Xerfi Canal a reçu Simon Porcher, professeur agrégé de sciences de gestion à Panthéon-Assas Université, pour parler du modème économique du service public de l'eau potable.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00Bonjour Simon Porcher, la fin de l'eau, point d'interrogation, c'est l'ouvrage que vous
00:14publiez chez Fayard, Prix de l'Académie des sciences morales et politiques, un très très
00:19bel ouvrage où vous contribuez à mettre au cœur de l'agenda politique, médiatique, la question de
00:26l'eau et de la fin de l'eau. Et c'est extrêmement riche, extrêmement nourri et avec des vraies
00:35propositions et notamment la création d'une cope. Rien que ça. Alors là j'ai envie de rentrer un
00:41peu dans un point qui m'a complètement passé au travers, 20% de l'eau est gaspillée, elle est
00:50perdue. Effectivement 20% de l'eau qui est potabilisée est perdue sur les réseaux à
00:54cause de fuites d'eau sur les réseaux, ça représente un milliard de mètres cubes par
00:58an qui est perdu en France. C'est monstrueux. C'est énorme effectivement et donc il faut
01:03colmater les fuites. Alors on a sous-investi souvent sur les réseaux d'eau tout simplement
01:07parce que l'eau est relativement peu chère, donc de la traiter ça coûte pas très cher,
01:10de perdre l'eau c'est pas très cher et du coup on lui a pas vraiment donné une vraie valeur
01:15économique. Il faut penser en fait que l'eau qu'on perd a une valeur que l'eau qu'on laisse
01:20dans les nappes et pour la nature a une valeur parce qu'elle va être utilisée par d'autres
01:24usagers. Bien sûr alors là le néophyte se dit tout de suite mais comment les entreprises qui
01:28gèrent ça ne procèdent pas aux investissements de telle sorte qu'elles arrêtent de perdre de l'eau,
01:34elles n'ont aucun intérêt à perdre de l'eau. Ce que vous nous expliquez c'est qu'en fait rien
01:38n'est fait pour les inciter à faire ces rénovations des infrastructures, elles sont
01:43incitées sur les volumes. Effectivement les opérateurs qu'ils soient publics ou privés de
01:48l'eau sont payés sur les volumes vendus. Plus ils vendent d'eau, plus les recettes augmentent et je
01:54pense qu'il faut changer ce modèle économique, il faut aujourd'hui les rémunérer en tout cas en
01:57partie sur la sobriété, donc sur la capacité à faire en sorte qu'on consomme moins d'eau,
02:01sur leur capacité à réduire les fuites et même sur leur capacité à préserver la ressource en
02:08eau, la nappe ou le cours d'eau dans lequel on va puiser afin de délivrer de l'eau potable aux
02:14citoyens. Et là c'est un changement de paradigme complet parce que concrètement aujourd'hui si on
02:20est un industriel, plus on consomme d'eau, plus le prix devient bas, c'est le paradoxe, c'est ça,
02:25on est incité à consommer de plus en plus alors qu'il faut faire exactement l'inverse, c'est à
02:31dire inciter, comme vous l'avez dit, à la sobriété avec des tarifications progressives notamment avec
02:36des expérimentations en cours. Effectivement en fait les entreprises de l'eau elles d'une
02:42manière générale ou les opérateurs, même publics de l'eau, sont plutôt incités sur le volume
02:48vendu que sur la préservation de la ressource, donc ça c'est une première évolution du modèle
02:52économique qu'on peut faire. Et en plus, vous avez raison, sur la tarification on a parfois
02:57des choses aberrantes voire anachroniques, on a des industriels qui par exemple ont une tarification
03:03dégressive sur l'eau, donc plus ils consomment d'eau, moins ils payent cher leur eau au volume,
03:08c'était une décision souvent des collectivités publiques pour attirer des entreprises sur leur
03:14territoire. Ça c'est à oublier, c'est à arrêter, il faut supprimer tout type de tarification
03:19dégressive, soit on a une tarification qui est unique selon le volume vendu, un reposte, voilà
03:25exactement, tout à fait, je veux dire ça il n'y a aucun mal, après il faut évidemment trouver le
03:31bon niveau de tarification, soit on met en place des tarifications progressives ou saisonnières,
03:35on peut effectivement expérimenter tout un tas de solutions, jouer sur les tarifs de manière à
03:39voir comment les consommateurs réagissent à ces tarifs. Donc en tout cas un débat que vous nourrissez,
03:44très fortement, et en vous écoutant et en vous lisant, je pensais à l'économie de plombiers
03:49d'Esther Duflo, autre prix Nobel, vous citez Strom, prix Nobel d'économie, Esther Duflo qui nous dit
03:55il faut une économie de plombiers, il nous faut ce regard quelque part du plombier, parce que là
04:00on évoque des fuites, c'est ça qui est très riche dans votre ouvrage, c'est cette granularité là
04:05qu'on doit adopter aussi en recherche. Oui c'est important effectivement, alors à la fois de
04:09travailler sur un sujet évidemment global, et sur des solutions très globales, très macro,
04:14mais aussi évidemment d'aller au niveau d'un service et de voir comment ça se passe, des
04:18spécificités territoriales, de comprendre les différences territoriales, de comprendre les
04:23enjeux qui sont relatifs à chacun des services, et de laisser aussi chaque service d'eau en
04:26l'occurrence, ou chaque territoire, trouver la bonne solution. C'est important de venir avec des
04:33cadres de solutions qui soient globaux, mais ensuite de laisser évidemment chaque collectivité ou
04:37chaque territoire trouver ces solutions de façon aussi très démocratique. La fin de l'eau, point
04:43d'interrogation, donc espérons que vous ayez tort, et qu'on n'arrive pas à la fin de l'eau que
04:50nous prédisait Jean-Claude Van Damme, en nous disant dans 20-30 ans il n'y en aura plus, donc
04:54parfois on a des petits symptômes comme ça qui doivent attirer notre attention, et un parfait
05:00exemple d'une recherche au long cours, et qui se saisit des vrais sujets très importants.
05:07Merci à vous Simon Porcher.
05:08Merci beaucoup.