• avant-hier
Nous vivons à l'échelle de l'Europe, donc de la France, et du monde, un moment des plus conflictuels. De l'Ukraine au Proche-Orient, des guerres conventionnelles durent et perdurent en faisant des milliers de morts. Les autres continents, Afrique et Asie, ne sont pas épargnés par ces conflits meurtriers où sont impliqués des moyens humains considérables et des tonnes de matériels (avions, chars, sous-marins, obus, missiles, ...) aussi vite détruits que difficilement remplaçables. A ce tableau guerrier, s'ajoutent les menaces terroristes et des guerres hybrides avec des cyber-attaques qui ne respectent aucune règle, des piratages informatiques, des opérations de sabotage et de déstabilisation et aussi des guerres spatiales avec destruction de satellites. La menace nucléaire refait surface par ailleurs et une planète inquiète se prépare à une économie de guerre avec ce que cela suppose de soutenabilité budgétaire, notamment pour l'Europe qui appréhende le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Pour ce qui concerne plus précisément la France, se pose avec insistance et prégnance cette interrogation fiévreuse : l'armée française et l'ensemble de sa panoplie de défense peuvent-ils tenir dans la durée dans un conflit de haute intensité ?

Émile Malet reçoit :
- Edouard Guillaud, amiral, ancien chef d'état major des armées (CEMA) de 2010 à 2014,
- Michel Friedling, général de division aérienne, ancien chef du Commandement de l'espace,
- Christine Clerc ;journaliste,essayiste,
- Grégoire de Saint-Quentin, général d'armée, ancien commandant des opérations spéciales et sous-chef de l'état-major des armées.


Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.

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Transcription
00:00Générique
00:02...
00:23Bienvenue dans ces idées qui gouvernent le monde.
00:26Face à la guerre, sommes-nous prêts ?
00:29Nous vivons, à l'échelle de l'Europe, de la France,
00:32par conséquent, et du monde, un moment des plus conflictuels.
00:36De l'Ukraine au Proche-Orient,
00:38des guerres conventionnelles durent et perdurent
00:41en faisant des milliers de morts,
00:43même si un cessez-le-feu moyen-oriental est en cours.
00:46Les autres continents, Afrique et Asie,
00:49ne sont pas épargnés par ces conflits meurtriers
00:52ou sont impliqués des moyens humains considérables
00:55et des tonnes de matériel,
00:57avions, chars, sous-marins, obus, missiles,
01:01aussi vite détruits que difficilement remplaçables.
01:04A ce tableau guerrier s'ajoutent les menaces terroristes
01:08et des guerres hybrides avec des cyberattaques
01:11qui ne respectent aucune règle,
01:13des piratages informatiques,
01:15des opérations de sabotage et de déstabilisation
01:19et aussi des guerres spatiales avec destruction de satellites.
01:23La menace nucléaire, refaite surface par ailleurs,
01:27et une planète inquiète se prépare à une économie de guerre
01:31avec ce que cela suppose d'économies budgétaires,
01:35notamment pour l'Europe, qui appréhende le retour
01:38de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis.
01:42Pour ce qui concerne plus précisément la France,
01:45se pose avec insistance et prégnance
01:48cette interrogation fiévreuse.
01:51L'armée française et l'ensemble de sa panoplie de défenses
01:56peuvent-ils tenir dans la durée dans un conflit
01:59de haute intensité ?
02:01J'invite mes invités que je vais vous présenter à y répondre.
02:06Edouard Guillot, vous êtes amiral,
02:08ancien chef d'état-major des armées,
02:11le CEMA, de 2010 à 2014.
02:14Michel Friedling, vous êtes général de division aérienne,
02:19ancien chef du commandement de l'espace.
02:21Christine Clerc, vous êtes journaliste et essayiste.
02:25Grégoire de Saint-Quentin, vous êtes général d'armée,
02:28ancien commandant des opérations spéciales
02:31et sous-chef de l'état-major des armées.
02:34Avant de vous poser une première question,
02:36nous allons écouter l'extrait d'une intervention
02:39du député renaissance des Bouches-du-Rhône,
02:42Lionel Royer-Perrault,
02:44lors des questions au gouvernement.
02:46C'était le 25 janvier 2023, à l'Assemblée nationale.
02:51Monsieur le ministre, vous le savez mieux que quiconque,
02:54nos armées ont, par le passé, été trop longtemps négligées,
02:58pour ne pas dire abîmées.
03:00Trop d'espoir déçu par des lois de programmation militaire
03:03amputées de leurs ambitions initiales,
03:06avec, pour conséquence, des capacités militaires dégradées.
03:10En 2018, la majorité présidentielle a adopté
03:13une loi de programmation militaire de réparation,
03:17qui, fait rarissime dans l'histoire,
03:19a été intégralement respectée et exécutée.
03:24Dans un monde incertain, aux menaces hybrides et évolutives,
03:28la France devait se doter
03:30d'une nouvelle loi de programmation militaire ambitieuse,
03:33qui accompagne la transformation de nos armées
03:36et s'adapte au nouveau contexte géostratégique.
03:40Le président de la République a annoncé la semaine dernière
03:43un effort budgétaire sans équivalent de 413 milliards d'euros.
03:48413 milliards d'euros pour permettre à la France
03:51de rester une puissance militaire mondiale.
03:53413 milliards d'euros pour assurer la sécurité des Français
03:57et garantir la protection de notre pays.
04:00413 milliards d'euros pour adapter nos armées aux nouvelles menaces,
04:04mais aussi pour consolider notre dissuasion nucléaire.
04:08413 milliards d'euros, enfin,
04:10pour mieux équiper nos filles et fils de France
04:13et pour venir en soutien à nos forces armées,
04:15car, oui, mes chers collègues,
04:17cet effort consenti par la nation, nous le leur devons.
04:20Alors, effort budgétaire,
04:23vous êtes convaincu, Edouard Guillot,
04:25c'était en 2023, depuis, ça s'est maintenu,
04:28qu'est-ce que vous en pensez ?
04:30A l'heure, en ce début de 2025,
04:34nous n'avons pas encore de budget,
04:36donc nous allons voir ce que va donner le nouveau budget,
04:39puisque la loi de programmation actuelle, la nouvelle loi,
04:42après celle qui vient d'être mentionnée
04:44et qui a, effectivement, été intégralement réalisée,
04:48prévoit une augmentation du budget 2025,
04:51qui est indispensable si les programmes,
04:54en particulier d'équipement, d'une part,
04:56et de recomplètement des stocks, d'autre part,
04:59que ce soit de munitions, de pièces détachées,
05:01veulent être menés à leur terme.
05:03Nous savons tous que nous en avons besoin.
05:06Je suis optimiste, je fais confiance à la représentation nationale
05:09pour voter ce qui a été proposé par le gouvernement
05:12sous la direction du président de la République,
05:15et oui, je suis, pour l'instant, optimiste.
05:18La vraie question, c'est...
05:20Sommes-nous allés suffisamment loin dans l'effort ?
05:23C'est un autre sujet.
05:24Grégoire de Saint-Quentin,
05:26vu les opérations qui diminuent, puisqu'on n'est plus en Afrique,
05:29est-ce que c'est suffisant ou...
05:32Il ne faut pas le poser d'un point de vue opérationnel.
05:35D'ailleurs, la France a toujours réussi à poser son modèle d'armée,
05:38indépendamment des opérations qu'elle réalisait au jour le jour.
05:42Ce qui fait qu'elle a quelque chose d'assez solide.
05:45Il en manque en termes de quantité, on reviendra peut-être là-dessus,
05:49mais on a une trajectoire d'équipement
05:51qui est assez solide, qui n'a pas été construite
05:54uniquement pour remplir l'opération du lendemain,
05:57avec une vision du long terme.
05:59Aujourd'hui, le fait qu'il n'y ait plus d'opérations en Afrique,
06:03n'impacte pas le fait qu'il faut construire
06:06de futurs canons, de futurs avions ou de futurs sous-marins.
06:09Bon, alors, écoutez, on va rentrer dans le vif du sujet.
06:12Face au conflit d'aujourd'hui et de demain,
06:15on a coutume de dire que la France a tous les moyens,
06:18les capacités, les compétences,
06:21mais pas le volume pour tenir dans la durée.
06:24Autrement dit, notre modèle d'armée serait échantillonnaire.
06:29Alors, qu'est-ce que vous en pensez, Michel Friedling ?
06:35C'est une question qui a toujours occupé les Etats-majors parisiens.
06:39On a fait le choix,
06:41et à l'époque, l'amiral Guillaume était
06:43chef d'Etat-major des armées, et à cette époque-là,
06:46et par la suite, d'avoir un modèle d'armée complet.
06:50Evidemment, la contrepartie de ça,
06:52c'est qu'il peut être qualifié d'échantillonnaire.
06:55On a... Mais c'est un choix qui est cohérent.
06:58On a choisi de ne pas dépendre,
07:00pour certaines capacités critiques, de partenaires,
07:04de façon à pouvoir opérer nous-mêmes
07:06en toute souveraineté, en toute indépendance.
07:08La contrepartie, c'est peut-être le caractère échantillonnaire.
07:12Ca pose un problème,
07:13le problème de la résilience et de la capacité à durer.
07:16C'est votre avis, Édouard Guillaume, échantillonnaire ?
07:20Oui. Si l'on est pessimiste, on dit que c'est échantillonnaire.
07:23Si l'on est optimiste, on dit que c'était la seule façon
07:27d'être résilient, c'est-à-dire de pouvoir rebondir
07:30le jour où le besoin s'en ferait sentir.
07:32Il est vraisemblable, et vous l'avez évoqué,
07:35dans votre description du monde, que c'est le moment de rebondir.
07:38Il faut passer de l'échantillonnaire
07:40à quelque chose de plus volumineux.
07:42L'observatrice que vous êtes, Christine Clair,
07:45est-ce que c'est ce que vous entendez ?
07:47La France a tous les moyens, mais ils ne sont pas suffisants ?
07:51Ecoutez, je ne sais pas. Face à Trump,
07:53j'ai craint que la France n'ait pas tous les moyens,
07:56même si...
07:58On n'est pas en guerre avec les Etats-Unis.
08:00On n'est pas en guerre, mais s'il nous abandonne,
08:03comme il en exprime le désir,
08:05il va falloir augmenter davantage, unir l'Europe,
08:08c'est un bon énorme affaire,
08:11si on veut encore exister en tant qu'Europe.
08:14C'est comme ça que je le ressens, parce que j'avoue que j'ai peur.
08:18J'avoue que j'ai peur quand on a un président américain
08:21qui a un argent fou, qui s'appuie sur une prospérité,
08:24un développement, et qui nous dit qu'il n'en a plus rien à faire
08:28de l'Europe, et en particulier de la France.
08:31On a l'impression qu'il met une croix dessus.
08:34Lui, son problème, c'est qu'il s'oppose à la Chine,
08:37à la grande puissance de demain,
08:39et on a l'impression qu'on ne compte pas.
08:41Dieu merci, les Anglais se rapprochent quand même de nous,
08:45mais l'Europe n'est pas en bonne forme, pour le moment,
08:49et il faudrait que les efforts budgétaires de la France
08:52soient accompagnés par des efforts de tous les pays européens.
08:56C'est pas sûr.
08:57L'Italie penche plutôt du côté de Trump.
09:01Je voudrais être rassurée.
09:04J'avoue que je ne le suis pas du tout,
09:06par les débuts du règne de Donald Trump.
09:09On va rester sur l'armée française, Grégoire de Saint-Quentin.
09:12Sur cette notion échantillonnaire,
09:15dans le contexte conflictuel qui est le nôtre,
09:19au niveau des effectifs militaires,
09:22de l'armée de terre, de l'armée de l'air,
09:24de la marine, du renseignement, etc.,
09:27à votre avis, qu'est-ce qu'il faut bonifier
09:30dans l'immédiat et comment le faire ?
09:34Une partie de la réponse est dans la loi de programmation militaire.
09:38Il y a aujourd'hui...
09:40Pour faire en sorte que ce soit une armée apte à faire la guerre,
09:43même si la guerre n'est pas déclarée.
09:46Globalement, en 2022, on a changé le monde.
09:49Invasion de l'Ukraine par les Russes
09:51et 20e congrès du Parti communiste,
09:54qui a décidé qu'en 2049,
09:56la Chine serait première puissance mondiale,
09:59avec tout ce que ça veut dire derrière
10:01en termes de fragmentation économique
10:03et d'incertitude géopolitique.
10:06Et surtout avec une alliance entre la Chine et la Russie.
10:10Depuis 2022, on se pose des questions
10:13qu'on ne se posait pas avant.
10:14On regarde ce qui se passe autour de nous
10:17et on tire des enseignements des conflits.
10:19On tire des enseignements de la guerre en Ukraine,
10:22de ce qui se passe en Mer Rouge,
10:24avec le déni d'accès qui est mené par les outils
10:27sur le trafic maritime mondial.
10:30D'ailleurs, il y a d'autres endroits
10:33où il y a une contestation de la liberté de naviguer.
10:36On tire des enseignements et on se dit de quoi on a besoin.
10:39On est face à des gens qui sont capables de contester
10:42parce qu'ils mettent des moyens, finalement,
10:45pas si sophistiqués que ça, de façon assez massive.
10:48La guerre en Ukraine, c'est la dronisation du champ de bataille.
10:51La guerre contre le trafic maritime en Mer Rouge,
10:54c'est aussi mené à base de drones.
10:57Toute la réflexion, aujourd'hui, c'est de se dire
11:00comment on fait évoluer nos capacités pour s'opposer à ça,
11:03soit en lutte anti-drone, soit aussi pour nous-mêmes
11:06droniser un certain nombre de nos fonctions opérationnelles.
11:09Je vous le fais à grands traits,
11:11mais ce dont on dispose aujourd'hui dans les armées,
11:14c'est pertinent.
11:15Le problème, c'est qu'on n'en a pas assez.
11:18Il y a un certain nombre de choses
11:20qu'il faut produire de façon beaucoup plus massive,
11:23et ça tombe bien aussi en les dronisant.
11:25Pourquoi ça tombe bien ?
11:27Parce que tout ce qui est dronisé coûte beaucoup moins cher
11:30que ce qui est habité.
11:31Un drone aérien coûte beaucoup moins cher qu'un avion.
11:34Et quand je parle de drones,
11:36je ne vous parle pas uniquement du drone
11:38que vous achetez au coin de la rue.
11:40Je vous parle aussi de drones de combat de haute technologie.
11:44Tout ça va se mettre en place progressivement.
11:46Le problème, c'est qu'on ne peut pas changer les modèles,
11:50les modèles industriels comme ça, les doctrines comme ça,
11:53mais je pense qu'aujourd'hui,
11:54l'armée française retire énormément d'expérience
11:57des théâtres qui viennent de se dérouler.
11:59On peut même parler du conflit au Moyen-Orient,
12:02mais pas simplement de la guerre à Gaza,
12:04de ce qui s'est passé autour du changement de régime en Syrie,
12:08et de ce que ça veut dire en termes de capacités militaires.
12:11C'est vrai, Edouard Guillaume,
12:13qu'on est en échec sur la question des drones ?
12:16En échec, là encore, on est pessimiste.
12:20Je vous dirais, oui, c'est un échec.
12:23On est plus raisonnable.
12:25On a raté littéralement le virage au début des années 2000
12:29sur les premiers drones.
12:31On est en train de le rattraper.
12:33La question, c'est ce que vient de dire Grégoire de Saint-Quentin,
12:36c'est qu'il faut produire en masse.
12:38Produire en masse, ça veut dire muscler notre industrie de défense,
12:42et pour ça, c'est de lui passer des contrats, des commandes.
12:46C'est là où on arrive immédiatement aux 2 %,
12:50Donald Trump dit 5 %, qui sort un peu de son chapeau.
12:53L'OTAN dit 3 % maintenant.
12:56Nous, nous sommes tout juste à 2 %.
12:58Il est certain que passer de 2 à 3 %,
13:01c'est possible, contrairement à ce que j'entends,
13:04mais c'est possible à condition de faire des choix.
13:06C'est au monde politique, à ceux qui nous gouvernent
13:10et qui nous représentent, de faire des choix
13:13dont j'admets bien volontiers qu'ils sont extrêmement difficiles.
13:17Il faudra les faire.
13:18Michel Friedling, dans votre domaine,
13:20qu'est-ce qu'il faudrait faire ?
13:22Avant de répondre à votre question,
13:24j'aimerais revenir sur un ou deux points.
13:26Moi, il me semble qu'au-delà du volume
13:30de ressources nécessaires financières dont on parle,
13:34je pense qu'il y a aussi une question,
13:36qui est comment on utilise cette ressource.
13:39Je pense qu'il faut changer aussi notre façon de voir les choses,
13:42notre façon d'exprimer des besoins capacitaires
13:45et de les mettre en service dans les armées.
13:48C'est d'ailleurs un des grands axes de la réforme de la DGA
13:52que le ministre des Armées a demandé
13:55lors d'un discours en octobre 2024,
13:58et qu'il a rappelé dans ses voeux aux armées
14:01au mois de janvier 2025, cette année.
14:03Là, je pense qu'il y a vraiment quelque chose
14:06de très important à faire.
14:07Il ne s'agit pas seulement de remplacer
14:09des avions, des chars, des bateaux par des avions, des chars,
14:13de faire appel à des sociétés plus agiles, plus innovantes,
14:17qui peuvent délivrer des capacités avec ce concept de good enough.
14:20C'est assez bon pour faire le job.
14:22C'est clairement ce qu'on voit en Ukraine.
14:25La révolution qu'on a manquée, si vous voulez,
14:27c'est sans doute celle des drones endurants, etc.
14:30On a mis beaucoup de temps à acquérir ces capacités.
14:33Mais ce qui est arrivé très récemment en Ukraine,
14:36qu'on avait vu apparaître sur le théâtre du Levant,
14:39c'est cet usage massif de drones extrêmement low cost,
14:42très vite, sur un plan tactique,
14:44mais sur un plan aussi capacitaire,
14:46pour déstabiliser l'ennemi à moindre coût.
14:51Je pense qu'il y a vraiment ce changement de paradigme
14:55à obtenir assez vite,
14:58parce que, sinon, chaque euro dépensé
15:01va apporter beaucoup moins que ce qu'il nous faut aujourd'hui.
15:04Par ailleurs, je pense qu'il faut aussi,
15:06c'est ce que les Ukrainiens ont fait massivement,
15:09les Américains font massivement,
15:10faire appel à des sociétés de service
15:13qui peuvent apporter aux armées,
15:15aux armées, bien sûr, françaises ou en Europe,
15:18des capacités complémentaires.
15:20Aujourd'hui, l'imagerie spatiale est apportée massivement,
15:24et les télécoms aussi,
15:25par des sociétés privées aux troupes ukrainiennes,
15:28ce qui a sans doute permis d'arrêter les troupes russes
15:31et ensuite de renverser le coût stabilisé
15:33tout au moins le cours de la guerre.
15:35Dans votre domaine, qu'est-ce qu'il faut faire ?
15:38Il faut aller plus vite.
15:39Il faut aller plus vite.
15:40Il faut aller plus vite.
15:42On a eu une stratégie spatiale de défense ambitieuse en 2019,
15:45qui a mis sur la table, qui a fait les bons constats.
15:48La militarisation, je n'aime pas la militarisation
15:51car l'espace a toujours été utilisé à des fins militaires.
15:54L'arsenalisation de l'espace,
15:55l'apparition de menaces dans l'espace
15:58qui peuvent inhiber ou détruire des capacités spatiales adverses
16:01qui apportent des services aux troupes engagées sur le terrain.
16:05Ces constats ont été faits,
16:06l'espace est devenu un champ de confrontation.
16:09On a dit qu'on allait réagir à ça.
16:11On va faire appel à des sociétés de services
16:13pour compléter les capacités patrimoniales
16:16du ministère des Armées.
16:17Dans ces deux domaines, on n'est pas allé assez loin.
16:20Je ne suis pas le seul à le dire.
16:22Je pense que le ministre en a également parlé
16:25dans ses voeux aux armées il y a quelques jours,
16:27quelques semaines.
16:29Aujourd'hui, il faut aller plus loin.
16:31Il a l'intention de réunir un séminaire sur ce sujet
16:34dans le 1er semestre 2025
16:35parce que je pense que le constat est partagé
16:38entre les armées, le politique, les industriels et la DGA,
16:41pour dire qu'on n'a pas fait assez.
16:43Il faut aller plus vite et être plus ambitieux.
16:46Alors, Christine Claire a évoqué la menace,
16:49si menace il y a, avec la venue de Trump.
16:53Est-ce qu'aujourd'hui,
16:56au regard de la situation conflictuelle du monde,
16:59au regard des déficiences
17:02des armées françaises face au conflit,
17:05est-ce qu'on peut se priver des armes américaines ?
17:09Vous voulez dire un mot là-dessus ?
17:11Parce que c'est bien beau de critiquer l'Amérique,
17:16mais est-ce qu'on a besoin de ces armes américaines aujourd'hui ?
17:20Je ne suis pas vraiment compétente
17:22pour savoir si on peut s'en priver,
17:24mais en tout cas, on ne peut pas se priver,
17:26j'allais dire, d'une préparation morale,
17:29parce que c'est très intéressant, tout ce que nous disons là.
17:32Mais bon, j'observe que dans les récents débats à l'Assemblée,
17:36il n'y a pas eu un mot sur l'armée.
17:39Ca ne semble pas du tout être un objectif.
17:43La protection de la France, de l'Europe,
17:46ce n'est pas du tout dans les problèmes abordés.
17:49Donc, il faut avoir une prise de conscience générale
17:54du pays.
17:55J'en reviens toujours au premier discours du général de Gaulle,
17:59quand il était élu en 58.
18:02Il fait un discours pour dire,
18:03voilà sur quoi il faut renier.
18:05On va économiser là-dessus, là-dessus, là-dessus.
18:08Oui, personne ne peut le faire aujourd'hui,
18:11personne n'a les moyens,
18:13au risque de tomber le lendemain matin.
18:15Pourtant, il faudrait peut-être que ce discours arrive,
18:18puisqu'on est dans une situation mondiale,
18:21on peut considérer qu'on est menacé
18:24et que s'il n'y a pas d'efforts sans précédent,
18:27on n'y arrivera pas, même si, finalement,
18:30Macron a évolué, parce qu'il faut rappeler
18:32qu'au début du règne, entre guillemets, de Macron,
18:35il avait commencé par baisser tous les crédits de la Défense.
18:38Bon, maintenant, il est remonté.
18:40Mais je pense qu'il faut une mobilisation.
18:43C'est le discours de Bayeux, le deuxième discours de Bayeux,
18:46de 1952.
18:47La Défense est le premier devoir de l'Etat
18:50et il n'y pourrait faillir sans se détruire lui-même.
18:53Il me semble qu'on en est là, oui.
18:55Grégoire de Saint-Quentin.
18:57Le discours nous manque.
18:58Je voudrais revenir à ma question
19:01sur est-ce qu'on peut se priver, aujourd'hui,
19:04d'importer des armes américaines
19:07là où il y a des trous
19:08dans la raquette de la Défense européenne ?
19:11C'est une excellente question,
19:13parce qu'on pourrait aussi le voir sur
19:15est-ce qu'on peut se priver des forces américaines ?
19:18Dans le cadre d'un conflit en Europe,
19:20il faut absolument que les forces américaines soient là.
19:23Sur la question des armes, il est évident
19:25que ce ne sont pas les Français
19:28qui sont le plus embêtés par cette question.
19:30Aujourd'hui, ce n'est pas qu'on ne fait absolument pas appel
19:34aux ressources de certaines technologies américaines.
19:37On critique systématiquement le fait que certains pays,
19:41comme l'Allemagne, voire la Pologne,
19:43importent des armes américaines.
19:45La réponse est assez simple.
19:47Je crois que depuis 4 ou 5 ans,
19:50il y a 55 % de l'argent européen
19:53de la Défense, du budget de la Défense
19:56de tous les pays européens, mis ensemble
19:59et dépensé dans des matériels et des équipements
20:01qui font fabriquer Outre-Atlantique.
20:03La réponse, elle est simple.
20:05Si vous enlevez ces 55 %,
20:07il vous reste 45 % pour faire la guerre.
20:09Si la France a toutes les compétences,
20:12mais pas les moyens à mettre à disposition,
20:17est-ce qu'on pourrait faire de la France
20:19une puissance encore plus grande
20:21dans le domaine de la production de tous ces armements ?
20:25C'est une vraie question industrielle.
20:27Aujourd'hui, l'outil industriel, de ce que j'en sais,
20:30il n'est pas fabriqué pour être en économie de guerre,
20:34la vraie, pas celle des plateaux de télévision.
20:39L'économie de guerre, c'est 40 % du PIB qui tourne.
20:42C'est la mobilisation de la nation pour alimenter la guerre.
20:45C'est ce qu'on a vu pendant les deux guerres mondiales.
20:48Aujourd'hui, on n'est pas en économie de guerre.
20:51On est en économie d'avant-guerre.
20:53Il y a une prise de conscience.
20:55Certaines choses ont été inscrites dans la LPM
20:57et qui permettent, aujourd'hui, de se dire
21:00qu'au moins, on a pris des mesures pour remonter en puissance.
21:04Mais derrière l'outil industriel, il faut le modifier
21:07et produire de façon échantillonnaire,
21:09pour reprendre le terme que vous utilisez,
21:11ou produire en masse.
21:13C'est pas du tout le même sujet.
21:15C'est pas les mêmes process, c'est pas du tout le même sujet.
21:18C'est pas que nos industriels ne sachent pas le faire.
21:21C'est pas du tout ça, la question.
21:23Pour qu'ils le fassent, il faut qu'ils aient de la visibilité
21:26sur les commandes et sur ce qu'on leur demande.
21:29Avec 2 %, on revient au problème initial,
21:34avec 2 % de points de PIB, on n'y est pas.
21:37Donc, avec 2 % de points de PIB, pour répondre à votre question,
21:41on transforme pas radicalement l'outil industriel
21:44de défense française. Bon soit-il, c'est pas le sujet.
21:47Alors, Christine Claire,
21:49vous disiez qu'il fallait une sorte de réarmement moral
21:52et de mettre la question de la défense
21:56au coeur de nos discussions parlementaires,
21:59mais avec un budget de 1,9 % consacré à la défense,
22:04et alors que les grandes puissances consacrent 3, 4, 5 %,
22:10n'oublions pas que c'est ce que nous consacrions à la défense
22:13au moment de la Guerre froide.
22:15Est-ce qu'on peut dire qu'avec le budget actuel,
22:18nous sommes en économie de guerre ?
22:21Voilà, vous n'avez plus qu'à faire un discours au français.
22:25Ca y est, il est fait, il est si résumé.
22:27Ce que vous avez à leur dire,
22:30il faut une prise de conscience.
22:32Je ne mesure pas
22:34si cette prise de conscience progresse ou pas.
22:39Je vois bien qu'il y a une grande peur,
22:42de tout ce qui se passe dans le monde.
22:45La France, l'Europe ont été prises en étau.
22:48Mais sur le problème de la défense, on s'est un peu gargarisés,
22:52parce que la France, force et puissance nucléaire,
22:55formidable, mais je ne sais pas,
22:59il n'y a pas suffisamment d'informations,
23:01et les hommes de pouvoir, les hommes politiques
23:04n'en parlent pas, pour le moment.
23:07Pourquoi ? On ne veut pas faire peur,
23:09on ne veut pas dire qu'il va falloir leur demander plus d'argent
23:12au lieu de leur en donner plus.
23:15Il va falloir tailler, quelque part.
23:18Or, pour le moment, il s'agit plutôt de donner davantage,
23:23et c'est normal, c'est normal.
23:24Il n'y a pas loin d'un million de femmes seules avec enfants
23:28qui ne gagnent pas assez.
23:29Il faut certainement donner plus à tous ces gens
23:32si on veut les faire adhérer à un projet commun
23:35de défense nationale européenne.
23:38Il faut d'abord, pour eux, manger,
23:41finir le mois,
23:43payer la cantine des enfants à l'école,
23:46mais s'il n'y a pas une prise de conscience générale,
23:50s'il n'y a pas un équilibre qui est instauré,
23:54je ne sais pas comment il y arrivera,
23:56mais ça me paraît en tout cas nécessaire et urgent.
23:59Peut-être que c'est grâce à Trump, finalement.
24:02Son point sur la table va peut-être nous réveiller.
24:05Je voudrais avoir votre avis.
24:07Je sais que vous êtes militaire, que vous avez un devoir de réserve,
24:11mais vous avez occupé des fonctions très importantes
24:14dans la hiérarchie.
24:16Est-ce qu'au regard de la situation actuelle,
24:20faut-il passer en économie de guerre ?
24:24Edouard Guillot.
24:25La réponse est indubitablement oui.
24:28L'économie de guerre, ça veut dire un certain nombre de choses.
24:32Non seulement un pourcentage du budget
24:36et du PIB bien augmenté,
24:39on n'est pas obligés de doubler ou tripler instantanément,
24:43ça veut dire aussi changer un peu les mentalités.
24:46Changer les mentalités, ça peut se faire de façon...
24:50Il y a des choses qu'on peut faire très vite,
24:52des choses qu'on peut faire dans la durée.
24:55Ce qu'on peut faire très vite,
24:57pour citer quelque chose de concret, pour que ça parle aux Français,
25:00c'est réellement, et j'ai bien dit réellement,
25:04utiliser les réserves.
25:06Ca fait plusieurs lois de programmation,
25:08plus de 20 ans déjà, qu'on nous explique
25:11qu'à chaque loi de programmation, on va augmenter les réserves.
25:14La première chose qu'on supprime dès qu'il y a des économies budgétaires,
25:19même à l'intérieur d'une loi qui a pourtant été appliquée récemment,
25:22ce sont les budgets destinés à payer les réserves.
25:25On a un problème de masse, ça a été évoqué.
25:29On a toujours eu une difficulté
25:31entre la technologie d'un côté, la masse de l'autre.
25:34La technologie, c'est ce qui a permis, à l'Ukraine,
25:37d'arrêter la masse russe
25:40en 2022 et début 2023.
25:44La masse, c'est ce qui permet à la Russie
25:47de grignoter quelles que soient les pertes.
25:49Et donc, nous, nous avons la technologie,
25:52c'est pour ça qu'on a pu parler d'armée échantillonnaire.
25:56Je rappelle qu'on en parlait déjà en 1936 et 1938,
25:59d'armée échantillonnaire, avant la Seconde Guerre mondiale.
26:02On a un problème de masse.
26:04Pour augmenter la masse, utilisons nos réserves.
26:07Nous ne savons pas les solder.
26:09Vous parlez de réserves. Qu'est-ce que vous voulez dire ?
26:12Les réserves, c'est-à-dire les hommes et les femmes
26:15qui sont prêts à faire des périodes.
26:17Il y a des accords entre les armées et les entreprises.
26:20Il n'y a plus de difficultés de ce point de vue-là.
26:23Les entrepreneurs...
26:25Permettez-moi cette précision.
26:27Quand vous parlez des réserves,
26:29vous voulez dire qu'il faudrait
26:31professionnaliser les réserves,
26:33un peu ce qui se passe en Israël, par exemple,
26:36où les réservistes font des périodes véritablement militaires ?
26:40Les réservistes, en France, ne font pas de périodes militaires
26:43parce que nous n'avons pas de quoi les solder,
26:46c'est-à-dire leur régler leurs soldes.
26:48C'est une des...
26:50Dans un budget, quand vous avez des économies à faire,
26:53et ça, ça a 20 ou 30 ans,
26:54les deux premiers postes qui sont supprimés ou annulés,
26:58ce sont les munitions, d'une part,
27:01d'où le problème des stocks,
27:02et la solde, et donc le rappel en période de réserve d'autre part.
27:07Donc on peut avoir 40 000 réservistes.
27:09Si aucun d'entre eux n'est entraîné,
27:12on va avoir un problème de masse.
27:15Aujourd'hui, aussi bien l'armée de l'air que l'armée de terre
27:18utilisent régulièrement des réservistes,
27:22mais en petit nombre, en moins grand nombre
27:24que ce qui est théoriquement disponible.
27:27Et ça, si on veut commencer par augmenter la masse,
27:32c'est par ces réserves.
27:33Le deuxième avantage d'utiliser les réserves,
27:36c'est que si on veut diffuser l'esprit de défense,
27:39on nous parle souvent de ça, dans la nation,
27:41ces réservistes, ce sont des civils
27:43qui viennent passer un peu de temps sous l'uniforme,
27:46nous aider, et quand ils rentrent dans leurs entreprises,
27:49dans leur foyer, peuvent raconter ce qu'ils ont vu de l'intérieur,
27:54et non pas simplement parce qu'ils ont écouté
27:56ou regardé quelque chose à la télévision.
27:59Sur cette question des réserves,
28:01qu'en pensez-vous, Grégoire de Saint-Quentin ?
28:03Je pense que ce que vient de dire Mireille Guillot
28:06est tout à fait juste. On a une vraie question
28:09de massification de l'emploi des réserves.
28:11Et puis, il y a aussi beaucoup de simplifications administratives.
28:15Je crois que c'est en cours, mais si vous laissez là,
28:18on voit qu'on n'était plus du tout devenus, en 30 ans,
28:21je suis de l'humeur de Berlin, un peu plus,
28:24on a perdu l'aptitude à la mobilisation.
28:28En fait, c'est ça.
28:30Au fond, le mot-clé, l'économie de guerre,
28:32il tourne autour d'un mot, c'est la mobilisation des ressources.
28:36Les ressources humaines, les ressources matérielles,
28:39et ça, de façon extrêmement rapide,
28:41extrêmement simple, de façon à simplifier le processus.
28:45Pas prendre de comparaisons qui ne seraient pas exactes,
28:49mais regarder la vitesse à laquelle Israël a mobilisé
28:52après le 7 octobre.
28:53Aujourd'hui, en volume et en vitesse,
28:57et proportionnellement, parce qu'il y a quand même
29:00un petit pays, mais on ne serait pas capable de faire ça.
29:03Il faut l'avoir clairement en tête.
29:05C'est un vrai sujet de comment on simplifie les procédures,
29:08comment on revient à des choses qu'on avait avant.
29:11J'ai vu disparaître, en 30 ans de vie,
29:13toutes les procédures administratives spéciales
29:16qui permettaient d'aller vite sur certains sujets,
29:19notamment les procédures financières.
29:21Le service national prôné par notre président de la République
29:26n'est pas efficient.
29:28Pour maman, c'est un échec.
29:29Il y a même quelques milliers.
29:32Vous pouvez donner quelques chiffres, là-dessus ?
29:35Je sais plus. Je crois que j'ai lu 30 000,
29:37alors qu'on attendait 800 000.
29:40Une classe d'âge, c'est entre 750 et 800 000.
29:43Donc on en a 30 000 sur... Oui, c'est ça, 800 000.
29:47Bon. Evidemment, on se dit qu'il faudrait un discours,
29:51mais est-ce que le président actuel est capable de le prononcer ?
29:55S'il le prononce, d'être entendu ?
29:57Je ne vois pas comment...
29:59Il faut une prise de conscience de l'ensemble de la population
30:03et aussi montrer les buts
30:08et comment faire pour se mobiliser, évidemment,
30:11davantage, certainement, de mobilisation,
30:14d'entraînement des jeunes.
30:16Qu'est-ce que c'est, ce service militaire en huit jours ?
30:19Je sais pas quoi faire.
30:21C'est sûr qu'il faut franchir une étape,
30:23mais qui peut la franchir ?
30:25C'est pas le chef de gouvernement
30:28qui a mandié trois voix pour un budget.
30:33Qui peut la franchir ?
30:34Et c'est pas Macron qui se fait pas entendre.
30:37Donc d'où peut venir la voix ?
30:39Peut-être que M. Friedling va nous éclairer là-dessus.
30:42Qu'est-ce que vous pensez ?
30:44Peut-être de vous tous.
30:46Ce serait prétentieux de ma part.
30:48Ce que je pense, c'est qu'on a l'habitude...
30:50On a l'habitude de parler des forces morales
30:53dans notre milieu militaire,
30:55mais en général, on parle des forces morales du combattant.
30:58On a pu vérifier que les forces morales
31:00des combattants ukrainiens étaient essentielles
31:03au résultat qu'a obtenu l'état-major ukrainien
31:06pour stopper l'invasion russe.
31:08Ce qui est important, ce sont les forces morales de la nation.
31:12De ce point de vue-là,
31:13on a sans doute quelques interrogations légitimes.
31:16On voit bien dans le débat public
31:18que les thématiques de l'éducation, du social, de l'agriculture,
31:22de l'écologie, de l'emploi sont des thématiques omniprésentes.
31:25La grande absente, c'est la thématique de la défense.
31:28J'ai en tête cet épisode où je crois que c'est Kennedy
31:33qui vient expliquer à l'époque du missile gap dans les années 60,
31:37qu'il vient expliquer à la nation américaine
31:39sur un plateau de télévision,
31:41alors qu'il n'y avait pas de power point à l'époque,
31:44mais il mettait des espèces de chiffres
31:46avec des nombres de missiles,
31:48pour faire prendre conscience à la nation américaine
31:51qu'il fallait renforcer l'effort de défense,
31:53qu'il fallait développer une dissuasion nucléaire.
31:56Ce discours peut-il être retenu par notre président aujourd'hui
32:00et être entendu ? C'est aujourd'hui une vraie question.
32:03Il manque cette thématique dans le débat public.
32:05Malgré le courage et quelques voix qui le portent,
32:08et le courage de certains hommes politiques,
32:11c'est assez absent.
32:12Le général de Villiers, au moment donné de sa démission,
32:15il a d'ailleurs écrit plusieurs livres depuis,
32:18qui ont eu un grand écho, et puis maintenant,
32:20on peut oublier.
32:22Est-ce que la hiérarchie militaire d'actives
32:25a fait des propositions à l'exécutif pour...
32:31C'est son métier, elle ne cesse de faire des propositions.
32:34...sur la question des réserves ?
32:35Oui.
32:37Bien sûr, ça a toujours été le cas.
32:39Toujours était le cas.
32:40J'ai vécu directement l'élaboration
32:42de trois lois de programmation militaire,
32:45et trois fois, j'ai fait partie de ceux
32:47qui disaient que les réserves, c'est très bien de les inscrire,
32:50mais si c'est pour qu'il n'y ait pas une ligne budgétaire
32:53pour pouvoir rappeler les réservistes,
32:56ce sera une fois de plus une parole,
32:57et en plus, c'est décrédibilisant pour l'effort de défense.
33:01Aujourd'hui...
33:02Ce que vous dites est très important,
33:04c'est-à-dire que l'exécutif n'écoute pas
33:06les propositions de la hiérarchie militaire...
33:09Ca peut être pas forcément l'exécutif,
33:11mais aussi l'Etat profond.
33:13L'Etat profond, si on veut.
33:15Donc, c'est pas forcément ni directement l'exécutif
33:18ni directement le politique,
33:19mais c'est vrai qu'aujourd'hui, nous sommes, quelquefois,
33:23dans la position des combattants de 1916,
33:26qui écrivaient à leur famille depuis les tranchées de Verdun
33:31l'arrière va-t-il tenir ?
33:35Bien, ben, écoutez...
33:37On va écouter, si vous voulez bien,
33:41un extrait de l'intervention du ministre des Armées,
33:44Sébastien Lecornu.
33:45C'était devant la commission de la Défense d'Assemblée nationale
33:48le 14 octobre dernier, c'est-à-dire en 2024.
33:52Ce projet de finance, tel qu'il vous est présenté
33:55par le gouvernement, il est évidemment une étape importante
33:58dans la route qui a commencé à être ouverte en 2017
34:01sur ce qui, à terminaison,
34:04devra être le doublement de notre budget.
34:0632 milliards d'euros en 2017,
34:0841 milliards d'euros en 2022, lorsque j'ai été nommé,
34:1250,5 milliards d'euros,
34:13une marge de 3,3 milliards d'euros,
34:16vous est proposée pour l'année prochaine,
34:1818 milliards d'euros de plus, donc, pour le budget annuel
34:21pour les crédits militaires depuis l'élection du président,
34:2410 milliards d'euros de plus par an
34:26depuis l'arrivée de votre serviteur.
34:29L'effort est colossal.
34:30Vous êtes commissaire à la Défense,
34:31vous êtes tous bien instruits de cela,
34:33mais notre audition s'adresse aussi à l'extérieur,
34:36à celles et ceux qui peuvent nous suivre,
34:37y compris, d'ailleurs, pour les parlementaires
34:39qui ne sont pas membres de cette commission,
34:41on peut s'interroger en disant, au fond,
34:42pourquoi il n'y a pas de rabot sur la LPM ?
34:44Pourquoi les crédits militaires ne sont pas sollicités
34:47dans l'effort de redressement des finances publiques
34:50tels qu'il vous est proposé par le gouvernement ?
34:52Déjà, le 1er point, c'est que la programmation militaire,
34:56elle obéit aussi à des menaces extérieures
34:58qui sont précises et dont on estime
35:00qu'elles touchent aussi à la survie du pays
35:03et même à nos intérêts vitaux.
35:04Je pourrais y revenir.
35:06Et la 2e particularité, évidemment,
35:07c'est que les crédits militaires ont déjà fait l'objet
35:09de coupes et de diminutions drastiques
35:12ces 20 ou 30 dernières années.
35:14Et, au fond, on ne peut pas dire qu'on a un réarmement
35:17sans regarder de là où on vient.
35:19Alors, il y a les décisions qui ont été prises
35:20dans les années 90,
35:22liées à la fin du pacte de Varsovie.
35:23On a longuement débattu de cela
35:24pendant la programmation militaire,
35:25pendant les débats de la programmation militaire.
35:27Mais, enfin, on a aussi des dividendes de la paix
35:29qui ont été emmenés un peu loin dans les années 2000
35:33et dont on voit bien que les effets ont été durables
35:36sur nos capacités militaires
35:38et dont les efforts de réparation le sont tout autant.
35:42Avec, je le redis, un régiment sur deux de l'armée de terre
35:45qui a disparu depuis le début des années 90.
35:49On avait, globalement, pendant 20 ans,
35:50une richesse nationale qui a augmenté de plus de 50 %,
35:53des dépenses militaires mondiales
35:54qui, globalement, avaient augmenté de 18 %,
35:56pendant que, nous, nos dépenses militaires nationales,
35:58elles, diminuaient de 18 %, 17 %.
36:01Alors, Christine Claire,
36:02vous voyez, le diagnostic est précis,
36:05mais la prospective n'est pas là.
36:07Qu'est-ce que vous en pensez ?
36:10Non, la prospective n'est pas là
36:11parce qu'on n'a pas beaucoup de moyens.
36:15Moi, je voudrais souligner quand même
36:17un grand progrès dans l'opinion.
36:19C'est formidable d'avoir tous ces généraux
36:21dont on découvre qu'ils sont tellement sympathiques
36:24et compétents.
36:25Il y a quelques années encore, ce n'était pas le cas.
36:28On a eu les médecins, c'est vrai, avec le Covid, tout ça,
36:32mais la place occupée par les généraux,
36:35maintenant, sur les plateaux de télévision,
36:37c'est déjà un grand changement de mentalité.
36:40Mais encore faut-il que leur discours passe,
36:43qu'il soit fort,
36:45parce qu'il y a tellement, tellement de chemins...
36:47Enfin, je ne sais pas ce qu'ils en pensent,
36:49mais je trouve qu'il y a tellement de chemins à faire
36:52pour arriver à convaincre
36:54qu'il faut vraiment un gros effort.
36:56Il y va de notre indépendance,
36:58il y va de l'avenir de nos enfants.
37:00Est-ce qu'on veut être complètement écrabouillés
37:02entre la Chine et les Etats-Unis ?
37:05Est-ce qu'on veut une Europe qui survive
37:07et dont les valeurs existent encore,
37:12qui ne sont pas celles du tout de M. Trump ?
37:14Mais bon, je vois des raisons d'espérer
37:17dans le fait qu'on découvre tous ces généraux
37:19compétents, sympathiques, cultivés.
37:23C'est tout à fait différent de l'image
37:26qu'on pouvait en avoir, peut-être,
37:28il y a 15 ou 20 ans.
37:29Je ne sais pas comment ils ressentent les uns ou les autres.
37:32Alors, bonjour.
37:33C'est vrai que les généraux sont aujourd'hui très en vue,
37:37mais c'est aussi lié aux situations de conflit.
37:40Alors, sur une question précise, Edouard Guillaume,
37:44le président Trump a annoncé
37:48qu'il ferait la paix, en tout cas,
37:50qu'il arrêterait les combats,
37:52à la fois au Proche-Orient, ce qui semble être en cours,
37:55et en Ukraine.
37:57A votre avis,
37:59si un cessez-le-feu se produit en Ukraine,
38:03en 2025,
38:04quelles armées délégueront des forces
38:09pour assurer la séparation des combattants ?
38:13Si je veux évacuer la question,
38:17je vous dirais que c'est l'ONU qui s'en chargera.
38:20Quand je dis évacuer,
38:22la vraie difficulté, c'est qui fera respecter le cessez-le-feu.
38:26Bien sûr, on peut penser que des armées occidentales,
38:29d'Europe occidentale, pourraient participer,
38:32et donc au premier rang desquelles les armées françaises
38:35ou les armées britanniques,
38:37mais il ne faut pas que ceux qui feront respecter le cessez-le-feu
38:41soient considérés comme des chiffons rouges par Moscou.
38:45Donc, là, pour l'instant, je n'ai pas vraiment de réponse.
38:49S'il y a un cessez-le-feu,
38:51ce qui serait quand même formidable et peut-être pas très loin du miracle,
38:56tout au moins en 2025,
38:58il faut également se poser la question
39:02de comment faire appliquer ce cessez-le-feu.
39:05On a vu qu'une force d'interposition faible,
39:09ça ne sert à rien.
39:12Exemple, la finule au Liban,
39:14où nous y sommes depuis des années et des années,
39:18où, pour des raisons de gouvernance internationale
39:22et non pas de commandement de la finule ni de pays participants,
39:26on n'a jamais laissé la finule intervenir
39:29alors qu'elle était censée empêcher un certain nombre de choses
39:33et on lui a bridé ses moyens et ses capacités d'action.
39:38Grégoire de Saint-Quentin, comment vous voyez les choses
39:41si la France est appelée à participer à ce cessez-le-feu ?
39:46Et est-ce qu'on a les moyens de le faire ?
39:49L'historique des opérations d'interposition,
39:55c'est de ça dont il s'agit.
39:57Vous pouvez imaginer deux choses.
40:01Vous pouvez imaginer un dispositif léger
40:03qui consiste à mettre juste des observateurs
40:06et à relever les violations du cessez-le-feu.
40:08C'est ce qu'on a fait pendant des années en Bosnie en pure perte.
40:12Après, vous pouvez imaginer mettre quelque chose de plus costaud
40:17qui consiste à s'interposer entre deux forces.
40:20Et là, je rejoins ce que vient de dire Emile Guillaume.
40:24Si cette force n'est pas extrêmement conséquente
40:27pour s'imposer face à votre adversaire,
40:30il ne vaut mieux pas la mettre.
40:32C'est un avis personnel, il ne vaut mieux pas la mettre.
40:35En l'occurrence, s'agissant d'être entre l'armée russe,
40:38on parle bien de l'armée russe, l'armée de Vladimir Poutine,
40:42avec l'agressivité dont il fait preuve depuis deux ans,
40:46et une armée ukrainienne qui se bat pour sa survie
40:49et qui, je pense, lâchera un centimètre de terrain
40:52que s'il y est contraint.
40:54Je pense que c'est une situation extrêmement compliquée.
40:57Tout le monde, je pense, ici et partout,
41:00souhaite un cessez-le-feu sur le terrain,
41:03mais les conditions d'exécution et d'application de ce cessez-le-feu
41:08confiées à une force extérieure,
41:12je suis un peu sceptique,
41:13d'autant que les Américains ont déjà dit
41:16qu'ils n'y participeraient pas.
41:18Les Américains sont une armée puissante,
41:20la première armée du monde, capables de se faire respecter.
41:24A votre avis, si la France décide de participer
41:28à ce cessez-le-feu,
41:30c'est une décision du Parlement
41:32ou c'est une décision du président de la République ?
41:35Oui.
41:36Je pense que c'est une décision du président de la République,
41:40mais il ne peut pas la prendre sans avoir un appui
41:43du peuple et du Parlement.
41:45Ca paraît impensable.
41:47Je ne sais pas à quel point les mentalités
41:50sont suffisamment préparées pour le moment.
41:52Ca n'a pas l'air d'être au centre de nos préoccupations
41:56et pourtant, peut-être que l'arrivée de Trump
41:59va créer un choc salutaire, finalement,
42:02puisqu'il nous menace de ne plus nous aider,
42:06que l'Amérique ne dépense plus autant d'argent
42:10pour la défense européenne.
42:12Peut-être que c'est ça qu'ils visent, d'ailleurs,
42:15de nous obliger à prendre conscience,
42:17à dépenser davantage, mais pour le moment,
42:20tout est imprévisible, sauf qu'effectivement,
42:23il faut certainement se préparer davantage,
42:26financièrement, en préparation des armes.
42:30La seule chose qui me rassure, si je peux dire,
42:34c'est quand je vois où en sont les Russes
42:37à faire tuer des malheureux Coréens.
42:41Dans un Etat épouvantable,
42:42des gens qui ne savent même pas où ils sont,
42:45pourquoi ils sont là.
42:47Enfin, bon, c'est quand même effroyable.
42:51Michel Friedling, on parle de Donald Trump,
42:54on parle de la Russie et aujourd'hui,
42:57on parle de sud global, d'Occident en face.
43:01Ce sud global, à la fois, se complexifie,
43:06mais en même temps a l'air de trouver
43:09des résolutions concrètes, par exemple, la Russie
43:12a une alliance véritable avec la Corée du Nord,
43:17avec l'Iran. A votre avis, tout ça,
43:19c'est un remake de la Guerre froide
43:22ou c'est autre chose ?
43:24On parle de conflits civilisationnels.
43:26Est-ce que ce qui se passe aujourd'hui
43:30fait retour au passé ou c'est quelque chose de nouveau ?
43:34Je pense qu'on peut toujours trouver
43:36des éléments de comparaison,
43:38des éléments de similitude avec des choses qui ont existé,
43:42mais je pense qu'on est...
43:43Nous avons basculé, au XXIe siècle,
43:46dans un monde nouveau, il me semble,
43:48et ça a été très bien décrit par de nombreux analystes,
43:52dans des ouvrages fort bien écrits
43:54ou sur les plateaux de télévision.
43:57La Russie est dans une situation particulière.
44:00Elle a besoin d'une profondeur stratégique,
44:02qui n'est pas uniquement sa population,
44:05son industrie de défense,
44:06c'est son alliance avec l'Iran,
44:08avec la Corée du Nord, avec la Chine.
44:10La profondeur stratégique de l'Ukraine,
44:13ce n'est pas son territoire,
44:14ce n'est pas son industrie de défense.
44:17C'est l'aide massive, il faut le reconnaître,
44:20que l'UE et les Etats-Unis ont apporté jusqu'à présent.
44:23Après, vous parlez du Sud global.
44:25Là aussi, je pense qu'il faut essayer
44:27de prendre un peu de recul.
44:29Il y a effectivement un monde nouveau qui émerge.
44:32Dans ce Sud global, il y a quand même
44:34des alliances de circonstances.
44:36Il y a aussi beaucoup de divergences.
44:38Tous les intérêts ne sont pas convergents.
44:40Je pense que le temps nous dira
44:43si on est dans une nouvelle guerre froide
44:46sous une nouvelle forme
44:47ou si on est dans des mouvements
44:49qui vont être permanents,
44:51des recompositions permanentes de conflictualité
44:53en fonction des intérêts des uns et des autres.
44:56On va maintenant aborder une question importante.
44:59Poutine, avec la guerre en Ukraine,
45:02menace régulièrement, périodiquement,
45:06d'employer l'arme nucléaire.
45:09La France a ce fameux armement nucléaire,
45:13la Grande-Bretagne aussi,
45:15mais est-ce que c'est suffisant
45:19pour protéger le territoire ?
45:22Est-ce que c'est suffisant
45:24pour dissuader les adversaires ?
45:26Ou il faut également,
45:27à côté de cette protection nucléaire,
45:31une défense balistique conséquente ?
45:35Est-ce que nous avons les moyens d'être protégés ?
45:38Et comment s'articule cette protection
45:41avec l'arme nucléaire ?
45:43Vous posez une question de dialectique
45:46autour de la dissuasion nucléaire.
45:48La dissuasion nucléaire,
45:50ce n'est pas fait pour empêcher
45:51une attaque terroriste, d'ailleurs,
45:53on l'a vu.
45:55C'est fait pour empêcher un Etat
45:57de porter atteinte à vos intérêts vitaux.
45:59Mais pour que ça fonctionne,
46:02elle doit avoir une certaine crédibilité.
46:05Pour qu'elle ait une crédibilité,
46:07il faut plusieurs choses.
46:08Une volonté politique, bien sûr.
46:11Une capacité technologique.
46:14Mais la volonté politique est très importante.
46:19Et des hommes prêts à la servir.
46:23C'est ce que nous avons.
46:24Mais il y a encore d'autres choses qu'il faut.
46:27Ce qu'il faut, par exemple,
46:29pour éviter tout contournement,
46:31c'est aussi des forces conventionnelles,
46:33c'est absolument indispensable,
46:35à un certain niveau.
46:36Il est évident qu'aujourd'hui,
46:38après l'agression de l'Ukraine
46:41par la Russie en 2022,
46:45se pose la question de notre capacité conventionnelle.
46:50Et on en a...
46:52C'était le début de cette émission.
46:55De ce point de vue-là,
46:57dans la capacité conventionnelle
46:59figure quelque chose qui avait été franchement abandonné
47:02par les armées occidentales,
47:03qui était la défense antiaérienne,
47:05à base de batteries, essentiellement,
47:08et du coup, on arrive très vite
47:10à la défense dite antimissile.
47:13Oui, il faut de la défense antimissile,
47:15mais la défense antimissile ne remplace
47:18ni les forces conventionnelles sur le terrain
47:21ni la défense antiaérienne classique
47:23face à des drones qui peuvent être à bas coût,
47:26low cost, comme le rappelait le général Friedling.
47:30On ne va pas utiliser un missile
47:32qui vaut 10 millions d'euros,
47:34entre 1 et 10 millions d'euros,
47:36face à quelque chose qui vaut 50 000 euros.
47:39On voit bien qu'on a un problème assez rapide
47:41non seulement de finances,
47:43mais également de rapidité de fabrication et de remplacement.
47:46Si ça vaut 1 million d'euros,
47:48il faut de longs mois pour le construire.
47:50Si ça vaut 50 000 euros, il faut quelques semaines,
47:53voire quelques jours.
47:55Il nous faut une défense antimissile,
47:57mais il ne faut pas croire que ça suffit.
47:59Un certain nombre de pays européens,
48:01c'est quelque chose contre lequel la France,
48:04depuis au moins 25 ans, s'est élevée,
48:06croient que la défense antimissile suffit.
48:08Et on arrête tout le reste.
48:10On n'a pas besoin de forces conventionnelles,
48:13on se contente du parapluie américain de l'OTAN,
48:16mais qui, en réalité, n'est pas un parapluie de l'OTAN,
48:19qui est un parapluie américain,
48:21puisque ce sont des armes américaines.
48:23Et donc, ce sont les Américains qui décideraient,
48:26et non pas, contrairement à ce qu'on croit, l'OTAN.
48:29Alors, les Allemands ont fait une proposition,
48:33seuls, d'une certaine façon,
48:35en tout cas sans consulter leurs alliés proches
48:37avant de la faire.
48:40Bien sûr, nous avons besoin de faire ces développements,
48:43ce qui, par ailleurs, d'un point de vue purement technologique,
48:48nous permettrait de continuer à avancer.
48:51Et nous sommes capables de faire des choses
48:53qui intéressent les Américains.
48:55Regardez, les Américains sont capables
48:57d'aller chercher des technologies ailleurs,
49:00en Israël, pour le bouclier antimissile israélien,
49:03mais qui est face à un certain type de missiles.
49:05Ce n'est pas parce que vous avez un missile antimissile
49:08que vous pouvez intercepter aussi bien
49:10un missile accueillant de 100 km de portée
49:13ou de 10 000 km.
49:14Ce n'est pas du tout les mêmes technologies.
49:16Ce n'est pas le même coût,
49:18ce n'est pas les mêmes surveillances de l'espace,
49:21en particulier, et ça, le général Friedling
49:23en parlerait mieux que moi.
49:25Donc, oui, nous avons des choses à apporter,
49:27nous devons faire des choses,
49:29mais là encore, il ne faut pas isoler.
49:31C'est à l'intérieur d'un ensemble
49:33qui démarre avec la dissuasion nucléaire
49:35pour nos intérêts vitaux et notre survie ultime,
49:38et qui se termine sur le terrain,
49:39absolument sur le terrain, avec des hommes.
49:42Alors, Michel Friedling, il nous reste très peu de temps,
49:45mais sur ce point-là,
49:46la France a sa dissuasion nucléaire,
49:50elle a son parapluie, si on peut dire,
49:53anti-ballistique, mais il est suffisant aujourd'hui
49:57pour résister à une attaque
49:59où on a besoin de le muscler.
50:03Je ne sais pas si on a un parapluie anti-ballistique.
50:06On a une dissuasion nucléaire.
50:08Oui, d'un côté, mais sur le plan ballistique,
50:12on est en défaut, en défaillance.
50:17On a certaines capacités, voilà.
50:19Oui, mais là, c'est un euphémisme.
50:21Oui, c'est un euphémisme.
50:23Je pense qu'on manque de capacités dans tous les domaines.
50:27Évidemment, étant ancien militaire,
50:29je ne suis certainement pas objectif,
50:32mais l'objet de ce débat, c'est de dire
50:34qu'en tant qu'ancien dirigeant,
50:36ayant exercé des responsabilités dans les domaines qui ont été les nôtres,
50:40je pense en particulier pour le domaine spatial
50:42et le domaine aérien, que je connais un peu,
50:45qu'évidemment, nous avons fait des choix par le passé
50:48qui, aujourd'hui, sont remis en question
50:51de manière importante par ce qu'on observe.
50:53On a fait certaines impasses sur la défense aérienne
50:57parce qu'on a considéré qu'on aurait la maîtrise du ciel
51:01sur les théâtres, et on l'avait.
51:03On s'est déployé pendant 20 ans.
51:04Aujourd'hui, ce n'est pas le cas en Ukraine.
51:07On a fait un effort particulier pour remettre à niveau la supériorité aérienne
51:11face à des menaces qui ont évolué, massivement, des petits drones.
51:15Il faut refaire un effort considérable,
51:17mais il faut aussi complètement revoir la façon dont on s'équipe,
51:21je l'ai dit au début de cette émission.
51:23Je pense que si aucune start-up au monde
51:26n'est capable de fabriquer un porte-avions,
51:28un sous-marin nucléaire d'attaque, un char de nouvelle génération,
51:31ou un avion de combat de nouvelle génération,
51:34en revanche, vous avez de jeunes entreprises innovantes
51:37qui sont capables d'apporter des capacités
51:39extrêmement rapidement, massivement,
51:41qui vont être très vite sur le champ de bataille
51:43pour aider nos combattants,
51:45ou les combattants qui sont engagés dans des conflits
51:48ou qui le seront demain.
51:49Je pense que c'est aussi ça qu'il faut mettre en place.
51:52Grégoire De Saint-Quentin a un jugement péremptoire,
51:55mais en 20 secondes, parce que l'émission arrive à la fin.
52:00Je vais juste une seconde.
52:02Grégoire De Saint-Quentin,
52:04échec total en Afrique pour la France ?
52:06Non, il faut pas dire ça. On change de phase.
52:09Je crois qu'il faut pas voir les choses
52:11comme un succès, un échec.
52:13Les pays africains souhaitent un autre modèle de coopération.
52:17Voilà, et on s'adapte.
52:19On est sortis de l'indépendance des années 60.
52:21Ca se fait aujourd'hui.
52:24Christine Clair, on a 30 secondes.
52:26Ajoutez un aspect de guerre psychologique.
52:2930 secondes.
52:30Réécriture de l'histoire.
52:32Sur ce plan, j'ai l'impression que la France est un peu faible
52:35et toujours dans un complexe de culpabilité,
52:38parfois tout à fait justifié.
52:40Mais on constate quand même
52:43que la Russie a gagné beaucoup de pays d'Afrique,
52:48les a armés contre nous.
52:50Il y a quelques jours, une émission de télévision
52:53avec une jeune maman africaine installée en France,
52:55avec trois enfants,
52:57qui disait beaucoup de mal de la France,
52:59de toutes les horreurs que nous avons commises.
53:02Peut-être qu'il faudrait, de ce point de vue-là aussi,
53:05rétablir un peu les choses.
53:07On n'a pas été uniquement coupables,
53:10uniquement épouvantables,
53:11parce qu'on ne peut pas armer les esprits
53:14en le répétant que la France est un pays colonial abominable.
53:19Ecoutez, je vais vous faire acquiescer
53:22collectivement.
53:24Au XVIIe siècle, Feynelon déclarait
53:26qu'il faut être toujours prêt à faire la guerre
53:28pour n'être jamais réduit au malheur de l'affaire.
53:31Vous êtes tous d'accord avec ça ?
53:33Bon, écoutez, nos intervenants votent pour Feynelon,
53:37ce qui montre qu'on est conscients, aujourd'hui,
53:41de la situation critique.
53:43Alors, il me reste à signaler une brève bibliographie.
53:47Alors, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu,
53:50a publié, vers la guerre...
53:53Bah, écoutez, c'est un ouvrage qui compile
53:56ce qu'il a fait au ministère de la Défense.
54:00Michel Friedling, vous avez publié
54:03Commandant de l'espace.
54:06C'est ce que vous avez pu montrer au cours de cette émission,
54:10où l'espace a pris une importance...
54:14Absolument.
54:15Non seulement...
54:17Dans les opérations,
54:18mais en tant que terrain d'affrontement.
54:21En tant que terrain d'affrontement,
54:23ce qui est relativement nouveau, si on peut dire.
54:26Ca date de trois décennies, en quelque sorte.
54:28Christine Claire, je signale que vous avez publié
54:32un très beau papier sur les généraux
54:34qui sont maintenant omniprésents médiatiquement
54:37dans la revue des Deux Mondes.
54:39Vous avez également publié un livre
54:43qui s'appelle Tout est fichu,
54:44ce qui montre votre nostalgie gaulliste,
54:48les coups de blouse du général, chez Albin Michel.
54:51Donc, vous pensez toujours
54:53que le général de Gaulle reste pour vous
54:57une source de ressourcement ?
54:59Je ne crois pas seulement pour moi,
55:01puisque finalement, on en parle de plus en plus,
55:04les élus de gauche le citent,
55:06enfin, tout le monde le cite, c'est la référence.
55:09Je voudrais également signaler l'ouvrage de Jean-Dominique Merchet,
55:13Sommes-nous prêts pour la guerre ? chez Robert Laffont.
55:16Il me reste à vous remercier,
55:19madame, messieurs, d'avoir apporté quelques éclairages
55:23sur cette question importante,
55:24puisque les conflits sont là, y compris en Europe.
55:28Je voudrais remercier l'équipe de LCP
55:31et je vous dis à bientôt.
55:46SOUS-TITRAGE ST' 501

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