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00:00Il est 7h11 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le docteur en droit Jean-Pierre Camby.
00:05Bonjour Jean-Pierre Camby, bienvenue sur Europe 1, on vous lit régulièrement dans les pages du Figaro, notamment avec Jean-Éric Schottel.
00:11Les chiffres 2024 de l'immigration sont tombés, le bilan dépasse toutes les prévisions, plus 17% de visa délivrées par rapport à l'an dernier,
00:20plus de 330 000 premiers titres de séjour aussi. En substance, les portes du pays paraissent grandes ouvertes et à l'inverse, on expulse aujourd'hui moins qu'il y a cinq ans.
00:29C'est tout le discours de fermeté du ministre de l'Intérieur finalement qui en prend un coup, on ne contrôle pas l'immigration, ça c'est un fait établi.
00:36D'ailleurs Bruno Retailleau a renoncé à sa loi de maîtrise des flux migratoires dans ce domaine comme dans d'autres, et c'est là que je souhaitais en venir Jean-Pierre Camby.
00:44Domine le sentiment que le politique est impuissant, c'est particulièrement vrai en France, surtout lorsqu'on voit ce qui se passe en ce moment du côté des Etats-Unis.
00:52Jean-Pierre Camby, impuissance politique, vous validez ce constat ?
00:57Non, je ne le valide pas. D'abord une remarque, comme citoyen français, je n'ai aucune envie que mon pays ressemble à la société américaine, je n'ai pas envie de voir le même type de débat.
01:09C'est une remarque générale, je vis ça peut-être comme un repoussoir. Deuxième remarque, il faut juger la politique aux faits et non pas aux discours.
01:21Que Bruno Retailleau renonce à une loi, vu la cacophonie de la loi de janvier 2024, c'est tout à fait normal.
01:29Les visas, en 2019 on a délivré dans ce pays plus de 3 millions de visas. Pourquoi ? Parce que ce sont pour 95% d'entre eux des visas de court séjour, de moins de 3 mois.
01:44C'est les visas d'I.C. Schengen. En 2020, c'est tombé à 700 000. Pourquoi ? A cause du Covid.
01:53Ces visas sont principalement des visas touristiques, de court séjour. Il y a également des visas pour les étudiants, et ceux-là, il ne faut pas y toucher.
02:05Pourquoi ? Parce que c'est la politique de la France à l'étranger, notamment vis-à-vis des pays africains.
02:11Il reste un problème, ce sont les OQTF qui ne sont pas exécutés, et vous l'avez encore signalé ce matin dans un drame.
02:21Alors là, on arrive au sujet que je souhaitais évoquer avec vous, cette idée d'une impuissance du pouvoir politique.
02:26Alors vous ne validez pas l'expression, ceci dit, le thème est dans l'air du temps, très clairement.
02:30François Bayrou s'en est ému, d'ailleurs dimanche dans une interview, il disait que considérer qu'on est dans une situation d'impuissance politique, c'était anti-national.
02:40Il est piqué au vif, le Premier ministre, quand on lui parle d'impuissance politique.
02:44Oui, je comprends bien cette réaction, mais en même temps, la France, comme tous les pays, détient des moyens qu'elle peut utiliser juridiquement, comme elle le veut.
02:55Sur les visas, sur l'exécution des OQTF. Sur l'exécution des OQTF, c'est beaucoup plus difficile.
03:01Je rappelle, un taux d'exécution de 7% à peine.
03:03Parce que ce taux est constant. Pourquoi ? Parce qu'il faut que le pays d'accueil, et on l'a vu dans des situations dramatiques comme le décès de Philippine,
03:15il faut que le pays d'accueil puisse dire qu'il veut bien réaccueillir l'intéressé.
03:22Mais quand vous voyez les Etats-Unis, Donald Trump, tordre le bras en 24 heures à la Colombie, qui refusait de reprendre ses clandestins expulsés,
03:28on se dit, finalement, quand il y a un peu de volonté, quand il y a un peu de fermeté, ça fonctionne Jean-Pierre Camby, on revient à ce constat d'impuissance.
03:36On peut toujours faire ce constat-là, mais une fois encore, la France et les Etats-Unis ne sont pas dans une situation comparable sur ce plan-là.
03:45Mais alors quel est le problème, justement ? On parle souvent, on dit que c'est la faute à l'État de droit, l'État soumis au droit, l'État qui est entravé par le droit.
03:53La notion d'État de droit, elle correspond juridiquement à une chose très très simple, c'est l'État soumis à la règle de droit, soumis à la hiérarchie des normes.
04:05Elle n'a pas de valeur éthique. On rajoute à tout ça la statue du commandeur, les droits individuels, les libertés,
04:14et on en fait une sorte d'amalgame entre deux notions qui n'ont rien à voir, une notion juridique et quelque chose qui est ressenti comme protecteur, ultra protecteur des libertés.
04:30Et des possesseurs du pouvoir politique aussi Jean-Pierre Camby, c'est ça aujourd'hui que l'on met en exemple.
04:34Mais il est très facile de modifier les choses, au moins à la marge. Où sont les difficultés aujourd'hui ? Elles sont techniques.
04:43Quand vous voyez que les tribunaux administratifs passent la moitié de leur temps à juger d'affaires de police des étrangers, c'est évidemment beaucoup trop.
04:53Quand vous voyez que la CNDA est engorgée par le nombre d'affaires...
04:57Donc la Commission nationale du droit d'asile.
04:58Voilà, pardon. La Commission nationale du droit d'asile est engorgée par le nombre d'affaires, alors la loi a un peu simplifié les choses.
05:08Mais ça ne sert à rien de légiférer. Il faut faciliter le travail de l'administration et du juge de manière à ce que l'état de droit soit protégé, mais aussi qu'on aille beaucoup plus vite.
05:22Par exemple, il faudrait à tout prix modifier peut-être là-dessus le code sur le fait que le nombre de personnes qui sont en rétention sont automatiquement libérées à la fin d'une rétention et qu'il est très difficile de poursuivre les rétentions.
05:45Là, on peut agir. Mais vous voyez bien que les leviers juridiques existent.
05:50Donc ça n'est pas finalement l'excès de droit ou une espèce de prise du pouvoir par le droit sur le pouvoir politique qui poserait problème.
05:58Vous pensez que par une succession de mesures comme ça, de simplification, d'amélioration de l'efficacité, on peut s'en sortir, retrouver une efficacité gouvernementale, Jean-Pierre Camby ?
06:08Absolument.
06:09Voilà, c'est très clair. Merci d'être venu.
06:11Je voudrais juste vous faire réagir à cette phrase de Paul Valéry que citait justement Jean-Éric Schottel, votre collègue d'écriture dans les pages du Figaro.
06:18Il disait « Paul Valéry, si l'État est fort, il nous écrase. S'il est faible, nous périssons. »
06:23Donc finalement, tout réside dans l'équilibre.
06:25Paul Valéry disait aussi « Tout ce qui est simple est faux, le reste est inutilisable. »
06:30On a des notions tout à fait simples que l'on met en avant, mais il faut bien voir ensuite passer à la réalité et passer à la gestion concrète des dossiers et ce n'est pas facile.
06:43C'est pour ça qu'on a besoin dans ce domaine, comme partout ailleurs, d'une stabilité gouvernementale qu'on a hélas perdue depuis 2022 et plus encore depuis 2024.
06:54Merci Jean-Pierre Camby d'être venu ce matin au micro d'Europe 1.
06:57Docteur Android Juriste et qu'on lit régulièrement dans les pages du Figaro.
07:00Bonne journée à vous.
07:00Merci beaucoup.
07:01Il est 7h18 sur Europe 1.
07:03Dans un instant, votre édito politique avec Olivier Roland.