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  • 13/02/2025

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00:00Le Carrefour de l'Info sur Arabelle.
00:08Dans votre Carrefour de l'Information, la Commission européenne prépare son projet de loi qu'on appelle Omnibus.
00:13C'est une réforme qui pourrait affaiblir des réglementations clés sur les droits humains et l'environnement.
00:19Et pour nous en parler, nous avons le plaisir d'avoir avec nous en direct Laura Véret qui est chargée de recherche sur le commerce au CNCD 11 11 11.
00:26Bonjour.
00:27Bonjour.
00:28Merci d'être avec nous sur Arabelle. Peut-être avant de décortiquer un petit peu tout cela,
00:32disons une définition Omnibus et pourquoi la Commission européenne veut-elle proposer ce, disons, ce paquet législatif ?
00:39Alors on l'appelle Omnibus parce que c'est une nouvelle loi qui remet en question trois anciennes lois.
00:45Et donc ce que fait la Commission, c'est qu'elle a un nouveau mandat après les élections du Parlement européen.
00:52Et elle décide de mettre sur la table une réforme de trois lois qui ont été passées ces cinq dernières années.
00:57Et ces trois lois, c'est notamment les lois qui faisaient partie du paquet législatif qu'on appelle le Green Deal, le pacte vert européen.
01:04Et donc par l'image de l'Omnibus, on a cette image d'où on reprend les lois qui ont déjà été passées et on va les simplifier, les détricoter, les changer.
01:14Alors quelles sont justement les principales préoccupations des organisations de la société civile et des syndicats face à cette réforme assez particulière ?
01:23Alors parmi les trois lois qui sont remises en question, il y en a une qu'on appelle la loi européenne sur le devoir de vigilance.
01:29Ce qu'elle signifie, c'est qu'elle a demandé aux multinationales, la loi demande à ces grandes entreprises de vérifier tous les abus sociaux ou environnementaux qui pourraient avoir lieu dans leurs chaînes de production.
01:40Ça veut dire que demain, si vous allez chez Zara acheter un T-shirt, Zara doit faire en sorte que le compton n'a pas été récolté par des enfants ou que le T-shirt n'a pas été cousu sous travail forcé en Chine.
01:54Et donc c'est ce qu'on appelle un devoir de vigilance, c'est-à-dire vérifier sa chaîne de valeur, faire attention s'il y a des risques et faire quelque chose justement si on identifie des risques.
02:04Et donc les syndicats et la société civile étaient assez heureux d'avoir obtenu cette loi qui est passée l'année dernière au Parlement européen.
02:11Et donc qui s'oppose à l'omnibus parce qu'en fait elle va remettre en question une loi qui vient d'être adoptée et qui était quand même un progrès majeur en termes social et environnemental.
02:20Alors pourquoi justement leur avérer que la consultation publique ne prend pas en compte les travailleurs, les communautés affectées et les victimes d'abus des multinationales ?
02:29Alors cette loi quand elle est passée, il y a eu de nombreuses consultations. On a consulté les entreprises, on a consulté les personnes affectées.
02:37Donc on a aussi les travailleurs mais aussi les personnes du sud, les militants plutôt environnementaux, climatiques.
02:43Toutes ces personnes ont été consultées. Ensuite la loi est passée au Conseil, donc parmi les États membres et au Parlement européen.
02:49On a eu une consultation assez longue, un temps législatif qui était assez long.
02:53Et là ce qu'on observe c'est une proposition dont on a entendu parler en octobre et une loi qui va sortir fin février avec une consultation seulement.
03:00Et cette consultation a été majoritairement dominée par les entreprises.
03:03Elle a été faite dans les bureaux de la Commission et au premier rang on voyait déjà très bien les grandes multinationales à qui on demandait leur avis sur comment soi-disant simplifier la loi.
03:14Et il n'y avait pas autant de sociétés civiles que de grandes entreprises mais surtout il n'y avait pas ces personnes qui sont le plus affectées par la loi.
03:22Donc ces travailleurs du textile ou d'autres travailleurs à travers le monde n'ont pas été représentés dans la consultation.
03:28Est-ce qu'on peut parler de pression justement exercée par ces grandes entreprises et ces lobbies pour élaborer cette proposition de l'US ?
03:36Oui tout à fait. On sait très bien que c'est une loi que les grandes entreprises ne veulent pas parce qu'elles la trouvent trop contraignante.
03:42Elles ne veulent pas non plus de risque juridique.
03:44C'est-à-dire qu'il y aurait abus dans leur chaîne de valeur que les travailleurs ou que la société civile puisse les mettre en justice justement pour des abus environnementaux ou sociaux.
03:54Et donc on sait qu'elles ont tout le long du processus législatif essayé de la détricoter et de la moindrir.
04:00Et là elles saisissent l'opportunité d'un nouveau mandat, un mandat avec une droite, une extrême droite plus forte en demandant aux institutions européennes, notamment à la Commission, de revoir trois lois de la mandature précédente.
04:12Ce qui est quand même assez exceptionnel puisqu'on parle quand même de lois qui ont été adoptées en 2022, en 2024 et en 2020.
04:18Donc ce sont des lois qui sont très récentes. Il y en a quelques-unes qui ne sont même pas encore trop posées.
04:22Et déjà les entreprises nous disent qu'elles sont trop contraignantes, que ce n'est pas très clair, qu'il faut les simplifier.
04:28Mais on n'a même pas déjà essayé de les mettre en œuvre.
04:30Et si on devait les simplifier, la première chose à faire ce serait à la Commission d'aider les entreprises à les mettre en application plutôt que tout de suite remettre en question les lois déjà votées.
04:40Est-ce que cette initiative pourrait nuire à la crédibilité de l'Union Européenne en matière de développement durable ?
04:48Oui, parce que toutes les cinq dernières années on a fait passer de nombreuses lois environnementales et sociales.
04:53Certaines ont eu un impact dans les pays du Sud, positifs ou négatifs suivant les pays et les secteurs.
04:58Mais on avait ce paquet législatif, le pacte vert, etc. Et ce discours que l'Union Européenne allait être pionnière en termes de développement durable.
05:05Il suffit d'un changement de mandat et de législature et d'un seul coup on remet tout en question.
05:10Et donc pour les entreprises aussi, certaines d'entre elles d'ailleurs ne veulent pas changer la loi puisqu'elles mettent du temps à l'appliquer.
05:17Elles recrutent du personnel, elles acquièrent de l'expertise pour mettre en application des nouvelles lois et hop, la loi change.
05:22Donc on voit qu'il y a un manque de crédibilité et puis un discours qui change un peu trop aussi au vent de la géopolitique extérieure.
05:30On sent une montée de l'extrême droite au Parlement, mais on sent aussi Trump qui veut cette simplification, cette dérèglementation.
05:36Et l'Union Européenne qui suit un peu comme une girouette alors qu'on avait et on avait réussi à obtenir des avancées.
05:42Alors quels seraient à présent les impacts plus concrets de l'adoption de cet omnibus sur la responsabilité des entreprises et la protection de l'environnement ?
05:53On va prendre une entreprise comme Nestlé. On imagine que Nestlé dans sa chaîne de cacao jusqu'à la barre de chocolat que vous achetez au supermarché,
06:01Nestlé va faire en sorte qu'il n'y ait pas d'enfants qui travaillent, que les femmes ne soient pas exploitées, que la façon dont le cacao était récolté ne nuit pas à l'environnement.
06:12Donc Nestlé va avoir une centaine ou presque peut-être mille personnes vu la taille de l'entreprise pour vérifier ceci.
06:19Et si jamais il y a abus, les travailleurs par exemple dans le cacao pourraient mettre en justice Nestlé.
06:28Si la nouvelle loi passe, comme on va vouloir la simplifier et aussi enlever tous les recours judiciaires possibles,
06:34alors Nestlé va pouvoir avoir que dix personnes pour appliquer cette loi.
06:37Et si jamais il y a abus dans la chaîne de valeur, les personnes affectées ne pourront pas remettre en justice Nestlé.
06:42Je prends l'exemple de Nestlé parce que Nestlé c'est une des entreprises parmi d'autres, je ne veux pas faire la pub de Nestlé,
06:47qui justement avait commencé à mettre en application cette loi et demande à la Commission de ne pas la changer.
06:55Vous avez parlé tout à l'heure du Green Deal européen. Est-ce que cette réforme pourrait affecter ce Green Deal ou bien on peut déjà le mettre aux oubliettes ?
07:05Pour le moment, on n'a qu'une loi omnibus qui remet trois en question.
07:10Elle remet celle sur le devoir de vigilance, elle remet aussi en question la loi sur la taxonomie verte,
07:15c'est-à-dire une loi qui définit qu'est-ce qu'un investissement vert et qu'est-ce qu'il ne l'est pas.
07:19Et elle remet en question aussi l'obligation pour les entreprises de faire des rapports sur leur impact climatique.
07:24Donc on voit déjà là qu'il y a au moins deux avancées législatives en termes de pacte vert européen qui sont remises en question.
07:30Et on sait que l'omnibus est quelque chose qui va peut-être continuer tout au long de l'année.
07:33Donc on risque de voir d'autres lois européennes, climatiques et sociales, être mises en question cette année.
07:42Donc oui, c'est un des tricotages du pacte vert et puis c'est aussi un changement complet d'idéologie.
07:48Alors qu'auparavant on avait pris l'urgence climatique comme le centre de la politique européenne,
07:52aujourd'hui on prend cette idée que l'innovation doit être le centre, la compétitivité doit être le centre
07:57et que la compétitivité ça veut dire moins de règles. Or ce n'est pas le cas.
08:01Pour être compétitif, on a besoin aussi d'avoir des employés bien formés,
08:05on a besoin de services publics, on a besoin d'innovation.
08:07Et cette innovation-là, elle passe aussi par des règles et des investissements dans les secteurs publics.
08:11Et c'est bon de le rappeler notamment aujourd'hui, jour de manifestation,
08:14qu'on est dans des pays qui ont besoin d'investir plus justement dans l'humain et les services publics.
08:19Et ce n'est pas un moindre règle qui fera en sorte qu'on sera plus compétitif.
08:24Vous parlez de manifestation justement, quels moyens de pression les ONG, les militants mobilisés,
08:31peuvent utiliser pour se faire entendre et essayer de faire bouger un petit peu les lignes ?
08:35Alors il y avait une coalition très large, très ample d'organisations qui voulaient cette loi,
08:40notamment la loi sur le devoir de vigilance.
08:42Cette coalition est toujours là, elle regroupe des syndicats, des organisations de solidarité internationale,
08:46des organisations environnementales.
08:48Ce que l'on a fait jusqu'à présent, c'est qu'on a fait une petite manifestation,
08:52très petite, à côté de la commission, justement pour dénoncer ce manque d'équilibre dans la consultation.
08:57Ensuite, on va continuer à faire pression pour demander un processus ouvert,
09:01une consultation vraiment ouverte.
09:03On met en valeur le voix des entreprises qui ne veulent pas changer la voix, la loi pardon.
09:07On met aussi en valeur la similitude assez incroyable entre les positions des lobbies
09:11et la position de la commission jusqu'à présent.
09:13On a maintenant, et on va essayer d'avoir de plus en plus des contacts avec la commissaire belge
09:18au niveau de la commission, le nouveau gouvernement fédéral belge, et surtout les eurodéputés belges.
09:23Et là, c'est un moyen de pression aussi que j'invite les auditeurs à utiliser,
09:27puisqu'il y a de nombreux eurodéputés belges qui, dans la précédente législature,
09:32ont approuvé la loi sur le devoir de vigilance, notamment.
09:35Et on leur demande que, dans cette législature, ils gardent la même position,
09:39c'est-à-dire garder cette loi qui a été approuvée.
09:41Et il y a quand même une petite ironie, c'est qu'au niveau du Conseil,
09:44donc là où on met d'accord la plupart des États membres,
09:47c'était sous présidence belge qu'on avait réussi à trouver un compromis sur le devoir de vigilance.
09:51Et c'est assez dommage de se dire que tout ce travail diplomatique serait remis en question aujourd'hui,
09:56alors que c'est un travail qui a été accompli en juin l'année dernière.
09:59Alors, peut-être, avant de nous quitter, une dernière question.
10:01Vous avez un message, un mot de la fin pour sensibiliser justement
10:04à cette problématique de réglementation liée aux droits humains et à l'environnement.
10:08Je pense que le dernier mot, c'est de se dire qu'on a avancé et qu'il faut continuer d'avancer
10:14et que tout retour en arrière sur des lois sociales et environnementales
10:17est juste inacceptable, et au niveau belge comme au niveau européen.
10:19Voilà, c'était donc la conclusion de Laura Véret,
10:22chargée de recherche sur le commerce au CNCD 11.11.11.
10:26Merci d'avoir été avec nous malgré cette manifestation et le manque de transport.
10:30Merci beaucoup.
10:31Merci à vous.
10:32On se retrouve dans quelques instants pour la suite de votre Cafour de l'Info.

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