Le 3 mars 2019, dans un petit bourg du nord de la Corse, un homme a exécuté son ex-compagne. Julie Douib devient alors la victime visible d'un crime culturellement et institutionnellement prévisible. Un féminicide emblématique, Trois ans plus tard, la réalisatrice Giulia Montineri, originaire des lieux, est revenue pour filmer l'après. Les habitants d'Île-Rousse digèrent à peine la tragédie qui s'est déroulée ici. Leurs témoignages, réels souvenirs ou rumeurs remaniées, racontent le sexisme ordinaire et singulier de la terre corse. Année de Production :
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00:31C'est un véritable drame qui s'est déroulé ce matin à Île-Rousse.
00:00:35Une femme âgée d'une trentaine d'années a été tuée par arme à feu à son domicile.
00:00:39C'est une ambiance particulière, pesante, qui règne dans ce quartier entre l'Île-Rousse et Montigy.
00:00:47Hier, en début d'après-midi, Julie Louis, 34 ans, a été assassinée dans l'appartement situé au deuxième étage de cet immeuble.
00:01:01Le tireur présumé, son ex-compagnon et père de ses deux enfants,
00:01:06auraient déjà essuyé plusieurs plaintes pour violences conjugales de la part de la victime.
00:01:11Plusieurs zones d'ombre restent à éclaircir dans ce dossier.
00:01:14Pourquoi la justice a été peu réactive ?
00:01:19Ici, tout le monde savait que Bruno Garcia-Crucian détenait une arme et qu'il était potentiellement dangereux.
00:01:26Les deux enfants du couple ont été confiés aux parents de Julie, arrivés ce matin du continent.
00:01:30Des investigations sont en cours, mais à l'Île-Rousse, la polémique grandit.
00:01:56Le 3 mars 2019, ma mère m'appelle et m'annonce la tragédie.
00:02:01Ici, dans notre petite ville, tout le monde se connaît.
00:02:04Des rumeurs sur Julie et Bruno couraient depuis des mois.
00:02:07Tout de leur vie privée de couple était devenu une affaire publique.
00:02:11Mais la loi du silence et le sexisme ont encore gagné, et Julie est morte.
00:02:16J'ai grandi à cinq minutes du lieu du crime.
00:02:20Quatre ans après, il est temps de nous confronter à ce que cette histoire nous raconte de nous-mêmes,
00:02:25avec mes proches, avec les proches de l'affaire, avec les gens du coin et des alentours.
00:02:30Je l'ai su après qu'il y avait eu des signalements, même par rapport à l'école,
00:02:36parce qu'il y avait eu des signalements sur la police,
00:02:39parce qu'il y avait eu des signalements sur la police,
00:02:41parce qu'il y avait eu des signalements sur la police,
00:02:43parce qu'il y avait eu des signalements sur la police,
00:02:45parce qu'il y avait eu des signalements sur la police,
00:02:47parce qu'il y avait eu des signalements sur la police,
00:02:49parce qu'il y avait eu des signalements sur la police,
00:02:51parce qu'il y avait eu des signalements sur la police,
00:02:53parce qu'il y avait eu des signalements sur la police,
00:02:55parce qu'il y avait eu des signalements sur la police,
00:02:57parce qu'il y avait eu des signalements sur la police,
00:02:59parce qu'il y avait eu des signalements sur la police,
00:03:01parce qu'il y avait eu des signalements sur la police,
00:03:04parce qu'il y avait eu des signalements sur la police.
00:03:06je l'ai eu pas présent dans la mort.
00:03:09C'est la suite.
00:03:20Donc, ça s'est évolué un peu.
00:03:24Il a tué Julie.
00:03:26Musique sombre
00:03:28...
00:03:36On s'est toujours dit que ça n'arriverait pas.
00:03:39Tu vois...
00:03:40Ici...
00:03:41J'ai toujours cru que ça... Je savais que ça arriverait.
00:03:44On se raccroche toujours, je trouve, à cette idée de dire
00:03:48que chez nous, tu vois, ici,
00:03:50on pense qu'on est préservé d'un certain nombre de choses.
00:03:55Même si on se rend compte qu'en fait, pas du tout.
00:03:57C'est juste parce qu'il y a une omerta de fou, mais...
00:04:00Alors que...
00:04:02Moi, j'apprends que mon oncle, ma sœur, machin,
00:04:06s'il fait ça, je viens, je prends, je le bastonne.
00:04:10J'ai le baston de quoi ?
00:04:11Déjà, il faut que tu le saches.
00:04:14Voilà, on se rend compte qu'il y avait des signaux,
00:04:17mais qu'elle, elle mettait toujours une barrière.
00:04:19Comme avec toi, même si tu lui as tenté des perches.
00:04:22Au marché de Noël, en décembre,
00:04:24trois mois avant qu'elle ne soit assassinée,
00:04:27elle était en pleine séparation,
00:04:29et moi, je lui disais,
00:04:30regarde, Julie, il faut que tu pars.
00:04:33Et non, non, non, tu voyais qu'elle essayait tout le temps,
00:04:37mais de toute façon, elle s'était fait une carapace,
00:04:40et je lui disais, regarde, fais gaffe, regarde, fais gaffe.
00:04:43Tu vois ? Et puis, finalement, voilà.
00:04:46Salut, toi !
00:04:48Salut, Jean.
00:04:49Ca va ?
00:04:50Ca va ?
00:04:51Oui, ça va, impeccable.
00:04:53Oui, ça se passe pas chez nous,
00:04:54mais c'est parce qu'elle était pas corse.
00:04:57Ca, combien de fois ?
00:04:58Ca, c'est la débilité profonde.
00:05:00C'est vrai que ça, combien de fois ?
00:05:02Moi, je l'ai entendu plein de fois.
00:05:04Ce qui m'a le plus choqué, c'est pendant la marche blanche.
00:05:08J'ai eu ce problème où tu vois des têtes
00:05:12qui, en plus de ça, étaient dans les premières lignes,
00:05:16et que ces gens-là lèvent la main sur les femmes, tu vois ?
00:05:19Moi, je suis d'accord avec toi.
00:05:21Il y a des gens qui, pendant la marche,
00:05:23moi, ça m'a choquée de voir des gens qui pleuraient alors qu'ils...
00:05:27Ils font la même chose à la maison envers leurs femmes.
00:05:30Ils font la même chose à la maison envers leurs femmes,
00:05:33ou alors ils savaient pertinemment, et ils ont rien fait.
00:05:36Moi, je vais parler de Bruno.
00:05:38C'est quelqu'un avec qui j'allais à l'école.
00:05:40C'est quelqu'un que je connais depuis que j'ai l'âge de 7 ans.
00:05:44Et si on m'avait demandé, je n'aurais jamais dit
00:05:47que c'était un monstre comme ça. Jamais.
00:05:49Il l'avait fait avec la précédente, il l'a fait avec Julie.
00:05:53Donc ça veut dire que c'était ancré.
00:05:55On aurait pu le savoir auparavant.
00:05:57Tu peux ne pas le savoir aussi, comme la grande majorité des gens.
00:06:02J'ai un souvenir de...
00:06:04de Julie au stade qui se fait frapper.
00:06:09Et personne...
00:06:12Personne sur ce stade n'a bougé.
00:06:15On se connaît, on sait qui est qui.
00:06:18On est sur un stade.
00:06:21Et on a regardé par terre, en l'air, derrière.
00:06:25Mais on n'a... Personne n'est intervenu.
00:06:28La question que je me suis posée, c'est pourquoi ?
00:06:34Julie m'avait dit la chose suivante.
00:06:36Elle m'avait dit qu'on ne me prend pas au sérieux,
00:06:39que je meurs pour qu'on me prenne au sérieux.
00:06:41Peut-être aujourd'hui, on en est.
00:06:44J'avais constaté une chose qui, moi, me perturbait,
00:06:47c'est que sur le territoire, on avait tous les services.
00:06:50Tous les services étaient à disposition.
00:06:53Les services sociaux,
00:06:54beaucoup de services venaient régulièrement en balagne.
00:06:58Mais je m'étais rendue compte
00:07:00qu'aucun de ces services ne communiquait,
00:07:02ne partageait les informations.
00:07:04Et donc, il y avait un manque de coordination
00:07:07sur le traitement des informations, des dossiers,
00:07:10qui étaient peut-être moins graves que celui-là,
00:07:13mais il y avait des dossiers un peu lourds.
00:07:15Je me disais que c'était une faille de notre système.
00:07:18On s'est donné les moyens d'avoir des services,
00:07:21quand même, avec des professionnels et des gens investis, compétents.
00:07:25Et en fait, il n'y a pas d'informations.
00:07:27Chacun travaille dans son petit domaine, son précaré.
00:07:30Et rien n'est communiqué. Personne ne communique.
00:07:34La société évolue.
00:07:35Il y a des choses...
00:07:37Il y a une responsabilité.
00:07:38Je ne vois plus la responsabilité chez le procureur.
00:07:41Absolument.
00:07:42Les gendarmes, il faut savoir que les informations,
00:07:45on le sait tous, remontent chez le procureur.
00:07:48Je suis d'autant plus choquée, Lionel,
00:07:50je suis là depuis 30 secondes,
00:07:52que c'était une procureure, c'était une femme.
00:07:55Musique sombre
00:07:57...
00:08:20La première personne que j'ai eue au téléphone, le 3 mars,
00:08:23c'était un dimanche.
00:08:25J'ai emmené les enfants faire du vélo sur le parking du Leclerc.
00:08:28Et là, il y a sa belle-sœur, un peu plus loin.
00:08:31Son téléphone sonne. Elle dit,
00:08:33« Quoi ? Julie ? »
00:08:34Et moi, je comprends, je suis à 10 m, que c'est de Julie qu'on parle.
00:08:38Je prends le téléphone, elle pleure et elle me dit,
00:08:41« Prie, Fanny, prie, parce qu'il a tiré sur Julie. »
00:08:44Quand je t'ai appelée, elle était pas encore morte.
00:08:47Elle m'a dit, « Il faut prier, Fanny. »
00:08:49Et là, on part du Leclerc avec mon ex-mari et les enfants,
00:08:53et on arrive devant les résidences de la mère.
00:08:56Je n'ai même pas pu épargner mes enfants d'eux.
00:08:58« Qu'est-ce qui se passe, maman ? »
00:09:00J'ai essayé de pas leur dire, puis je leur ai dit.
00:09:03Je leur ai balancé ça, mais vraiment, je m'en suis voulue à mort.
00:09:06Mais je n'ai pas pu, je n'ai pas su faire autrement.
00:09:09Moi, je me suis arrêtée à la résidence en rentrant de Calvi.
00:09:12Fanny est là, quand j'arrive.
00:09:14C'est la première personne que je vois, en sortant de la voiture.
00:09:18Après, je vois Sandrine à la barrière.
00:09:20La première chose qui me vient à l'esprit, c'est les enfants.
00:09:23Je me dis, « Où sont les gosses ? »
00:09:26Et le gendarme me dit que...
00:09:28Au départ, il me dit, « Ils sont avec vous. »
00:09:31Avec moi, non.
00:09:32Il décide d'aller chercher les enfants,
00:09:34et le gendarme me dit, « On vous les ramène. »
00:09:37Quand les gendarmes nous ont déposés, Luca et Anthony,
00:09:41la première question qu'on a posée, c'est, « Est-ce qu'ils sont au courant ? »
00:09:44« Non, ils sont pas au courant. » « Ah, OK. Mais qui va leur dire ? »
00:09:48Le flic nous a répondu, « Vous. »
00:09:50Juste à dire, « Nous. »
00:09:51Nous, les mamans, la copine de leur maman et les mamans de leurs copains,
00:09:56c'est nous qui devons leur annoncer.
00:09:58Mais...
00:10:00Il y a une aide. On peut avoir une aide.
00:10:02Le mec, il a répondu, « Non, on est dimanche. »
00:10:05« Ah, c'est... Ouais. Mais elle aurait dû mourir lundi, en fait. »
00:10:08C'est-à-dire qu'on s'est retrouvées...
00:10:10Seules.
00:10:12Seules, avec notre amour de maman pour tous ses enfants,
00:10:18avec l'amitié qu'on pouvait avoir pour elle,
00:10:20mais seules.
00:10:22Alors, seules à trois, mais seules.
00:10:25T'as pas d'aide. T'as rien.
00:10:27Donc, tu fais semblant toute l'après-midi.
00:10:29La médiatisation, à ce moment-là,
00:10:31j'avais juste envie de m'énerver contre tout le monde,
00:10:33parce que BFM, toutes les chaînes passaient ça en boucle.
00:10:36Donc, il était déjà 15h.
00:10:38Quand je te dis que c'est dès le départ que ça a été médiatisé,
00:10:42les enfants ont voulu aller chez mes parents pour prendre le goûter.
00:10:45J'avais dit à mes parents, « Vous éteignez la télé,
00:10:48la PS n'est pas au courant. »
00:10:49Donc, on avait débranché la Wi-Fi,
00:10:53parce qu'on s'était dit, les gosses, ils vont jouer en ligne.
00:10:56Ils vont vouloir jouer à la PlayStation en ligne.
00:10:58Il y a bien quelqu'un qui va leur dire,
00:11:00« Lucas, t'es pas trop triste que ta mère soit morte ? »
00:11:02Ils étaient pas au courant.
00:11:04D'ailleurs, les gosses, toute l'après-midi, nous ont dit,
00:11:06« Pas de Wi-Fi ? Non, aujourd'hui, Orange, ça marche pas. »
00:11:09Il a fallu qu'on ait sorti, on s'est baladées ici toute la journée,
00:11:13et on a essayé, par nos moyens,
00:11:16des gens qu'on connaissait.
00:11:18C'est l'avantage, par contre, des petites régions.
00:11:20Le désavantage, c'est les rumeurs.
00:11:22L'avantage, c'est que tout le monde se connaît
00:11:24et que tu peux, dans ces cas-là, être aidée.
00:11:28D'avoir des avis de psychologue, ma belle-sœur est psychologue.
00:11:30J'ai eu une psychologue, ce jour-là, au téléphone,
00:11:33qui m'a quand même dit qu'il fallait pas attendre trop longtemps
00:11:36pour le dire aux enfants.
00:11:38Et comme les parents de Julie ne sont arrivés que le lendemain,
00:11:41elle m'avait conseillé de...
00:11:43Qu'on leur dise le jour même,
00:11:46de pas attendre trop longtemps.
00:11:48On n'a pas eu 50 clés, mais voilà.
00:11:50Et moi, la seule chose que je voulais pas, c'est que ça soit dit ici.
00:11:53Je voulais pas que cette maison, qui a plus ou moins été toujours...
00:11:59Ça a toujours été un peu le...
00:12:02L'abri, si tu veux, le refuge.
00:12:04Chez toi, on est chez toi, là.
00:12:06Que ça soit pour elle, que ça soit pour les enfants.
00:12:10C'est vrai que ça a toujours été un peu le...
00:12:13L'abri, le refuge pour tout le monde,
00:12:15et du coup, je voulais pas que ça soit dit ici,
00:12:18parce que je voulais pas que cet endroit reste dans ce souvenir-là.
00:12:22Donc, au final, on a fait chasser Sandrine.
00:12:24On est allés chez Sandrine.
00:12:26Et voilà, avec notre courage, toutes les trois...
00:12:31On a posé des mots sur ce qui venait de se passer.
00:12:35Ça a pas été simple, mais on n'est pas passés par 400 chemins.
00:12:38Y avait pas 400 mots pour le dire.
00:12:40On les a séparés, comme on nous avait conseillés.
00:12:44Ça a été... Moi, à vie, c'est des moments qui sont...
00:12:48Qui sont gravés dans ma...
00:12:50Les cris de l'un et la réaction de l'autre,
00:12:54à vie, c'est quelque chose que j'ai dans la tête et que j'ai en mes bras.
00:13:13Musique douce
00:13:16...
00:13:59...
00:14:09...
00:14:24...
00:14:34...
00:14:41Là, on s'est mis là parce qu'il y a le banc.
00:14:44Je sais pas si vous le connaissez. Vous êtes d'ici, aussi ?
00:14:47Vous saviez pour ça ?
00:14:49Hélas, oui. Je la connaissais pas personnellement,
00:14:53mais j'ai participé à la marche blanche.
00:14:56Vous vous êtes venue à oui-d'accord ?
00:14:58J'en ai encore la serre de poule, là. C'est horrible.
00:15:02Ça a jeté un froid sur la ville.
00:15:05...
00:15:11Souvent, dans les reportages, tu entends dire
00:15:14qu'elle a quitté. Elle a pas quitté.
00:15:17En fait, y a eu une dispute plus forte que les autres,
00:15:20fin septembre 2018,
00:15:23où il la met dehors de la maison, en la frappant ou pas,
00:15:26j'en sais rien. Toujours les enfants au milieu.
00:15:28Où il la met dehors, où elle décide juste de pas revenir.
00:15:32Ils se séparent le 28 ou 28 septembre.
00:15:34On fait son anniversaire surprise pour essayer de lui remonter le moral.
00:15:38On avait fait une urne.
00:15:40Elle avait pas un sou, parce qu'il l'a mise dehors.
00:15:43Pas d'affaires, rien.
00:15:44On lui avait fait une enveloppe pour qu'elle ait des sous pour l'anniversaire.
00:15:48Donc, le 20 octobre, c'est même... Et je lui dis, ce soir-là,
00:15:52je sais pas comment tu fais, ça fait 3 semaines qu'elle a pas vu ses enfants.
00:15:55Il faut savoir que c'est quelqu'un qui,
00:15:58de la naissance des enfants jusqu'à ce jour-là,
00:16:00elle s'en est occupée nuit et jour.
00:16:02Ce jour-là, j'ai dit, si moi, je suis à ta place,
00:16:05j'y retourne et je me prends les coups,
00:16:07jusqu'à la fin de ma vie,
00:16:09juste pour pouvoir avoir mes enfants avec moi.
00:16:13Et elle m'a répondu, tu imagines même pas ce que c'est
00:16:16que de retourner là-bas.
00:16:18Et maintenant, 4 ans après, je m'en veux d'avoir eu cette discussion avec elle.
00:16:22Exactement. Ca veut tout dire.
00:16:25Ca veut tout dire, mais en même temps, qu'est-ce que tu fais ?
00:16:29Oui, tu le plombes.
00:16:32C'est de la manipulation psychologique.
00:16:34C'est quoi, la solution à ça ?
00:16:35T'as pas de solution, c'est de t'y manipuler psychologiquement.
00:16:38De l'extérieur, quand on peut tuer son ami, tu fais quoi ?
00:16:40La solution, c'était d'aller voir la gendarmerie,
00:16:41la gendarmerie n'a rien fait, donc c'est tout.
00:16:43Oui, mais quand tu prends...
00:16:44J'en parlais tout à l'heure avec Julia, chez elle.
00:16:47La procureure qui s'est occupée à l'époque des plaintes.
00:16:49Maintenant, elle fait des formations...
00:16:51Faut pas que je la croise.
00:16:52Elle fait des formations pour former contre les violences conjugales.
00:16:55C'est-à-dire qu'à un moment donné...
00:16:56C'est le foutage de gueule.
00:16:58Non, mais un moment donné, ou peut-être un foutage de gueule,
00:17:02mais peut-être qu'elle, par rapport à cette affaire aussi,
00:17:05elle s'est rendue compte qu'elle avait fait une grosse erreur.
00:17:09Et que maintenant, elle essaie de se rattraper.
00:17:12Julia est morte le dimanche matin, le vendredi soir, à 18h.
00:17:16Elle va à la gendarmerie pour ne pas porter plainte,
00:17:19pour déposer une main courante,
00:17:20parce qu'il est venu récupérer les enfants plus tôt que prévu.
00:17:24Et c'est ce jour-là qu'elle apprend
00:17:26que toutes ces plaintes ont été classées sans suite.
00:17:29C'est-à-dire qu'elle est morte de 3.
00:17:30Le 1er au soir, elle apprend que tout ce qu'elle a porté plainte,
00:17:34c'est-à-dire que toutes les fois où elle a eu les couilles,
00:17:36parce qu'il en fallait, pour monter à la gendarmerie,
00:17:38parce qu'il faut remettre les choses dans le contexte,
00:17:39c'est que, comme on vit à Ilorousse et qu'il y a 3 000 habitants,
00:17:43à chaque fois qu'elle montait à la gendarmerie,
00:17:44il fallait avoir un courage comme ça pour monter.
00:17:48Et qu'en plus, tu sortais,
00:17:49et que devant la porte de la gendarmerie,
00:17:51tu savais qu'il était dans la voiture dehors.
00:17:53Parce que 5 fois, elle est montée, 3 fois, il était dehors.
00:17:58Franchement, il faut avoir du cran, hein.
00:18:01...
00:18:14Cette image qui est restée du geste,
00:18:16le calibre sur la poitrine, tu vois, c'est ça qui m'est resté.
00:18:20Pour moi, c'est l'après-méditation,
00:18:22c'est le fait qu'il y avait décidé qu'elle disparaîtrait.
00:18:27C'est ça que j'ai compris, disons, dans cette affaire.
00:18:31Puis tu peux pas, après, non plus faire l'amalgame
00:18:35entre la famille et une personne de cette famille.
00:18:40Cette famille-là, elle a pas souvent été aidée non plus
00:18:42dans la foulée de l'affaire.
00:18:43Elle a été prise un peu à partie,
00:18:45alors que ça a été malheureux de ce côté-là aussi.
00:18:52De le voir avec sa capuche,
00:18:54de le voir menotté,
00:18:56et qu'on sait que c'est quelqu'un qu'on a côtoyé,
00:19:00c'était pas quelqu'un qui était menaçant.
00:19:02Moi, je me suis cassé les dents dessus.
00:19:04Et puis, même lui, quand il va sortir,
00:19:07est-ce qu'il va redevenir un homme normal ?
00:19:09On en sait rien.
00:19:10Là, je vois, il a fait une construction.
00:19:13Toutes les fois que je passe par là,
00:19:15je vois cette maison qui est à l'arrêt complet.
00:19:19Il aurait pu la finir, il aurait pu en profiter.
00:19:21Ses enfants auraient pu jouer.
00:19:29...
00:19:56-"Le début d'un procès emblématique
00:19:57de la lutte contre les féminicides.
00:19:59Elle s'appelait Julie Douyb, mère de deux enfants.
00:20:02Son ex-compagnon est accusé de l'avoir tuée.
00:20:04En lui tirant dessus, encore, son procès a donc débuté."
00:20:08-"L'accusé Bruno Garcia,
00:20:09qui a avoué les faits en se rendant à la gendarmerie,
00:20:12risque la réclusion à perpétuité.
00:20:14Le procès devra définir si le crime était ou non prémédité.
00:20:18La mort de Julie Douyb,
00:20:1930e victime de féminicide cette année-là,
00:20:21avait ému l'opinion
00:20:23et aboutit au lancement d'un grenelle
00:20:25contre les violences conjugales."
00:20:27...
00:20:34-"Le procès de Bruno Garcia Cruciani
00:20:36a commencé ce matin à la cour d'assises d'Ejaccio.
00:20:39Cette après-midi, une ancienne compagne de l'accusé
00:20:42est appelée à la barre.
00:20:43Son témoignage est très attendu par la partie civile,
00:20:45mais sa présence n'est pas encore confirmée."
00:20:48...
00:20:52-"Citation à témoin devant la cour d'assises.
00:20:55Monsieur le procureur général,
00:20:57j'ai bien reçu votre convocation en tant que témoin
00:21:00lors du procès aux assises de M. Eugé,
00:21:02accusé d'assassinat.
00:21:03Je comprends tout à fait l'importance
00:21:06d'établir le profil psychologique de l'accusé,
00:21:09mais ma séparation avec cet individu date de 2005,
00:21:13et cela fait plus de 12 ans que je ne sais plus rien de lui.
00:21:17À l'époque où j'ai subi les violences de la part de l'accusé,
00:21:20personne n'a accordé de crédit à ce que je pouvais endurer.
00:21:23J'étais seule face à une situation des plus pénibles,
00:21:26dans l'incompréhension la plus totale.
00:21:29J'ai par chance évité peut-être le pire,
00:21:32mais non sans séquelle.
00:21:34Je vis cette convocation comme une punition,
00:21:37la punition d'avoir croisé la route d'un être dangereux.
00:21:40Devoir en payer encore aujourd'hui les conséquences
00:21:43me semble très injuste.
00:21:45Il m'est inconcevable de me retrouver face à l'accusé
00:21:48et encore moins de devoir justifier mes propos.
00:21:51Je ne pense pas en être physiquement capable.
00:21:54Je vis dans la peur depuis longtemps.
00:21:57Témoigner, c'est m'exposer à des représailles.
00:22:00Je vous demande de vouloir m'exanter de ce témoignage à la barre.
00:22:04Je vous transmets, 6 juin,
00:22:053 certificats médicaux attestant de ma fragilité émotionnelle
00:22:09et de mon état de santé.
00:22:11Je ne doute pas, monsieur le procureur général,
00:22:14de toute l'attention que vous apporterez à ma demande.
00:22:17Vous comprendrez aisément mes difficultés face à cette situation.
00:22:22Il l'a compris ?
00:22:23Apparemment, oui.
00:22:25Et les avocats auraient pu s'opposer, d'ailleurs, à...
00:22:28Ah oui ?
00:22:29Ah oui. Que ce soit partie civile ou de l'accusé,
00:22:33ils auraient pu demander que je vienne quand même.
00:22:36Ou que tu payes l'amende si tu ne venais pas.
00:22:39C'est la cour qui aurait statué sur ça, oui, je pense.
00:22:42La lettre, elle était beaucoup plus étoffée au premier jet.
00:22:47Mais elle était vraiment suppliante.
00:22:50C'était vraiment trop...
00:22:54Trop dans l'émotion.
00:22:57Mais... Va sur la table.
00:22:59Va.
00:23:00Viens là.
00:23:03Va.
00:23:20C'est une 2e journée chargée au palais de la justice.
00:23:23Dans le box, Bruno Garciapugia n'ose pas affronter
00:23:26le regard de la famille.
00:23:28La même tension avait accompagné un peu plus tôt
00:23:31les témoignages des amis de Julie Douyb.
00:23:33Des récits terribles,
00:23:35toutes ont raconté la peur de leur amie.
00:23:37La traque de son ex-compagnon, les pressions sur les enfants,
00:23:41des témoignages à charge qui confirment pour les partis civils
00:23:44le désastre annoncé.
00:23:49...
00:23:56Il n'y a rien de sentimental dans un procès.
00:23:59C'est pragmatique, c'est...
00:24:01C'est froid, c'est du terre-à-terre.
00:24:05Moi, j'aurais aimé parler davantage d'elle,
00:24:08ce que je n'ai pas fait,
00:24:10parce que j'avais peur que l'émotion prenne trop le dessus
00:24:14et que je ne pouvais pas dire tout le reste.
00:24:16Je voulais qu'on comprenne d'autres choses.
00:24:19Je voulais plutôt dire ce qu'elle avait vécu,
00:24:21comment et par qui, et voilà.
00:24:24Pour moi, c'était vraiment un puzzle.
00:24:26On allait passer à la barre
00:24:28et que chacune allait apporter quelque chose d'essentiel.
00:24:31En l'occurrence, moi, c'était vraiment...
00:24:34Ce que j'ai voulu faire partager, c'était le Julie
00:24:37des premiers temps, du début,
00:24:39et ce qu'elle a vécu avec Rechando dans sa relation.
00:24:42Du coup, j'ai raconté comment je l'ai rencontrée,
00:24:44comment, au début, elle me disait
00:24:46que Bruno, il était...
00:24:49Il était...
00:24:50Pas violent, mais...
00:24:52Chiant. Cherchez le synonyme de chiant.
00:24:56Non, il était assez...
00:24:58C'est de la violence psychologique.
00:25:01Dès le début ?
00:25:02Oui, très rapidement.
00:25:03Dès qu'elle a eu Luca, ça a commencé très rapidement.
00:25:06Mais c'était des petits trucs,
00:25:08parce qu'elle n'avait pas allumé la clim,
00:25:10parce qu'elle n'avait pas éteint le chauffage,
00:25:13parce qu'elle avait eu du sable dans la voiture,
00:25:15des broutilles.
00:25:16Mais bon, elle, ça l'a gâcée.
00:25:18J'ai raconté vraiment l'évolution de la violence.
00:25:21Comment c'est monté, monté, monté,
00:25:24jusqu'à, après, du coup, chacun a créé...
00:25:26C'est un peu un puzzle.
00:25:28C'est ce qu'on a dit...
00:25:30C'est ce qu'on s'est rendu compte assez vite.
00:25:32On s'est rendu compte qu'une avait une info,
00:25:35une avait un moment à partager, l'autre, un moment à partager,
00:25:38une avait des textos, l'autre, des moments...
00:25:41C'est un puzzle.
00:25:42Il n'y a pas une qui a la totalité.
00:25:44Non.
00:25:45Chacune a une part de ce qu'elle a bien voulu nous raconter.
00:25:54Personnellement, j'ai eu beaucoup de mal à extérioriser.
00:25:57Ca a été un impact énorme sur notre vie,
00:26:02parce qu'il y a le avant et le après-juillet,
00:26:04pour pas mal de monde.
00:26:05Mais pour nous, le cercle fermé, c'est...
00:26:08Personne ne sait ce qu'on a ressenti, à part les filles.
00:26:11Mais je pense qu'autour de la table,
00:26:15personne ne peut te dire
00:26:16qu'elle n'a pas compris ce qu'elle a vécu.
00:26:20Mais c'est vrai que personne ne peut...
00:26:23Je pense que personne ne peut...
00:26:25Je te jette le verre à la fille.
00:26:30Personne ne peut imaginer la souffrance
00:26:33qu'on a pu avoir et traverser...
00:26:38Toutes ces...
00:26:40Parce que c'est quatre ans, quand même,
00:26:42de difficultés à pouvoir...
00:26:44A se taire quand des choses sont dites et pas vraiment vraies.
00:26:48A se taire quand les gens veulent absolument savoir
00:26:52tout ce qui s'est réellement passé,
00:26:55est-ce que c'était vraiment vrai.
00:26:56Et au final, on a été quand même projetés dans un truc
00:27:00sans vraiment comprendre ce qui nous arrivait,
00:27:03la douleur qu'on avait en tant qu'amis proches.
00:27:07Et l'impact que ça a eu,
00:27:09pour nous, ça a vraiment modifié notre façon de fonctionner.
00:27:14Attends.
00:27:15Vous avez toutes les larmes aux yeux.
00:27:17Putain de merde.
00:27:18C'est parce que tu m'aimes.
00:27:20Chique. Voilà, on s'est chiqués.
00:27:22Voilà.
00:27:23Et ça représente un peu le puzzle, en fait.
00:27:26Oui.
00:27:27Le fameux puzzle.
00:27:28Si tu veux, il y a l'étoile qui la représente, elle.
00:27:31Et il y a cinq autres points qui nous représentent,
00:27:34mais il y a un point noirci
00:27:36chacune, une de nous, en fait.
00:27:38Donc les tatouages, ils peuvent vivre seuls,
00:27:42mais ils sont compréhensibles quand on est les cinq.
00:27:45Parce qu'ils s'embriquent.
00:27:46Chacun a sa vie, chacun peut vivre dans son coin,
00:27:49mais on est toutes liées les unes aux autres.
00:27:53Et chaque point qui nous représente,
00:27:55donc nous cinq, et sachant que, comme on disait,
00:27:58aussi Julie, qui a cinq lettres, donc J-U-L-I-E.
00:28:01Voilà.
00:28:07Le procès de l'affaire Julie Dweeb continue à Ajaccio,
00:28:10affaire emblématique des violences faites aux femmes.
00:28:13Marion Dubreuil couvre ce procès toute la semaine.
00:28:16Julie Dweeb faisait confiance à la justice.
00:28:18Son monde s'est écroulé
00:28:19quand Bruno Garcia a obtenu la garde provisoire des enfants.
00:28:23Un homme violent peut-il être un bon père ?
00:28:25Une question posée ce matin dans l'enceinte du tribunal d'Ajaccio.
00:28:29Dans la salle, l'exaspération était palpable.
00:28:32Beaucoup de gens ici auraient aimé que l'Etat et la justice
00:28:35soient enfin mis face à leurs contradictions
00:28:37et leurs responsabilités.
00:28:43Cet après-midi, la cour se penchera
00:28:45sur la personnalité complexe de Bruno Garcia,
00:28:48sur ses relations avec sa famille et dans son couple.
00:28:51La cour a auditionné une de ses sœurs,
00:28:53puis sa marraine de cœur.
00:28:55Il a été question de leur enfance, très difficile,
00:28:57marquée par une grande précarité et surtout par des violences,
00:29:01principalement de la part du père de l'accusé.
00:29:04La question de la reproduction des violences masculines
00:29:07se pose donc dans cette affaire.
00:29:13Moi, je suis...
00:29:15en colère.
00:29:16Parce que la femme, de toute façon,
00:29:18au XXIe siècle, elle n'est pas considérée de nos jours.
00:29:21C'est beaucoup la vitrine.
00:29:22Alors oui, tu vois les féministes, les vanderoles, les trucs,
00:29:26mais regarde, qui a là ce procès ?
00:29:28Elle a été portée plainte combien de fois, cette nana ?
00:29:30Et donc, l'Etat n'est pas responsable de sa mort.
00:29:35Alors oui, on va te dire, il y a des logements.
00:29:38Oui, mais les logements, quand tu vas appeler,
00:29:40vont être occupés.
00:29:41Il suffit qu'il y en ait plus que ce qu'il y a de logements.
00:29:44Ce qui est important, c'est d'avoir l'accueil urgent.
00:29:47Après, il faut les loger quelque part, ces personnes.
00:29:50Il faut qu'elles aient leur logement de descente,
00:29:52qu'elles payent leur loyer.
00:29:54Après, c'est long, tu ne trouves pas de logement.
00:29:57Parce que la personne qui va gagner le SMIG,
00:29:59qui a deux gosses et qui veut un logement à 800 euros par mois,
00:30:02on va dire qu'elle ne gagne pas trois fois le montant du loyer,
00:30:05on ne va pas lui donner du logement.
00:30:07Il faut les assistantes sociales dessus.
00:30:09C'est comme le parcours, du coup.
00:30:11Elle retourne ?
00:30:14Une majorité retourne, pas une minorité.
00:30:16Pour des raisons de précarité, elle retourne avec le mec.
00:30:19En grande partie.
00:30:20Ah ouais, beaucoup.
00:30:21Ah oui.
00:30:32...
00:30:45Applaudissements
00:30:48...
00:30:55-"Les parents de Julie Douib s'attendaient
00:30:57à une nouvelle journée éprouvante, déjà vendredi,
00:30:59lorsque la cour avait diffusé des enregistrements
00:31:02faits par leurs filles, des disputes avec l'accusé.
00:31:05Ils en étaient sortis effondrés.
00:31:10Aujourd'hui, c'est Violette, la maman, qui a pris la parole en premier.
00:31:13Anéantie, elle aura ses mots à la barre.
00:31:16Notre fille nous avait présenté Bruno comme son prince charmant.
00:31:19Jamais nous n'aurions pensé qu'il allait devenir son bourreau,
00:31:22son assassin.
00:31:23Pour son frère, elle était devenue sa chose.
00:31:29...
00:31:34Je me suis retenu parce que Julie me l'a demandé,
00:31:37mais après, je ne sais pas ce que j'aurais pu faire.
00:31:40Moi, le problème de Bruno, c'est qu'au départ,
00:31:42il n'y avait pas de problème, puisqu'on a été invités
00:31:45au mariage de sa sœur, on a fait les tours en bateau,
00:31:48voilà, il n'y avait pas de problème.
00:31:50Quand il y a eu Anthony, il a commencé...
00:31:52Il n'y avait pas non plus d'amour, de lien, de truc ?
00:31:55Non, non, c'était... Julie l'aimait, on respectait Julie.
00:31:58Julie, son amour, son choix, c'était normal.
00:32:01C'était la voix juste de Julie.
00:32:03C'était le choix de Julie.
00:32:05Elle aime un peu les mecs.
00:32:06Au début, je me suis dit qu'elle aimait les mecs un peu machis.
00:32:09C'est pas grave, chacun ses goûts, il n'y a rien de mal à ça.
00:32:13On ne s'imagine pas jusqu'à où ça va.
00:32:15Oui, tu vois, elle est...
00:32:16Et lui, il était vraiment macho, frimeur...
00:32:19Ah oui, comme beaucoup d'hommes, oui.
00:32:21C'est ça.
00:32:23C'était son choix, c'était sa vie.
00:32:24Juste au moment où ça s'est passé,
00:32:26et là, oui, c'est vrai que là...
00:32:28Aujourd'hui, je le dis, mais j'aurais peut-être pas dû l'écouter.
00:32:32Comme elle voulait tout arranger,
00:32:34elle voulait que ses enfants aient un père,
00:32:36elle voulait vivre sa vie.
00:32:37Elle voulait que tout se passe...
00:32:39Tout se passe bien.
00:32:42Elle voulait que ça s'arrange.
00:32:43Elle voulait reprendre sa vie.
00:32:45Ce que font plein de femmes dans ces situations.
00:32:47C'est là où il y a un problème un peu général,
00:32:50c'est que les filles, dans ces situations,
00:32:52elles planquent leur mec parce qu'elles se disent
00:32:55qu'en tout cas, je le protège.
00:32:57Les personnes autour, elles le protègent
00:32:59en disant qu'on va pas faire de remont, qu'on s'en mêle pas,
00:33:02qu'on va pas tourner le dos à ce mec qu'on connaît depuis le petit,
00:33:06donc on protège.
00:33:07Les flics répondent pas aux plaintes, donc ça protège.
00:33:10Et le mec, il est protégé au moins par trois strates.
00:33:13Oui, oui, mais c'est...
00:33:14Si tu veux, c'est comme ça, mais après, c'est compliqué.
00:33:18C'est compliqué.
00:33:19C'est de l'impact de la protection, c'est de l'inaction.
00:33:22Oui, mais qui protège.
00:33:23C'est ça, tu sais pas, je te protège, je veux te protéger.
00:33:27Non, c'est pas du soin.
00:33:28Je regarde pas.
00:33:30Personne regarde, tout le monde dit que c'est pas si grave et...
00:33:33Et vous trois, le fait que le visage de Julie
00:33:36soit devenu une sorte d'icône, un symbole pour toute la France,
00:33:40ça vous fait quoi ? Vous le vivez comment ?
00:33:42Ça doit être un peu lourd, j'imagine, des fois.
00:33:45Moi, personnellement, j'ai plus de balles ou autant de balles
00:33:48à voir la photo que j'ai sur la table de la maison,
00:33:51quand je suis rentré à la maison, que de la voir dans un...
00:33:54Dans un interview où on montre derrière toi Julie.
00:33:58Même si la France entière la voit, ça me fait autant de mal.
00:34:02Ça, en fait, c'est la même chose, c'est que finalement, tu...
00:34:06Peu importe l'image, peu importe où elle est,
00:34:08première fois, je prends la voiture,
00:34:10je suis avec mes filles, j'entends à la radio,
00:34:13elle a fait un jus.
00:34:14Et je me suis dit, t'as pas besoin de t'entendre pour y penser,
00:34:18t'as pas de projection, en fait.
00:34:19Finalement, c'est tellement rien,
00:34:22vu de l'extérieur, la médiatisation,
00:34:24t'as l'impression que c'est beaucoup,
00:34:26mais quand tu le vis, de l'intérieur,
00:34:28c'est tellement rien par rapport à ce que tu ressens.
00:34:31C'est là où, quand t'es dedans, ça perd un peu de son...
00:34:34C'est plus un fait divers qui dure, voilà, un fait divers,
00:34:37une semaine, 15 jours, hop, j'ai oublié, je dis, tu vois.
00:34:41Et là, on en parle.
00:34:44C'est ça.
00:34:45Et...
00:34:47Elle est pas oubliée.
00:34:48Elle est avec nous, quoi, elle est là.
00:34:51Voilà.
00:34:53Et finalement, c'est pas pire que si elle était restée anonyme.
00:34:57C'est tout le monde.
00:34:58C'est une autre nonsens.
00:34:59Moi, je préfère encore, voilà, elle est là,
00:35:02elle est pas oubliée, on en parle, c'est...
00:35:04Julie existe.
00:35:06Elle est morte,
00:35:09mais elle est là.
00:35:11Elle représente quelque chose.
00:35:16...
00:35:39-"C'est donc la peine maximale prévue par la loi française
00:35:42qui a été prononcée par la cour d'assises de Haute-Corse
00:35:45à l'encontre de Bruno Garcia-Cruciani
00:35:48pour le meurtre de son ex-conjointe Julie Duib.
00:35:50La famille de la victime a accueilli ce verdict avec soulagement."
00:35:54...
00:36:02Musique douce
00:36:35...
00:36:53Julie, c'était comme ma deuxième maman.
00:36:56OK.
00:36:57Et aussi ta voisine.
00:36:58C'était ma voisine.
00:36:59J'étais souvent chez elle puisque ses enfants,
00:37:03j'étais amie avec eux et j'allais souvent,
00:37:06pratiquement tous les jours après l'école ou pendant les vacances,
00:37:10puisque je jouais au foot avec le grand.
00:37:12J'allais chez eux régulièrement jouer avec eux.
00:37:15OK.
00:37:17Et c'est une lettre que tu voulais...
00:37:19C'est une lettre que je voulais...
00:37:21Avant que je sois un peu plus mature,
00:37:24je m'étais mis dans la tête que j'allais le lire lors d'un procès.
00:37:27Du coup, j'ai sauté sur l'occasion pour pouvoir la lire
00:37:31devant la caméra, devant des gens.
00:37:34C'est trop bien. Merci.
00:37:36On peut y aller. On va découvrir cette lettre.
00:37:41Je me rappelle la fois où j'avais apporté mon appareil à bulles
00:37:44pour jouer avec Antho et je suis allée jouer en bas avec lui,
00:37:48mais d'abord, j'étais allée faire un coucou à Julie dans le garage
00:37:52car c'était le seul coin où elle était tranquille à faire ses bijoux.
00:37:55Vous êtes descendue des escaliers.
00:37:58Entre-temps, j'avais rejoint Antho dehors.
00:38:00En furie, vous ne m'avez pas lancé un regard ni un bonjour,
00:38:04ce qui n'était pas habituel,
00:38:05et j'ai vu dans votre regard que celui-ci était noir.
00:38:09Antho et moi, nous avons continué à jouer
00:38:11jusqu'à ce qu'on entende des cris provenant du garage.
00:38:15Vous étiez en train de traiter Julie de connasse et lui dire, je cite,
00:38:20tu te tapes des mecs du Club Med et aussi tu te fais le maître nageur.
00:38:24Et elle lui disait que non, cela est faux
00:38:26et qu'elle n'y allait juste pour vendre ses bijoux.
00:38:30Et vous lui avez jeté un truc au visage tout de suite.
00:38:33Le réflexe que j'ai eu...
00:38:38c'était de regarder Antho qui avait un regard triste.
00:38:42Je lui ai demandé si ça allait car j'étais si effrayée.
00:38:46C'était la première fois que je voyais M. Garcia violent envers Julie.
00:38:50Antho m'a dit quelques secondes après ma question,
00:38:53oui, t'inquiète, j'ai l'habitude.
00:38:55Même à midi, papa a dit à maman que c'était une connasse
00:38:58car elle avait mis les tomates au frais.
00:39:02Après ça, M. Garcia est remonté chez lui et Antho est resté sur le mur,
00:39:06tandis que moi, je suis partie en courant dans le garage.
00:39:09J'ai vu Julie par terre en train de ramasser ses bijoux
00:39:11car M. Garcia avait tout balancé.
00:39:14Je me suis également mise par terre pour l'aider
00:39:16et elle m'a regardée en souriant, mais j'ai vu en elle
00:39:19toute la souffrance et la tristesse qu'elle avait.
00:39:21Je l'ai regardée en lui disant, Julie, ça va ?
00:39:24Il t'a fait mal ? Elle m'a répondu en disant, non, il ne m'a pas fait mal,
00:39:29il ne m'a rien fait, je vais bien.
00:39:30Ce surnom me manquera toute ma vie
00:39:32car c'était la seule personne qui m'appelait comme ça.
00:39:41Maintenant, avant de finir tout cela,
00:39:44je voulais revenir sur l'un des pires jours de ma vie,
00:39:46le 3 mars 2019.
00:39:49Je me rappelle que c'était un jour très ensoleillé,
00:39:53qu'il faisait beau et que tout était joyeux.
00:39:56Je n'étais pas chez moi ni avec mes parents lors du drame,
00:39:59mais chez ma marraine.
00:40:01Je jouais tranquillement avec mes cousins
00:40:04lorsque pendant le repas, j'entendais ma marraine
00:40:06et son amie parler d'un drame qui venait d'avoir lieu.
00:40:09Quand mon papa est arrivé,
00:40:11je n'ai pas compris pourquoi on a fait sortir tout le monde sauf moi.
00:40:15Mon papa est entré et il m'a fait un câlin.
00:40:26Aujourd'hui, si j'ai décidé de dévoiler tout ça,
00:40:30c'est que je sens que j'ai le courage d'enfin dire ce que je ressens
00:40:33pour pouvoir me vider de tout ça.
00:40:36C'est vrai que je ne suis probablement plus la même Paula d'avant,
00:40:40mais j'ai toujours gardé mon sale caractère,
00:40:42ma joie de vivre et ma bienveillance qui plaisait tant à Julie,
00:40:45et j'espère de là-haut qu'elle est fière de nous.
00:41:06T'aurais aimé aller au procès ?
00:41:09J'aurais peut-être eu du mal à commencer,
00:41:11mais je sais que je l'aurais terminé.
00:41:12Peut-être pour montrer qu'il n'y a peut-être pas que les adultes
00:41:16qui ont vu des choses que les enfants et d'autres enfants l'ont vu.
00:41:20Ils n'ont peut-être pas envie d'en parler,
00:41:22mais je pense qu'ils ont vu des choses aussi.
00:41:25Pour moi, c'est important de parler
00:41:26parce que je ressens comme si je parlais pour eux aussi.
00:41:39Maman !
00:41:40Maman !
00:41:42Maman !
00:42:10Je pense que la vie a été beaucoup plus dure pour les femmes avant que maintenant.
00:42:14Je pense pas.
00:42:15Moi, je pense que oui.
00:42:16Je pense pas.
00:42:18Dure dans quel sens ?
00:42:19Dure, pénible ?
00:42:20Dans le sens où elles devaient garder les gosses,
00:42:23elles bougeaient pas de la maison,
00:42:24tu avais les maris qui prenaient que des gilets...
00:42:26C'est pas forcément de la durée.
00:42:28Mais après, tu sais pas ce qui se passe à la maison.
00:42:30C'est vrai, mais c'est pas la durée.
00:42:31C'est pas la durée.
00:42:32C'est pas la durée.
00:42:33C'est pas la durée.
00:42:35C'est pas la durée.
00:42:36C'est pas la durée.
00:42:37C'est la durée.
00:42:38Tu sais pas ce qui se passe à la maison.
00:42:40Elles prenaient des roustes, elles disaient rien.
00:42:42Le mari était protégé dans le village et bien sûr...
00:42:44Non, de toute façon, c'est facile.
00:42:46En Corse, c'est le premier endroit où les femmes ont eu le droit de vote.
00:42:49Les femmes peuvent...
00:42:50Les chefs de famille.
00:42:51Chef de famille parce que l'homme est mort.
00:42:53Oui, mais c'est quand même encore...
00:42:54Ça veut dire que si l'homme est mort, t'as pas le truc.
00:42:57Non, non, non.
00:42:58Les chefs de famille...
00:42:59Si il est pas chef de famille,
00:43:01elle n'a pas eu le droit de vote pendant trois ans.
00:43:03Tu accordais de l'importance aux femmes.
00:43:04c'était la dernière roue du carrosse.
00:43:06Dans un contexte où les femmes sur le continent devaient fermer leur gueule, c'est pas déjà énorme.
00:43:09Tu dis pas le contraire.
00:43:10C'est pas mal, mais tu vois, dans le sens où...
00:43:11Ce que je veux dire, c'est que tu dis une demi-chose.
00:43:13Non, non, non, c'est pas une demi-chose.
00:43:16La chose que je veux dire, c'est qu'en Corse, la femme,
00:43:18elle était déjà beaucoup plus respectée que sur le continent.
00:43:21Peut-être. Est-ce que c'est pas aussi les dires qu'on a eus, les moeurs,
00:43:24c'est la culture qu'on a eus ?
00:43:25Non, mais il a pas compris du tout ce que je dis.
00:43:28Je dis pas d'un brin que la femme a été pas respectée en Corse.
00:43:31Et je pense comme toi que la femme a été plus respectée en Corse que sur le continent.
00:43:34Mais par contre, je pense qu'une femme qui se faisait battre en Corse,
00:43:37le mari était beaucoup plus protégé en Corse que sur le continent.
00:43:41C'est le seul truc que je veux dire.
00:43:42Après, la femme, je pense qu'elle a été...
00:43:43Non, je pense pas, parce que t'y avais même les vendettes.
00:43:45Les vendettes, ça part aussi de là.
00:43:47On va faire un tout petit truc, si vous voulez bien.
00:43:49Je t'ai envoyé un truc, tu l'as vu ou pas ?
00:43:52Ah, c'est bon.
00:43:53Violence au maître.
00:43:54Violente au maître.
00:43:55Est-ce que vous voyez cet outil, ce que c'est ?
00:43:57Est-ce que la violence sexuelle, ça marche ?
00:43:59Elle est des merdes.
00:44:01C'est un outil qu'a fait l'État, l'éducation.
00:44:04Ils se sont mis d'accord sur un principe de gradation de la violence dans le couple,
00:44:08de vert à rouge,
00:44:09où tu as plein d'une série d'actes qui est un peu arbitraire,
00:44:11parce que t'as plein d'autres subtilités.
00:44:13Mais rien que dans cette évolution du vert au rouge,
00:44:16tu as des trucs qui sont la preuve qu'il faut commencer à s'alarter.
00:44:21Il respecte tes décisions, tes désirs et tes goûts.
00:44:25Lui respecte, voilà.
00:44:27L'homme respecte toi femme, par exemple.
00:44:30En deux, il y a accepte tes amis, amis et ta famille.
00:44:34Amis féminins, amis masculins et ta famille.
00:44:39Ensuite, il y a a confiance en toi.
00:44:42Es content quand tu te sens épanoui.
00:44:45S'assure de ton accord pour ce que vous faites ensemble.
00:44:50Tu as l'air à lire un o.
00:44:53Là, ça devient orange.
00:44:55Tu fais du chantage si tu revus de faire quelque chose.
00:44:58Rabaisse tes opinions et tes projets.
00:45:01Se moque de toi en public.
00:45:03Est jaloux et possessif en permanence.
00:45:05Te manipule.
00:45:07Contrôle tes sentiments.
00:45:08Ça devient un peu plus orangé.
00:45:10Protège-toi, demande de l'aide.
00:45:13S'il t'humilie et te traite de folle quand tu lui fais des reproches,
00:45:19pète les plombs lorsque quelque chose lui déplaît.
00:45:22Menace de se suicider à cause de toi.
00:45:25Moi, je l'aide.
00:45:27Là, on n'est pas dans la société.
00:45:32C'est ça.
00:45:33Oui, c'est ça.
00:45:35On arrive dans l'extrême.
00:45:38Ça peut dégénérer complètement.
00:45:40Là, on se rend compte que tout le cheminement,
00:45:43c'est très schématisé, mais c'est exactement ça.
00:45:46Toute la vie de Julie.
00:45:48Toute la graduation.
00:45:50Sauf ce qu'il faut voir, c'est à quel degré on s'en inquiète.
00:45:54Alors, à quel stade vous en êtes, vous ?
00:45:58Tiens, je te le rends.
00:45:59Pour l'instant, vous êtes dans le vert.
00:46:01Le rouge, on n'y pense même pas.
00:46:03Isabelle !
00:46:05Viens, ma chérie.
00:46:09Tiens, viens.
00:46:12On se sent attaqués, là.
00:46:16Bravo, bien joué.
00:46:18Elle est contente.
00:46:21C'est vrai qu'entre le vert et l'orange,
00:46:25je trouve qu'il y a un grand pas.
00:46:27Quand on commence à faire du chantage,
00:46:30on n'est plus dans la relation de couple.
00:46:32Mais le vert, c'est quand même le pays des bisounours.
00:46:35S'assure de ton accord pour ce que vous faites ensemble.
00:46:38En fait, je crois que j'ai le mec idéal, moi.
00:46:41C'est un deuxième mariage.
00:46:43Oui.
00:47:05C'est quoi le problème ?
00:47:07Pourquoi ça arrive si souvent ?
00:47:10Ça arrive si souvent parce que...
00:47:17Les mecs sont un peu givrés.
00:47:21C'est un rapport aux femmes qui ne me semblent pas...
00:47:27bien.
00:47:29Oui.
00:47:31Non, c'est...
00:47:35L'origine, c'est le patriarcat ancestral
00:47:40qui se réactive.
00:47:42À mon avis, les choses se produisaient comme ça
00:47:45dans les temps anciens, mais personne ne s'en apercevait.
00:47:48Là, la perception qu'on en a
00:47:50est liée au mouvement féministe
00:47:53que je reconnais comme étant puissant et bien.
00:47:58Des années, depuis l'année.
00:48:05Nous sommes fortes, nous sommes fiers !
00:48:08Un cri du cœur, des slogans qui arrachent les larmes
00:48:12pour dénoncer les violences faites aux femmes.
00:48:15Sur l'île, depuis plusieurs semaines,
00:48:17grâce au hashtag I was Corsica,
00:48:20elles ont été plus de 800 à témoigner sur les réseaux sociaux
00:48:23pour avoir subi des agressions sexuelles.
00:48:25Ici, c'est toujours pour un ami de la famille
00:48:27ou un bon copain, donc personne ne va parler.
00:48:30Et là, comme on dit, la honte change de camp,
00:48:33la peur change de camp et ça y est,
00:48:35les gens ouvrent enfin les yeux.
00:48:37En tête de cortège, Océane, 17 ans,
00:48:40a été victime de violences il y a plusieurs mois.
00:48:43Aujourd'hui, elle subit toujours des pressions de ses agresseurs.
00:48:46Je les croise, je les vois sur les réseaux sociaux,
00:48:49je vois leur entourage, des remarques, des regards,
00:48:52des crachats, des insultes, tout le temps.
00:48:55Il ne faut pas parler, il faut se taire
00:48:57et si jamais on parle, on est quand même réduite au silence,
00:49:00à l'infirmerie, lors d'un procès, à l'école, dans la rue, de partout.
00:49:05Le drame Julie Douib, sans doute une des raisons
00:49:07de l'essor de I Was Coursing.
00:49:11Il y a un travail de la police
00:49:13qu'on nous dit qu'il est censé y avoir une certaine neutralité
00:49:16et il n'y a pas de neutralité.
00:49:18Les questions qu'on nous pose quand on a 14 ans
00:49:20et qu'on vient de se faire agresser sexuellement,
00:49:22on prend le gifle quand on nous dit
00:49:24t'as déjà eu un copain, t'as déjà fait ça, t'as déjà fait ça,
00:49:26t'as déjà fait tel rapport, t'as déjà fait ça,
00:49:28t'as déjà fait ça avec un copain, t'as une réputation,
00:49:30c'est quoi ces questions ?
00:49:31Quand on demande c'est quoi ces questions,
00:49:32on nous dit que c'est la procédure.
00:49:33Je trouve qu'ils aggravent leur cas en disant que c'est la procédure.
00:49:35Oui, parce que franchement...
00:49:37Et donc forcément, toi, quand t'as 14 ans,
00:49:39même quand t'en as 50, peu importe,
00:49:41ces questions-là, ça te freine.
00:49:42Déjà que la société, la vie en général,
00:49:44fait que tu te dis que tu l'as mérité, que c'est ta faute,
00:49:46j'aurais pas dû m'habiller comme ça,
00:49:47non mais j'ai mal interprété,
00:49:48j'aurais dû dire non plus explicitement, machin.
00:49:51Et là, tu vas à la gendarmerie, on te pose des questions comme ça,
00:49:53t'as encore plus peur.
00:49:55Tu te dis mais je suis en train de faire quoi ?
00:49:57Non, c'est bon, j'enlève ma plainte.
00:49:59Ça montre juste qu'ils y croient pas à cette réalité-là,
00:50:04que c'est un système qui va tout ensemble.
00:50:08Ils pensent juste que c'est un fait divers,
00:50:10en mode c'est le drame qui tombe comme ça par hasard,
00:50:14alors que justement, c'est pas un fait divers, c'est pas par hasard.
00:50:16C'est littéralement beaucoup d'hommes qui sont violents
00:50:19et qui ressemblent à Bruno Garcia.
00:50:21Moi, quand j'ai lu le procès,
00:50:24quand j'ai lu les témoignages,
00:50:26quand j'ai écouté les parents sur les émissions plateau télé et tout ça,
00:50:29moi j'ai reconnu plein de mecs.
00:50:31Après, il y a un problème sociétal quand même.
00:50:35Il faut toujours que la femme soit un peu plus en dessous de l'homme,
00:50:39un peu plus discrète, un peu plus ceci.
00:50:42Il faut que la femme, et ça on nous l'apprend,
00:50:44enfin on nous l'apprend sans nous l'apprendre,
00:50:46mais c'est pas assez.
00:50:48Oui, il faut laisser un peu plus exister ton homme en société,
00:50:52et toi un peu plus.
00:50:53Mais pourquoi ? Pourquoi ça ?
00:50:55Qui va le changer ? Comment on va inverser ça ?
00:50:58Moi j'ai une fille et j'ai un garçon.
00:51:00C'est compliqué comment les élever pour que chacun soit égalité.
00:51:05Est-ce qu'il peut y avoir une égalité ?
00:51:08Est-ce qu'on a vu l'égalité ?
00:51:10Mais ça dépend pourquoi ?
00:51:12Je sais pas, c'est encore quelque chose de compliqué.
00:51:15Aujourd'hui, moi je sais pas trop comment me positionner avec les hommes.
00:51:20Ici ou ailleurs, je sais pas te répondre.
00:51:23Pour l'instant je suis ici.
00:51:25Mais je t'avoue que c'est compliqué.
00:51:28Et ça, c'est depuis Julie que vraiment il y a eu le détonateur.
00:51:35Oui, non, je pense que les femmes ici sont l'égal des hommes.
00:51:41Il n'y a aucun problème sur tous les plans.
00:51:44Ah oui, tu penses ça ?
00:51:45Oui, oui, oui, sûr, sûr, sûr.
00:51:48Dans le comportement.
00:51:50On respecte la pression.
00:51:53Ici, c'est vrai, il y a un respect des femmes.
00:51:57Après, il y a toujours des...
00:51:59Mais enfin, dans l'ensemble, on respecte les femmes, c'est tout à fait normal.
00:52:04On n'est pas contre, on est tout contre.
00:52:08Pour moi, c'est l'égalité totale.
00:52:10La question ne se pose même pas.
00:52:14Donc tout ce qui est violence conjugale en Corse, ça n'existe pas ?
00:52:17Non, non, non, ça n'a rien à voir.
00:52:20Mais dans l'ensemble, bon, après, il y a des généralités.
00:52:24C'est sûr, on condamne.
00:52:26Jean-Louis, viens, viens.
00:52:27Viens, viens un peu, Jean-Louis.
00:52:29On a besoin de toi, on a besoin de ta lumière.
00:52:31Alors, on a besoin de qui ?
00:52:37Alors, je vais vous dire.
00:52:41Style italien, bien sûr.
00:52:44Voilà.
00:52:45Et...
00:52:47Qu'il sache se fermer la bouche quand il faut, qu'il sache jouer au pire quand il faut.
00:52:52Ça va pas trop avancer, Jean-Louis, hein ?
00:52:54Oui, c'est possible, intelligente.
00:52:56Mais enfin, il ne faut pas trop demander non plus.
00:53:02En tant que femme, on est, je dirais, l'addition des oppressions.
00:53:08On se retrouve au cœur d'un phénomène, on cumule les oppressions.
00:53:13Et si on oublie, si on se satisfait de l'institutionnalisation des luttes
00:53:17et des victoires dans le champ institutionnel et politique,
00:53:20on fait une grave erreur et on menace tout ça.
00:53:22Dans ma génération de féministes,
00:53:24on se battait pour des droits de l'homme,
00:53:26on se battait pour des droits de la femme,
00:53:28dans ma génération de féministes,
00:53:30on se battait pour des droits, on se battait pour le droit à l'avortement,
00:53:33et là, vous vous êtes battus contre les violences.
00:53:36Ça veut dire à quel point ça ne suffit pas, la bataille institutionnelle.
00:53:40Parce que quand on se retrouve avec des jeunes nanas
00:53:43qui se bagarrent à 14 ans dans les rues pour dire non à la violence,
00:53:47c'est dire qu'on n'a carrément pas avancé.
00:53:49On a peut-être avancé sur le droit du travail,
00:53:51on a peut-être avancé, mais vous vous rendez compte
00:53:53que c'est des questions fondamentales qui sont posées là.
00:53:55Et qu'à travers la question du féminicide,
00:53:58évidemment, c'est la question des violences, du continuum de violences.
00:54:01Donc ça veut dire que les mobilisations
00:54:03et la réflexion qu'on veut avoir, importantissime,
00:54:05c'est comment on continue à se mobiliser,
00:54:07comment on se transmet d'une génération à l'autre
00:54:10ces batailles-là pour ne pas reperdre.
00:54:12Parce que là, en même temps, je vous disais tout à l'heure,
00:54:14ça m'a fait une joie immense de voir les jeunes générations se mobiliser,
00:54:17mais quand on sait que c'est sur le thème des violences,
00:54:19sur le thème de l'inceste, j'ai juste envie de vomir.
00:54:22Parce que ça veut dire que toutes les batailles qu'on a faites avant,
00:54:24elles servent à quoi ?
00:54:25À dire que c'est super, les filles se battent
00:54:27parce qu'elles n'ont pas envie de se faire violer,
00:54:29parce qu'elles n'ont pas envie de se faire tripoter par leurs cousins.
00:54:32C'est quand même dramatique.
00:54:35Et pour revenir sur Julie Deweeb,
00:54:37en tant que journaliste,
00:54:39quand on travaille sur l'histoire de Julie Deweeb,
00:54:42moi j'appelle toutes les assoces de protection des femmes
00:54:45ou de soutien des femmes
00:54:47pour savoir combien il y a eu de féminicides en Corse.
00:54:49Le parquet ne sait pas me répondre,
00:54:51les associations ne savent pas nous répondre.
00:54:53C'est un travail de remonter des sources
00:54:55pour dire qu'on arrive à ce fameux chiffre
00:54:5810 plus 1 maintenant plus 2, je crois, depuis 2010.
00:55:03Ce qui met que ça nous met exactement dans les statistiques nationales.
00:55:07C'est exactement par rapport à la population.
00:55:11Donc c'est un peu plus étalé dans le temps,
00:55:13mais si tu rapportes à la population et au temps,
00:55:16on est dans les statistiques nationales,
00:55:17on est dans les statistiques françaises, on va dire.
00:55:19Est-ce qu'il y a quelque chose qui cloche entre les hommes et les femmes ?
00:55:23Chez nous ?
00:55:24Particulièrement chez nous, oui.
00:55:26Il n'y a rien qui cloche entre les hommes et les femmes,
00:55:28on a des rapports totalement normaux.
00:55:30La légende veut que les femmes en Corse soient dominées par les hommes,
00:55:36mais la Corse de tout temps dans l'histoire a été une société matriarcale.
00:55:41C'est-à-dire que les hommes jouaient leur rôle d'hommes,
00:55:45mais c'était les femmes qui dirigeaient la maison et la famille.
00:55:47Gratuitement.
00:55:48Comment gratuitement ?
00:55:49Elle fait tout à la maison, ça c'est vrai.
00:55:51Non, je ne parle pas des tâches ménagères.
00:55:55Je parle de la suprématie de la femme sur la cellule familiale.
00:56:01Ça n'a rien à voir avec les tâches ménagères.
00:56:05Après, le rapport homme-femme, ça a toujours été comme ça, non ?
00:56:09L'homme, je ne dis pas supérieur, ce n'est pas question de tout,
00:56:12mais ce que fait la femme, l'homme ne peut pas le faire, en gros.
00:56:16Tu parles de quoi, par exemple ?
00:56:19Je ne sais pas, ça peut être démonter une roue de voiture,
00:56:23ou l'homme faire la vaisselle, des trucs comme ça.
00:56:25Il suffit d'apprendre, non ?
00:56:26Oui, il suffit d'apprendre, bien sûr, et de vouloir.
00:56:28Mais je veux dire, tu vas prendre dix coupes, ça se passe comme ça.
00:56:33On a mis des questions, des problèmes, des polémiques, des débats
00:56:38sur ce qui, avant, ne l'était pas forcément, je trouve.
00:56:41C'était beaucoup plus simple, beaucoup plus clair.
00:56:45C'était beaucoup plus binaire, en fait, cette relation.
00:56:46Pour l'homme et pour la femme, je trouve que c'était beaucoup plus harmonieux,
00:56:48beaucoup plus équilibré.
00:56:50Et le fait de vouloir encore plus de liberté, encore plus d'égalité,
00:56:55de ce fait de même poser la question, à partir du moment où on le dit,
00:57:00la femme doit être l'égal de l'homme, ça inclut qu'elle ne l'est pas.
00:57:04Or, moi, je n'ai jamais eu de problème avec ça,
00:57:09ni étant enfant, ni étant ado, ni étant jeune fille, ni étant femme, mère.
00:57:13Je n'ai jamais eu l'impression de ne pas être l'égal d'un homme.
00:57:18Je n'ai jamais senti qu'il y avait cette bataille-là.
00:57:22Après, c'est si tu rentrais dans le cadre aussi,
00:57:24parce que si tu sortais un peu du cadre, tu étais rapidement jugée aussi,
00:57:28et mal jugée. Il y avait ça aussi.
00:57:30Il y avait une réputation qui était à conserver absolument,
00:57:34et chacun se chargeait de te le rappeler.
00:57:37Bien sûr.
00:57:40Je constate quand même qu'en Corse, une fille, une femme,
00:57:44peut aller n'importe où, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit.
00:57:48Une femme ne sera pas importunée.
00:57:50Et si, par hasard, elle se fait importunée,
00:57:53n'importe quel témoin masculin se fera un devoir d'intervenir.
00:57:58Ça, ça a un peu changé.
00:58:01Peut-être dans notre microcosme balana, on est encore comme ça, peut-être.
00:58:06Ce dont je parle, c'est évidemment les généralités.
00:58:11Moi, je pense qu'il ne faut pas tomber dans le piège
00:58:14d'avoir à justifier je ne sais quoi au nom de je ne sais quelle tradition,
00:58:18de je ne sais quelle norme.
00:58:20La société corse, la vraie, elle est comme ça.
00:58:23Et on dit que la tradition, et on dit que la nation,
00:58:26et on dit... Oh la merde ! C'est des conneries, ça !
00:58:29Je veux dire, nous sommes des Corses de 2023.
00:58:32Nous sommes, comme le disait German Adetzerbi,
00:58:35des habitants d'une île paradoxe
00:58:37qui n'est ni meilleure ni pire que les autres
00:58:40et que nous sommes des militantes féministes
00:58:44et que nous devons continuer à être en interrelation avec le monde
00:58:49et avec nos deux pieds ancrés sur une terre.
00:59:35C'est ça que la tradition, c'est pas la religion.
00:59:37La religion phrase n'est pas performant qu'en respectable ligne.
00:59:43C'est la religion phénoménale,
00:59:44celle des frères, des sistèmes ou des théologiques,
00:59:46les idées, et les théologies...
00:59:48C'est ce qui est externe, ce qui est vrai.
00:59:50Il faut abandonner ce japonais.
00:59:54Et vous voyez, il ne reste qu'une fois le pote
00:59:56qui va tourner la parole.
00:59:58Julie est devenue le symbole d'un combat sans fin, Bruno le bouc émissaire des hommes violents et ça
01:00:07semble arranger tout le monde, au café du village mais aussi dans les ministères. Quand on crée des
01:00:13monstres et des martyrs c'est qu'on ne peut pas ou qu'on ne veut pas se poser de questions. Quand on
01:00:19refuse une mémoire digne à Julie et aux autres femmes comme sur ce mur, quand on se cache derrière
01:00:24le drame des autres, c'est notre avenir qu'on condamne à perpétuité. La honte et les prisons
01:00:30n'arrêteront pas le continuum de violences envers les femmes, l'histoire ancienne comme
01:00:34récente n'arrête pas de le prouver, un pas en avant, dix pas en arrière. Reconnaître qu'il
01:00:41y a du Bruno et du Julie en chacun de nous est aussi douloureux que nécessaire.