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L'acteur américain joue dans "Le Brutaliste", qui sort en salles le 12 février prochain. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-05-fevrier-2025-5289584

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Transcription
00:00Bonjour Adrian Brody.
00:02Bonjour madame, comment allez-vous ?
00:04Je vais très bien, bonjour monsieur et merci de commencer cette interview en français.
00:09Adrian Brody, votre mère a fui la Hongrie en 1956 à l'âge de 13 ans.
00:15Elle est née pendant la guerre, sa mère a été juive, elle a été persécutée par les nazis.
00:20Qu'est-ce qu'il vous reste de ce passé juif hongrois ?
00:24Vous savez, ce film, pour moi, a été très personnel, très signifiant dans ma vie.
00:35Ma mère et mes grands-parents ont traversé ces événements.
00:45Et leur cheminement, il a commencé par l'émigration vers les Etats-Unis, après la révolution hongroise.
01:01Mais clairement, ce film traite de toutes les répercussions de l'époque sur les traumas de la guerre et les pertes immenses.
01:17Et pas seulement dans ma famille, mais des milliards de gens.
01:21Ce qui m'a parlé dans le cheminement de Laszlo, c'est que c'est un écho à l'histoire et au combat de mes grands-parents et de mes parents.
01:39Et que l'histoire se répétait jusqu'aux Etats-Unis, avec les espoirs, les rêves.
01:46Mais la réalité de ce que c'est de tout recommencer.
01:53Mais vous, vous avez visité la Hongrie. A quel âge, pour la première fois ?
01:57A quel âge vous êtes retourné dans le pays de votre mère ? A quel âge est-ce que vous avez fait le voyage à l'envers ?
02:06Depuis l'enfance, j'y retournais. Depuis que j'avais 3-4 ans.
02:10Ce sont mes plus anciens souvenirs, en fait.
02:13Et là, le tournage du film a eu lieu en Hongrie. Qu'est-ce que ça a apporté, à vous et au film en général, de tourner en Hongrie ?
02:24J'ai l'impression qu'il y a beaucoup d'aspects de ce tournage en Hongrie qui m'ont apporté des choses.
02:32Interpréter un Hongrois, dans une époque...
02:42C'était vraiment la possibilité de revenir sur mes propres traces.
02:47Comme si ma mère, mes grands-parents étaient là.
02:52Et tout ce que j'ai essayé d'interpréter dans ce personnage était en hommage.
03:00A leur histoire, quelque part. Même si le personnage est très différent.
03:06Et d'être entouré par des Hongrois, d'entendre la langue autour de moi, c'était très important pour mon travail.
03:18Et c'était vraiment...
03:20Vous savez, tout ce qui se passe en Pelsine Valley se tourne aussi. On l'a tourné aussi en Hongrie.
03:27Et donc c'était remarquable d'avoir ce sentiment que ce soit tout accessible de travailler avec ces choses-là.
03:35Alors, l'Amérique a été une terre d'accueil pour les Juifs d'Europe de l'Est qui ont fui les pogroms, qui ont fui le fascisme.
03:42Mais ce film, il apporte un autre regard sur l'intégration des Juifs aux Etats-Unis.
03:48Il met en scène un antisémitisme latin de la bonne société blanche et de la bonne société protestante.
03:55Cet antisémitisme américain, il est mal connu, en tout cas en Europe. Est-ce qu'il est encore assez tabou ?
04:07Voilà une question bien complexe.
04:10Il me semble que la réalité, c'est qu'il y avait tellement d'antisémitisme à l'époque, partout, quand les gens fuyaient,
04:23qu'eux espéraient d'être accueillis. Et les Etats-Unis étaient plutôt accueillants.
04:33Et comme ce film le montre, c'est très difficile pour quiconque de se sentir véritablement chez soi.
04:45On vit dans un monde qui est complètement divisé. Et ça va au-delà de l'antisémitisme ou le racisme.
04:55Il y a quelque part une nécessité permanente de construire des ponts au-delà de ces tendances et du regard des gens.
05:11Je pense que ce film s'adresse à la façon dont on doit toujours travailler pour dépasser ces conditions.
05:29Pour que les gens puissent s'assimiler et créer et de contribuer à la culture et de dépasser les séparations.
05:45Alors, Le Brutaliste apporte aussi une réflexion sur le triomphe du capitalisme, sur le pouvoir de l'argent.
05:51Le personnage du milliardaire qui s'offre une folie architecturale, il règne de manière ultra autoritaire sur ses employés, sur son entourage.
05:59Est-ce que pour ce personnage de milliardaire, de capitaliste triomphant, la vie des autres et le corps des autres est considérée comme une marchandise ?
06:09Je crois que c'est un peu plus complexe que ça. Le personnage représente une avidité, une envie de pouvoir, de contrôle, une dynamique qui quelque part on trouve entre l'artiste et son commanditaire.
06:37Il y a le sentiment d'appartenance par le commanditaire sur l'œuvre de l'artiste. Quelque part, il le contrôle, il le consomme.
06:53Je crois que c'est ça vraiment le sujet. Ce personnage, malgré ses qualités, il a des désirs, il a envie aussi de nourrir la créativité.
07:17Il est aussi corrompu en sous-bassement par son envie de contrôle et d'avidité.
07:25Votre interprétation passe énormément par le jeu sur le corps.
07:30C'est-à-dire qu'on voit bien là que votre personnage, tous les traumatismes de la guerre, toutes les souffrances morales, toutes les souffrances psychiques, ça passe par un jeu sur le corps, ça passe par la souffrance physique, ça passe par la drogue, ça passe par des corps abîmés, par des corps secoués.
07:48Comment est-ce que vous avez été dirigé par le metteur en scène pour jouer cette souffrance physique ?
08:00Brady est un grand cinéaste et lui et Mona, la scénariste, ont construit ce personnage vraiment.
08:13La physicalité est venue, il me semble, de notre compréhension, de notre connexion, notre connaissance du personnage.
08:27Ce n'était pas vraiment… c'est difficile de mettre des mots en fait.
08:37Ce n'était pas calculé tant que ça, ça a évolué.
08:43Une chose en a entraîné une autre.
08:46Je me souviens quand j'interprétais le pianiste, on m'avait appris à jouer du piano pour que je puisse vraiment montrer, jouer en tant que personnage.
08:58Et comme j'ai perdu beaucoup de poids et j'ai appris le piano, j'ai intégré une compréhension du personnage, pas seulement émotionnelle, qui vraiment a enrichi.
09:13Et cela ne peut venir que de l'expérience, d'avoir compris, de prendre avec soi ces choses.
09:23Voilà comment c'est venu.
09:26Et puis bon, le poids, les traumas de la guerre, c'est assez lourd.
09:38D'ingérer tout ça, c'est quand même lourd, chaque jour.
09:44Merci Adrien Brody.
09:46Merci à vous.
09:48Merci.

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