Antoine Basbous est politologue, associé chez Forward Global et directeur de l'Observatoire des pays arabes.
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00:00Face à l'actualité, et l'actualité c'est donc la Syrie avec le retour des djihadistes à Alep, la faiblesse du régime de Bachar al-Assad.
00:07Régime d'Assad défié par les combattants islamistes.
00:10Ils se sont emparés de la deuxième ville du pays, 2 millions d'habitants.
00:14Ils contrôlent l'aéroport, les routes qui mènent à Damas où des tirs ont été entendus d'ailleurs dans la capitale.
00:20Je salue Antoine Basbous qui nous fait la gentillesse d'être en direct avec nous ce matin. Bonjour à vous.
00:25Bonjour monsieur.
00:26Politologue, spécialiste de la région, directeur de l'Observatoire des Pays Arabes notamment.
00:32On vient de vivre 3 jours de très grande violence avec cette opération surprise des djihadistes et des rebelles.
00:37Violence d'ailleurs que la Syrie n'avait pas connue depuis plusieurs années.
00:41La Syrie n'a pas arrêté d'être dans la violence, dans la guerre depuis 2011.
00:47Sauf que ce front là était en attente depuis 2020 avec les accords de condominium entre la Russie et la Turquie
00:57qui sont toutes les deux des puissances qui gèrent le nord de la Syrie.
01:01A vrai dire ce qui s'est passé c'est qu'il y avait une opportunité stratégique pour la Turquie.
01:07Le contexte favorable étant le transfert des Pesdaran iraniens et du Hezbollah de la région d'Alep
01:16qu'ils défendaient au sud Liban pour combattre Israël.
01:20Et donc en dégarnissant le front, Erdogan a envoyé ses hommes qui sont plutôt armés syriens libres
01:29et HTC, Hayat, Tahrir, Hicham qui sont des islamistes.
01:33Et ils ont conquis en quelques jours, en trois jours, énormément d'espace.
01:40Et ils ont été bien accueillis par la population.
01:43Antoine Basbous, cette opération c'est vrai inattendu, cette prise d'Alep.
01:47Elle a presque été j'ai envie de dire facile tant il n'y a pas eu d'opposition des forces du régime.
01:52Comment on peut l'expliquer ?
01:54Tout simplement parce que le front a été dégarni et que ceux qui défendaient la zone d'Alep,
01:59c'est-à-dire les Pesdaran iraniens et le Hezbollah libanais,
02:03s'étaient redéployés vers le sud Liban et du coup ils ont dégarni le front
02:08et c'était l'opportunité saisie par la Turquie.
02:12Pourquoi la Turquie fait ça ?
02:14Parce que Erdogan ça fait deux ans qu'il veut normaliser ses relations avec Assad et qu'Assad refuse.
02:21Erdogan veut renvoyer en Syrie 3,7 millions de Syriens parce qu'il ne peut plus les supporter.
02:28Or Assad les a chassés parce qu'ils appartiennent à la communauté sunnite et il y a trop de sunnites en Syrie.
02:34Donc de ce fait, comme il y a un blocage, comme il y a un blocage des réformes immobilistes,
02:41Erdogan a décidé de prendre du territoire syrien et de renvoyer les Syriens sur le territoire qu'il aura conquis.
02:51Quelque part ça montre peut-être aussi que le régime d'Assad en place n'a jamais eu vraiment une armée très puissante,
02:57comptant notamment sur les alliés, les Russes, les Iraniens, pour pouvoir contrôler son propre territoire, c'est un peu ça aussi.
03:03C'est-à-dire qu'Assad a tellement d'ennemis chez lui qu'il a failli tomber en 2015.
03:10Et c'est l'association des passarands iraniens menée par le général Soleimani que les Américains ont assassiné en 2020
03:19et par l'aviation russe pour protéger son régime.
03:22À vrai dire, dans cette affaire, il y a un autre volet qui est extrêmement important.
03:27C'est en menant cette opération, c'est l'autoroute d'approvisionnement du Hezbollah depuis l'Iran,
03:36l'approvisionnement en armes et en munitions, qui risque d'être coupée.
03:40Donc il y a un enjeu stratégique qui est très important.
03:44C'est ça, il y a un équilibre régional qui est en train de bouger.
03:47La donne change aussi puisque la Russie est très occupée par l'Ukraine.
03:50Israël, le Liban, ça occupe le Hezbollah, les Iraniens, on l'entend dans vos explications.
03:55Est-ce qu'on peut dire ce matin que Bachar el-Assad est en danger ?
03:58Je ne crois pas que cette offensive a vocation d'arriver jusqu'à Damas.
04:05Il y a les villes de Hama et Homs qui sympathisent avec les rebelles.
04:11En revanche, Damas peut être sécurisé et surtout la côte Alawite, le fief natal d'Assad, ne peut pas être conquis.
04:21En revanche, sur la frontière jordano-israélienne, Deraa et d'autres zones rebelles sont en train de se réveiller à nouveau.
04:32Donc Assad va vivre des moments extrêmement difficiles.
04:35Des moments difficiles, Antoine Bassebousse.
04:37Donc il peut tomber, il n'est pas en danger, vous nous dites ce matin.
04:41Est-ce qu'il va répondre d'abord dans un premier temps ?
04:43Il disait hier, je crois qu'il a pris la parole en disant qu'il allait s'en prendre aux terroristes.
04:48Oui, le chef des terroristes c'est lui-même.
04:51Il a terrorisé sa population, il a fait pas loin de 600 000 morts dont 100 000 sous la torture.
04:57Nous avons les images attestées, documentées par l'un de ses officiers.
05:02Bref, Assad est extrêmement affaibli et surtout son parrain iranien, lui, il est en débandade.
05:11Il a perdu le Hamas à Gaza, il a perdu le Hezbollah au Liban
05:15et maintenant il perd l'autoroute qui relie Téhéran à Beyrouth via le territoire syrien.
05:22Et Moscou ? Moscou va aider à intervenir ?
05:25Non, Moscou est intervenu trop peu, trop tard.
05:29Tout simplement parce qu'Assad ne lui oublie pas énormément
05:33et surtout parce que la Russie est en rivalité avec l'Iran sur le territoire syrien.
05:40Donc quand il voit que le coparrain iranien est en difficulté,
05:44eh bien Moscou se frotte les mains et se dit je serai le seul, le dernier parrain d'Assad
05:50qui va davantage m'obéir que d'être partagé entre Téhéran et Moscou.
05:56Antoine Basse-Boussebout qui est un spécialiste de cette région,
05:58directeur de l'Observatoire des Pays Arabes.
06:00Qu'est-ce que vous craignez justement pour la situation en Russie,
06:03pour l'équilibre de la région avec tout ce qui se passe ces derniers jours ?
06:06Je crois que la Russie a des ambitions, on les voit en Libye, on les voit en Afrique.
06:15Elle a chassé la présence française de plusieurs pays d'Afrique
06:19mais sur la Syrie elle n'a pas l'air d'être très vive et très offensive.
06:26Elle laisse faire, elle fait semblant de soutenir Assad trop peu trop tard.
06:31Je crois qu'elle se réjouit de voir l'influence iranienne battue en brèche sur ce pays.
06:40Merci Antoine Basse-Bousse d'avoir expliqué les choses ce matin aux auditeurs de RTL Politologues,
06:45associés chez Forward Global et directeurs de l'Observatoire des Pays Arabes.
06:49Toutes ces infos, entretiens, on va retrouver tout ça très rapidement évidemment sur notre site rtl.fr.