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00:00Merci beaucoup d'être avec nous et d'être présente.
00:08Alors, je vais vous présenter rapidement, puis après, on va rentrer dans le vif du
00:11sujet.
00:12Céline Cochignan, qui est directrice Conseil Transition écologique au sein de Deloitte,
00:16vous nous avez été chaudement recommandée par notre partenaire ISG Luxury Management,
00:21tout comme votre voisine, Bernadette Pinné-Cuyoc.
00:24Merci beaucoup d'être avec nous, présidente exécutive de l'Union française de la bijouterie.
00:29C'est une joaillerie hors fèvrerie, des pierres et des perles.
00:33Il y a des domaines aussi très divers et variés pour en parler.
00:36Annika Morstorpfan, merci beaucoup d'être avec nous, Global Sustainability Director
00:41de Balenciaga.
00:42Alors, vous me disiez tout à l'heure en coulisses, vous êtes d'origine suédoise.
00:46On est ravi de vous accueillir.
00:47Vous avez un petit peu peur par rapport à votre français, mais je suis sûre qu'il
00:49sera excellent.
00:50Et merci beaucoup, en tout cas.
00:52Et puis, Gaëlle Delors, merci beaucoup aussi d'être avec nous, qui est cofondatrice et
00:56CEO de Trustplace.
00:58Alors, avec vous, on va plutôt parler de post-achat, même si vous connaissez l'univers
01:02du luxe et vous pourrez nous parler aussi de traçabilité tout à l'heure.
01:06Mais en fin de table ronde, on va passer de l'amont à l'aval, en fait, sur cette table
01:09ronde.
01:10Alors, Annika, je commence par vous.
01:11Je parlais tout à l'heure en introduction, puisque la table ronde est dédiée à la
01:15transparence.
01:16On parle aussi de traçabilité.
01:17Peut-être bien, vous aimez bien faire, bien préciser ces notions en quelques mots, peut-être.
01:23C'est important de le rappeler.
01:24Oui, merci.
01:25Et merci pour l'invitation à participer à ce forum-là.
01:29Oui, je trouve que dans certaines discussions, on mélange un peu les deux concepts.
01:33En tout cas, notre définition des deux, c'est traçabilité.
01:39Donc, on suit le parcours d'un matériau, un produit, du début, de la ferme, du champ
01:49jusqu'à l'utilisateur final.
01:51Et donc, ça permet de savoir d'où il vient, comment il a été, les process qui sont survenus
01:58au long de son chemin, qui a travaillé dessus et comment il a été parvenu à vous.
02:06En revanche, la transparence, il s'agit aussi de donner de la visibilité sur ce parcours,
02:13de fournir les bonnes informations à différentes parties prenantes et la réglementation, ça
02:19en a fait partie.
02:20Et la transparence, les clients en sont très demandeurs, ça aussi, c'est un sujet qu'on
02:23pourra aborder.
02:24Alors, rentrons dans le vif du sujet puisqu'on parle de réglementation et j'aurais aussi
02:28la même question à vous poser dans un instant, Bernadette Pinécuoc, en quoi la réglementation
02:32pour Balenciaga vous aide-t-elle ? Est-ce que vous l'avez finalement anticipée aussi
02:36dans ce que vous avez pu mettre en place en termes de transparence ?
02:40Oui, notre première expérience avec cette réglementation, c'était avec l'arrivée
02:50de la loi AGEC.
02:51Nous, on était éligibles en janvier 2023.
02:57On avait déjà l'habitude chez Kering de collecter beaucoup d'informations, beaucoup
03:02de données parce que depuis 2012, nous avons un compte de résultat environnemental qui
03:07s'appelle Environmental Profit and Loss, donc on collecte depuis longtemps plein de
03:12données.
03:14Et aussi dans 2020-2021, parce que nous avons un portefeuille de fibres, de matériaux de
03:20plus en plus responsables, on avait aussi envie de commencer à communiquer dessus
03:26et aussi pour essayer aussi de contribuer à bouger l'industrie dans la bonne direction
03:30et pour cela, il fallait des preuves aussi parce qu'on ne parle pas avant d'avoir
03:33des preuves.
03:34Mais avec la loi AGEC, on a réalisé que malgré le fait qu'on avait déjà pas mal
03:42d'informations dans les systèmes, on n'avait pas tout ce qui demandait la loi.
03:47Donc on a essayé déjà avec les équipes légales et tout ça de comprendre les textes
03:51qui n'étaient pas évidents, ça a pris du temps, après on a fait un match, un gap
03:57analysis entre ce qu'on avait dans les systèmes, le structure du système et ce que nous demandaient
04:02les textes.
04:03Et après, on s'est rendu compte qu'il fallait changer des choses, mettre à jour
04:07les systèmes, emborder les équipes et aussi parler avec nos fournisseurs.
04:13Et aujourd'hui, je me rends compte que c'était un véritable parcours de transformation qui
04:19nous aide aujourd'hui d'être plus rapide.
04:20Donc oui, sans l'anticipation pour finir, on fait aussi aujourd'hui avec la leçon
04:26de l'expérience de la loi AGEC, on fait une veille réglementaire qui est organisée
04:33aussi par Kering, on se réunit régulièrement, on a des experts qui nous aident et on peut
04:37en partager l'ex-expérience et les stratégies entre les maisons.
04:42Alors vous avez commencé à en parler puisque vous avez dit qu'il faut pouvoir décortiquer
04:45et mieux comprendre aussi la loi, il faut connaître aussi ses fournisseurs, on le sait
04:49aussi la chaîne de valeur de la mode globalement est très fragmentée, donc ça veut dire
04:53comment vous pouvez vous organiser ?
04:54Oui, je pense que des nombreuses marques de luxe, on a beaucoup de produits différents,
05:00on a plusieurs collections, on a des savoir-faire très spécifiques qui demandent une connaissance
05:06et une compétence spécifique par fournisseur et du coup on a besoin de beaucoup de fournisseurs
05:12ou des ateliers et ils se repartissent entre la fabrication, la façon et aussi les matières
05:19premières.
05:20Donc c'est une approche un peu différente entre ces deux streams, donc pour les outils,
05:27je parlais déjà de l'organisation des équipes internes qui était un chantier on va dire,
05:34mais après on parle aussi de la digitalisation des données, donc les plateformes, nous on
05:42a pris du temps en fait pour choisir la plateforme qui nous convient, on a fait des entretiens
05:47avec nos clients internes, tous les équipes qui allaient travailler dessus, donc toutes
05:50ces fameuses équipes et aussi les fournisseurs.
05:54Avec ce gros scale charge, on est arrivé à une solution qui pour nous repond, tous
06:01les maisons, je pense que vous êtes plusieurs ici, on ne va pas avoir le même cahier de
06:05charge, c'est sûr, on va avoir des maisons très différentes, mais pour nous ce qui
06:09était important c'est d'avoir une plateforme donc déjà robuste au niveau technique mais
06:15aussi d'un partenaire qui connaît bien déjà la chaîne de valeur et les acteurs dans cette
06:21chaîne de valeur en profondeur et une flexibilité dans cette évolution de la plateforme parce
06:25que la régulation change, donc il faut que ça change rapidement aussi et qui nous fournit
06:30des données brutes et robustes parce qu'on travaille beaucoup avec les données, on aime
06:36bien ça, pour définir les stratégies et les objectifs.
06:38On va y revenir en détail sur cette question des données parce qu'il ne suffit pas évidemment
06:42d'avoir que des données, il faut savoir quand en faire et je passerai la parole tout à
06:45l'heure à Céline Cochignan pour en témoigner, mais on poursuit avec l'univers de la bijouterie,
06:50de la joaillerie, leur fervorer avec vous Bernadette Pinay-Cuyoc, puisqu'on a parlé
06:54réglementation et cette fameuse norme CSRD dont on parle beaucoup en ce moment, pas
06:59nécessairement en bien, mais elles sont là quand même pour faire bouger les lignes,
07:02il faut le répéter.
07:03En quoi est-ce qu'elles vous aident justement dans votre secteur ces normes ?
07:06Alors effectivement elles sont en support, d'abord la joaillerie c'est d'abord un métier
07:15d'art et c'est une industrie, ensuite le bijou c'est le joyau, c'est l'agrégation
07:25de deux valeurs ajoutées, de deux actifs, c'est le savoir-faire et la matière précieuse.
07:29La matière précieuse par définition est recyclable, réutilisable, fongible à l'envie,
07:42donc la pierre précieuse elle peut se réutiliser, elle se dessertit, elle se remonte sur notre
07:49bijou et l'or, l'argent ou le platine est fongible et recyclable.
07:54Donc par définition un bijou, un joyau ne se jette pas, au pire il reste très longtemps
08:02dans un tiroir.
08:03Et donc la joaillerie est singulière aussi parce qu'il y a eu une culture et une histoire
08:11de traçabilité.
08:12Déjà au Moyen-Âge Jean II le Bon dit sur tous les produits d'orfèvrerie, les couronnes,
08:20les calices, vous allez insculper le poinçon du royaume avec les quatre fleurs de lys.
08:29Donc c'est déjà une identité qui est marquée.
08:31Plus tard Colbert dit il va y avoir deux poinçons pour assurer la traçabilité et
08:38pour assurer l'origine un poinçon de responsabilité, le poinçon d'identité qui est d'ailleurs
08:45et c'est toujours le même dispositif qui est en vigueur aujourd'hui, qui atteste de
08:51l'identité du fabricant et sur le même bijou un poinçon de garantie qui atteste
08:57de la teneur du métal.
08:59Donc c'était déjà la sécurité du consommateur et l'origine.
09:03Et puis plus tard Napoléon dit on va garder effectivement ces deux poinçons qui attestent
09:10de l'identité et de la sécurité du consommateur et on va rajouter le livre de police pour
09:16avoir tous les mouvements de votre activité et notamment contre le vol et le recel.
09:26Donc la joaillerie a une structure je dirais normative qui est extrêmement forte à la
09:35fois culturelle et réglementaire.
09:38Et puis je vais très vite dans le temps, en 2005 il y a la création du Responsabilité
09:48du RJC.
09:50Et donc les acteurs se réunissent en 2005 autour de la table, les acteurs d'industrie,
10:01donc Tiffany, Cartier, De Beers, Liotento qui disent on va donner une ambition de traçabilité,
10:12d'origine, de bonne pratique à notre secteur et c'est donc la fondation du RJC.
10:18Responsible Jewelry Concern.
10:20Et donc ce standard international qui est implémenté aujourd'hui dans l'industrie,
10:27on a 2000 fournisseurs de rang 1, de rang 2, de rang 3 qui sont accrédités à RJC,
10:35a fondé deux standards internationaux, le code des pratiques qui vérifie auprès du
10:41fournisseur que tout est en règle au plan éthique, social, sociétal et l'autre standard,
10:50la chaine of custody qui assure la traçabilité du métal et qui met en place un système
10:56de traçabilité des entrées et des sorties du métal.
11:00Donc ce qui veut dire à vous écouter, c'est juste parce que j'ai un timing aussi à respecter
11:04le sujet de la coalition mais je comprends que c'est important pour vous de le rappeler,
11:07ça veut dire que vous on parlait d'une chaîne de valeurs fragmentée avec la mode,
11:11vous avez beaucoup plus de visibilité aussi sur l'amont ?
11:13Absolument, avec donc une culture normative extrêmement importante.
11:19Pour répondre à votre question, mais je pense que le contexte est important.
11:22Alors bien sûr les directives, la CCRD, la CS3D, ce sont des choses qu'on suit
11:29avec une grande attention, elles sont déjà implémentées et infusées dans notre filière
11:36et au niveau de l'Union française, on a une chance extraordinaire,
11:39c'est que notre organisation professionnelle, elle rassemble les acteurs de la chaîne
11:45d'approvisionnement, négociant en métaux précieux, négociant en pierres précieuses,
11:52les fabricants sous-traitant avec les grandes maisons, rendu rang 3 et les maisons de luxe.
11:58Donc c'est un espace de dialogue et d'ouverture très propice à l'action.
12:04Et donc dans ce cadre réglementaire, normatif au niveau européen,
12:08au niveau mondial bien évidemment, parce qu'on est aussi sensibilisés par les ODD,
12:13au niveau national, d'ailleurs Mika vous l'avez rappelé, on travaille en lien avec
12:24les maisons et la supply chain. Ce qui est important, en 2023 on a réuni les responsables
12:32et les directions des départements RSE autour de la table pour leur demander de prioriser
12:43et de noter les priorités qu'ils accordaient sur les enjeux de durabilité de la filière,
12:50sur les 20 enjeux sociétaux, gouvernance et cycle de vie. Et donc lors de ce groupe de travail qui
13:01rassemblait les représentants de toutes les maisons attachées aux cinq groupes de luxe,
13:08il y a trois priorités qui sont sorties. Je dirais à l'unanimité, c'est une échelle de 0 à 5.
13:15Première priorité, c'était la traçabilité. Deuxième priorité, c'était l'empreinte carbone,
13:22le rapport au climat. Troisième priorité, c'est le développement et le maintien des savoir-faire.
13:29Dès lors, on a eu notre feuille de route qu'on a déclinée au niveau de notre organisation
13:35professionnelle. La traçabilité, je viens de rappeler l'importance du RGC qui a des standards
13:41effectivement qui sont évolutifs. On a un très bel outil. L'empreinte carbone, c'est un sujet qui est
13:48implémenté dans les audits. Et dernier sujet qui est très important et à mon avis qui va envoyer un
13:55signal très fort à la supply chain, on a travaillé avec les maisons sur l'harmonisation
14:05d'un questionnaire KYC. Il faut voir que quand un atelier a trois ou quatre clients, il a quatre
14:12questionnaires, cinq questionnaires auxquels il faut qu'ils répondent. Il a à peu près cinq KYC
14:20alors avec des questions formulées différemment, etc. Et ensuite, il y a les audits. Le besoin
14:32identifié était de dire qu'on est en train d'élaborer un KYC homogène de façon à envoyer
14:39un signal fort à la supply chain. Je dirais un signal à deux niveaux. Premier niveau,
14:45c'est qu'on va alléger la fatigue fournisseur par ce KYC homogène qui est donc très centré.
14:59Et puis le deuxième signal, au bout du bout,
15:06c'est le sujet administratif. On va mettre en évidence l'importance de la stratégie de la
15:13transformation de notre industrie. Très bien. Comme ça, vous avez anticipé ma deuxième
15:17question autour des fournisseurs, mais je vous ferai faire juste un éclairage supplémentaire.
15:21On termine le tour de table, on en arrive aux coalitions parce que peut-être réagir. On a
15:25eu deux témoignages autour de l'univers de la bijouterie, la joaillerie et puis Balenciaga,
15:30l'univers de la mode. On voit qu'il y a beaucoup de questions de traiter des données. Céline
15:34Cochignan, mais il ne suffit pas d'avoir des données. La problématique, c'est qu'est-ce
15:37qu'on en fait derrière ? Oui, merci. Merci beaucoup pour l'invitation. Ce qu'on peut
15:42rappeler déjà, en effet, c'est qu'il y a plusieurs types de réglementations qui ont été
15:46évoquées. Il y en a deux grands, si je simplifie un peu. Il y a des réglementations qui visent
15:50à reporter, à rendre compte. Par exemple, la CSRD, mais pas que. Et d'autres comme les
15:54due diligence. Vous avez cité le devoir de vigilance français et européen. On peut citer
15:59aussi la déforestation importée, par exemple, qui vise à mettre en œuvre. Ce qui est demandé
16:04aujourd'hui par la réglementation et par les juges dans les premiers jugements qui sont déjà
16:08sortis, c'est vraiment la transformation des pratiques. C'est hyper pragmatique, la façon
16:14dont c'est demandé, parce qu'on ne demande pas d'être absolument parfait. On demande d'avoir
16:18établi quels étaient les risques principaux sur les chaînes d'approvisionnement. Ça veut dire
16:23qu'on trace, évidemment, mais dès qu'on a des données, on commence déjà à les analyser pour
16:28les risques sociaux et environnementaux à tous les rangs de fournisseurs. Et ensuite, on commence à
16:34dessiner des plans de remédiation. Alors ces plans de remédiation, parce que ça n'a pas l'air très
16:37concret dit comme ça, des plans de remédiation, c'est extrêmement concret, au contraire, et c'est
16:40très humain. Et ça n'est pas que data. C'est vraiment comment est-ce que je vais faire bouger
16:44les pratiques de mes fournisseurs quand ils sont très éloignés dans d'autres cultures, eux-mêmes
16:48non concernés par les mêmes réglementations, etc. Voir comment je fais évoluer, en fait, les matériaux
16:54qui sont utilisés, les procédés de transformation industrielle qui sont utilisés. Et si je vais le
16:59plus loin possible, comment est-ce que même je remets en question un produit parce que je ne
17:02sais pas le rendre durable ? Et ça, c'est le prisme uniquement réglementaire sur lequel
17:07aujourd'hui il y a une obligation de moyens des entreprises d'aller vraiment transformer ces
17:11chaînes d'approvisionnement. C'est ce que vous avez commencé à évoquer. Si je peux juste rajouter
17:14un autre élément, parce que l'éléphant au milieu de la pièce en ce moment sur la réglementation,
17:18c'est quand même des discussions sur un possible détricotage du pacte vert européen. Donc sortons
17:25un peu de la réglementation. On est dans un contexte géopolitique qu'on entend beaucoup
17:30dans les médias en ce moment décrits, qui fait qu'aujourd'hui, essayer de penser à la protection
17:38sur la production des énergies renouvelables en France et en Europe, sur l'accès aux matières
17:44premières et notamment aux matières recyclées. Vous avez parlé des métaux recyclés, de parler
17:48de l'accès à l'eau pour continuer à produire. Tous ces éléments-là sont des éléments de
17:53résilience des entreprises, qu'on peut appeler continuité d'activité. On entend parler aussi
17:59de souveraineté française et européenne. En fait, tout ça, c'est ça les plans de remédiation dans
18:02la transformation des chaînes d'approvisionnement. Donc il faut aussi ne pas voir ça que sous
18:08l'angle des réglementations, mais bien de la résilience des industries. Et là, je pense qu'il
18:13y a un rôle à jouer pour le luxe qui est très important, parce qu'il y a des moyens d'investissement
18:19et des temps de R&D qui peuvent être plus longs que d'autres industries. Ils peuvent donc participer
18:24à finalement rendre plus transparentes, mais aussi plus durables, toutes ces chaînes
18:28d'approvisionnement le plus près de chez nous possible. Et donc, ce sont tous les enjeux de
18:32risques sociaux et environnementaux que vous évoquez. On va y arriver. Je vais vous poser
18:36une question autour des coalitions, puisque vous en pilotez chez Deloitte. Mais Gaëlle Delors,
18:41peut-être un éclairage. On arrivera tout à l'heure à Trustplace à expliquer le post-achat. Vous,
18:45vous n'êtes pas arrivé là, il y a très peu de temps, dans le monde du luxe. Vous le connaissez,
18:49sujet de traçabilité, vous l'avez bien suivi. Il ne faut pas oublier le client aussi dans
18:53toute cette démarche. Et vous d'ailleurs, vous vous adressez aux clients. On en parlera tout à
18:57l'heure. Effectivement. Avant de créer Trustplace et de me passionner pour la traçabilité post-achat,
19:03j'ai passé dix ans dans la traçabilité à mon, principalement sur des sujets de lutte
19:11anti-contrefaçon et d'identification de marchés parallèles. Donc un peu moins dans le contenu que
19:17mes collègues ici présentent. On a intégré des puces, je vais un petit peu parler technologie,
19:23désolé. On a intégré des puces NFC et RHID dans les produits des plus grandes maisons et on traçait
19:29les événements de la production au point de vente. Et en fait, on a fait le constat à l'époque,
19:37mais quand je dis à l'époque, c'était il y a cinq ans, que quel que soit le système de
19:42traçabilité mis en place, tout ou presque s'arrêtait à la vente de l'article, à la
19:48première vente de l'article. Or, il y a une vie après la première vente. Il y a une relation à
19:53créer entre la marque, son produit et le client. Et il y a une histoire à raconter. Donc effectivement,
20:01la première étape, c'est d'investir dans la traçabilité à mon, collecter cette donnée,
20:05la structurer et la transmettre au client. Moi, j'entends beaucoup de mes clients,
20:11donc les maisons, les marques dire au-delà, avant d'acheter un produit, le client,
20:18il achète une histoire et il faut encore pouvoir lui transmettre cette histoire et garder le
20:23contrôle. Garder le contrôle, donc la marque doit créer un écosystème de confiance autour
20:29d'elle. On a des bons exemples ici, pour être en mesure de s'adresser directement au client.
20:36On va y arriver en détail. Vous allez expliquer justement Trustplace et ce que vous mettez en
20:40place. Mais puisque le thème aussi de cette matinée sont les coalitions, les consortiums
20:45qui se mettent en place. Je rebasse la parole à Céline Cochignan pour en parler, puisque vous
20:48en mettez en place. On ne peut pas être seul, évidemment, pour avancer sur le sujet. Qu'est
20:52ce que ça apporte? On le sent naturellement, mais en dire un peu plus sur ce que ça apporte
20:56aux entreprises. Oui, il y a une vague depuis une dizaine d'années vraiment de création de
21:00beaucoup d'initiatives qui sont soit sectorielles, soit transsectorielles sur les sujets de
21:05transformation, de transition écologique et sociale. Ça fait sens pour beaucoup de sujets.
21:10Ça fait particulièrement sens, je pense, pour la partie traçabilité et transformation des
21:13chaînes d'approvisionnement, parce que vous l'avez évoqué tout à l'heure pour la partie
21:17grid audit. En fait, pour un fournisseur, déclarer à peu près la même donnée à X clients sur X
21:23plateformes ou outils différents, c'est une grosse perte de temps. Et à nouveau, je répète,
21:27l'enjeu, ce n'est pas la récolte de la donnée, c'est son analyse pour pouvoir transformer les
21:32chaînes d'approvisionnement. Donc, on a quand même beaucoup de travail derrière. Donc, autant
21:35gagner du temps là-dessus. Et c'est vrai qu'un bon moyen de le faire, à la fois pour économiser
21:40en termes de temps, de moyens d'implication, mais aussi pour convaincre plus fort les fournisseurs,
21:45notamment quand on dépasse les rangs 3 et 4, qui sont éloignés des donneurs d'ordres qui ne
21:50savent même pas qu'ils produisent in fine pour ces marques-là et dont la plupart du temps,
21:54les donneurs d'ordres ne connaissent pas les pays d'implantation ou les activités de
21:58transformation, toute industrie confondue. Du coup, il y a un vrai gain là-dessus. Juste,
22:04ce qu'il faut avoir en tête dans ces pratiques-là, ça prend un peu de temps à être formé. Il y a
22:10des enjeux légaux, notamment sur la compliance des lois antitrust français-européens. Donc,
22:17il y a de bonnes pratiques à mettre en œuvre. Mais ce qu'on constate, nous, à notre échelle,
22:21on en a fait huit, d'autres en ont fait, on n'est pas les seuls. Et c'est vraiment toute
22:26industrie confondue. Ça fonctionne, et en particulier sur la traçabilité. Ce qu'on
22:31peut déjà mesurer, nous, c'est qu'entre plusieurs clients regroupés pour tracer des
22:35chaînes d'approvisionnement qui ont à peu près 30% de noeuds communs dans les premiers
22:40rangs de fournisseurs, versus un client seul sur un outil de traçabilité, on va à peu près une
22:46fois et demie plus vite. Ça, c'est en termes de vitesse de collecte des données dans les
22:49premiers rangs. Et ce qu'on n'a pas encore pu mesurer, mais qu'on espère pouvoir faire là,
22:54dans les années qui viennent, c'est, est-ce que ça permet aussi de pousser des portes qui étaient
22:59bloquées à certains rangs ? On arrivait à des rangs 5 ou 6 sur lesquels c'était juste plus
23:03possible de remonter derrière pour demander de la donnée. Est-ce que le fait d'être plusieurs à
23:08demander ces données-là sur le même outil, avec un discours commun qui est calculé, voilà,
23:12est-ce que ça permet aussi de pousser les rangs et pas juste d'aller plus vite ?
23:15On parlait parfois quand même de chaînes de valeur qui pouvaient être fragmentées dans
23:19certains secteurs, notamment la mode. C'est si facile que ça. On a beau être en coalition,
23:23c'est peut-être pas encore si évident que ça ?
23:25C'est pas si évident. Après, il y a beaucoup de moyens de collecte différents,
23:28donc ça dépend de ce que vous voulez faire. Aujourd'hui, il y a des outils qui utilisent
23:31notamment l'IA et qui peuvent être très très rapides. Donc c'est basé sur des bases de données
23:35externes. Et on dit, on projette une chaîne d'approvisionnement. C'est théorique, mais ça
23:39permet de gagner du temps. Elle passe à peu près par là, elle a à peu près telles étapes de
23:43fabrication. Nous, c'est vrai que c'est intéressant parce que ça permet de prioriser les risques. Il y
23:49a d'autres façons de faire qui sont plutôt, on va remonter rang après rang. Et là, il faut
23:54pouvoir embarquer. Et à nouveau, c'est très humain, c'est pas que de la data. Il faut pouvoir embarquer
23:58les fournisseurs, les convaincre, les faire participer à un projet de transformation de
24:01toute une filière. Et c'est aussi à la fois plus long et en même temps, un gain de temps infiné.
24:07Parce que quand vous serez dans la partie transformation des pratiques, vous aurez déjà
24:11engagé des contacts avec ces fournisseurs de toute la chaîne. Or, c'est avec eux qu'il faudra
24:15travailler. Donc, il y a différentes façons de faire et ça peut, dans tous les cas, c'est clair
24:21que les initiatives collectives sur ce sujet là vont plus vite. Et si je boucle avec mon point
24:25de tout à l'heure, dans tous les cas, la transformation des pratiques, que ce soit la
24:29formation des fournisseurs ou même de l'investissement commun, par exemple, sur des
24:33gisements de matières recyclées, tout ça, ça peut se faire collectivement aussi. Donc, il y a un
24:37vrai intérêt à se regrouper sur ces sujets là de transition des chaînes d'approvisionnement.
24:42On sent typiquement le gros enjeu de lien avec les fournisseurs. Vous avez commencé à en parler,
24:46Bernadette Pinet-Ecuac, je vous repasserai la parole pour ajouter un complément, si vous le
24:50souhaitez, à ce sujet, parce qu'il y a aussi d'autres initiatives. Mais Annika, peut-être
24:53quelques mots aussi pour comment vous embarquez aussi vos fournisseurs.
24:57Oui, je veux rejoindre complètement Céline sur l'importance du travail avec nos fournisseurs
25:04et leur faciliter la vie. Parce qu'on a parlé de la collecte des données, qui n'est quand même
25:13pas si simple. Il y a quand même un enjeu là-dedans et comment le mettre en place. Parce qu'il faut
25:19des données de qualité qui sont vérifiées. Nous, on les collecte directement auprès des
25:28fournisseurs. On ne peut pas les inventer. Du coup, les fournisseurs deviennent de véritables
25:35partenaires. Nous essayons, pour rendre cette collecte plus simple pour eux, de travailler,
25:42c'est vraiment très concret, avec les interfaces simplifiées, les interfaces qui sont traduites.
25:48Nous, on a beaucoup de fournisseurs en Italie, donc l'interface est en italien, avec des technologies
25:54comme l'IA, qui font la reconnaissance des informations, qui sont des documents qui vont
25:58peupler les champs de l'outil. Et après aussi, construire des ponts, des API, qui peuvent
26:10permettre aussi, parce qu'il y a beaucoup de fournisseurs aussi qui ont mis en place leurs
26:13propres systèmes, pour que les systèmes puissent parler entre eux. La relation avec les fournisseurs
26:24est clé. C'est ensemble qu'on va réussir cette transformation. Avec quand même la difficulté du
26:29côté un peu fragmenté, dont on parlait tout à l'heure. Tout à fait. Mais sur lequel vous avancez.
26:35Alors Bernadette Pinecure, vous avez parlé de KIC tout à l'heure. Il y a peut-être d'autres
26:38initiatives aussi que vous engagez vis-à-vis de vos fournisseurs. Oui, je partage tout à fait la
26:47stratégie et la philosophie que de dire, le vrai sujet de la transformation, c'est comment on
26:53embarque la supply chain du rang 1, du rang 2, jusqu'au rang 4, au rang 5, au rang 6. C'est un
26:59vrai sujet. C'est un travail quotidien. On a lancé, par rapport à la matrice de matérialité que
27:08j'évoquais tout à l'heure, où le sujet était l'empreinte carbone et la traçabilité, et qui
27:16appellent les plans d'action RSE, parce qu'il faut ensuite donner du réel aux intentions. On a
27:27monté deux groupes de travail avec deux fois dix ateliers, accompagnés par la BPI financièrement,
27:35et accompagnés par un consultant. Donc ils ont eu dix jours d'accompagnement et le livrable a été
27:43définissez votre stratégie et définissez votre plan d'action et formalisez votre plan RSE.
27:53Et donc ça a un effet, je dirais, de porosité et en même temps de stimulation, parce que,
28:01bien évidemment, les acteurs sont dans une relation de confraternité et aussi de concurrence. Et donc
28:09c'est des boosters de la transformation. On en arrive, et vous pourrez aussi le commenter,
28:16à ce sujet du post-achat, parce que finalement l'achat ce n'est pas la fin, vous l'avez déjà
28:20évoqué tout à l'heure Gaëlle Delors, et donc vous avez créé Trustplace. En quoi ça consiste
28:26exactement ? Chez Trustplace, on met à disposition une plateforme de création et de gestion de
28:34certificats digitaux qui viennent associer le produit à son propriétaire, donc au client,
28:42au moment de la vente. Donc ça permet deux choses, c'est un nouveau vecteur, au-delà évidemment de
28:49prouver l'authenticité, la propriété du produit à tout moment, c'est un nouveau vecteur de
28:55communication directe entre la marque et ses clients, quel que soit le canal d'acquisition,
29:03y compris quand c'est de l'acquisition indirecte via des distributeurs ou en seconde main,
29:08et ce certificat va suivre le produit tout au long de sa vie jusqu'à la fin de sa vie. Donc
29:15on va pouvoir le transférer de client à client, de propriétaire à propriétaire. Les bénéfices
29:24pour la marque, c'est qu'elle va pouvoir collecter, suivre son produit tout au long de la vie et
29:30collecter tous les événements post-achat et en sortir des données qui vont lui permettre de
29:38prendre des décisions en termes de circularité. Je donne juste deux trois exemples. Ça veut dire
29:42par exemple s'il y a besoin de remplacer une pièce, si on le revend, ça veut dire qu'il y a
29:46une démarche de la part du client aussi qui va le signaler. C'est pour ça qu'on parle bien de
29:52nouveaux canaux de communication et nous on va collecter, je ne sais pas, quels sont les
29:58produits qui sont systématiquement revendus en seconde main, quelles sont les problématiques de
30:05réparabilité sur telle ou telle catégorie de produits, dans quel pays, etc. Donc on vient
30:10collecter cette donnée-là et on la structure pour la marque. Et la réglementation, vous
30:15aide là aussi à avancer dans ce sens-là, clairement avec le passeport. Voilà, alors la réglementation,
30:20surtout la réglementation européenne avec le DPP, le Digital Product Passport, c'est un vrai
30:28accélérateur de marché pour nous. Même si on considère que c'est une belle première étape, ça ne va pas
30:33encore assez loin pour deux raisons principales. Aujourd'hui c'est vraiment de l'information,
30:40donc on demande à la marque de transmettre l'information sur la transparence, la composition
30:45du produit, etc. Mais on n'accompagne pas le client dans ses démarches. Par exemple, on va donner de
30:53l'information sur la réparabilité mais on n'accompagne pas le client sur comment faire réparer
30:59son produit, etc. Donc nous on va un petit peu plus loin pour que la marque puisse en ressortir
31:07des bénéfices aussi en récoltant cette donnée sur les actions du client. Donc ça va, il faut
31:16aller un petit peu plus loin. Et le deuxième point, c'est vrai qu'aujourd'hui on demande aux
31:23maisons d'avoir des produits toujours plus durables, toujours plus responsables, toujours plus réparables.
31:30Mais encore faut-il que la marque ait ces informations et les informations sur la
31:39réparabilité sont clés pour pouvoir garder les bonnes matières premières en stock et assurer
31:45cette réparabilité. Deuxième dernier petit point, la réglementation elle est clé. J'insiste quand
31:52même, le DPP va forcer les marques à intégrer un identifiant unique dans chaque produit. L'identifiant
32:01va être embarqué, va suivre le produit tout au long de sa vie. Cet identifiant ne peut pas
32:09prouver l'authenticité. Donc il faut faire attention, ça peut être
32:14problématique de se dire, j'ai un QR code, ça suffit pour prouver que c'est un vrai. C'est pas
32:19l'objectif de cet identifiant. Il faut être très clair là-dessus. Il reste à peu près trois minutes.
32:24Si chacune veut conclure en 30 secondes, ajoutez un point supplémentaire à quand même une table
32:28ronde qui est bien, avec un contenu très riche puisqu'on a parlé à la fois de transparence, de
32:32traçabilité, de coalition. Céline Cochignan ? Non, je pense que oui, tout a été dit. Là on en est
32:39à la récolte des données. Je pense qu'il faut commencer à paralléliser les autres actions qu'on
32:43a commencées à décrire, mais je sais que les entreprises le prennent en main. Et en effet,
32:47se regrouper sur ces enjeux-là, en tout cas à priori, au moins sur toute la partie amont et
32:53transformation, ça me semble urgent aujourd'hui. Bernadette Pinnikuac, vous voulez ajouter quelque
32:58chose ? Je pense que le nouveau paradigme, effectivement, c'est la coalition. On voit
33:05aussi dans la coalition le rôle des partenaires sociaux, qui est de plus en plus important à
33:10travers les directives européennes et les lois françaises. Donc il y a une extension des parties
33:17prenantes et effectivement l'union fait la force. Annika Morson-Fald ? Je pense que l'arrivée de ces
33:25réglementations, c'est à une fine quelque chose de très positif, parce que ça accélère aussi des
33:29bonnes pratiques qui étaient déjà en place dans nos maisons, partout dans le luxe. Évidemment alléger
33:37la pression sur le fournisseur, mais juste d'un petit mot, je pense qu'il ne faut pas oublier les
33:41équipes internes. Pour y arriver, il faut de la transformation en profondeur de l'entreprise et
33:48pour que cela fonctionne, il faut aussi travailler sur son culture de développement durable,
33:53l'instaurer. Donc il faut faire un plan aussi pour ça. Gaëlle Delors ? Je n'ai rien à rajouter. Je
34:01pense vraiment que faire en sorte qu'on communique et qu'on soit transparent avec le client,
34:07c'est un vrai différenciateur, surtout dans le cadre, ça a été dit tout à l'heure, mais surtout
34:13avec des maisons de luxe, c'est déjà dans l'ADN du luxe et il faut intégrer le client dans cette
34:21démarche et le responsabiliser autant qu'on le puisse. Alors j'en profite avant de vous remercier
34:29puisqu'on a parlé d'un livre tout à l'heure, un autre livre dont je vais vous parler, puisque ESG
34:33était partenaire de cette table ronde et donc ils ont lancé prochainement le livre Les horizons
34:39du luxe, c'est un concept un petit peu inédit. Il est à l'initiative d'un programme justement de
34:44l'IAG qui est dédié au métier du luxe, inédit aussi par sa formule. Ce sont 25 entretiens avec
34:5025 grandes figures du secteur du luxe, de l'événementiel et des médias. Hélène Vallade,
34:54qui viendra en conclusion tout à l'heure, a fait l'honneur d'un entretien pour la conclusion de ce
34:59livre. Il y a beaucoup de choses et beaucoup de documentations. Les horizons du luxe par l'IAG
35:04Luxury Management à suivre de près, ça va être lancé tout prochainement. Encore merci à toutes
35:09les quatre d'être intervenues, on peut vous applaudir. Merci beaucoup.