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Maîtriser les concepts, trouver les mots justes, être un vrai leader… Selon le docteur en sémiologie Yves Richez, un bon manager doit maîtriser la langue pour être efficace. Il explique sa vision dans SMART JOB.

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00:00Générique
00:12Fenêtre sur l'emploi et c'est la première fois qu'on accueille un sémiologue sur notre plateau.
00:17Yves Richesse, bonjour.
00:18Bonjour.
00:19Vous êtes docteur en sémiologie. C'est quoi la sémiologie ? C'est quoi votre mission ou votre fonction ?
00:25Alors la mission en tant que sémio-anthropologue, mon cœur de profession, c'est de documenter les activités humaines, les métiers.
00:33Donc je me rends sur le terrain, j'observe les personnes, qu'elles soient individuelles ou collectives.
00:39Donc je l'ai fait en Chine, je l'ai fait dans l'Himalaya, je l'ai fait aux Philippines, en France évidemment.
00:44Et je vais chercher à identifier les mots justes grâce auxquels on peut objectiver un métier indépendamment de l'idée qu'on s'en fait.
00:53Les mots ont un sens, je défonce une porte ouverte, mais les mots ont de la force.
01:00Aujourd'hui, on voit des managers qui utilisent une langue immangeable ou qui parfois maîtrisent mal la grammaire et utilisent même de la vulgarité.
01:09J'écoutais François Bayrou qui parlait de son bégayement, peut-être en faisant de jeunes, c'est-à-dire c'est dégueulasse.
01:16On comprend ce qu'il voulait dire.
01:18Les mots et la manière dont on les prononce, ils ont un impact quand même sur la manière dont on va piloter, contrôler, diriger.
01:24Il faut bien comprendre que le mot en tant que tel, c'est un mot de moutou, c'est-à-dire le son, c'est-à-dire le grognement, c'est grommeler.
01:32Et la notion du son, c'est intéressant puisque un bon mot, c'est celui dont on maîtrise le bon verbe, le verbe humain, la parole, le mot.
01:41Et ce qu'il faut bien comprendre, c'est que tout métier est structuré par des verbes.
01:45Et le verbe donne trois informations capitales, en tout cas dans mon métier, c'est fondamental de bien maîtriser ça.
01:50Et les managers aujourd'hui ne maîtrisent plus la langue française parce qu'ils maîtrisent surtout des métaphores, des allégories.
01:56Et dès lors qu'on travaille en allégorie, l'exemple du mot talent en est le plus démonstratif.
02:01C'est que dès lors qu'on dit qu'une personne est un talent, on est bien dans l'allégorie, on est même dans l'hypertrophie identitaire allégorique.
02:08Ça veut dire qu'on attribue à un individu une qualité qu'il ne peut pas avoir, puisque l'allégorie, elle est religieuse.
02:13Et le talent, à l'origine, c'était une unité monétaire, une unité de masse, de valeur.
02:18Donc vous voyez, lorsque moi je vais travailler sur le talent, je ne travaille pas sur la personne, je travaille sur sa production.
02:23C'est-à-dire à la fois qu'est-ce qu'elle produit d'utile et ce pourquoi elle est estimée.
02:28Et pourquoi ça met une pression sur le collaborateur ? Parce qu'il se dit, on m'attribue un titre qui globalement est quoi ?
02:34Exagéré, communiquant, poudre aux yeux ?
02:39La problématique fondamentale, dès lors que vous attribuez le titre, l'identité de talent à un individu...
02:46Combien de DRH le disent ?
02:47Combien ? Et bien vous allez rentrer dans un jeu assez pervers finalement, puisque vous le mettez en comparaison.
02:52Puisque si j'ai du talent, est-ce que l'autre en a ? Est-ce que j'en ai ?
02:54Et vous rentrez dans un amorce de concurrence. Et le mot concurrence, il a deux obédiences.
02:59Soit c'est la rivalité qui est animée par la jalousie, et on sait tous vers quoi ça va.
03:04Soit ça va plus rarement vers l'émulation, fair play, etc.
03:08Et on a une culture plutôt de concurrence et de rivalité.
03:11Donc la maîtrise des mots, c'est savoir exactement, dès lors que j'utilise un mot,
03:15qu'est-ce qu'il va avoir comme effet domino sur toute la chaîne de pensée, la chaîne d'action sur le terrain.
03:20Juste un mot, parce qu'il ne nous reste qu'une minute trente.
03:22Évidemment, tout ça me semble un peu trop court et je m'en excuse.
03:24Mais par rapport à vos examens himalayens ou d'autres pays, la langue se pratique.
03:29Évidemment, la langue est différente, mais l'utilisation des mots n'est pas la même au sein des organisations.
03:33Je vais donner un exemple très concret.
03:35Si vous prenez la langue chinoise, elle est à l'écart de la nôtre.
03:38On n'a absolument rien à voir. Il n'y a pas le même fond d'entente.
03:40Nous, on est plutôt une langue romane.
03:42On est une langue qui est issue des Grecs et on a perdu d'ailleurs cette essence-là.
03:45Donc, il y a la différence entre les Italiens, les Anglais et nous.
03:49Et il y a de l'écart entre les langues asiatiques et la nôtre.
03:51Donc, on ne peut même pas comparer le fond d'entente.
03:53Quand vous dites le fond d'entente, c'est même l'utilisation du verbe et des mots pour piloter une organisation.
03:58Oui, je ne suis même pas sûr qu'on puisse parler de verbe.
04:00Alors, verbe ou sens de la parole, oui.
04:02Mais le traitement même de l'idée du mot, on n'a pas de comparaison.
04:06Avant de nous quitter, la grammaire, les fautes d'orthographe, la vulgarité,
04:11toutes ces espèces de langages, vous parliez de métaphores, d'images, ça cache quoi ?
04:16Ça cache de la médiocrité ? Ça cache de la manipulation ?
04:18En fait, non, c'est beaucoup plus simple que ça.
04:21D'abord, la grammaire, moi, je suis spécialiste en lexicologie.
04:23La lexicologie, c'est l'étymologie et la synonymie.
04:26La grammaire, c'est normalement l'articulation des mots.
04:29Et la rhétorique, c'est l'éloquence.
04:31On est rentré dans une culture depuis 60 ans qui est grammairienne et rhétorique.
04:36Et on a perdu le sens de la lexicologie.
04:38Ce troisième pied du tabouret a été quasiment perdu.
04:41Et même, je pense que certains grammairiens grasseront un peu des dents,
04:45mais il y a eu une forme de coup d'état de la grammaire sur la lexicologie.
04:49Or, la lexicologie, c'est une discipline à part entière.
04:52Et si on ne maîtrise pas les notes de musique,
04:55ce n'est pas parce qu'on connaîtra le solfège qu'on pourra jouer.
04:57Vous êtes passionnant, Yves Richez.
04:59Vous faites des conférences, vous êtes aussi à la tête d'une maison d'édition,
05:02les éditions de l'Homo Viator, c'est comme ça qu'on appelait Unis.
05:05Exactement, l'homme qui se fend par le voyage.
05:07Je fais l'ours savant, mais vous l'avez dit juste avant de commencer l'émission,
05:10docteur en sémiologie.
05:11Merci de nous avoir organisé, c'est un vrai plaisir.
05:14Merci à vous.
05:15Merci à toute l'équipe.
05:16Merci à Angèle à la réalisation.
05:17Merci à Héloïse Ausson.
05:18Merci à Nicolas Juchat qui me tient les oreilles.
05:20Et merci à Juliette pour la programmation.
05:22Merci à vous tous pour votre fidélité.
05:24Je vous dis à très bientôt.
05:25Bye bye.
05:35Sous-titrage Société Radio-Canada

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