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Kevin brouillard, 32 ans, est agriculteur céréalier dans l'Essonne et syndiqué à la coordination rurale. Mauvaises récoltes, endettement, contraintes administratives, depuis plusieurs années, les difficultés s'accumulent. A cela, s'ajoute le traité de libre-échange du Mercosur, tout juste ratifié. La goutte d'eau qui fait déborder le vase...

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00:00Moi, j'ai fait ce métier-là pour cultiver la terre, pas pour apprendre à rentrer chez
00:07moi, remplir des papiers, payer des charges à Tuva qui n'arrêtent pas d'augmenter.
00:10Ça va être pire une fois le Mercosur signé.
00:13On ne craint pas en silence, donc on va rebouger, on va réussir à faire bouger les choses
00:16au bout d'un moment.
00:17Mais non, moi, je ne arrêterai jamais ce métier-là.
00:31Là, on laboure parce qu'à l'après-midi, ça va être du maïs, dans cette parcelle-là.
00:35Donc là, si tu veux, je fais ça et après, ça va rester tout l'hiver en labour.
00:39Et au printemps, comme ça, on pourra reprendre le labour et semer.
00:48Kevin Brouillard a 32 ans.
00:49Il est agriculteur depuis une dizaine d'années et est syndiqué à la coordination rurale.
00:54Sur ses 350 hectares, il cultive des céréales, des oignons et des betteraves, des parcelles
01:00qu'il a héritées de son père, décédé en 2023.
01:02Je suis la sixième génération d'agriculteur.
01:06J'ai deux petits gars, donc on verra bien s'il y a une septième un jour.
01:09Et puis, on a toujours travaillé la terre en famille et c'est une tradition familiale.
01:13Déjà, la passion, je l'avais quand j'avais l'âge de mon plus petit, trois ans.
01:17Je montais sur le tracteur avec mon grand-père.
01:20Puis après, c'est mon père qui m'a tout appris.
01:23Le métier d'agriculteur, en fait, en un mot, c'est galère, galère sur galère.
01:27Mon père, il m'a toujours dit que si je n'étais pas derrière lui, il aurait arrêté l'agriculture.
01:32Il serait mis en retraite, il aurait cédé à quelqu'un et il aurait arrêté.
01:35Donc, même déjà lui, il en avait déjà marre.
01:38En l'espace de trois ans, la tonne de blé est passée de 300 à 180 euros.
01:43Une perte sèche pour cet agriculteur qui doit aussi faire face à des conditions climatiques
01:48de plus en plus difficiles.
01:50Cette année, la production, c'était une catastrophe.
01:52Et dans tous les domaines.
01:53Bétrave n'a pas de sucre.
01:55Elles ont manqué de luminosité.
01:57On les a semées très tard à cause de l'excès d'eau.
01:59Les oignons, c'était pareil.
02:01Ça a été une catastrophe pour les ramasser parce qu'il y avait trop d'eau.
02:04Les blés, les orges, pareil.
02:06Mais quand on voit maintenant même une grosse exploitation comme la mienne
02:09à ne pas pouvoir se sortir un salaire des fois à la fin des mois,
02:13ça devient chaud quand même.
02:14Au quotidien déjà pénible se greffe aussi une concurrence déloyale
02:18venue d'Argentine ou du Brésil,
02:20où les productions sont soumises à moins de restrictions qu'en Europe.
02:23La ratification du traité de Mercosur permettra notamment
02:26d'importer plus de bétrave et de maïs d'Amérique latine
02:29avec des droits de douane réduits.
02:31Pour rester attractifs sur le marché mondial,
02:33les productions françaises seront obligées de faire baisser leurs prix.
02:36Le traité Mercosur, c'est une grosse bêtise.
02:39Déjà on importe énormément de denrées alimentaires des pays étrangers,
02:43même en Europe, qui ne respectent pas nos règles.
02:45Donc c'est la mort de l'agriculture en France.
02:47Pour vendre sa production, l'agriculteur doit se plier aux nombreuses normes françaises.
02:51La chambre d'agriculture lui impose, chaque jour,
02:54de faire un compte-rendu du travail réalisé.
02:57Mais il estime que certaines de ses demandes sont abusives.
03:04Il faut remplir la météo, il faut remplir s'il y a du vent.
03:06Je ne sais pas à quoi ça leur sert, comment ils peuvent venir vérifier.
03:10Mais bon, ça leur fait plaisir.
03:12Vous voyez, c'est un peu comme la météo,
03:14mais bon, ça leur fait plaisir.
03:16Vous voyez, le bureau, il faut une imprimante et un PC maintenant.
03:19Voilà l'outil d'un agriculteur.
03:21Et j'avoue, ce n'était pas comme ça avant.
03:23Et là, ça va être de pire en pire.
03:25J'ai fait des études agricoles, ce n'est pas pour faire ce que je fais là.
03:27Le bureau, ça va cinq minutes.
03:29Des fois, on passe plus de temps au bureau dans la maison que dans les champs.
03:35Est-ce que c'est normal ?
03:38Pour réussir à payer ses charges,
03:40Kévin Brouillard doit s'endetter à hauteur de 100 000 euros par an.
03:43Là, j'ai une panne sur un tracteur,
03:45j'en ai pour 5 000 euros.
03:47Là, j'ai la MSA qui m'a assommé.
03:49Je dois payer le 2 décembre.
03:51Je n'ai pas l'argent pour payer.
03:53Donc, je ne payerai pas et ils vont mettre des majorations.
03:57Les factures s'empilent et les fins de mois sont difficiles.
04:01En moyenne, l'agriculteur serait immunaire 1 200 euros par mois.
04:05Cela fait plusieurs années qu'il ne part plus en vacances
04:08et peine à remplir son frigo.
04:10Généralement, tout ce qui est fin d'année,
04:12avant la moisson, s'il n'y a plus de trésorerie,
04:14il n'y a pas de salaire.
04:16Surtout que moi, il faut que je m'en laisse de côté
04:18pour payer mon salarié.
04:20On a déjà vu des fins de saison,
04:22mais on arrive peut-être encore à se tirer un peu à salaire.
04:26Juin, pas.
04:27Juillet, pas.
04:29On attend d'avoir la paye de la moisson
04:31pour pouvoir se prendre une paye.
04:35Normes françaises, normes européennes,
04:38Kevin se sent étouffé par ce millefeuille administratif.
04:43Ces normes-là, pour tout ce qui est engrais et phyto,
04:46là, ce n'est que franco-français, c'est sûr.
04:48C'est où tout le monde est pareil.
04:50Si l'Europe, tout le monde fait pareil,
04:52ou sinon, nous, ils nous arrêtent ça
04:54et puis on cultive comme les autres.
04:56C'est pour ça qu'on fait les manifs,
04:58on veut se faire entendre,
05:00parce qu'il y a quand même de l'avenir derrière.
05:02Il va quand même falloir continuer que les gens y mangent.
05:04Ils vont manger de la merde importée
05:06pour pouvoir continuer à produire.
05:21J'ai fait 23h30, 2h du matin
05:23et j'ai dormi dans le tracteur,
05:25avec un duvet.
05:27Je préfère mon lit.
05:29J'ai été calé
05:31comme ça,
05:33en travers,
05:35les pieds là,
05:37ou là, ça dépendait,
05:39et le volant pour me tenir le dos et on dort comme ça.
05:41Mais on ne dort pas bien.
05:45Pour faire entendre son mécontentement,
05:47Kevin a réuni une vingtaine de membres
05:49de son syndicat devant un entrepôt de supermarché.
05:51La plupart sont des voisins
05:53et des amis.
05:55Tous vivent les mêmes difficultés.
05:57Leur objectif, filtrer les camions de livraison
05:59et vérifier que les arrivages sont français.
06:05Lui, il faut le vider, lui !
06:07Vas-y, viens, on y va !
06:09Allez, venez !
06:11Dépêchez-vous !
06:13Tous, tous !
06:19C'est du français ?
06:21L'action, c'était symbolique
06:23pour montrer
06:25qu'on était là, qu'on surveillait
06:27notre production, qu'on surveillait ce que les consommateurs
06:29ont dans leurs assiettes.
06:31On voulait être sûrs de nous, et maintenant, on est sûrs.
06:33Ça va être pire une fois le Mercosur signé,
06:35ça va être...
06:37On sait même plus ce qu'on aura dans les assiettes.
06:41Les normes, la baisse des prix
06:43et le Mercosur qui vient d'être ratifié,
06:45Kevin continuera
06:47à se battre
06:49et a déjà prévu d'autres mobilisations.
06:53J'espère pour mes enfants que ce qu'on fait, ça va faire bouger les choses
06:55et que
06:57ils puissent être agriculteurs s'ils le veulent
06:59mais de la conjoncture actuelle,
07:01c'est pas possible.
07:03De toute façon, on ne crèvera pas en silence.
07:05Ça, il faut que le gouvernement se le dise.
07:07On ne va pas laisser nos fermes...
07:09Même si c'est pour qu'on galère,
07:11on ne crèvera pas en silence.

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