Qui va gouverner la France ? Est-ce tout simplement possible ? Qui pour créer une majorité à l'Assemblée nationale ? Au lendemain du second tour des élections législatives, et de la victoire en nombre de députés du Nouveau front Populaire, écoutez le point de vue de Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste et professeur de droit public à l'université de Lille.
Regardez L'invité de RTL Midi avec Vincent Parizot du 08 juillet 2024.
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00:00RTL midi avec Vincent Parizeau.
00:03La défaite du Président de la République et de sa coalition est clairement confirmée.
00:09Le Président a le devoir d'appeler le nouveau Front Populaire à gouverner.
00:15Voilà, c'était Jean-Luc Mélenchon qui réclamait dès 20 heures et quelques minutes hier soir
00:22la nomination d'un Premier Ministre issu du nouveau Front Populaire.
00:26Bonjour Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste, professeur de droit public à l'Université de Lille.
00:32Tiens, justement, répondons tout de suite à cette question.
00:35Il a le devoir, il a l'obligation, le Président, de proposer Matignon à la gauche ?
00:42Ce n'est pas une obligation formellement constitutionnelle.
00:45Le Président de la République choisit qui il veut comme Premier Ministre.
00:50Mais il y a d'autres obligations qui découlent de la Constitution.
00:54D'une part, le fait que le gouvernement est responsable politiquement devant le Parlement
01:00et d'autre part, dans le prolongement de cela, le fait que la majorité absolue de députés
01:06peut à tout instant censurer le gouvernement.
01:08Et donc le Président de la République, s'il est effectivement libre de choisir qui il veut,
01:12doit tenir compte des résultats des élections législatives
01:16et nommer un Premier Ministre et un gouvernement qui ne s'exposent pas immédiatement à la censure des députés.
01:21Alors, tenir compte du vote.
01:24A l'instant, on apprend, et c'est l'Elysée qui le fait savoir,
01:27qu'Emmanuel Macron a demandé à Gabriel Attal de rester Premier Ministre pour le moment
01:33afin d'assurer la stabilité du pays.
01:37Qu'est-ce que ça vous inspire, cette formulation tout d'abord, pour assurer la stabilité du pays,
01:44et cette décision ?
01:46Donc si on comprend bien, s'il lui demande de rester Premier Ministre,
01:49ça veut dire qu'il refuse sa démission.
01:50En effet, et là aussi, le Président de la République est libre de le faire,
01:55puisque, en vertu de l'article 8 de la Constitution,
01:57c'est lui qui nomme et c'est lui qui met fin aux fonctions du Premier Ministre,
02:01et il le fait sans obligation de contre-saint.
02:05Je trouve que cette décision est assez mal inspirée.
02:08Elle ne tient précisément pas compte du résultat des élections législatives d'hier
02:13qui ont adressé plusieurs messages.
02:15Le premier, c'est évidemment non à un gouvernement d'extrême droite.
02:18Mais le deuxième, c'est également non à un gouvernement macroniste.
02:22Gabriel Attal avait eu un message très clair dans le cadre de la campagne.
02:26Il avait dit, en janvier, le Président de la République m'a nommé.
02:29Je vous demande aujourd'hui de m'élire ou de me choisir.
02:33Eh bien, les électeurs ne l'ont pas choisi.
02:35Les électeurs ne l'ont pas élu.
02:37C'est une défaite du Président de la République,
02:39et de Gabriel Attal, et de la majorité présidentielle.
02:42Et donc, il me semblerait plus conforme,
02:46non seulement à la logique de nos institutions,
02:48mais aussi à ce message démocratique,
02:51qu'Emmanuel Macron accepte la démission du Premier ministre.
02:54On ne force personne à rester contre son gré.
02:57Le charge, effectivement, d'assurer la continuité de l'État
02:59et de gérer les affaires courantes.
03:01Et ensuite, qu'il appelle les diverses forces politiques,
03:05à commencer par le Bloc victorieux, le Nouveau Front populaire,
03:09à faire des propositions pour voir quel gouvernement est possible,
03:14au-delà des blocs.
03:16Car on ne peut pas composer un gouvernement
03:18sur la base d'un seul bloc.
03:19Mais quand Emmanuel Macron demande à Gabriel Attal
03:22de rester Premier ministre pour le moment,
03:25afin d'assurer la stabilité du pays,
03:27pour le moment, qu'est-ce que ça veut dire ?
03:29Combien de temps ?
03:30Et assurer la stabilité du pays,
03:33est-ce qu'il n'y a pas une forme de dramatisation
03:35dans cette expression de l'Élysée ?
03:39Alors, il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas Emmanuel Macron,
03:42et je ne suis pas dans sa tête.
03:44Donc, je ne sais pas ce qu'il entend précisément par là.
03:46C'est constitutionnel, ce qui est en train de se passer.
03:48Oui, c'est conforme à la Constitution, absolument.
03:51Pour le moment, il n'y a pas de délai imposé par la Constitution.
03:55Mais le 18 juillet prochain,
04:00l'Assemblée nationale va se réunir.
04:02Si Gabriel Attal n'a pas démissionné d'ici là,
04:05si le Président de la République n'a pas mis fin à ses fonctions,
04:08il y aura incontestablement une motion de censure
04:10qui sera déposée immédiatement
04:12et qui pourra être votée dans les 48 heures pour contraindre.
04:15Là, pour le coup, c'est une obligation constitutionnelle, l'article 50.
04:18Après le vote d'une motion de censure,
04:20le gouvernement doit démissionner.
04:22J'ai assez peu de doutes sur la réunion d'au moins 289 députés
04:26pour censurer le gouvernement Attal
04:28si celui-ci est encore en position à ce moment-là.
04:31Donc, pour ça, ça ne fait aucun doute.
04:33N'empêche qu'avec cette nouvelle Assemblée,
04:35la France est dans une situation totalement inédite,
04:38sans majorité claire, avec trois blocs,
04:40sans possibilité de dissoudre pendant un an.
04:43Les auteurs, les créateurs de la Constitution de la Vème République
04:48avaient envisagé ça ?
04:50Peut-être pas cette configuration dans ses moindres détails,
04:52mais n'oublions pas que la Vème République a été écrite en 1958
04:56pour permettre à un gouvernement d'agir en majorité relative.
04:59En 1958, les hypothèses de majorité absolue
05:02n'existaient pas et n'étaient même pas présentes dans les esprits.
05:05Ça n'apparaît qu'au début des années 60,
05:07après l'élection directe du Président de la République.
05:10Et par conséquent, la Constitution offre un certain nombre de mécanismes
05:13pour permettre à un gouvernement de majorité relative
05:16de gouverner et d'agir, on le voit d'ailleurs depuis deux ans.
05:19Merci beaucoup, Jean-Philippe Derosier,
05:21d'avoir réagi à chaud à cette information
05:23qui nous est parvenue au tout début de cette interview.
05:26Emmanuel Macron demande à Gabriel Attal
05:29de rester Premier ministre pour le moment,
05:31afin d'assurer la stabilité du pays.
05:34Merci encore.
05:35On va marquer une courte pause,
05:36s'intéresser à la déception des électeurs du Rassemblement National
05:40et ensuite, justement, nous serons avec un représentant du Parti Socialiste.
05:44Pierre Jouvet, à tout de suite.