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"Il y a au milieu de ce chaos, de cette espèce d'interminable nuit qu'on vit depuis 15 mois, des éclats de lumière qui continuent de résister"

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00:00C'est un prix de renommée mondiale qui met à l'honneur la personnalité ou l'organisation ayant le plus ou le mieux contribué
00:06au rapprochement des peuples, à la suppression ou recul des armées, à la multiplication du progrès pour la paix aussi.
00:13Le prix Nobel de la paix est décerné comme chaque année au mois de décembre,
00:16mais la sélection pour ceux qui peuvent y prétendre commence maintenant et parmi les nommés, une association française,
00:22les Guerrières de la Paix, dont vous êtes la fondatrice, Anna Assouline. Bonjour.
00:26Bonjour.
00:27Bienvenue chez France Info. Les Guerrières de la Paix, c'est une association de femmes qui a été créée en 2022,
00:32mais qui, depuis le 7 octobre 2023, œuvre pour le dialogue entre Palestiniens et Israéliens pour retisser les liens malgré la guerre.
00:41Votre association a donc été sélectionnée pour le prix Nobel de la paix. C'est un signal fort dans ce contexte de guerre ?
00:47Oui, c'est un signal fort. C'est d'abord évidemment pour nous toutes un immense honneur, mais ça s'accompagne aussi d'un fort sentiment de responsabilité.
00:56On entre dans une nouvelle phase actuellement avec cette trêve et il y a encore un long chemin à construire,
01:02que ce soit pour les militants qui sont là-bas avec lesquels nous travaillons et que nous soutenons au quotidien,
01:07mais aussi, je crois, pour nous en France, parce que vous l'avez rappelé, nous sommes une association française
01:12et on œuvre aussi pour apaiser le débat dans notre pays, pour créer du lien, pour créer du dialogue, pour lutter contre les haines.
01:18Et donc, la concomitance entre l'annonce de cette nomination et le fait qu'on entre dans une nouvelle phase aujourd'hui dans l'histoire de cette guerre
01:27est plutôt un signal fort encourageant. Notamment, je dois dire quand même que les militants de la paix se sont sentis bien seuls ces 15 derniers mois,
01:35se sont sentis souvent méprisés aussi, et donc je crois que c'est un hommage qui est rendu à tous ces gens qui n'ont pas lâché, qui ont continué d'y croire.
01:43On va revenir évidemment sur la situation proche-orient parce qu'elle semble évoluer effectivement dans le positif avec cette trêve,
01:49mais avant, il faut expliquer comment ça marche. C'est le groupe de travail du Prix Nobel de la Paix qui vous a sélectionnés.
01:56Il y a à peu près 200 sélections, alors on en parle. Comment vous, vous l'avez appris ? Parce que c'est pas rien d'être sélectionnée pour le Prix Nobel de la Paix.
02:03Oui, complètement. Et d'ailleurs, du coup, on découvre un petit peu tout le fonctionnement puisqu'on connaissait comme tout le monde, comme le grand public.
02:11Alors, ce qui s'est passé, c'est qu'on a été contacté par un comité de sélection qui est basé à Amsterdam,
02:16dont le dirigeant est un universitaire qui s'appelle Wolfgang Wagner, qui travaille à l'Université libre d'Amsterdam.
02:26Et donc, on a été approchés. On était plusieurs, je crois, en lice pour être déjà nommés.
02:30Et puis, on nous a annoncé il y a quelques jours que c'était les guerrières de la paix qui avaient été retenues pour cette nomination.
02:38Une reconnaissance que vous n'aviez jamais imaginée ?
02:41Non, absolument pas, qu'on n'avait pas imaginée. Et comme je vous le disais, c'est pour ça que pour nous, c'est effectivement, ça a évidemment une reconnaissance importante qui nous honore,
02:50mais qui s'accompagne vraiment de ce sentiment très grand de responsabilité, d'engagement, de continuer, de ne rien lâcher. Donc voilà.
02:59Pendant ces 15 mois de conflit au Proche-Orient, vous avez multiplié les actions, les prises de parole pour créer des ponts entre Palestiniens et Israéliens.
03:06Sauf que pendant 15 mois, les tensions se sont exacerbées au rythme des bombardements qui ont, par exemple, chaque jour tué de plus en plus de Palestiniens dans la bande de Gaza.
03:14Pendant que du côté israélien aussi, les familles des otages pleurent leurs proches enlevées par le Hamas, depuis 15 mois, chacun est sommé de choisir son camp.
03:24Donc sur le papier, votre mission, elle s'annonçait impossible. Faire communiquer tout le monde.
03:30Oui, elle est toujours extrêmement difficile et en même temps, vous savez, je crois qu'on est quand même assez nombreux, que ce soit dans notre pays ou partout dans le monde,
03:39à étouffer de ce climat qu'on vit depuis 15 mois. Non seulement cette abobinable guerre qui nous meurtrit, qui nous déchire chaque jour un peu plus,
03:48mais je crois que la teneur des débats, la manière dont on est chacun assigné à être les uns contre les autres, à devoir prendre des positions radicales,
03:56à avoir une absence totale de possibilités de nuances, de compréhension mutuelle, etc.
04:01C'est pas quelque chose, je crois qu'il y a une surreprésentation de cette manière dont le débat est mené dans notre pays,
04:07mais que ça n'est pas forcément à l'image de ce que ressent une grande partie des gens et de ce à quoi nous aspirons collectivement.
04:13Mais vous en avez trouvé beaucoup des Palestiniens et des Israéliens qui veulent dialoguer ?
04:16Ah là, on parle donc des Israéliens et des Palestiniens parce que c'est vrai qu'on fait souvent des aller-retours entre ce qui se passe dans notre pays,
04:22entre notamment les communautés juives et musulmanes, et ce qui se passe sur le terrain là-bas.
04:25Alors évidemment, les militants palestiniens et israéliens, et c'est avec eux qu'on milite et c'est leur voix qu'on essaye de porter ici en France.
04:33C'est aussi ça notre mission, c'est de remettre la lumière sur les concernés, sur ceux qui sont au quotidien, au cœur de cette guerre,
04:39et qui nous donnent une grande leçon de résilience chaque jour.
04:42Et donc ils sont beaucoup plus nombreux qu'on ne le croit, en tout cas beaucoup plus nombreux que l'invisibilisation énorme qui est faite de leur voix aujourd'hui.
04:49Et donc aujourd'hui, je crois qu'on a une mission dans le fait de visibiliser ces voix qui sont les seules avec lesquelles un avenir pourra se construire,
04:56puisqu'encore une fois, on est là dans un moment de trêve, mais le chemin va être long,
05:00il va falloir réfléchir à l'avenir de cette région de manière durable, et c'est avec ces acteurs-là que ça se fera.
05:06Vous voyez que quand ils dialoguent, Israéliens et Palestiniens, ils parviennent à comprendre la douleur de l'autre, à comprendre pourquoi cette guerre a commencé ?
05:16Alors, non seulement ils parviennent à comprendre la douleur de l'autre, mais ils parviennent presque mieux que nous,
05:21qui parfois à l'abri derrière nos écrans, soufflant sur les braises et jouant à cette surenchère de la haine, etc.
05:28C'est ceux qui sont au cœur de la douleur, qui sont dans le concret de ce qui se passe là-bas,
05:33qui sont parfois capables de ce pragmatisme, de ce sentiment de responsabilité sur la vie aussi,
05:38qui nous donnent une leçon. Donc il y a des gens, notamment parmi les militants avec lesquels on travaille et dont on relaie la parole,
05:46des gens qui ont perdu des êtres chers depuis le 7 octobre.
05:49Je pense notamment à un homme comme Yonatan Zaygan, qui a perdu sa mère, Viviane Silver, assassinée par le Hamas au Kiboutzbéiri le 7 octobre.
05:57Je pense à un homme comme Ahmed Lilou, qui fait partie d'une organisation qui s'appelle Combatants for Peace,
06:02qui a perdu 60 membres de sa famille à Gaza, notamment dans les bombardements proches de l'hôpital Al-Shifa.
06:08Et ces deux-là arrivent à se parler ?
06:10Ces deux-là arrivent à se parler, d'ailleurs ils se parlent. On a fait un documentaire avec Sonia Terrab, qui est toujours disponible sur France Télévision.
06:16C'est sur le résisté pour la paix ?
06:18Exactement, dans lequel on filme ces militants et on voit cette rencontre extraordinaire entre Yonatan Zaygan et Ahmed Lilou.
06:24Il y a comme ça, au milieu de ce chaos, de cette espèce d'interminable nuit qu'on vit depuis 15 mois,
06:30des éclats de lumière qui continuent de résister et nous on a décidé de les relayer, de les porter.
06:34Et donc ils sont beaucoup plus nombreux, comme je vous le disais, qu'on ne le croit.
06:38Depuis dimanche, une trêve a été instaurée, donc Accord Fragile, vous l'avez dit,
06:41qui a permis la libération de trois otages israéliennes d'un côté et de prisonniers palestiniens de l'autre.
06:46Mais de chaque côté, des provocations, par l'image, le Hamas qui défile à Gaza, arme à la main dans des pick-up flambant neuf.
06:52De l'autre, par le crime, des colons israéliens qui brûlent des maisons palestiniennes en Cisjordanie.
06:58Ceux-là n'ont pas intérêt à ce que la guerre se termine ?
07:01Non, non seulement ils n'ont pas intérêt à ce que la guerre se termine, mais c'est à cause d'eux que nous en sommes là.
07:07Et c'est eux qui, à chaque fois, remportent la mise quand on sombre collectivement dans cette guerre des images.
07:12Là, en fait, si vous voulez, je pense que ce qu'on est en train de vivre avec cette trêve,
07:17c'est à la fois, évidemment, un peu de lumière au bout de l'obscurité, il faut le dire quand même,
07:22puisque ça fait 15 mois qu'on n'a aucune perspective de sortie de cette guerre,
07:26qu'on est dans une absence totale d'horizon, etc.
07:29Donc là, on entrevoit quand même une petite lumière qui s'allume au bout du tunnel.
07:32Et en même temps, on rentre dans un cycle qui est particulièrement douloureux
07:36parce qu'il fait d'abord revivre tous les traumas, je crois, de chacun.
07:40Toutes les images qu'on a pu voir, que ce soit ces trois femmes au milieu de cette foule de terroristes encagoulés,
07:46c'est des images qui, à la fois, nous ont glacés, en même temps, il y a quand même une forme de puissance
07:50dans ces images de ces femmes qui se tiennent debout au milieu de tous ces hommes, etc.
07:54On se dit d'ailleurs que c'est elles, la résistance.
07:57Et puis, il y a ces images à la fois déchirantes, joyeuses, de tous ces enfants qui ont célébré cette trêve à Gaza,
08:05qui, à la fois...
08:06Que l'aide humanitaire va pouvoir entrer.
08:07Voilà, et l'aide humanitaire.
08:09Ces images apocalyptiques de la bande de Gaza qu'on voit depuis plusieurs jours,
08:14ces déplacés Gazaouis qu'on voit revenir, leurs sacs à la main.
08:18Donc, on est à la fois, si vous voulez, dans un espoir de voir, en tout cas, un cycle nouveau s'ouvrir
08:24parce qu'il faut espérer que cette trêve aille au bout,
08:26qu'elle aboutisse à un cessez-le-feu permanent,
08:28à la libération de tous les otages,
08:30et qu'on puisse entrevoir ensuite un avenir de paix durable dans la région.
08:33Donc, le travail va être encore long,
08:35mais en même temps, il y a un mélange de joie,
08:37il y a un peu une explosion, je crois, de sentiments pour chacun d'entre nous,
08:40et aussi de beaucoup de douleurs qui nous reviennent en pleine figure
08:43et de tous les traumas qu'on a accumulés depuis 15 mois.

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