ce que j'essaye de montrer dans la trajectoire d'Alexandre Farnes,
10:05qui devient ce pape Paul III important dans l'histoire de l'Église.
10:09Il a convoqué le Concile de Trente.
10:11Il a approuvé l'Ordre des Jésuites.
10:13Ça a été un homme qui a aussi, intellectuellement et artistiquement,
10:16été majeur pour l'histoire aussi de l'architecture.
10:19Il a fait décorer d'autres magnifiques prêtes par nombreux artistes.
10:23Il y a eu vraiment une place importante dans l'histoire de l'Église.
10:25Mais il sort d'une période très tumultueuse de l'histoire de l'Église,
10:30avec des papes borgia, médicis, qui ont vraiment à cœur,
10:35surtout, leur intérêt à eux, familiaux, personnel et politique.
10:38Et c'est vrai que cette volonté, finalement, de couper ou en tout cas,
10:44de se mettre un peu à distance d'un certain nombre de logiques politiques
10:47et de devenir vraiment un chef d'Église religieux, spirituel,
10:51est quand même la voie qu'ont essayé de suivre les papes pour répondre
10:57à la demande des fidèles, qui était qu'une Église soit plus centrée
11:01sur sa véritable mission, qui était de prêcher l'Évangile.
11:04Et c'est vrai que le pape François, en décidant d'aller vers quelque chose
11:08de plus simple ou en tout cas de plus, avec un moindre décorum,
11:14s'inscrit finalement dans ce désir et dans cette volonté
11:19de donner à l'Église, finalement, sa vraie place,
11:22qui est celle d'un homme qui va rencontrer ses fidèles,
11:26qui va prêcher l'Évangile et qui n'est pas dans des événements
11:29somptueux, qui se rapproche peut-être de quelque chose d'un peu mondain.
11:34Et en même temps, il redevient très politique, comme votre pape Paul III.
11:36Bien sûr, on n'y échappe pas.
11:38Et ce geste-là, qui se veut un geste plus authentique,
11:42est un geste politique, évidemment.
11:44Est-ce que c'est la place d'un pape d'être politique plutôt que spirituel ?
11:48C'est toute la problématique et c'est ce que vous posez dans vos propos.
11:51Où est-ce qu'il y a le plus de spiritualité ?
11:53Avec les fidèles en Corse ou dans la cathédrale Notre-Dame ?
11:58Qui peut le dire, finalement ?
11:59Et est-ce qu'il n'y en a pas autant des deux côtés ?
12:01Voilà, il fait ce choix-là, qui obéit quand même à sa personnalité,
12:05qui est vraiment d'être aussi un peu disruptif,
12:08pour reprendre un mot qui est de communication.
12:13Et donc, finalement, il y a quelque chose aussi qui interroge là-dessus.
12:17Mais peut-être qu'on peut aussi dire que son déplacement va coûter extrêmement cher,
12:22c'est ce que je disais, et qu'il va falloir faire levé de fond
12:26pour payer ce déplacement qui coûte aux alentours de 2 millions.
12:30Donc, ce n'est pas anodin.
12:31Malgré tout, le pape, en décidant d'aller là-bas, il n'y va pas comme un simple curé.
12:35Donc, il y a aussi...
12:36Il pourrait reverser cet argent éventuellement pour la cause qu'il va défendre,
12:38qui est l'impôt des migrants.
12:41On va terminer sur...
12:42C'est tout le paradoxe.
12:43C'est tout le paradoxe, sur le sacré qui fascine.
12:46C'est vrai qu'on voit qu'il y a un intérêt, une fascination.
12:49On parlait de la séparation de l'État et de l'Église,
12:52mais on voit que, d'un point de vue populaire,
12:54il y a une fascination pour le religieux en France encore aujourd'hui.
12:58Évidemment, je pense que c'est ce qui donne aujourd'hui aux gens
13:02un petit peu de sens ou en tout cas sublime,
13:05un quotidien qui est parfois un peu aspiré par un certain consumérisme.
13:09Et c'est vrai qu'on peut retrouver aussi un peu de sacré dans la culture,
13:14un peu d'émotion.
13:15Et donc, là, c'est vrai que Notre-Dame offre les deux,
13:18le spirituel et le culturel en même temps.
13:20Amélie de Bourbonpin, merci beaucoup d'être venue sur notre plateau.
13:23Je renvoie à vos deux romans,
13:25l'Ascension pour le dernier et l'Ambition pour le premier.
13:27Puis, il y aura un troisième pour compléter la trilogie.
13:30Merci beaucoup d'être venue au cœur de l'info.

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