• il y a 3 jours
Xerfi Canal a reçu Norbert Alter, professeur à sciences Po, pour parler du fait de manager sans rien changer.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Bonjour Norbert Halter.
00:10Bonjour.
00:10Pour en finir avec le machin, les désarrois d'un consultant en management, ouvrage qui
00:15vous publie aux éditions EMS, vous êtes professeur à Sciences Po, vous êtes sociologue,
00:19vous êtes le penseur de l'innovation ordinaire. Un bel exemple de petite innovation ordinaire
00:24parce qu'on va s'en saisir de votre ouvrage et il va faire beaucoup discuter. Donc l'appropriation
00:29va être là, ce ne sera pas juste une belle idée, ça va se transformer en innovation
00:33votre ouvrage. En synthèse de l'ouvrage, j'ai envie de vous poser une question. On
00:39ne peut pas s'empêcher finalement, je suis prof de management, vous nous parlez de managerialisme
00:46pour moi, mais en termes de management, une question qui m'obsède un peu, est-ce que
00:50finalement, tout un chapitre est consacré à la question du changement, je change donc
00:55je suis. Est-ce que finalement, il ne faudrait pas penser l'absence de changement, penser
01:01une forme de continuité ? Est-ce que ce n'est pas ça le vrai changement, faire avec la
01:05continuité, faire avec une action qui se reconstruit tous les jours, qui est tous les
01:12jours en devenir, plutôt que de penser toujours la rupture ? Parce que dans l'ouvrage, finalement
01:18le machin nous propose toujours des ruptures, toujours. C'est ça, il y a un marché de
01:23rupture, un marché de dupe, et c'est un marché qui fait rêver de rupture. Vous avez des mots très
01:28durs sur l'innovation disruptive, sur l'innovation de rupture, mots très très durs dans la bouche de
01:33votre consultant. Qu'est-ce que ça vous évoque ? Est-ce que j'ai bon, est-ce que j'ai faux sur
01:38cette idée d'une forme de continuité qui serait à penser ? C'est-à-dire en fait, il ne faut pas
01:41changer. Il faut que tout change pour que rien ne change, et si finalement, pour que ça change
01:48vraiment, est-ce qu'il ne faudrait pas ne rien changer ? L'inverse du guépard. Oui, merci pour
01:53cette question. C'est une question en fait, je crois à laquelle je réponds explicitement dans
02:01le livre, mais à des moments divers. Comprenons-nous bien, dans le management aujourd'hui, un dirigeant
02:18c'est un capitaine courageux qui sait imposer des changements nécessaires parce que la concurrence
02:24économique, parce que l'incertitude technologique, parce que... pour des raisons qui sont absolument
02:34nécessaires. Il faut qu'un dirigeant soit capable d'imposer des changements.
02:42Donc, un dirigeant qui aurait lu mon livre, imaginons, et qui se dit, tiens, finalement,
02:54il y a de l'engagement spontané dans les organisations, plutôt que d'imposer une
03:05forme de mobilisation nouvelle, une redéfinition de l'organisation, pour éviter la réorgue. Je
03:19vais m'appuyer sur cet engagement spontané et je vais le valoriser de manière à mieux faire
03:26fonctionner l'organisation, en reconnaissant tout simplement ce que les gens sont capables de faire.
03:32Et puis, avec l'aide de consultants, je vais nourrir cette capacité collective,
03:37je vais l'entretenir, je vais la fertiliser, plutôt que de l'éradiquer avec une nouvelle
03:44organisation. Cette position de ce dirigeant n'est socialement pas tenable, parce qu'un dirigeant,
03:57aujourd'hui, c'est quelqu'un qui est capable de changer, d'imposer des changements. Et on peut
04:06dire qu'en même temps, le stéréotype du dirigeant, c'est quelqu'un qui sait ne pas gérer les états
04:14d'âme. C'est-à-dire que les états d'âme sont considérés comme une mauvaise chose,
04:20puisqu'ils nuisent à la mise en œuvre de solutions qui sont considérées comme absolument
04:33nécessaires, compte tenu de l'environnement économique et technologique. En réalité,
04:39même si on considère que certains changements sont nécessaires, ils ne passent pas obligatoirement
04:50par la définition de réorganisation, nouvelle politique RH ou informatique, etc. Il suffit
05:00bien souvent de s'appuyer sur le capital de compétence collective, de travail réel, de
05:08trésor qui est donné gratuitement à l'entreprise, pour pouvoir faire son travail intelligemment,
05:15de s'appuyer là-dessus pour que l'organisation trouve une souplesse, une flexibilité suffisante
05:25pour s'adapter à un certain nombre de nouvelles donnes. Mais le problème, si on se met dans cette
05:32position-là et dans ce type de proposition, c'est qu'on ne correspond plus à la norme en matière
05:38de dirigeance. Un dirigeant, c'est quelqu'un qui sait imposer des changements. Merci à vous,
05:46Norbert Halperin. Merci, Jean-Philippe Denis.

Recommandations