Anne Fulda reçoit Olivier Norek pour son livre «Les guerriers de l’hiver» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'Heure des Livres Olivier Norek, alors on est ravi de vous recevoir.
00:03Vous êtes connu comme auteur de polars, vous en avez publié moins d'une dizaine,
00:10vous êtes servi de votre expérience de policier et là vous venez de publier un roman historique cette fois,
00:17un roman qui s'appelle Les guerriers de l'hiver qui est paru chez Michel Laffont,
00:22un roman qui est prenant, singulier et effectivement différent de ceux que vous avez écrits auparavant
00:28et un roman qui vient de recevoir le prix Jean Giono.
00:31Alors vous nous conduisez en Finlande en novembre 1939,
00:38vous revenez aussi ainsi sur un épisode qui est assez méconnu dans l'histoire de la seconde guerre mondiale,
00:45c'est-à-dire l'invasion de la Finlande par l'URSS,
00:49pourquoi diable vous vous êtes intéressé à cet épisode,
00:52parce que vous estimez qu'on n'en a pas assez parlé, que c'est un épisode trop méconnu ?
00:57Des épisodes méconnus il y en a beaucoup,
00:59mais j'ai regardé, j'ai scanné un petit peu un siècle de relations avec la Russie,
01:05mais en tant que citoyen, avec tout ce qui se passe aujourd'hui,
01:08je pense qu'il est essentiel de regarder hier pour comprendre aujourd'hui et demain,
01:11et en scannant ces relations avec la Russie, j'ai découvert une guerre qui a été oubliée,
01:14mais pas juste oubliée, qui a été effacée des manuels scolaires.
01:17Et pour un ancien flic comme moi, pour un ancien capitaine de police pendant 18 ans en PJ,
01:21je sais que quand on efface quelque chose c'est qu'il y a un loup,
01:24je suis allé regarder, j'ai pris mon sac à dos et je suis parti en Finlande pendant 3 mois
01:27pour essayer de comprendre cette guerre et pour essayer de comprendre ce qui s'est passé.
01:30Pourquoi un pays de 171 millions de personnes, donc un pays continent comme la Russie,
01:34un jour décide d'attaquer une nation infinitésimale qui est la Finlande ?
01:38Quelles étaient les raisons ? Quels étaient les ressorts ?
01:40Et surtout, pourquoi on a effacé cette guerre ? Et tout ça c'est évidemment dans le bouquin.
01:44La Russie qui est à l'époque l'Union Soviétique.
01:46Tout à fait.
01:48Alors ça commence par une prétendue attaque
01:51que l'URSS, l'armée rouge, aurait subie de la part de la Finlande
01:55qui donne le prétexte à cette attaque, prétexte pour Staline.
02:00Est-ce que, en fait, normalement, j'imagine que c'est ça aussi qui vous a intéressé,
02:05c'est que cette campagne, cette guerre qui a duré 3 mois,
02:08elle aurait dû être pliée en deux temps trois mouvements ?
02:10C'est-à-dire qu'il y a une telle inégalité de moyens entre la Finlande et l'Union Soviétique,
02:17que ça aurait dû vraiment être le temps de dire bonjour, merci.
02:22En gros, c'est ça.
02:23Staline avait même prévu de fêter son anniversaire quelques dix jours plus tard
02:27sur les marches du Sénat de la Finlande,
02:29mais il va se casser le nez sur un gigantesque mur de glace.
02:32Et c'est dû à quoi ?
02:34C'est dû à quelque chose que moi j'estime être la juste cause.
02:36Les soldats russes, eux, se battaient parce qu'ils ont reçu un ordre.
02:40Et un ordre, c'est pas grand-chose.
02:42Les soldats finlandais, eux, se sont battus parce qu'ils avaient une juste cause.
02:44Ils se battaient pour leurs terres, pour leurs fermes, pour leurs pays et pour ceux qu'ils aiment.
02:48Aujourd'hui, on peut faire un corollaire avec l'Ukraine.
02:50Pourquoi l'Ukraine, ça dure si longtemps ?
02:52C'est parce qu'il y a aussi une juste cause.
02:54Ils se battent pour leurs fermes, leurs terres, leurs nations et ceux qu'ils aiment.
02:58Et donc, la Finlande va se lever comme un seul homme et comme une seule femme aussi,
03:02puisqu'il y a quasiment autant d'hommes et de femmes qui sont partis au front pour se défendre.
03:06Ce qui est incroyable, c'est qu'ils partent dans une guerre qu'ils savent perdue d'avance.
03:09Alors évidemment, ça se fera pas en dix jours, ça se fera en 113 jours.
03:12Mais ils savent, dès qu'ils commencent, que cette guerre est perdue.
03:15Ils partent avec l'honneur, le courage et aussi la volonté de défendre une nation
03:19qui, à l'époque, n'a que 20 ans d'indépendance.
03:21Alors, vous suivez tout particulièrement un jeune tireur d'élite, Simo Aïa,
03:25je ne sais pas si je peux vous le dire.
03:26Vous le prononcez parfaitement.
03:28Que les Russes ont surnommé la mort blanche.
03:31Alors, c'est une véritable légende.
03:33C'est une légende.
03:34Et justifiée.
03:35Tout à fait.
03:36Alors, c'est une légende, c'est même plus que ça, c'est un mythe.
03:38Alors, la légende, oui, c'est un formidable sniper.
03:41La légende, oui, c'est que personne n'a réussi presque jamais à ne serait-ce qu'égratigner
03:45ou que faire une estafilade à l'uniforme de Simo Aïa,
03:48alors qu'on l'attaquait avec des tanks, qu'on l'attaquait avec des avions,
03:50qu'on l'attaquait avec des fusils anti-chars.
03:53On lui envoyait derrière quatre ou cinq snipers,
03:55mais jamais personne ne réussissait à toucher Simo.
03:57Donc, ça, c'est pour le côté légende.
03:59Mais moi, je rajouterais que c'est un mythe.
04:00Un mythe parce qu'il y a encore aujourd'hui des choses qu'on n'arrive pas à comprendre.
04:03Personne n'arrive à comprendre comment Simo Aïa restait allongé
04:06pendant cinq ou six heures dans la neige par moins 50 degrés,
04:08parce que c'est la température qui va accompagner ses 113 jours de guerre,
04:11sans mourir, tout en contrôlant son esprit, son cœur, son corps parfaitement.
04:17Personne n'a réussi à comprendre comment Simo Aïa réussissait à tirer
04:20sans lunettes de visée à des tirs qui atteignaient parfois 500 mètres.
04:23En fait, Simo Aïa réussissait à tirer là où l'œil ne voit pas.
04:27Beaucoup de questions qui se posent autour de ce soldat
04:29qui est devenu légende et qui devient mythe aujourd'hui
04:31parce que les plus grands snipers sont incapables d'expliquer aujourd'hui
04:34les résultats de ce jeune gamin qui avait 30 ans et qui mesurait 1,52 m.
04:38En gros, il faisait la taille de son fusil et il avait un visage d'enfant,
04:42ce qui fait que toute arme entre ses mains était vraiment incongrue.
04:46Dernière question, votre livre s'est retrouvé sur plusieurs listes de prix littéraires,
04:50dont le Goncourt. Vous venez de remporter le prix Jean Giono.
04:54Est-ce que c'est important cette reconnaissance ?
04:57Jusqu'alors, vous aviez la reconnaissance des lecteurs
04:59et la reconnaissance des critiques, des grands prix. C'est important pour vous ?
05:03Ce qui est important, c'est de montrer que la limite est floue,
05:09que la limite est vraiment ténue dans la recherche de la belle écriture.
05:13Comment vous expliquer ça sans pas me griller pendant 10 ans
05:16auprès de tous les autres prix ?
05:18Je pense qu'il n'y a pas d'histoire d'amour, il y a des preuves d'amour.
05:22Je pense qu'il n'y a pas de belle écriture, il y a des actes d'écriture.
05:26Et cette belle écriture, je l'ai rencontrée dans la romance,
05:29je l'ai rencontrée dans le polar, je l'ai rencontrée dans le thriller,
05:31je l'ai rencontrée dans la dystopie, dans la science-fiction.
05:33Et je pourrais vous citer Barjavel, Maupassant, Flaubert, Laclos,
05:36qui sont tous des auteurs de littérature populaire.
05:39Et ce travail qui a été initié par Pierre Lemaitre,
05:42qui lui aussi était un auteur de polar et qui a décroché le Goncourt,
05:45ce travail de rendre encore plus flou ces limites,
05:48pour montrer qu'en fin de compte, ce n'est pas à la littérature populaire
05:51de mieux écrire, mais parfois, de rajouter soi-même
05:54une étagère à nos bibliothèques, parce que la belle écriture,
05:58elle est partout, et donc ça invite les lecteurs de littérature blanche
06:02à aller faire un tour dans la littérature populaire,
06:04et l'inverse, ceux qui ne lisaient que de la littérature populaire,
06:06d'aller regarder dans la littérature blanche.
06:08En fait, j'invite à tout le monde à remplir toutes les cases de cerveaux disponibles
06:10pour y mettre de la culture dedans.
06:12– Très bien, alors en attendant, lisez « Les guerriers de l'hiver »,
06:15c'est donc paru chez Michel Laffont.
06:16Merci Olivier Norel.
06:17– Merci Avouane.