Peut-on dire que les bons compromis font les mauvais budgets ?
On peut dire qu’il n’est pas bon puisque tout le monde le répète ! On n’a jamais vu un aussi large consensus sur une loi de finances !
Retrouvez « L'édito politique de Patrick Cohen » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique
On peut dire qu’il n’est pas bon puisque tout le monde le répète ! On n’a jamais vu un aussi large consensus sur une loi de finances !
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00:00Les dits aux politiques, Patrick Cohen, peut-on dire que les bons compromis, les bons compromis
00:05font les mauvais budgets ? On peut dire qu'il n'est pas bon déjà ce budget, puisque
00:08tout le monde le répète, on n'a jamais vu un aussi large consensus sur une loi de
00:12finance.
00:13Pour les socialistes, budget mauvais, mais mieux que rien, le plus mauvais, à l'exception
00:17de tous les autres, dit aussi la LR Christine Lavarde, mauvais tout court, tranche le patron
00:21du Medef, Patrick Martin, non, extrêmement mauvais, rancherie Jordan Bardella, pire que
00:26le budget Barnier, affirme Eric Coquerel, et même le pire depuis 25 ans, pour Manuel
00:31Bompard, qui dit mieux, bref, un monstre qui cumule toutes les tares, austéritaire pour
00:36la gauche, encore trop dépensier pour la droite, anti-business pour les patrons écrasés
00:40d'impôts.
00:41Or, quelle est la particularité de ce budget qui ne plaît à personne ? Il est le premier,
00:45sous cette République, et donc depuis plus de 60 ans, à avoir été non pas entièrement
00:50renégocié, mais au moins infléchi par un parti d'opposition, il est donc légitime
00:55de se demander si ce n'est pas le « compromis » qui a rendu ce budget indigeste, selon
01:00la célèbre métaphore de Thomas Legrand.
01:02Rappelez-nous, Patrick ! On peut aimer à la fois le cassoulet et la gelée de groseille,
01:06mais pas en même temps, parce que c'est immangeable.
01:09Thomas Legrand lui parlait du steak à la chantilly, mais j'essaie de renouveler un
01:11peu.
01:12Bon, c'est une façon de dire que, bon ou mauvais, un budget se juge à sa cohérence,
01:17et de ce point de vue, l'un de nos voisins nous montre que le compromis n'est pas l'ennemi
01:21de la cohérence.
01:22C'est la Belgique qui vient de se doter d'un gouvernement à l'issue d'un vrai
01:26compromis, fruit de 7 mois et demi de négociations, 7 mois, entre 5 partis qui vont du nationaliste
01:32flamand Bart De Wever, le nouveau Premier ministre, au socialiste flamand, en passant
01:36par les libéraux francophones, c'est à peu près comme en France, une touche de gauche
01:40dans un gouvernement de centre-droit, avec un déficit budgétaire presque aussi élevé
01:45que chez nous.
01:46Mais le résultat présenté hier par De Wever devant la Chambre belge est très différent.
01:50Les socialistes ont obtenu quelques hausses d'impôts, la taxation à 10% des plus-values
01:54boursières, ainsi que le maintien de l'indexation des salaires sur les prix, mais les libéraux
01:59ont imposé de vastes coupes sociales, réduction des pensions de retraite pour les départs
02:04anticipés avant l'âge légal en Belgique, c'est 66 ans, bientôt 67, limitation à
02:10deux ans du droit aux allocations chômage, jusqu'ici c'était sans limite, et fiscalité
02:14modifiée pour instaurer une différence minimum de 500 euros entre les allocations
02:19et le salaire, pour inciter les sans-emploi à revenir au travail.
02:22Autant de mesures, bonnes ou mauvaises, que personne ne se risquerait à proposer aujourd'hui
02:27en France.
02:28Et ça, comment vous l'expliquez ?
02:29Par la crainte de retourner devant les urnes, par une possible nouvelle dissolution en
02:32six mois.
02:33Rien, dans la situation française, n'invite à des mesures courageuses, ou disons, impopulaires.
02:39Ce mauvais budget français est celui d'une coalition qui ne veut fâcher personne, en
02:43tout cas, le moins d'électeurs possible, et surtout pas les retraités, là où les
02:47parlementaires belges ont maintenant quatre ans et demi devant eux, jusqu'au prochain
02:50scrutin.
02:51En Belgique, on ne pratique pas la dissolution, c'est compromis ou rien.
02:54Conclusion ? Ce ne sont pas les compromis qui font les mauvais budgets, c'est l'incertitude
02:58et l'instabilité politique.