Environ 90% de ce que nous consommons transitent sur les quelque 60 000 vaisseaux qui sillonnent sans relâche les mers du globe. C'est dire notre dépendance et l'importance du frêt maritime, tentaculaire réseau d'artères maritimes qui structure la mondialisation. Mais celle-ci n'est rendue possible que parce qu'une armada de cargos voguent à son service. Ces dizaines de milliers de bateaux gros comme des buildings sillonnent les mers et les océans sans relâche afin de faire fonctionner notre système économique. Une activité phénoménale ! Il est vrai que le système semble tombé sur la tête... Ici, du poulet américain est découpé et mis sous vide en Chine. Là, du whisky écossais embouteillé en Australie revient à la case départ, avant d'être distribué dans le monde entier... Et si peu de monde en a vraiment conscience, c'est que ces autoroutes tracées dans l'immensité des mers échappent aux regards.
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00:00:00Nos vitrines sont la face visible du grand spectacle commercial offert en continu aux
00:00:23consommateurs de la planète, mais sont-elles aussi transparentes qu'il y paraît ?
00:00:27Ce film explore les mécanismes d'une industrie qui, en coulisses, tire les ficelles de notre
00:00:33monde globalisé et se cache derrière chaque étiquette.
00:00:36Excusez-moi, vous travaillez ici ? Oui, oui.
00:00:40Est-ce que vous savez quelle distance a été parcourue pour fabriquer cette veste ?
00:00:45Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'elle est made in Bangladesh.
00:00:51Fabriquée au Bangladesh ? Oui, c'est ça.
00:00:54Ok, et c'est tout ce que nous savons sur cette veste ?
00:00:57Oui, monsieur.
00:00:58D'accord.
00:00:59Merci beaucoup.
00:01:00Au plaisir.
00:01:01D'où viennent les produits qui fondent notre quotidien ?
00:01:07Mes chaussures viennent de Chine, ma chemise vient d'Indonésie, tous ces articles viennent
00:01:15de l'autre bout de la planète.
00:01:16Et ce qui est vraiment incroyable, c'est que même si tous ces produits ont voyagé à
00:01:22travers le monde, ma tenue reste vraiment bon marché.
00:01:26Des milliers de kilomètres parcourus, et tout ça pour une poignée de dollars.
00:01:34Ça, c'est venu par bateau, ça, c'est arrivé par bateau, mes chaussures sont arrivées
00:01:40par bateau, le micro, toute votre technologie, la caméra même est arrivée par bateau.
00:01:45On remplit des conteneurs avec de la ferraille, du foin, du papier recyclé.
00:01:54De l'énergie que nous utilisons à la nourriture que nous consommons, en passant par tous ces
00:01:59gadgets avec lesquels nous aimons jouer.
00:02:0090% d'absolument tout.
00:02:0390% de tout ce que nous consommons.
00:02:05Tout vient par conteneur, de l'autre bout du monde.
00:02:15Le transport maritime a pris les commandes de notre société.
00:02:33Maillon fondamental d'une chaîne d'approvisionnement bien réglée.
00:02:37Il navigue loin des regards et assouvit en silence notre addiction à la consommation.
00:02:43Nous dépendons tous de cette industrie et pourtant, elle reste hors de portée de notre
00:02:48écran radar.
00:02:49Vous êtes sur le pont du Poelche.
00:02:52C'est un porte-conteneurs.
00:02:55Je suis le capitaine Razvan Adrianita, je viens de Roumanie et je suis le capitaine
00:03:01de cette jolie dame.
00:03:02Cette jolie dame mesure plus de 300 mètres de long.
00:03:10Elle appartient à un armateur allemand, mais elle bat pavillon du Libéria.
00:03:14Son équipage n'est formé que d'une vingtaine d'hommes, capables à eux seuls de faire
00:03:19fonctionner cette cité flottante.
00:03:20Dans ses conteneurs, 80 000 tonnes de produits en tout genre, transportés d'un bout à
00:03:25l'autre de la planète pour le compte de milliers d'exportateurs.
00:03:28Quels sont les dessous de cette industrie ? Quel est son impact sur l'environnement ?
00:03:33Comment influence-t-elle notre société ? Et à quel prix ?
00:03:41Beaucoup de gens attribuent la mondialisation aux différences de salaire et pensent que
00:03:47les entreprises vont en Asie du Sud-Est parce que la main-d'oeuvre y est moins chère.
00:03:51Ce n'est pas tout à fait vrai.
00:03:53Les travailleurs d'Asie du Sud-Est ont gagné moins que les travailleurs européens et américains
00:03:58pendant des centaines d'années sans que nous n'atteignions un tel degré de mondialisation.
00:04:02C'est en réalité le coût très bas du transport qui a rendu possible l'utilisation de cette
00:04:09main-d'oeuvre bon marché pour fabriquer les produits destinés à être vendus sur
00:04:13les marchés étrangers.
00:04:14Ce qui est fascinant avec le faible coût du transport maritime, c'est qu'une entreprise
00:04:28peut traiter le monde entier comme une seule usine.
00:04:31Avant que le fret maritime soit répandu, il était courant d'avoir de très grandes
00:04:42usines.
00:04:43Les matières premières entraient à un bout de l'usine et les produits finis en sortaient
00:04:54à l'autre bout.
00:04:55Plus personne ne fait ça aujourd'hui, plus personne n'a besoin de faire ça.
00:05:10Le transport a tout changé, aujourd'hui les distances n'existent plus et un produit
00:05:18aussi simple qu'une veste est le résultat d'une collaboration à l'échelle planétaire.
00:05:22Quand vous voyez une étiquette « Made in Bangladesh » sur un vêtement, vous n'avez
00:05:34en réalité qu'une partie de l'histoire.
00:05:36Cela ne dit pas où le coton a été cultivé, où il a été tissé, où il a été teint.
00:05:42Et s'il y a des éléments comme des boutons ou une fermeture éclair, où ceux-ci ont
00:05:49été fabriqués ? Cela peut avoir été fait dans un tout autre pays.
00:05:54Tout ce que l'étiquette vous dit, c'est où se trouve l'usine où l'assemblage
00:05:58final a eu lieu.
00:05:59Le « Made in » se limite en réalité à la dernière étape d'un long périple.
00:06:07Son coton vient des Etats-Unis, mais il a été envoyé en Inde pour être tissé et
00:06:12teint.
00:06:13Les boutons, eux, ont été fabriqués au Vietnam, mais à partir de plastique collecté
00:06:17en Europe, puis transformé en Chine.
00:06:19Au total, 48 000 kilomètres, plus que la circonférence de la Terre, ont été parcourus.
00:06:27Et tout ça pour le prix modique d'un ticket de métro.
00:06:29« Nous sommes arrivés à un point où les marchandises faites localement sont plus chères
00:06:37que celles qui nous sont expédiées de l'autre bout du monde.
00:06:39Pour moi, il y a quelque chose qui cloche dans cette équation.
00:06:43Et de toute évidence, il y a des effets induits et des coûts cachés que le consommateur
00:06:48ne connaît pas. »
00:06:49L'équation a ses secrets, et cela peut déclencher quelques interrogations.
00:07:02Comment cette industrie peut-elle proposer un transport à si bas prix ?
00:07:07« Bonjour monsieur, vous pouvez sans doute m'orienter.
00:07:14On tourne un documentaire sur le transport maritime, et je voudrais savoir s'il serait
00:07:17possible d'entrer dans le port.
00:07:19»
00:07:20« Non.
00:07:21Est-ce que ce véhicule derrière est avec vous ? »
00:07:22« Non.
00:07:23Je pense plutôt qu'il nous surveille depuis un moment.
00:07:24Oui, bonjour.
00:07:25»
00:07:26« Vous êtes en train de filmer, là ? »
00:07:27« En fait, je souhaiterais… »
00:07:28« Je vais vous demander de quitter les lieux et de m'attendre là-bas, derrière le camion
00:07:32rouge.
00:07:33»
00:07:34« Bonjour monsieur.
00:07:35Je peux savoir ce que vous faites là ? »
00:07:37« On tourne un documentaire.
00:07:38»
00:07:39« Un documentaire sur quoi ? »
00:07:40« Sur le transport maritime.
00:07:41Vous savez, 90% de tout ce que nous consommons… »
00:07:44« Vous avez une autorisation, quelque chose ? »
00:07:46« Non.
00:07:47Pas pour l'intérieur du port.
00:07:48C'est là que je voudrais filmer, les conteneurs… »
00:07:50« Permis de conduire, carte grise, assurance, s'il vous plaît. »
00:07:53Sous bonne garde, le transport maritime, ou le shipping, opère loin des regards.
00:08:05Et cette réalité a un nom.
00:08:07Les transporteurs l'appellent « la cécité des mers ».
00:08:11Cette industrie ne se laisse pas voir.
00:08:13Et pourtant, elle est immense.
00:08:21« Si vous regardez n'importe quel site de localisation des navires, vous verrez des
00:08:24milliers de points.
00:08:25Et chaque point est un bateau.
00:08:27Et chaque bateau porte des milliers de tonnes de cargaison.
00:08:30Mais si vous voulez vraiment voir ces bateaux, c'est très compliqué.
00:08:35»
00:08:3660 000 vaisseaux sillonnent sans relâche les artères maritimes du globe.
00:08:40Ils sont le flux sanguin qui nourrit la machine globale et ravitaille 7 milliards d'humains.
00:08:46Les matières premières, minerais, charbon, le pétrole, le gaz, tous les fruits, légumes,
00:08:52céréales, les liquides, produits chimiques, composants, produits finis…
00:08:5790% de tout ce qui est fabriqué ou extrait de la planète passe par la mer.
00:09:02Alors comment expliquer une telle invisibilité du secteur maritime ?
00:09:08« Vu que les bateaux deviennent de plus en plus grands, les ports doivent être plus
00:09:12profonds.
00:09:13Donc ils se sont éloignés.
00:09:16Il n'y a plus de doc au centre de Londres.
00:09:19Il n'y a plus de doc dans New York.
00:09:21Parce qu'il n'y a pas assez d'eau et pas assez d'espace.
00:09:25Aujourd'hui, les ports sont énormes et ils sont souvent situés à plusieurs kilomètres
00:09:29des villes.
00:09:30C'est pourquoi il est difficile de voir les navires.
00:09:36C'est paradoxal.
00:09:38Mais si les ports et l'industrie tout entière sont devenus invisibles, c'est parce que
00:09:44les bateaux ne cessent de grandir.
00:09:49Les navires deviennent de plus en plus grands.
00:09:51Vraiment, on dirait qu'il n'y a plus de limite maintenant.
00:09:54Les records de taille ne durent que quelques mois.
00:09:57Il y a constamment un bateau encore plus grand qui fait son apparition.
00:10:02Les dimensions sont titanesques.
00:10:04Le triple E est l'un des petits derniers de la flotte.
00:10:07Avec ses 400 mètres de long, l'équivalent de 4 terrains de football, il pourrait accueillir
00:10:1210 Airbus A320 en file indienne.
00:10:15Ou une Tour Eiffel.
00:10:16Ou pourquoi pas, le Titanic tout entier.
00:10:19Mais sa spécialité, ce sont les conteneurs.
00:10:2218 000 à chaque voyage.
00:10:24Si on les alignait, cela donnerait un serpent d'acier de 120 km.
00:10:29Plus on en met sur un seul bateau, plus le coût du transport baisse.
00:10:32C'est ça, l'économie d'échelle.
00:10:36Nous avons fait quelques calculs plutôt amusants.
00:10:38Et il s'avère qu'un navire comme celui-là peut transporter 800 millions de bananes,
00:10:42suffisamment pour donner une banane à chaque personne, en Amérique du Nord et en Europe.
00:10:47Et dans la conquête silencieuse du shipping, il est une invention qui a largement contribué
00:10:56à réduire les coûts du transport.
00:10:58Celle du conteneur.
00:11:03Avant, cela prenait des semaines et même des mois pour charger ou décharger un navire.
00:11:07On y chargeait individuellement jusqu'à 200 000 caisses ou paquets.
00:11:10Mais maintenant, si vous avez par exemple 6 000 conteneurs,
00:11:13tous peuvent être chargés et déchargés en à peine 24 heures.
00:11:18L'économie d'échelle
00:11:26Aujourd'hui, avec les conteneurs si efficaces, si simples à gérer,
00:11:29il est devenu rentable, par exemple, pour des pêcheurs écossais,
00:11:32d'expédier leurs morues jusqu'en Chine pour les découper,
00:11:36puis de les renvoyer en Écosse pour les congeler,
00:11:38et ensuite les vendre dans le monde entier comme du poisson écossais.
00:11:42Et il y a toutes sortes d'exemples comme celui-là.
00:11:48Le conteneur a tout accéléré.
00:11:52Et ce sont aujourd'hui 500 millions de ces boîtes
00:11:54qui transitent chaque année sur les autoroutes maritimes.
00:11:57Qu'est-ce que vous transportez dans ces conteneurs ?
00:11:59Il y a quoi sur votre bateau ?
00:12:02En dehors de certaines cargaisons spéciales et des conteneurs réfrigérés,
00:12:06en pratique, nous ne savons pas vraiment ce qu'il y a dans ces conteneurs.
00:12:14Ça peut être n'importe quoi.
00:12:18Chaque conteneur est rempli et scellé par l'expéditeur lui-même.
00:12:23Puis il est acheminé au port avant d'être chargé sur un navire en partance.
00:12:28Une fois à destination, la boîte, toujours scellée,
00:12:31est déchargée, puis livrée par train ou par camion à son destinataire.
00:12:36Et sauf exception, seuls l'expéditeur et le destinataire
00:12:40savent ce que la boîte contient.
00:12:43En général, l'équipage et le capitaine n'ont aucune idée de ce qu'ils transportent.
00:12:48Pour eux, tous les conteneurs se ressemblent.
00:12:51La compagnie à qui appartient le navire,
00:12:53elle non plus ne sait pas ce qu'elle transporte.
00:12:56Elle reçoit ce qu'on appelle un manifeste rempli par l'expéditeur
00:12:59qui dit, par exemple, ce conteneur est rempli de tant de pulls en laine.
00:13:05C'est ce qu'on appelle un manifeste.
00:13:07Par exemple, ce conteneur est rempli de tant de pulls en laine.
00:13:12Il est possible que ce conteneur contienne des pulls.
00:13:16Mais il est aussi possible qu'il renferme d'autres choses à l'intérieur.
00:13:24Ce que j'adore avec le transport maritime, c'est cette expression « disons contenir ».
00:13:29C'est un terme légal sous lequel opère toute l'industrie.
00:13:32Une manière de dire, nous n'avons aucune idée de ce qu'il y a dans les conteneurs.
00:13:38C'est un mystère.
00:13:41Mais l'Office de lutte contre la drogue et le crime des Nations Unies,
00:13:44à travers son programme d'inspection, a une petite idée de ce qu'ils peuvent renfermer.
00:13:50Ces 10 dernières années, nous avons saisi plus de 100 tonnes de cocaïne,
00:13:5460 tonnes de cannabis, des tonnes d'héroïne,
00:13:58des tonnes de produits chimiques utilisés dans la fabrication de drogue,
00:14:01sans compter les marchandises de contrefaçon, les armes, etc.
00:14:06Il n'y a pas de limite à ce que notre programme d'inspection a trouvé.
00:14:15Plus de la moitié des narcotiques qui inondent l'Europe et les Etats-Unis
00:14:19pénètrent via les ports commerciaux dans des boîtes apparemment anodines.
00:14:23Mais leurs parois métalliques peuvent cacher bien plus que des drogues illicites.
00:14:30Pour les trafiquants d'armes, le conteneur est un cheval de troie idéal
00:14:34pour esquiver les embargos et alimenter les conflits armés
00:14:37ou les organisations terroristes du globe.
00:14:40Chaque port est une brèche dans le système de sécurité des nations.
00:14:44Conscients de la menace terroriste depuis septembre 2001,
00:14:47les Etats-Unis, en accord avec d'autres pays industrialisés,
00:14:51ont instauré une politique d'inspection visant à scanner 100% des conteneurs.
00:14:56Mais la réalité est légèrement différente.
00:15:00Seulement 2% des conteneurs qui circulent dans le monde sont inspectés ?
00:15:03Oui. À mon avis, il n'est pas utile d'augmenter le nombre d'inspections.
00:15:09Parce qu'heureusement, la plupart des gens respectent les règles.
00:15:14Ce ne sont pas des criminels.
00:15:17D'accord, mais il reste quand même 98% de conteneurs à risque dont on ne sait rien.
00:15:24Mais je vous dis que la plupart des entreprises, la plupart des exportateurs,
00:15:29veulent respecter la loi.
00:15:31Ce ne sont pas des criminels.
00:15:38Naïveté ou indifférence, les autorités et les transporteurs ferment les yeux.
00:15:44C'est un autre des symptômes de la cécité des mers.
00:15:50Une des plus grandes compagnies maritimes, en fait la plus grande, est Mersk,
00:15:54dont la plupart des gens n'ont jamais entendu parler.
00:15:57Mais c'est absolument énorme.
00:15:59Elle a les mêmes revenus que Microsoft.
00:16:05Il est très difficile d'imaginer l'équivalent de l'industrie informatique
00:16:08sans rien savoir de Steve Jobs ou de Bill Gates.
00:16:12C'est un peu ça le transport maritime aujourd'hui.
00:16:15Ça représente une partie très importante du commerce mondial.
00:16:20Mais contrairement à l'informatique ou à la plupart des autres activités,
00:16:23nous ne savons pratiquement rien des entreprises de ce secteur.
00:16:27Elles n'attirent aucune publicité.
00:16:30Même pour les compagnies maritimes numéro 2, 3, 4 du monde,
00:16:34la plupart des gens ne savent pas ce que leurs initiales signifient.
00:16:38Ils ont vu les noms sur des conteneurs, mais ils ne savent pas grand-chose d'elles.
00:16:42Ils ne savent pas qui sont les propriétaires.
00:16:44Ils ne savent probablement pas dans quel pays elles sont basées.
00:16:47C'est une des industries les plus opaques que je connaisse.
00:16:57Opacité, ou gigantesque tour de magie,
00:17:01capable de dissimuler une industrie pourtant omniprésente.
00:17:10Les entreprises du secteur et leurs dirigeants travaillent dans l'ombre.
00:17:14Ils tirent les ficelles du commerce mondial à distance,
00:17:18depuis leurs bureaux européens et asiatiques,
00:17:21de continent au continent.
00:17:23Deux continents où plus de 90% de ces sociétés sont implantées.
00:17:28Leur revenu annuel dépasse les 450 milliards d'euros.
00:17:33C'est plus que le budget national de la France.
00:17:37C'est supérieur au revenu cumulé de l'industrie aérienne.
00:17:41Et cela fait du shipping, un poids lourd de l'économie mondiale.
00:17:47Plusieurs centaines d'entreprises composent le secteur.
00:17:50Les plus puissantes sont à la tête de véritables empires.
00:17:54Mersk est un exemple.
00:17:57Ce conglomérat danois emploie 90 000 personnes dans 130 pays.
00:18:01Et chaque année, il réalise près de 50 milliards de dollars de chiffre d'affaires.
00:18:05Outre sa flotte de 600 navires surdimensionnés,
00:18:09le groupe est aussi dans le business du pétrole et du gaz,
00:18:13et il dirige une soixantaine de ports dans le monde.
00:18:16Ces entreprises pèsent très lourd.
00:18:18Et elles sont entre les mains d'une poignée d'individus.
00:18:22La plupart d'entre elles sont privées.
00:18:25La plupart sont des entreprises familiales.
00:18:28Nous dépendons d'une industrie très privée, dans tous les sens du terme.
00:18:35Le top 10 des manias les plus puissants du monde.
00:18:38Ces personnes contrôlent cet énorme marché.
00:18:41Et 7 milliards de consommateurs dépendent de leurs entreprises.
00:18:44Pourtant, leurs noms et leurs visages sont inconnus du grand public.
00:18:48Parmi eux, John Fredricksen et ses filles.
00:18:52Ce Norvégien pèse plus de 15 milliards de dollars.
00:18:55Et son train de vie, bien que peu médiatisé,
00:18:58n'a rien à envier à celui d'une rockstar.
00:19:01Il ne met jamais les pieds sur ses navires.
00:19:04Et c'est en jet privé qu'il se déplace entre les paradis fiscaux,
00:19:07où il a domicilié ses sociétés.
00:19:10Je pense que l'on peut dire qu'il n'y a pas de problème.
00:19:13Je pense que l'on peut diviser les armateurs en deux grandes catégories.
00:19:17La première est celle des industriels droits et honnêtes,
00:19:21qui n'utilisent pas leurs navires pour spéculer,
00:19:24et qui ont opté pour mener une activité durable sur une longue période.
00:19:35L'autre partie de l'industrie, ce sont les manias.
00:19:39Les types qui ont d'énormes fortunes, qui ne payent pas d'impôts
00:19:42et qui ne parlent pas de leurs affaires en public.
00:19:47Et je pense que John Fredricksen en est l'exemple typique.
00:19:54Quand vous allez dans une station-service faire le plein de votre voiture,
00:19:58il y a une très forte probabilité que votre carburant ait été transporté par John Fredricksen.
00:20:05Fredricksen possède la plus grande flotte de tankers au monde.
00:20:09Une de ses sociétés, basée au Bermude,
00:20:11remplace la moitié du pétrole brut extrait de la planète.
00:20:14Mais jusqu'à preuve du contraire, cela n'est pas un crime.
00:20:19Il y a un proverbe qui dit qu'un crime se cache derrière chaque fortune.
00:20:23Et à mon avis, John Fredricksen s'inscrit certainement dans ce cas de figure.
00:20:31Dans les années 80, il réussit son premier jackpot pendant le conflit Iran-Irak.
00:20:37Sous contrat avec le régime des ayatollahs,
00:20:39le jeune industriel aurait mis son premier tanker à disposition de l'Iran
00:20:44et ainsi permis au pays sous embargo de continuer à vendre son pétrole et à financer ses armes.
00:20:51Plus tard, il fait la une des journaux norvégiens,
00:20:55soupçonnés d'avoir volé le pétrole de ses clients,
00:20:58l'équivalent de 10 millions de dollars, pour alimenter les moteurs de ses navires.
00:21:04À chaque fois, l'armateur norvégien est passé entre les mailles de la justice.
00:21:10Certains industriels savent très bien comment brouiller les pistes.
00:21:15Ce navire a été livré en 2007 à un armateur allemand, Peter Doley,
00:21:20mais il navigue sous pavillon libérien,
00:21:23donc le propriétaire est en réalité basé au Libéria.
00:21:29Le propriétaire est européen, mais sur le papier, le navire est libérien,
00:21:34contradiction autour de passe-passe.
00:21:38C'est très facile pour les propriétaires peu scrupuleux
00:21:42d'échapper au cadre de la loi, de la justice.
00:21:47Et s'ils peuvent se le permettre, c'est grâce au pavillon.
00:21:53Ce drapeau, on l'appelle aussi pavillon de complaisance.
00:21:57Et c'est grâce à lui qu'un armateur peut jeter un voile d'anonymat
00:22:00sur son entreprise.
00:22:02C'est tout à fait légal et conforme aux lois maritimes.
00:22:09Alors vous avez la côte, et ensuite vous avez 12 000 marins d'eau territoriale
00:22:15et 200 000 de zones économiques exclusives,
00:22:19où l'État côtier est autorisé à exploiter les ressources naturelles s'y trouvant.
00:22:24Et puis vous avez la haute mer,
00:22:26et celle-ci n'appartient à personne.
00:22:29Donc il existe une règle.
00:22:31Chaque navire doit porter un drapeau.
00:22:33Et une fois en haute mer, il passe sous la responsabilité de l'État dont il porte le drapeau.
00:22:38Et ce sont les lois de ce pays qui sont appliquées.
00:22:44Une fois en haute mer, le navire obéit donc aux lois du pays dont il porte le drapeau.
00:22:50Mais la plupart des navires grecs, japonais, chinois,
00:22:53et allemands sont immatriculés au Panama, au Liberia, aux îles Marshall ou en Mongolie.
00:22:59Ils s'éclipsent ainsi, légalement, de leur pays d'origine.
00:23:03Et dans la pratique, cela peut comporter certains avantages.
00:23:10Disons que je suis un armateur.
00:23:13Je cherche un drapeau pour mon bateau.
00:23:16Et je ne veux pas utiliser celui de mon propre pays,
00:23:18car si par exemple je suis anglais, je sais qu'il y a certains impôts,
00:23:22certaines obligations concernant le travail, le salaire minimum, etc.
00:23:27Et je ne veux pas de bâton dans les roues.
00:23:30Alors je vais sur le web, et là je vois que je peux immatriculer mon navire dans les îles Marshall
00:23:35ou en Mongolie, qui n'a même pas de façade maritime,
00:23:38ou en Bolivie, qui n'a pas non plus de façade maritime.
00:23:41Disons que je choisis le drapeau bolivien.
00:23:44Je peux acheter leur pavillon.
00:23:45Et je n'aurai plus d'obligation de salaire minimum.
00:23:48Je paierai peu ou pas d'impôts.
00:23:50Très peu de charges sociales sur mon personnel.
00:23:56Un simple rectangle de tissu, ça peut rapporter très gros.
00:24:04Vous avez des chaînes de la magogne.
00:24:07L'ensemble des économies, si vous passez par un pavillon de complaisance,
00:24:10l'économie fiscale, sociale, technique,
00:24:13vous pouvez, dans le cas extrême, avoir jusqu'à 65% de l'économie sur votre frais.
00:24:20Dans leur course frénétique pour tirer les coups au plus bas,
00:24:24les armateurs ont trouvé dans ces pavillons un atout majeur.
00:24:28Chaque année, ils se retrouvent sur des salons de la complaisance
00:24:33où les pays offrant leur pack de réglementations permissives
00:24:36viennent vanter les atouts de leurs drapeaux
00:24:39et faire de fructueuses affaires entre deux cocktails.
00:24:47Nous immatriculons des bateaux dans les îles Marshall, c'est notre spécialité.
00:24:51Nous représentons le troisième pavillon le plus coté au monde.
00:24:55La Dominique, c'est l'île de la nature
00:24:58et c'est probablement un des pavillons les plus rentables.
00:25:01Je dirais que les Bahamas sont les meilleurs.
00:25:03Nous sommes dans le top 10 mondial des pavillons.
00:25:22Dans la recette miracle du transport à bas prix,
00:25:25c'est le drapeau, l'ingrédient de base.
00:25:28Mais loin de la réalité,
00:25:30mais loin de l'ambiance feutrée des sphères décisionnaires,
00:25:33le jeu de la complaisance a des effets secondaires.
00:25:36Sur le pont des Cargos,
00:25:39où un million et demi de travailleurs, isolés du reste du monde,
00:25:42sont les victimes du jeu truqué des pavillons.
00:25:45Pavillon de complaisance, c'est le terme parfait.
00:25:48Parce que c'est bien ce qu'ils sont, complaisants.
00:25:51Parce que grâce à eux, on peut employer qui on veut.
00:25:54Par exemple, un navire américain, avec la loi américaine,
00:25:57doit employer des marins américains.
00:26:00Mais ça coûte trois ou quatre fois plus cher
00:26:03qu'avec des marins ukrainiens, du Bangladesh ou des Philippines.
00:26:08Les gens profitent de ceux qui sont vulnérables.
00:26:11C'est ça, le système du pavillon de complaisance.
00:26:14Un système où les personnes sont les parties vulnérables du processus.
00:26:19Si on s'en tenait à un système national,
00:26:22avec des employés rémunérés selon les salaires en vigueur,
00:26:24alors on ne pourrait pas se permettre d'aller chercher
00:26:27de la main-d'oeuvre pas chère dans les pays en voie de développement.
00:26:39Chaque époque a sa main-d'oeuvre de prédilection.
00:26:42Et comme c'est le cas dans d'autres industries mondialisées,
00:26:45on voit souvent des changements s'opérer
00:26:48pour aller vers le plus rentable et le moins contraignant.
00:26:50Les Philippines sont tout à fait bon marché
00:26:53et ils parlent bien anglais, alors ils sont très populaires.
00:27:00Les Philippines représentent 40% de la main-d'oeuvre du secteur.
00:27:03En mer, ils peuvent toucher un salaire
00:27:06cinq ou six fois plus élevé que dans leur pays.
00:27:13Je peux trouver du travail aux Philippines,
00:27:16mais le salaire est d'à peine 100 dollars par mois.
00:27:19Comment voulez-vous que je survive avec ça ?
00:27:27Chaque heure, 950 jeunes Philippines
00:27:30quittent leur pays pour aller travailler à l'étranger.
00:27:33Mais leur quête d'un salaire convenable
00:27:36n'est pas la seule raison à cette hémorragie de main-d'oeuvre.
00:27:39Ils sont aussi des pions sur le grand échiquier
00:27:42de la stratégie économique de leur pays.
00:27:45Ils sont forcés à s'y mettre.
00:27:48Ils sont forcés de reverser 80% de leur salaire de base dans le système.
00:27:55C'est une industrie.
00:27:58Le gouvernement exporte sa population pour enflouer l'économie.
00:28:01C'est l'industrie la plus importante pour les Philippines.
00:28:08Manille est un gigantesque vivier
00:28:11où le gouvernement, relié par des agences de recrutement,
00:28:14enrôle chaque jour et à même la rue
00:28:16des milliers de jeunes rêvant d'une vie meilleure.
00:28:19Ceux qui embarquent sont contraints
00:28:22de recevoir leur salaire dans des banques locales
00:28:25où un tiers de leur revenu est saisi par le gouvernement.
00:28:28Chaque année, ils injectent ainsi
00:28:3110 milliards de dollars dans les caisses du pays.
00:28:46Je passe toute ma vie sur ce bateau.
00:28:49Noël, le Nouvel An, les anniversaires,
00:28:52l'anniversaire de ma femme, je suis toujours ici.
00:28:59Ils me payent pour mon travail,
00:29:02mais c'est comme vivre en prison.
00:29:05C'est comme une prison.
00:29:16Cicero disait qu'il y a trois catégories de personnes.
00:29:19Les vivants, les morts et ceux qui sont en mer.
00:29:22Ils ne sont ni ici ni là.
00:29:25Nous savons qu'ils sont vivants, mais nous ne savons pas où ils sont.
00:29:28Nous ne savons rien d'eux.
00:29:31Passez l'horizon.
00:29:34La prison flottante, comme l'appellent les marins,
00:29:37entre dans une zone de confinement.
00:29:40Nous vivons dans un monde globalisé ultra-connecté.
00:29:43Mais la plupart des bateaux, pourtant au centre de ce système,
00:29:46n'ont pas de connexion Internet
00:29:49ou cellulaire à disposition de l'équipage.
00:30:01Les marins embarquent pour neuf mois, dix mois.
00:30:04Ils devraient avoir accès à Internet.
00:30:07Ils veulent parler à leur famille, ils veulent les contacter par Skype,
00:30:10puisque la moyenne des enfants de sept ans considère comme allant de soi.
00:30:13Ce niveau de communication, ils ne l'ont pas.
00:30:17Une vingtaine d'hommes,
00:30:20isolés pendant dix mois sur un bâtiment de 300 mètres de long.
00:30:23Deux fois par jour, un repas pris en silence
00:30:26et en une poignée de minutes.
00:30:29Et une moyenne de 72 heures de travail par semaine
00:30:32n'élève pas vraiment le moral des troupes.
00:30:35Ils sont confinés dans cet univers industriel
00:30:38et le résultat, c'est de la fatigue.
00:30:46Conséquences directes des heures de travail,
00:30:49de l'isolement et du manque de sommeil
00:30:52des officiers et de l'équipage,
00:30:5560% des accidents de navigation sont dus à une erreur humaine.
00:30:59Essayez de faire une analogie entre une voiture et un bateau.
00:31:02Vous pouvez arrêter la voiture,
00:31:05verrouiller la portière et partir.
00:31:08Si vous êtes à bord d'un bateau et qu'il y a un problème technique,
00:31:11par exemple avec le moteur, premier cas de figure,
00:31:13vous êtes coincés là, très isolés, très sombres,
00:31:16au milieu de gens de cultures différentes.
00:31:19C'est la panique dans des langues différentes.
00:31:25Et puis, vous essuyez une tempête.
00:31:28Si vous survivez, c'est que vous avez de la chance.
00:31:44Marin est le second métier le plus dangereux au monde.
00:31:47Le premier, c'est pêcheur.
00:31:50C'est une activité très dangereuse.
00:31:53Vous composez avec les intempéries, les courants
00:31:56et avec un objet énorme que vous tentez de manœuvrer
00:31:59dans un environnement très dangereux.
00:32:02Ce n'est pas étonnant qu'environ 2 000 marins
00:32:05perdent la vie chaque année.
00:32:08À moins qu'il ne s'agisse de bateaux de croisière,
00:32:11les victimes de naufrages font rarement les lignes des journaux.
00:32:14Pas plus d'ailleurs que les accidents eux-mêmes.
00:32:17Le naufrage, c'est presque une réalité quotidienne, malheureusement.
00:32:21Vous avez 110, 120, 122 naufrages
00:32:25de gros bâtiments de plus de 300 tonneaux par an.
00:32:28Ce qui veut dire, rapporté au nombre de jours de l'année,
00:32:31vous avez un naufrage à peu près tous les trois jours.
00:32:34Si on prend les cas les plus graves,
00:32:37on remarque que les bateaux n'ont pas été entretenus
00:32:40pendant un certain temps, que l'armateur n'a pas investi.
00:32:43Peut-être même que l'armateur n'est pas vraiment un armateur,
00:32:46que c'est juste un spéculateur qui se dit
00:32:49« le marché est bon, pourquoi ne pas investir
00:32:52dans un peu d'acier qui flotte en mer ? »
00:32:55Là encore, les pavillons de l'armature,
00:32:58c'est un peu la même chose.
00:33:01Là encore, les pavillons de complaisance sont en cause.
00:33:05Comme ils permettent de se soustraire aux normes d'entretien des navires,
00:33:09les armateurs dépensent le strict minimum
00:33:12et poussent les vaisseaux à la limite de leur usure.
00:33:15Dans les trois quarts des naufrages, les navires ont plus de 25 ans
00:33:19et ne sont pas dûment entretenus.
00:33:22Et comme près de la moitié de la flotte est composée de pétroliers,
00:33:26quand une coque se brise ou quand un bateau sombre,
00:33:28c'est l'environnement qui paie la facture.
00:33:32Loin des images choc de plages engluées,
00:33:35les marées noires surviennent principalement en haute mer
00:33:38et hors de portée des caméras.
00:33:40Chaque année, 150 000 tonnes de pétrole brut
00:33:43contaminent les océans de la planète.
00:33:46Et ce n'est pas tout.
00:33:48Ce n'est jamais que 2,5% de la pollution des mers.
00:33:52On nous parle toujours des marées noires,
00:33:54parce que bien sûr, celles-ci, on ne peut pas vous les cacher,
00:33:55mais on ne parle pas de ce que j'appelle les marées blanches,
00:33:58ce qu'on ferait mieux d'appeler les marées transparentes,
00:34:00celles que l'on ne voit pas.
00:34:02Alors c'est quoi ?
00:34:04C'est ce qu'on appelle le dégazage,
00:34:06c'est-à-dire le fait de nettoyer son moteur, ses cales, etc., le pont.
00:34:11C'est tout un tas de produits toxiques, nocifs, qui vont bien sûr à la mer.
00:34:14Une partie, bien sûr, d'eau de mer mélangée avec du fioul.
00:34:17C'est, au niveau mondial, chaque année, 1,8 million de tonnes.
00:34:25Chaque jour, ce sont donc 5 000 tonnes de produits toxiques
00:34:30qui sont déversées en mer.
00:34:32Et l'impact de ces marées transparentes génère un autre type de pollution.
00:34:36Quand ils ne sont pas chargés à plein,
00:34:39les navires pompent de grandes quantités d'eau pour assurer leur stabilité.
00:34:43Une eau qu'ils déchargent une fois que leur cargaison pèse suffisamment lourd
00:34:48pour assurer leur équilibre en navigation.
00:34:50Souvent, plusieurs milliers de kilomètres séparent le port où l'eau a été pompée,
00:34:55de celui où elle a été rejetée.
00:35:00Des espèces vivantes peuvent être déplacées d'un endroit à un autre.
00:35:06Et si elles sont parachutées dans un port
00:35:09avec des conditions environnementales assez semblables pour survivre,
00:35:16alors elles peuvent se reproduire dans ce nouvel environnement.
00:35:19C'est ce que nous appelons des espèces invasives.
00:35:26Tout à fait inoffensives à l'origine,
00:35:28ces espèces deviennent invasives lorsque, dans un nouvel habitat,
00:35:32elles ne retrouvent pas leur prédateur naturel.
00:35:35Qu'elles soient animales, végétales ou même à l'échelle d'une bactérie,
00:35:39elles prolifèrent et détruisent tout sur leur passage.
00:35:43Elles peuvent affecter la vie des plantes, des poissons et de tout l'écosystème marin
00:35:48et les mettre en danger pour toujours.
00:35:50Pour réduire ce risque,
00:35:52l'Europe dépense chaque année plus de 12 milliards d'euros.
00:35:56Et au-delà de l'impact économique,
00:35:58c'est la vie marine tout entière qui s'en ressent.
00:36:01Les espèces invasives sont la cause directe
00:36:04de l'extinction de 42% des espèces aquatiques de la planète.
00:36:09Mais l'industrie, elle aussi, est invasive.
00:36:13Elle exerce une pression constante sur les océans et leurs habitants.
00:36:16Qui subissent en silence.
00:36:18Ou presque.
00:36:34De nombreuses espèces sous-marines communiquent par le son.
00:36:37Et si vous avez à la surface de l'eau un navire immense,
00:36:40avec une hélice démesurée et un moteur de la taille d'une maison,
00:36:43ça fait du rafu.
00:36:49Ce moteur fait beaucoup de bruit.
00:36:53Il est fixé à la coque d'un bateau en acier
00:36:56qui fait l'effet d'un tambour.
00:36:59Et cela génère de très basses fréquences.
00:37:05Le vacarme de ces navires sur les voies de navigation
00:37:08c'est...
00:37:10Comment dire ?
00:37:11C'est...
00:37:17Si on reportait les niveaux de décibels dans le monde dans lequel nous vivons
00:37:21et si on les comparait avec le niveau sonore
00:37:24dans lequel les mammifères marins vivent,
00:37:27aux Etats-Unis, je serais obligé de porter une protection auditive.
00:37:32Les mammifères marins, eux, ne portent pas de protection.
00:37:36Constamment bombardés de basses fréquences,
00:37:39comparables à 100 fois le volume sonore d'un réacteur d'avion,
00:37:43ils sont privés de communication et perdent leurs repères.
00:37:47Désorientés par le bruit et fuyant le calvaire,
00:37:51descendent dans l'océan.
00:37:53Les mammifères marins, eux, ne portent pas de protection.
00:37:56Ils perdent leurs repères.
00:37:58Désorientés par le bruit et fuyant le calvaire,
00:38:01des cétacés vont régulièrement s'échouer sur des plages de la planète,
00:38:05souvent au prix de leur vie.
00:38:09L'habitat acoustique de la baleine à Bosse a été réduit de 90%.
00:38:18Nous détruisons l'océan par le bruit, avec des bateaux.
00:38:27Un tiers des cétacés souffrent de lésions auditives irréversibles,
00:38:31directement liées à la pollution sonore des navires.
00:38:35Mais rien ne peut stopper la grande machine du commerce maritime,
00:38:40ni les moteurs qui la font tourner,
00:38:43des engins bruyants,
00:38:45des bateaux,
00:38:47des bateaux,
00:38:49des bateaux,
00:38:51des bateaux,
00:38:53des bateaux,
00:38:54des engins bruyants,
00:38:56et particulièrement voraces.
00:39:07Le cœur d'un bateau, c'est son moteur.
00:39:11Ce moteur est le genre de technologie qui peut brûler n'importe quel carburant imaginable,
00:39:19depuis l'essence,
00:39:21jusqu'à la boue de charbon.
00:39:24Je le comparerais à un omnivore.
00:39:27Il peut manger n'importe quel type de carburant, pour peu qu'il contienne de l'énergie inflammable.
00:39:36Et ces moteurs affamés préfèrent la quantité à la qualité.
00:39:44Nous consommons parfois 200 tonnes par jour,
00:39:47donc nous ne pouvons pas imaginer utiliser un carburant cher.
00:39:53Nous brûlons du fioul résiduel.
00:40:01Ce produit est ce qu'il reste une fois que le pétrole brut a été raffiné.
00:40:06Si ces moteurs boulimiques ne pouvaient le digérer,
00:40:10ce résidu irait tout droit au dépotoir.
00:40:12C'est un résidu, et certains appellent ça un déchet.
00:40:17L'odeur de ce carburant est épouvantable.
00:40:20Ce carburant a un taux de soufre élevé.
00:40:23Il contient des résidus de métaux, de la cendre, des particules, de l'eau,
00:40:28et ce carburant est très très épais.
00:40:34L'industrie du fret maritime a toujours consommé ce produit résiduel.
00:40:38Et pendant de nombreuses années, c'est passé inaperçu.
00:40:47Mais il y a environ dix ans,
00:40:49quelques scientifiques ont commencé à étudier les effets de la consommation de ce carburant,
00:40:53particulièrement dans les régions littorales.
00:40:57Et ils ont découvert que ce fioul résiduel
00:41:00avait une très forte teneur en soufre, en particules,
00:41:04et que sa combustion était très forte.
00:41:07Et que sa combustion générait environ 3000 à 3500 ppm de soufre.
00:41:14C'est ainsi qu'on calcule, en parties par millions, ppm.
00:41:20À titre de comparaison, une voiture dans l'Union Européenne, selon la loi,
00:41:24doit émettre moins de 15 ppm de soufre.
00:41:30Alors ils ont commencé à faire des comparaisons entre les voitures et ces bateaux.
00:41:34Et ces calculs révèlent qu'un bateau
00:41:37émet la même quantité de soufre qu'environ 50 millions de voitures.
00:41:44Si un seul cargo émet autant d'oxyde de soufre que 50 millions de voitures,
00:41:49les 20 plus grands navires polluent à eux seuls,
00:41:52plus que toutes les voitures de la planète.
00:41:56Et ce n'est pas 20, mais 60 000 navires
00:42:00qui sillonnent les océans du globe à longueur d'année
00:42:02et dispersent leur poussière de soufre dans l'atmosphère.
00:42:07Ces particules fines sont produites à une taille telle
00:42:11et dans une quantité si élevée qu'elles pénètrent facilement dans nos poumons.
00:42:16Non seulement nous pouvons les inhaler facilement,
00:42:19mais elles peuvent aussi pénétrer profondément dans nos poumons et s'y déposer.
00:42:26Alors que le secteur automobile est en permanence pointé du doigt en matière de pollution,
00:42:31le transport maritime échappe à la critique
00:42:34et brûle le carburant le plus sale du monde.
00:42:38Newark est l'arrière-cours de New York.
00:42:42C'est le plus grand port de la côte est des États-Unis,
00:42:45qui approvisionne la métropole et la moitié du pays.
00:42:54Pour ceux qui vivent à proximité de ce carrefour portuaire,
00:42:57la pollution des navires n'est pas un scoop.
00:43:00C'est une réalité palpable au quotidien.
00:43:05On sent vraiment que l'air est chargé, l'air qui vient du port.
00:43:09On le ressent dans la poitrine, on le sent dans les yeux.
00:43:16Depuis que nous sommes ici, j'attrape plus souvent froid, j'ai plus de rhume.
00:43:20Je n'avais pas besoin d'une pompe pour l'asthme auparavant.
00:43:24Je l'utilise presque chaque jour maintenant.
00:43:28Chercher refuge à l'intérieur des maisons
00:43:31est une règle au tacite que tous les habitants appliquent
00:43:34pour se protéger de la toxicité ambiante.
00:43:38La zone la plus polluée est celle qui est aux abords des ports.
00:43:42On se retrouve avec des zones sinistrées par la pollution.
00:43:47Et l'effet est empiré par le fait que les camions viennent jusqu'au port
00:43:52pour prendre ces conteneurs
00:43:55et les acheminer aux quatre coins des États-Unis.
00:43:58Et c'est comme ça dans tous les pays.
00:44:04Les camions sont les meilleurs alliés des navires.
00:44:07Dans la course de relais du commerce mondial,
00:44:10ils travaillent en orde pour acheminer les cargaisons jusqu'à leur destinataire.
00:44:15Et avec les cargos, ils forment un cocktail explosif.
00:44:20Il y a des toxiques volatiles qui peuvent causer des cancers.
00:44:24Il y a des particules fines, essentiellement de la suie,
00:44:27qui entrent dans les poumons et créent de l'asthme.
00:44:30Spécialement chez les enfants et les personnes âgées.
00:44:41Dans la région, une personne sur quatre est asthmatique.
00:44:46Les zones portuaires sont aux premières loges d'une contamination
00:44:50qui ne connaît pas de frontières.
00:44:55Les communautés qui vivent tout près des ports
00:44:58sont les plus lourdement touchées.
00:45:05Cependant, les vents côtiers pénètrent loin dans les terres,
00:45:09à plusieurs centaines de kilomètres.
00:45:11Donc, à l'intérieur des terres, on retrouve aussi des dommages
00:45:14qui sont directement attribuables à la pollution atmosphérique des bateaux.
00:45:18Là aussi, cette industrie a un impact sur la santé.
00:45:20Ce n'est pas juste limité à ceux qui peuvent voir les navires.
00:45:32Soixante mille personnes chaque année, dans le monde,
00:45:36meurent prématurément des effets du transport maritime sur la santé.
00:45:43Inexorablement, les populations inhalent le poison en dose quotidienne.
00:45:47Victimes d'une épidémie qui, chaque année,
00:45:51emporte des milliers de vies au nom du commerce mondial.
00:45:57Comment y remédier ?
00:46:02C'est l'Organisation maritime internationale, l'OMI,
00:46:06une branche des Nations unies,
00:46:08qui est en charge de réglementer le secteur
00:46:11et de prévenir la pollution des navires.
00:46:13Comment envisage-t-elle d'assainir la flotte ?
00:46:18L'impact des nouveaux règlements met un certain temps à prendre effet,
00:46:24car les navires ont une durée de vie économique d'environ 25 à 30 ans.
00:46:30Les améliorations et avancées s'appliquent seulement aux nouveaux navires
00:46:35et pas à la flotte toute entière d'un coup,
00:46:38parce que c'est tout simplement impossible.
00:46:4830 ans, c'est la durée de vie moyenne des navires
00:46:52qui vont mourir échoués sur des plages cimetières,
00:46:55en Inde ou au Bangladesh,
00:46:58où leur dépouille continue de polluer, loin des pays occidentaux.
00:47:0330 ans, c'est le temps nécessaire pour moderniser l'ensemble de la flotte mondiale
00:47:08et la rendre moins nocive.
00:47:11Mais la planète peut-elle attendre 30 ans ?
00:47:17C'est la question.
00:47:34La marine marchande lâche dans l'atmosphère autant de gaz à effet de serre
00:47:39qu'un pays comme le Canada.
00:47:41A elle seule, elle est responsable de 4% du réchauffement global.
00:47:474%, c'est énorme quand vous parlez d'un problème aussi grand que le changement climatique.
00:47:52Chaque différence de pourcentage dans les émissions
00:47:55a un impact énorme sur la stabilité climatique.
00:48:01Le changement climatique menace l'ensemble de la planète,
00:48:05mais c'est près des pôles que ses conséquences sont les plus évidentes.
00:48:09Chaque année, la banquise arctique perd en moyenne 37 000 km² de sa surface,
00:48:14soit plus que la Belgique et le Luxembourg réunis.
00:48:18Et cela a pour effet d'ouvrir deux nouveaux passages pour les navires,
00:48:21à l'est et à l'ouest du pôle Nord.
00:48:24Le passage du Nord-Ouest ou le passage du Nord-Est
00:48:27découle directement du réchauffement climatique.
00:48:29On peut aujourd'hui à peu près naviguer 25 à 30 jours par an
00:48:32et on pense qu'au-dessus d'une vingtaine d'années,
00:48:34on pourra naviguer 120 à 130 jours par an.
00:48:36Donc ça change la donne.
00:48:39La fonte des glaces au nord de la Sibérie et du Canada
00:48:41présente un enjeu géopolitique considérable.
00:48:45Par l'Est comme par l'Ouest,
00:48:47ces nouvelles autoroutes sont des raccourcis
00:48:49qui permettent de réduire d'un tiers les distances et le coût du transport
00:48:53entre les grands ports asiatiques et européens.
00:48:56D'ici 2050, toutes les glaces auront disparu
00:49:00et ces nouvelles voies maritimes seront praticables toute l'année.
00:49:04Ce qui n'est pas pour déplaire aux armateurs.
00:49:08Ce qui est tragique et ironique,
00:49:10c'est que nous créions une fonte de glaces
00:49:13qui permettait de réduire le coût du transport
00:49:16entre les grands ports asiatiques et européens.
00:49:19Ce qui est tragique et ironique,
00:49:21c'est que nous créions une fonte de glaces
00:49:23qui permettait de réduire le coût du transport
00:49:25entre les grands ports asiatiques et européens.
00:49:27Plus nous polluons, plus nous émettons de gaz à effet de serre,
00:49:30plus nous accélérons la fonte des glaces.
00:49:33Et ensuite on dit, oh, regardez,
00:49:35voici une nouvelle opportunité de polluer encore plus.
00:49:42Les navires qui passent par là vont aggraver le réchauffement climatique
00:49:46qui a lui-même formé ces routes en premier lieu.
00:49:49Je suppose que c'est une bonne nouvelle pour les armateurs,
00:49:50mais je doute que ce soit une bonne nouvelle pour nous.
00:50:21La nature est très résistante
00:50:24et elle a montré qu'elle est capable, dans certains cas,
00:50:27de se régénérer.
00:50:29Mais nous sommes arrivés à un point
00:50:31où nous infligeons plus de dégâts
00:50:33que ce que la nature peut endurer.
00:50:39Et il est vraiment, vraiment urgent
00:50:41que nous prenions en main la question de la pollution de cette industrie.
00:50:51Parfois, c'est ça, diriger.
00:50:54Ça exige de repousser les limites,
00:50:56de se rendre compte qu'on ne va pas pouvoir plaire à tout le monde
00:50:59et nous avons vraiment besoin que l'OMI agisse en leader.
00:51:03Mais parfois, c'est dur d'être en leader
00:51:06quand vous avez peur de fâcher quelqu'un.
00:51:10L'OMI est habilité à mettre en place des mesures à l'échelle internationale.
00:51:14Les États qui y siègent ont le pouvoir d'adopter de nouveaux textes
00:51:18et de les faire appliquer sur leur territoire.
00:51:21Qui sont-ils ?
00:51:23Et quels sont leurs intérêts au sein de l'organisation internationale ?
00:51:31L'OMI est financé par ses États membres.
00:51:34C'est plutôt inhabituel pour une organisation des Nations Unies.
00:51:37Mais ici, la participation de chaque pays dans l'organisation
00:51:41dépend de la taille de sa flotte.
00:51:46Donc, en fait, le plus grand contributeur au budget de l'OMI est le Panama,
00:51:50suivi du Libéria et des îles Marshall.
00:51:53Car ce sont eux qui possèdent les plus grandes flottes
00:51:56sur la carte du transport maritime mondial.
00:52:00L'OMI est donc aux mains des mêmes pays
00:52:03qui vendent leur nationalité aux armateurs les moins consciencieux.
00:52:06Ils tiennent l'organisation par l'argent
00:52:09et s'assurent ainsi qu'aucune réglementation ne viendra déranger leur business.
00:52:13Ce même business de pavillon de complaisance
00:52:16qui est à la source de tous les abus de cette industrie,
00:52:18qui permet aux industriels peu scrupuleux de garder l'anonymat,
00:52:21qui encourage l'évasion fiscale,
00:52:24qui permet d'exploiter les marins, qui permet de polluer en toute impunité.
00:52:29Le Libéria est l'un de ces pays
00:52:32qui finance l'OMI avec l'argent de la vente de son pavillon de complaisance.
00:52:36Celui-ci a déjà rapporté plus de 700 millions de dollars au gouvernement.
00:52:40Malgré cela, ce pays de l'Ouest africain
00:52:43stagne parmi les cinq les plus pauvres de la planète.
00:52:45Sa capitale est toujours sans électricité ni eau courante
00:52:49et sa population vit en moyenne, avec 1,25$ par jour.
00:52:53Si vous interrogez ceux qui dirigent l'administration du pavillon libérien aujourd'hui,
00:52:58ils vous diront que c'est un pavillon très respectable.
00:53:01Et ils n'ont pas tort, mais son histoire est très sombre.
00:53:07Un passé sombre dans lequel 250 000 hommes, femmes et enfants ont été massacrés.
00:53:12Et 1,5 millions de personnes ont été déplacées.
00:53:16Un passé d'enfants-soldats, de tortures et de massacres.
00:53:20La guérilla opposait des troupes rebelles aux milices du dictateur Charles Taylor.
00:53:25Et pendant 13 ans, c'est ce même argent tiré de la vente du pavillon
00:53:29qui a financé les armes du tyran.
00:53:36L'argent du pavillon libérien a été également utilisé pour le trafic de diamants,
00:53:39ce qui était aussi une violation des sanctions de l'ONU à l'époque.
00:53:43Ce n'était pas juste une question d'armes.
00:53:46Cet argent a également servi au blanchiment de diamants.
00:53:49Les diamants de sang, comme on les appelait.
00:53:54Le Libéria est un bon exemple du problème.
00:53:57Mais ce n'est qu'un pays parmi d'autres.
00:53:59Comme lui, les États faibles aux institutions fragiles sont plus en plein à commettre des abus.
00:54:09Sur le grand jeu du transport maritime à prix cassé,
00:54:13ce sont les États les plus vulnérables,
00:54:16les populations et l'environnement qui paient la facture.
00:54:20Dommages collatéraux,
00:54:22mais ce n'est qu'un des pays les plus vulnérables.
00:54:24La dégradation des négociations et l'environnement qui paient la facture.
00:54:28Dommages collatéraux d'un jeu féroce qui n'a de règles que celles du profit maximum.
00:54:49L'entreprise capitaliste est extrêmement destructrice.
00:54:51Pour elle, les répercussions sociales ne comptent pas.
00:54:54Mais on ne peut pas l'accuser de prendre part au jeu.
00:54:57Et le but de ce jeu, c'est de faire autant d'argent que possible.
00:55:01Alors immatriculer son navire au Liberia ou au Panama,
00:55:04c'est juste une autre façon de jouer à ce jeu
00:55:07et de s'assurer que la population paiera la facture
00:55:10et qu'on continuera à faire des profits.
00:55:18La mécanique du transport international s'est emballée.
00:55:20Depuis 1979, le secteur accrue de 470%.
00:55:25Et d'ici 20 ans, sa taille va encore tripler.
00:55:29L'immensité de la flotte en fait certes un secteur très polluant.
00:55:33Mais il reste la meilleure option.
00:55:35Si on confiait la tâche d'acheminer les mêmes cargaisons à des avions,
00:55:39le coût financier et environnemental serait largement supérieur.
00:55:44Le fret maritime est toujours et de loin
00:55:47le moyen le plus efficace de transporter des marchandises.
00:55:51Nous ne devons pas l'oublier.
00:55:53C'est un atout énorme dont nous avons tous besoin
00:55:56pour répondre à notre demande sans cesse croissante.
00:56:05Il y a des tas de choses que nous pouvons faire
00:56:07et que l'industrie en particulier peut faire.
00:56:09Elle pourrait très bien réduire ses émissions de carbone
00:56:12et continuer à gagner de l'argent.
00:56:17Si la quête de profit est prioritaire dans la stratégie des armateurs,
00:56:21l'argent peut devenir un argument clé pour les convaincre
00:56:24d'améliorer l'efficacité énergétique de leurs navires.
00:56:28En investissant relativement peu,
00:56:30ils pourraient améliorer le rendement de leurs moteurs,
00:56:33la qualité de leurs coques,
00:56:35ou encore utiliser d'autres innovations,
00:56:38comme par exemple le vent.
00:56:41Résultat, 30 à 40% de carburant en moins,
00:56:45plus de profit pour l'armateur,
00:56:47et moins de pollution.
00:56:49Une recette gagnant-gagnant parmi d'autres,
00:56:52aujourd'hui à la portée des industriels conscients
00:56:55que ce secteur, pour rester profitable,
00:56:57doit aussi devenir durable.
00:57:03Mais cette industrie existe avant tout pour nous servir.
00:57:08Et il appartient aussi aux consommateurs d'ouvrir les yeux.
00:57:12La consommation d'énergie et la pollution qui se cachent
00:57:15dans tout ce que nous portons et dans tout ce que nous utilisons
00:57:18doivent être prises en compte.
00:57:21Mais la première chose à faire pour pouvoir agir,
00:57:24c'est d'informer les gens.
00:57:30En savoir plus pour consommer mieux ?
00:57:33Et imaginer un monde de transparence
00:57:35dans lequel toute l'information sur la face cachée
00:57:37de ce que nous achetons serait accessible ?
00:57:42J'aimerais vraiment pouvoir entrer dans un magasin
00:57:45et avoir à disposition une étiquette
00:57:47avec toutes les informations qui me disent
00:57:49d'où vient réellement ce vêtement,
00:57:51où il a voyagé, combien de kilomètres il a parcouru.
00:58:00Je pense que nous avons les ressources nécessaires
00:58:03pour que cela devienne une réalité.
00:58:05C'est aussi la responsabilité des entreprises
00:58:07qui nous vendent leurs produits
00:58:09de nous fournir ces informations.
00:58:14Et j'espère que dans un futur proche,
00:58:16c'est quelque chose qui sera disponible
00:58:18pour les consommateurs, absolument.
00:58:25Une simple étiquette pourrait-elle contribuer
00:58:27à changer certains réflexes de consommation ?
00:58:31Une piste, qui peut-être un jour
00:58:33pourrait inspirer certains fabricants
00:58:35et inciter tout un système à redresser la barre,
00:58:38pour mettre le cap vers un modèle
00:58:40de société plus responsable.
00:58:52Les plus grands navires, quand ils sont en route,
00:58:55prennent beaucoup de temps pour virer,
00:58:57pour changer de cap.
00:58:59Donc s'ils changent de cap,
00:59:01ne serait-ce qu'un peu,
00:59:03on peut prendre ça comme le début
00:59:05d'un très grand changement pour le futur.
00:59:09Dans un long voyage à travers le siècle à venir.
00:59:16Une longue traversée en perspective,
00:59:18qui verra peut-être cette industrie sortir de l'ombre
00:59:21et se montrer à visage découvert.
00:59:27Mais il appartient avant tout aux politiques
00:59:29et aux institutions de prendre part au voyage,
00:59:31et de se positionner avec fermeté
00:59:33pour réformer ce secteur
00:59:35et le conduire vers des pratiques plus responsables,
00:59:38afin que le transport maritime
00:59:40soit un vrai moteur de croissance,
00:59:42qui ne laisse personne sur le bas-côté.